La douce Azalée au bras, ce sont les bois qu'ils parcourent, la tête un peu en l'air, à la recherche des nuages dans ces landes inconnues entre deux broussailles. C'est lui, qui a voulu y aller. Las du soleil, de la chaleur qui crame la peau qui rougit son corps, plus que les traces de mains de Mariette qui avaient eu bien du mal à partir sur ses joues pouponnes. Et les voilà aux ombres des grands arbres, qui enjambes les fourrées avec dextérité. Oh, Acace n'a pas à se méfier de ces plantes aux odeurs de printemps. La floraison s'annonce, avec elle le pollen qui flotte entre les troncs, petits nuages qui mentent de leur apparition. On se croirait encore au paradis, dis, petit démon.

« Je crois que nous nous sommes perdus. »

Et il ne ment pas : impossible de retrouver le chemin duquel ils viennent. Mais ce n'est pas surprenant, comme ils se sont évadés entre les branches avec tant d'avidité, comme ils ont avancé sans trop se questionner. Peut-être était-ce là leur but, finalement. Et les ventres grognent, car le soleil est depuis bien deux heures dansant vers l'ouest, et ils n'ont pris de pause pour se sustenter. Acace se penche, et se redresse, de nouvelles fleurs rouges dans les mains, et les enfile dans la chevelure de jais de la douce jeune fille qui, dans ces profondeurs, l'accompagne. Il sourit un peu, de ce petit air malin qu'on lui connaît si bien.

« Tu t'ornementes de tes comparses, et pourtant tu restes la plus belle d'entre elles. »

Oh, doux charmeur qu'il est, il rit, il rit, s'enfuit entre deux grandes herbes et, oh, oh. Là, tout devant lui, vieux bâtiment aigri aux douceurs des après-midis. Il y a les plantes qui grimpes sur les clochers effilochés et les bruyères qui courent le long des pierres. Et dans ces pierres blanches, le démon de la cathédrale, tout de rouge et noir vêtu. Acace qui s'était pris aventurier, pourtant, avait enfilé baskets et t-shirt simple, toujours encore bien habillé, de ces grands jeans qui mettent sa petite taille en valeur. Il n'y peut rien, lui, s'il aime les beaux habits. Il tourbillonne un peu et se poste face à Azalée.

« Une prière, ça te dit? »

Azalée est la plus douce des fleurs en ces montagnes rapiécées. Oh, c’est qu’il a encore le goût de la chaleur des peaux blotties lors de quelques nuits d’insomnie, les mains égarées dans les cheveux, dans les dos. C’est ainsi que se forment les amours des loups en troupe, mais le duo est bien faible face au sable du désert, s’anime parmi les broussailles car il le faut bien, et les bois enchanteurs sonnent leurs chansons à tue-tête. Il laisse la belle conter quelques poésies sur les fleurs, il la laisse retourner ses compliments, ornementer ses joues doucement empourprées. Ah, ça le fait bien rire, il a le sourire en rayon sur le faciès, de ceux des enfants un peu naïfs (de ceux qui s’oublient aux bras des douces fleurs pour laisser enfin le bonheur en son être). Les maux le quittent car la belle a de ces doux baisers rassurants, il oublie un peu ses quelques épopées passées, il n’est plus trop démon, aujourd’hui.

« Que dis-tu, nous sommes simplement maîtresse et maître de ces quelques buissons, c’est que la forêt nous acclame. Les coquelicots rougissent de notre présence, ce ne serait à moi de les faire fleurir. »

Il nie un peu, c’est ce qu’il fait de mieux, mais saurait-elle lui en vouloir ? Oh, non, elle a l’amour en mélodie qui ricoche dans sa poitrine pour un tel ange aux pétales de printemps. Elle a les idées en folies en grandeurs, et Acace la suit car il ne se doute pas des maux qui martèlent le crâne. C’est que Dimitri a encore dans son sillage laissé les maux en sillons ardents sur les peaux qui ne se cachent plus. Il a le sourire sur le bord des lèvres, il a la tête qui se tourne vers les mains liées, vers l’espoir qui y naît. Oh, ils sauraient faire de cette église leur petit foyer du soir, ils danseraient sur les autels qui ne leur ont jamais appartenu, feraient des cavernes rocheuses effondrées leurs propres chorales au chœurs dissonants.

