C’est alors que Rachel lui fait remarquer que Pavel réalise à ton tour que depuis l’effondrement de la Tour, sa vie avait été sujette à plusieurs changements ; tantôt anodins, tantôt exceptionnels. Naturellement, comme elle l’avait pointé, Rachel n’était pas aux parfums de ces ajustements, et ce, pour la simple raison que Pavel, après avoir essuyé un silence, n’était pas masochiste au point de retenter l’expérience. Une partie de lui pensait que ça ne l’aurait pas intéressé, de toute façon, d’être mise au courant de façon intempestive des trivialités de sa vie. Il est souvent dit que la vie est un enchaînement de décisions, de choix qui s’embranchent en un million de chemins et c’est alors qu’elle est assise dans son salon, mains couvrant son délicat visage que Pavel se dit que s’il n’avait jamais envoyé ce souhait d’anniversaire, alors, peut-être que leur situation seraient encore stagnante comme l’étendue d’un lac.

« Depuis… depuis… » Il cherche dans sa mémoire comme s’il s’agissait d’une information datant de des années tant il s’était rapidement adapté à la présence d’Eon qui, il fallait l’avouer, déplaçait autant d’air qu’une cigale sur son arbre. « Mi-avril ? Ça va bientôt faire un mois. »

Pavel ne peut que sourire bêtement à la constatation factuelle de sa femme ; préférant ne rien ajouter et ne pas la faire se sentir mal. Qu’était-ce un mois face aux années (il espérait) de vie à deux ? Et s’il y a deux minutes à peine, son sourire se voulait maladroit, il s’étire, laissant place à la joie qui illumine son visage, car Rachel confirme qu’elle veut bien rester à coucher. « Au contraire, tu es la bienvenue, ici ! » Il se permet de parler pour Eon, car il sait que son colocataire ne sera pas importuné par elle qui, contrairement à l’ouragan qu’est Jade, est fait de sucre, d’épices et d’un tas de bonnes choses. Sa voix s’élève à nouveau et Pavel se demande ce qu’elle veut dire par ‘première nuit’, mais ne s’y attarde pas davantage, préférant renchérir sur la visite de l’appartement.

C’est à son plus grand bonheur qu’il constate que peu à peu, Rachel prend son aise, n’attendant pas à ce qu’il l’oriente. Rapidement, il la rejoint, se positionnant derrière elle.

« Oh, mais tu pourrais. » Il répond sur le même ton, néanmoins, y camouflant une part de vérité. Certes, les finances seraient plu serrés, mais si c’est que le prix à payer pour pouvoir la voir à chaque matin, eh bien, ce n’est pas si mal. Puis, il rajoute : « Je suis ravi que ça te plaise. » Il l’aimait bien cet appartement (témoignage d’une personnalité récalcitrante face aux changements, car oui, cela allait bientôt faire 5 ans qu’il l’habitait). Pavel rit nerveusement malgré l’absence de malentendu associé au nom de Claire. « Oui, parce que c’est plus économique d’avoir un pied à terre dans les autres pays. C’est d’ailleurs comme ça qu’on s’est connu ; elle avait posté une annonce en ligne. » Puis, de fils en aiguille, ils étaient devenus amis.

Pavel ne lui en voulait pas, l’après-tour avait été éprouvant pour tout le monde, lui y comprit, mais c’aurait été mentir de dire qu’il n’avait pas souffert de son silence. Il mit une main sur son épaule et y appliqua une pression suffisante pour la faire basculer vers l’arrière, dans ses bras, dans lesquels il l’enveloppe. Maintenant qu’ils sont un vrai couple, il peut se le permettre, pas vrai ?

« Je n’en t’ai pas voulu, après tout, on a tous nos façons de gérer ce genre d’événement. » Lui c’était le déni et ne pas y penser. « Tu es déjà pardonnée… je veux dire… tu m’as offert le plus beau des cadeaux. Je n’aurais pu espérer mieux. »

Et il s’arrête là, la libérant, car il sent que s’il continue, il va simplement pleurer de joie. Rachel, elle compte à ce point. Avant qu’il ne croule sous l’émotion, Pavel change de sujet, le réorientant sur la visite de l’appartement. Bien qu’il soit réticent à l’idée (le ménage étant la première raison, la seconde était la peur irrationnelle qu’on y trouve des choses compromettantes comme un sous-vêtement Jade), il s’exécute et lui fait visite. L’appartement est à air ouverte, la cuisine et la salon sont connectés par une absence de murs, sur le côté, on y retrouve deux chambres ainsi qu’à la salle de bain. C’est en l’incitant à monter les marches menant vers la mezzanine qui surplombe le salon, qu’il arrête ses explications.

