Quelle sensation étrange. Revenir ici après quelques temps à avoir vécu dans une maison, dans un véritable confort. À pouvoir manger à sa faim et ne pas être oubliée par tous. Tes mains se promènent dans ta tente, alors que tu soupires longuement. Prise d’une nostalgie, tu te laisses tomber sur ce qui semblerait être ton lit, alors que tu respires quelques instants. Tout ça est bien trop étrange. Et en plus, désormais, tu es la cible prioritaire de Valentine. Cette… Femme. Tu ne sais plus trop quoi en penser, désormais qu’elle a dévoilé n’être pas Victoire, comme elle l’avait dit. Tu soupires encore, avant de finalement te redresser, tes cheveux coiffés en une queue de cheval volant au vent.

Tes yeux verts se promènent un peu partout dans la « pièce » alors que tu saisis quelques équipements dans tes doigts, les faisant tourner. Un fin sourire sur ton visage, alors que tu relâches tout, poussant le tissu qui recouvre l’entrée de la tente, prenant une grande inspiration. Il y a des choses que tu dois encore faire. Et… Voir cet homme qui t’a tant aidée est une priorité. Voir Mars est une priorité.

Tu t’en veux de l’avoir tant fui depuis la dernière fois. Mais tu n’avais aucunement le courage ni la force de te tenir en face de lui, pas alors que tu cherchais encore à réparer ce qui était brisé en toi. Ton estime de toi, par exemple. Bien qu’elle soit encore à néant, il ne faut pas se mentir. Tu soupires longuement, et te mets déjà en route dans le campement des nomades.

Il faut bien que tu te vides la tête. Tu lui enverras un message un peu plus tard. Tu as envie de le voir, certes, mais il faut bien retarder l’échéance, le plus possible. Les mains fourrées dans les poches de ton pantalon, tu marches tout droit. Cet endroit t’a tant manqué, étonnamment. Tu ne comprends pas comment tu as autant pu t’attacher à un endroit si horrible. Les gens y sont presque tous horribles, après tout. Ceux qui sont ici ne sont que des rejetés des autres Royaumes. Tu soupires, alors que d’un coup, tu te figes.

Comment ? Tu ne pensais pas que tu le croiserais ici. Mais en même temps, que pensais-tu, petite sotte ? Évidemment qu’il serait au campement des nomades… Que ferait-il ailleurs ? Par réflexe, tes jambes entament un mouvement de recul, mais… Tu les retiens. Tu secoues la tête, avant de t’approcher presque en bombe de lui, pour lui taper sur le torse.

« Mars. On peut parler ? » Et ton coeur menace d’exploser. Tu ne comprends pas pourquoi tu te sens comme ça. Mais on peut voir un mélange de détermination et de peur dans tes yeux, mélange étrange mais que tu peux surmonter. Tu en as marre d’être faible, Carmen. Tu dois montrer que tu es forte. Tu dois le devenir.

Tu dois l’être.

Oh, c’est que cela fait bien longtemps qu’il n’a pas vu Carmen dans les parages. Il a dû la croiser quelques fois entre deux ruelles de Requiem, pendant les passages qu’Orion l’obligeait (mais il n’y rechignait pas) à faire, pour goûter quelques gâteaux dont il venait d’avoir la recette. C’est que le temps guérit les blessures, dit-on, mais il n’est jamais venu lui parler, malgré tout. Il y a de quoi dire qu’il n’a pas de courage, il ne saurait qu’y répondre. Peut-être qu’il avait un peu honte de sa réaction, la dernière fois, quand Carmen n’avait jamais été qu’angoissée à l’idée de le mettre en danger. Mais en même temps, il n’était pas de porcelaine, Mars, était bien capable d’entendre les vérités si on les lui disait. Mais pas comme ça. Pas si abruptement. Alors quand il entend cette voix s’adresser à lui, après presque deux mois sans en avoir entendu le timbre, il a un air de chiot perdu, quand il la regarde, quand il relâche quelques affaires qu’il tenait, quand il abandonne son idée de se glisser jusque l’arbre à vœux.