« Tu me proposes ici bien des envies nouvelles, qui serais-je pour refuser orner les couronnes de fleurs sur des statues aux visages démantelés. »

Et bientôt, coup de pied. Le nez de la pauvre s’effondre au sol, vulgaire caillou bien amoché. Elle ne ressemble plus à rien, la vilaine, il faut remplacer le morceau du visage manquant par la fleur d’hortensia, la grimace sincère. Oh, Hortense, tu poursuis les maux dans les plus belles des familles dans lesquelles tu n’as plus ta place. Alors tu seras le démon de ce temple-là, tu seras celui qu’il faut haïr pour mieux prier.

« Cette statue-ci sera la plus détestable, il faut des enfers dans chaque église. »

Oh, non, l'hortensia a le nez qui déborde de ses beautés, elle a les yeux en orbite, les mains en liaisons dangereuses. Mais Acace n'est plus dupe de ces tromperies, il sait reconnaître les traîtrises, sait poser des mots sur ses maux. Il a envie de rappeler à Azalée toutes ces souffrances endurées car Hortense. Et il n'y avait pas de suite à ces mots là, car, finalement, il n'y avait de fin. Mais il n'aurait la main sur le cœur pour une enfant au faciès envenimé, non. Il n'aurait que la destruction dans les pieds, n'est-ce là bien assez? Et la poitrine en est déchirée, c'est bien là tout ce qu'elle mérite, la pauvre petite peste détestée. Grands yeux bleus, il a l'impression de la revoir dans ces yeux de statue là, Marie, il faut cesser d'importuner les cauchemars des enfants. Et elle s'en meurt, tas de pierre écrasées, ça le fait sourire, ça le fait bien rire. Quel destin tragique, non? C'est si triste mais enivrant, la mort des fleurs en boutures.

« Quel dommage, moi qui comptais me délecter de cette vision déchue plus longtemps encore. C'est qu'elle a les pétales qui fanent si vite, elle a la lâcheté en son sein, à n'en pas douter. »

Ou est-ce la force brute de leur vandalisme qui force à l'effondrement? Il y a le ciel en sang, et Acace accourt car il faut voir le spectacle aux côtés de la plus belle des fleurs. Oh, ils s'étendent bien vers le ciel, anges sans ailes qui rêvent de revoir le bonheur tout là-haut. Peut-être n'auraient-ils pas dû sauter, mais seraient-ils bien moins heureux car le destin ne réunit que les âmes en peine quand il y en a besoin. Et ils épongent leurs doutes, aujourd'hui, face à ce qu'ils bâtissent à deux.

« Celui des étoiles et du soleil, aussi. N'est-ce la vie qui nous appartient toute entière? Je te trouve bien poétesse en ce beau temps. Est-ce le péché dont tu ne veux te repentir qui te rappelle quelle impératrice du monde tu es? »

C'est que ses propres péchés, il ne les lave pas, enfouit son doux visage contre la poitrine au cœur battant de sa sœur. Oh, oui, ils sont princes, rois du monde sur ce bout de terre où personne ne viendrait bien les trouver. Il la serre fort, enfouit le visage dans le col et redresse la tête de ces sourires sincères, encore innocent du démon attendri face à l'ange. Oh, Azalée, ne dévoiles-tu pas les meilleurs côtés de cet enfant acharné des terreurs et colères sur les beaux visages? Il n'y a que sur le tien, que les larmes et la rage ne collent pas, qu'il supplierait le ciel d'orner tes jolies lèvres d'un doux sourire. C'est que l'amour rend un peu fou quand on ne veut plus en lâcher les parures.

« Et le sang sur nos habits, c'est celui de nos batailles contre le monde. »

Ils gagneraient tout; ensemble.