« Est-ce que as besoin de quoique ce soit ? » Il lui demande, incertain de si elle avait des bagages avec elle, avant de tirer sur la languette qui révèle un lit double camouflé dans le mur. Puis, il regarde rapidement l’heure sur son holokit. Il se faisait tard, mais pas suffisamment pour aller au lit (du moins à son avis). « Une fois installée, est-ce qu’un film te tenterait ? »

À vrai dire, il ne savait pas quoi lui proposer, vue l’heure, mais il voulait quand même finir la soirée sur une belle note.

Est-ce que Rachel était en train de lui faire la moue ? Que pouvait bien être la cause de ce changement d’humeur, Pavel se demandait, alors qu’il commençait lentement, mais sûrement à ramasser le désastre portant le nom de gâteau ainsi que les assiettes, pendant que la jolie blonde s’afférait à l’exploration de sa modeste demeure (et si elle désirait s’en permettre à toucher à tout telle une enfant dans un magasin de jouet, Pavel y en tiendrait certainement pas rigueur). Il finit sa tâche et va la rejoindre à temps, car elle se retourne et le foudroie du regard, ce à quoi le rouquin répond à reculant d’un pas prudent, un sourire nerveux se traçant sur la fine ligne de ses lèvres. Dissimulé dans ces questions, n’y avait-il pas une pointe d’accusation ?

Pavel n’aurait su le dire, y voyant la une Rachel simplement intéressée par la manière simplette, mais économe dont il vivait sa vie. « Oui, Erina. » Dit-il innocemment avant de se rendre compte que cette Erina était, tout comme Claire, une jeune femme, et donc à des malentendus. Et il ne voulait surtout pas donner la mauvaise idée à sa nouvelle copine qu’il s’entourait que de femmes. « Ma cousine. »

Il ne se souvenait plus s’il lui en avait déjà parlé, peut-être que si, mais jamais au point que ça l’ait marqué. Et pourtant, elle était (elle l’est encore) importante, Erina. Pavel ne savait pas non plus où Rachel était allée pêcher l’information qu’il manquait d’argent, mais se dit qu’il avait dû l’insinuer à force de parler de point de chute et de besoins d’économiser. « À vrai dire, j’y ai pensé plusieurs fois, mais je ne voulais pas t’importuner… » Rachel gérait sa propre boutique, était sa propre employée, possiblement qu’elle avait mieux à faire de ses soirées que de les lui dédier. « Mais tu sais, quand tu me l’as proposé la dernière fois, j’étais vraiment très heureux. »

Avec excitation, il aurait inventé une excuse bidon à la cuisinière. Seulement, il n’y avait pas eu de prochaine fois. « A-aïe, » est le bruit par des joues tirées et elle l’étonne, Rachel, car il n’a jamais vu cette partie d’elle. Et il se demande si elle lui cache d’autres surprises, d’autres facettes de sa personnalité ? Le sujet bascule (tout comme elle) en douceur et Pavel tente du mieux qu’il peut d’apaiser ses angoisses et que l’important dans tout ça, c’est qu’elle soit revenue. Qu’elle est là, ce soir, dans ses bras.  

« Bien sûr, » qu’il répond lorsqu’elle exprime l’envie de se doucher. Pavel s’affaire à lui sortir le nécessaire sans oublier, cette fois-ci, d’y fournir une serviette. Et un t-shirt, acquiesçant également à cette demande qui ne l’importunait pas, au contraire. Sans lui avouer, il s’était souvent demandé à quoi pouvait-elle ressembler, flottant dans l’un de ses vêtements deux tailles trop grands pour elle. Pavel est dans sa chambre et y cherche un t-shirt propre sans motifs embarrassant et à défaut d’en trouver, il décide finalement de prendre celui avec le logo d’un animé quelconque.

Il lui tend le vêtement avant de répondre.

« Bah, désormais, ma maison est ta maison, donc oui, bien sûr que tu peux rester. » Pavel était que ça ne dérangerait pas Eon. À la mention de Souvenir, il marqua une pause, la surprise flashant dans ses yeux. À son souvenir, qu’il fasse beau, qu’il fasse froid, Souvenir ne fermait pas. Était-ce la manifestation physique de la peine qui l’avait accablé ces derniers jours, ces dernières semaines ? Mais il s’agissait là d’un sujet qu’ils pourraient aborder à tête reposée. « Euuh… un grand événement… Ah, si ! Je crois qu’il va y a voir la célébration de la victoire de la coupe de… » Il ne savait pas. « Foot ? Quelque chose comme Celestia est sortie vainqueur du championnat ? »

Pavel n’était un amateur de sport.

« En somme, il va y avoir une grosse fête pour fêter notre équipe. Tu, euhm… tu aurais envie qu’on y aille… toi et moi, comme…. Premièredateofficielle ? »

Et pendant que Rachel serait dans la douche, il en profiterait pour ramasser et poser ce qui reste du gâteau sur le comptoir de la cuisine, se disant qu’il pourrait possiblement en déposer une pointe  de façon anonyme sur le bureau de son patron quand viendrait lundi.