« Je dois bien avoir quelques minutes à te consacrer, c’est vrai. »

Mais n’interrompt pas sa marche, laisse sous-entendre qu’elle devrait le suivre. Et il se dirige maintenant vers un coin plus calme, en bordure des campements, histoire d’avoir une jolie vue sur les dunes avec lesquelles ils fraternisent depuis tant de temps. Oh, il savait déjà le sujet de leur conversation. Préférait l’amener directement, ne pas passer par quatre chemins.

« Tu es déjà plus ou moins pardonnée, pour la dernière fois. Je ne dirais pas que je n’ai aucune rancune, mais j’ai peut-être réagi un peu excessivement. »

A elle, d’avouer ses tords si elle voulait véritablement le récupérer.

Tu le savais. Oh oui, Carmen, tu le savais, que ce ne serait pas aussi simple que tu le voulais. À peine que tu avais attiré son attention et que tu avais entendu sa voix qui te paraissait si lointaine, tu t’étais remise à paniquer. Mais encore, et toujours, tu t’efforces. Oui, tu t’efforces de retenir cette panique et cette peur qui te prennent aux tripes chaque fois que tu dois affronter tes responsabilités. Prenant une grande inspiration, tu hoches simplement la tête pour le voir s’éloigner de lui-même, comprenant que tu es alors sensée le suivre. Tu lances tout de même un petit regard vers les affaires qu’il vient de laisser tomber, laissant un fin sourire amusé se dessiner sur tes traits.

Mais tout de même, tu redresses les yeux vers lui, et te remets à avancer pour le suivre. Quelques minutes de marche jusqu’à enfin arriver en bordure du campement. Tes yeux se posent rapidement sur les dunes, alors que tu serres les poings. Tu ne sais pas trop où te situer actuellement. La Révolution, le groupe d’Andy… Veux-tu toujours en faire partie ? Tu l’ignores. Tu soupires simplement, glissant les mains dans les poches de cette tenue que tu portes, cette fois-ci. Tes yeux verts parcourent les dunes, avant que tu ne hoches simplement la tête.

« Je suis pas venue pour te supplier de me pardonner. Tu fais encore ce que tu veux, tu es un grand garçon. » Mais tu souris tout de même, pour te retourner finalement vers lui. « Mais je suis heureuse de savoir que tu m’as pardonnée. Ou plutôt, presque. » Cette colère qui gronde encore envers Valentine, qui s’est cependant légèrement estompée depuis sa révélation. Es-tu encore déterminée à l’écraser et à l’affronter ? Tu ne sais plus trop. Tu soupires simplement.

« Je n’aurais pas dû faire ça. » Non. Jamais tu n’aurais dû accepter et les espionner. « Ou plutôt, j’aurais dû t’en parler dès le début. Je peux comprendre à quel point tu t’es senti trahi. » Après tout, c’est la sensation que tu as ressentie envers Valentine, quand elle a dévoilé que ta meilleure amie était morte. Quand elle t’a dévoilé que celle après qui tu courais sans cesse n’était plus de ce monde. Tes poings se serrent simplement dans tes poches, alors que tu viens planter son regard droit dans celui de Mars.

« Et je regrette de l’avoir aidée, aujourd’hui. » Tu es en colère. Toujours terriblement en colère contre elle. « Je m’excuse sincèrement pour ce que je vous ai fait. » Le seul avantage et le seul coup d’avance que tu avais sur elle, tu l’as perdu. Elle s’est dévoilée pour que tu ne l’aies plus. Tu grognes simplement.

« Je suis désolée, Mars. » Et il n’y a pas grand-chose de plus à dire, à tes yeux. Simplement tes excuses.

C'est qu'au moins, Carmen le connaît, elle n'est pas assez naïve pour croire que quelques supplications suffiraient à redorer son blason. Il n'est pas vraiment surprit. Peut-être fait-elle bien partie de ceux qui le connaissent le mieux, depuis qu'il est sur Althea. Et la réciproque est certainement vraie aussi. Il sourit légèrement, lui aussi, il a peut-être le cœur plus léger qu'il n'ose se l'avouer de la voir ainsi s'approcher pour se faire pardonner de la sorte.

