Si on le lui demandait, Mars ne saurait probablement pas répondre à la question "que fais-tu là?". Mais a-t-il besoin d'une raison pour se dissiper sur les dunes, même à une heure si avancée de la journée? Il lui semble que le sommeil cherche à le fuir, ces derniers temps, qu'il ne dort que d'une oreille, dans tous les cas. Alors autant se dégourdir les jambes comme on peu, n'est-ce pas? Cependant, l'idée même de poser cette question à quelqu'un d'autre ne lui était pas venu, jusqu'à voir cette lumière, au loin, qui disparut un peu rapidement. Froncement de sourcil, et le voilà, qui, déjà, se rapproche de la source mourante.

Et c'est à son tour, maintenant, de rapprocher sa lampe de Gabriel, c'est à son tour d'illuminer son visage sans prendre le moindre soin de la dissimuler aux yeux de l'homme. Il analyse rapidement sa posture, son visage, et, non, définitivement, il ne l'a jamais vu. Et c'est aussi pour ça qu'il demande : "Que faites-vous?" Ironique, n'est-ce pas? Mais il faut dire que tout, dans cette rencontre, a le goût de l'inconnu. Qui transporterait un sac aussi large, totalement vide, dans le froid de la nuit, alors que le sable cherche à absorber nos pieds? Il est curieux, bien à son habitude, mais ne cherche pas à l'assassiner de questions, baissant la lumière du visage de l'inconnu, cherchant vaguement son regard, malgré la pénombre qui les entoure. "Ce n'est pas prudent de ne se promener de nuit qu'avec une seule lampe." Et dit-il ça pour le mettre en garde? Pour lui affirmer qu'il doute fortement qu'il soit un Oublié en promenade de santé? Que cherche-t-il à transporter, dans cette énorme besace? Il se doute que la seule raison pour laquelle il n'a pas fui en voyant la lumière approcher, c'est parce que lui-même n'en a plus. Il ne chercherait pas à s'enfuir alors qu'il est le seul à pouvoir le guider, si?

Était-il vraiment venu sauver ce gars qui venait de se paumer dans le désert? Il n'en était pas certain, pas du tout. Il restait tout de même un peu méfiant, bien qu'il soit venu de son propre chef vers cet inconnu. Cela voulait donc bien dire qu'il avait eu l'intention d'aider, d'une manière ou d'une autre. Mais aider ne voulait pas dire être un naïf fini. Aussi resta-t-il dubitatif face à sa réponse, mais décida de ne pas trop le montrer, se contentant de répondre d'un ton détaché.

"Je vois. C'est une heure assez surprenante pour ainsi partir à la quête de trésors dans un tel milieu."

Mais il n'est pas là pour faire la police, franchement, qu'est-ce qu'il en avait à faire, s'il venait récolter quelques cailloux? Mais sa réponse semblait tellement tiraillée, tellement fausse, comme si le mensonge était presque tangible. Combien de cailloux comptait-il ramener avec un si grand sac? Il se le demandait, essayait de penser logiquement, dans tout ça. Mais peut-être n'était-ce pas le moment de se retourner le cerveau pour un vieux avec un sac vide, après tout. Cependant, il était un peu réticent à l'idée de lui donner sa seconde lampe de poche, peut-être par peur que le même schéma ne se reproduise pour lui.

"Tout dépend de votre destination. Je peux vous raccompagner dans un endroit plus sûr, jusqu'au campement si vous le souhaitez."

Mais il n'était pas sûr que ce soit ce qu'il souhaitait. N'était-il pas là pour récupérer quelques babioles? Il souffla après une courte réflexion.

"Vous pourrez peut-être repartir avec d'autres piles et retenter votre chance la prochaine fois."

Hm. Il était vrai que peu de personnes s'aventuraient dans les dunes à une telle heure, il n'allait pas le nier. Était-ce pour cela qu'il était ici? Il décida de faire taire ses incertitudes, après tout, ce n'était pas ses affaires s'il était là pour récupérer des cailloux ou des coyotes.

"Beaucoup, en effet, sauf moi, apparemment."