C'est qu'il ne laisserait personne ainsi perturber sa magnifique chevelure, si ce n'était pour cette reine des vagabonds, pour celle vers qui il lève des yeux brillants, à qui il sourit alors même qu'il n'a plus les cheveux tous lisses. Oh, Azalée, c'est de cette famille dont il veut se parer, celle que tu constitues pour l'instant seule. Aurez-vous, peut-être d'autres frères et sœurs? Il aimerait oublier celle qu'il a abandonné aux mains des transcendés (sous les sons déchirants des pleurs suaves). Il n'a rien du courage que l'on pourrait lui songer, Acace, ne rêve que de ce cocon qu'il aperçoit entre les yeux des fleurs. Il a le sourire sur les lèvres, quand il s'allonge tout en étoile sur les sol humide des herbes hautes.

« Vraiment? Entre quelques fourmis, fleurs, et églises démembrées? »

Peut-être serait-il temps que les enfants vicieux prennent la pureté en amour. Mais Acace n'a que le sourire du diable, sur le bout des ses lèvres, quand il regarde la douce fleur à ses côtés. Fleurs sauvages, toutes deux amourachées de la nature qu'ils ne côtoient plus que sous forme aride, dans leur désert de pacotille. Il étend les bras, tel un chat, et souffle de tous ses poumons, comme s'il allait effacer les quelques nuages dans le lointain.

« Tu as raison. Nous sommes sur l'empire des plus belles sauvageries, n'avons-nous droit à un peu de répit, entre ces quelques branches colorées? »

Songent-ils à la mort, lorsqu'ils essaient de voler, enfants abandonnés? Il a presque les yeux qui pleurent de milles cristaux, à la pensée même de retrouver ce gouffre qu'il pensait avoir embrassé, en sautant ici bas. Mais il clos les paupières, il a le sourire des anges, là, sur les dents nacrées. Il sourit, rit, et puis.

« Pas besoin de fuguer, il suffit d'y aller, puisque personne ne nous attend, à la maison. »

Et allez-vous en, les enfants, ne rentrez que quand vous aurez trouvé l'orée de la forêt. Ce sont Hansel et Gretel, tous deux amoureux de cette grande maison de pain d'épice bleu, entre deux nuages, entre deux soleils. Il a rêvé de ces cieux là, Acace, quand il a sauté.

Oh, Azalée a dans le sang les révolutions en violences, Acace ne peut que comprendre, et, pourtant, lui n'a de ces ambitions. Mais l'idée de gouverner lui fait bien plaisir, la douce fleur du sable à ses côtés (là, à se tenir la main sur le haut des falaises sans fins). Il se redresse aussi, ne la laisserait seule à posséder la couronne (car, s'il doit partager, ce ne serait bien qu'avec Azalée). Il lève le visage avec cet air des farces collé au visage, cet air motivé, jamais dérouté (quand il a les doutes en cascades).

« Il faudra faire des couronnes de fleurs, pour les aplatir entre nos livres et les ressortir lors de grandes occasions. »

Mais quand Azalée s'exclame, il ne la contredit pas. Il ne demande pas jusqu'où faut-il courir, jusque quand les jambes tiendront, non. Il s'élance sans un retour en arrière, il est bien rapide, à ainsi sauter dans les buissons sans autre soupçon que celui de la naïveté et l'adrénaline qui parcourt son corps. Et faudra-t-il rentrer à pieds, ils seront rois (qu'en aurions-nous à faire?). Il s'écrouleront sur le sable chaud, oui, ce ne sera un grand souci, feront de bons souverains, s'ils ont laissé leur sueur dans les pays ennemis. Et Azalée perd (car il est parti en avance) et ça le fait rire, se retourner pour lancer, là, au-dessus de son épaule :

« Je pensais une reine plus sauvage! »

Oui, oui, montres-moi ta férocité, tigresse, il veut voir les rayures et les pattes fortes, les griffes qui arrachent sur leur chemin les ennemis (ces stupides branches). Il joue avec le feu, mais, à lui, tu ne lui feras jamais de mal (n'est-ce pas?).