Et le voilà qui offre un léger sourire, peut-être pour rassurer Gabriel, peut-être pour se rassurer lui, qui sait? Il souffla légèrement et décida que s'il ne lui mentait pas, il n'avait aucune raison de se méfier de cet homme. Si on omettait son énorme sac. Mais des chercheurs de trésors, il en avait beaucoup croisé, ce ne serait pas la première fois qu'il resterait sceptique face à eux.

"Mars, du désert mais je suppose que c'est assez logique."

Et ils se serrent un peu la main, ils se disent des politesses (la routine) et les voilà qui marchent vers le campement des nomades. Il y a dans l'air une certaine tension pleine de questions, que Mars décide de briser car il déteste définitivement ce genre de sentiments.

"Vous êtes une sorte de collectionneur, alors? Vous ne prenez que des pierres?"

Il faut bien commencer par les questions les plus banales, pour obtenir quelques informations? Bien qu'il soit nettement plus détendu, la marche jusqu'au campement ne se ferait pas en un rien de temps, ils allaient bien devoir se contenter du silence, ou bien de petites conversations futiles au clair de la lune.

Mars pourrait poser des questions, plus de questions. Que faire de ce couteau? Le planter dans la roche en espérant en retirer quelques fragments de plus? Se défendre des animaux sauvages, présents entre les dunes? Ils se faisaient plus fréquents de nuit, il est vrai. Mais au lieu de ça, il vaut mieux faire la conversation habituelle, comme si de rien n'était. De toute façon, s'il était trop louche, il aurait encore moyen de l'abandonner ici, dans le sable, sans le moindre remord. Mais son discours semble être celui de quelqu'un de passionné, alors il sent moins cette impression d'être roulé dans la farine, il acquiesce plus ou moins, n'ayant même pas songé à cette histoire de cailloux de tours jusque maintenant.

"Eh bien, j'espère que vous en aurez encore assez pour continuer vos expériences, au final."

Est-ce là simplement de quoi meubler la conversation? Probablement. Et la suite le surprend un peu, et il prend quelques minutes avant de répondre, les chaussures s'engouffrant dans le sable à chaque pas.

"J'ai du mal à dormir, rien d'incroyable. Je suppose que les balades nocturnes sont moins éprouvantes, puisque le soleil ne vient pas nous assommer."

Et que les étoiles avaient quelque chose de plus doux que le ciel bleu des journées, finalement. Le désert semblait encore plus silencieux de nuit.

"Vous êtes de ces nouveaux arrivants?"

Peut-être était-ce la curiosité du nouveau monde, qui le poussait à s'aventurer ici à une telle heure de la nuit.

Mars est plus intéressé par les paroles de Gabriel que ce qu'il ne laisse paraître. À dire vrai, il est même plutôt curieux de savoir exactement quelles explications il pourrait trouver à propos de ces pierres. Mais peut-être n'est-ce là pas son domaine, peut-être risquerait-il simplement de se faire remettre en place, s'il mettait trop son nez dans les affaires de Gabriel. Alors il se contenta d'un sourire, d'un hochement de tête, et puis finalement, pour continuer la conversation :

"Je peux comprendre. Je cherche moi-même beaucoup de vestiges, ou de réponses à tout ce qu'il se passe sur Althéa. Et sur Terre aussi, maintenant, avec ces Transcendés qui arrivent. Les pierres en disent parfois beaucoup."

Mars écoute vaguement ses superstitions et rit un peu. Oh, oui, il pourrait bien se montrer trop vulnérable, mais... Au moins serait-il reposé, quand la fatigue viendrait enfin le chercher (l'épuisement, plutôt, les cauchemars hantent ses rêves).

"Si le sommeil veut bien de moi, j'écouterai vos conseils."

Il acquiesce vaguement, car il est vrai, après tout, que tous ne survivent pas à la chute. Une chance? Certains appellent ça une malédiction. Il n'en sait rien, en ce qui concerne Gabriel. En tout cas, il a employé le terme de chance, c'est qu'il doit tout de même être heureux d'encore exister.

"Je n'ose imaginer le nombre de cadavres découverts dans les sous-terrains depuis que ceux ayant survécu sur Terre se jettent à Althéa."

Et au loin, les lumières du campement dans la nuit.