« Tu as raison. Tu n'aurais pas dû me cacher de telles choses, mais, au moins, je me suis rendu compte d'une chose. Il faut que j'arrête de suivre aveuglément les gens juste parce qu'on me le demande. Je suppose que j'avais trop besoin d'un soutien, quelque part, pour faire mes propres choix. »

Il souffle par le nez, c'est peut-être le manque de sa mère, le manque d'amis, tout simplement. Et ce regard de chien battu que Carmen lui avait offert ce jour-là, sous la tente, alors qu'elle n'avait rien de gracieux, le nez et le visage plein de morve, de larmes, de détresse. Peut-être n'était-ce pas tant une erreur que ça, de la suivre aveuglément. Il saurait dorénavant qu'il ne le referait plus, que son propre avis comptait plus qu'une amitié. Après tout, le désert n'était jamais clément, et dans ces guerres que la Révolution voyait fleurir, il fallait faire les meilleurs choix. Il espérait pouvoir faire le bon.

« Tu sais, je croyais que tu viendrais t'excuser pour ce que tu m'as fait. Enfin, pas au nom de la Révolution, pas au nom d'une trahison que tu as pu leur faire à tous, mais au nom de notre amitié. T'étais certainement la seule raison pour laquelle j'avais rejoint ce groupe. »

Il semble réfléchir à quoi dire de plus, comme s'il cherchait lui-même des réponses quant à ses propres pensées. Oh, il est parfois difficile de comprendre son propre raisonnement. Mais aujourd'hui, maintenant qu'il a la possibilité de les prononcer, de les former plus concrètement, il a cette impression d'être plus affirmé.

« Je crois bien que tu ne l'es plus. La seule raison pour laquelle je suis là. Alors j'ai envie de te dire merci malgré tout, parce que je peux au moins me battre pour quelques convictions que j'ai moi-même aujourd'hui. »

Tes oreilles écoutent attentivement tout ce que ton – meilleur ? –  ami a à te dire. Dans un petit stress, tes mains se lient entre elles et tu plonges ton regard dans le sien. Tu hoches finalement la tête, un bref sourire venant étirer tes traits. Ses mots te soulagent et te rassurent plus qu’autre chose : Peut-être ne t’en veut-il pas tant que ça, finalement, d’avoir été une traîtresse. Peut-être n’es-tu pas seule, au final.

« Tu n’étais pas le seul à en avoir besoin. » Après la mort de Victoire, tu avais cette impression d’être perdue. D’être seule. Que plus jamais personne ne pourrait être de ton côté, que plus jamais personne ne te sourirait ou te donnerait son soutien. Mais aujourd’hui, c’est différent, n’est-ce pas ? Tu souris doucement, alors que tu redresses le regard vers lui.

« Je te comprends. Je suis heureuse que tu aies trouvé une voie. Et une vraie raison de rester parmi eux. »

Parce que tu ne te comptes plus dans leurs rangs. Tu gardes ton fin sourire, tes mains se détendant pour venir passer dans tes cheveux, replacer quelques mèches brunes derrière ton oreille. Tu ne seras plus jamais une Révolutionnaire, car tu n’as pas ta place parmi eux.

« Et j’imagine que je ne peux qu’être heureuse que tu penses ça. » Si c’est grâce à elle qu’il a pu trouver une voie, qu’il a pu trouver une vraie raison, alors c’est tant mieux. Tant mieux, si elle a pu aider quelqu’un une dernière fois.

Il y a le sourire qui trahit les lèvres de Carmen. Le soulagement, alors qu'il n'a véritablement donné son pardon. Peut-être avoué quelques vérités que lui-même refusait de s'avouer. Peut-être que cela remettrait leur relation sur un bon chemin, sur une voie plus saine. Mais la confiance n'était plus au beau fixe. Et ce n'étaient quelques mots de réconciliations qui y changeraient quoi que ce soit, il fallait voir les choses en face. Peut-être s'était-il trop accroché à Carmen, jusque là. A elle, et aux autres. Aveuglé par les volontés des autres, ne s'était-il tu sur les siennes? Souffle du nez, il comprend le sous entendu de son ami. N'a jamais été aussi lucide sur la chose, bien qu'il se soit douté qu'elle ne reviendrait plus parmi eux. Il n'allait cependant pas faire le même choix qu'elle. Il le refusait.

« Alors tu ne vas vraiment pas revenir. Et que vas-tu faire, alors? »

Le voilà curieux. Inquiet, peut-être. Soucieux de cet avenir que la jeune femme semblait se tracer difficilement, au prix de quelques trahisons et douleurs. Mais c'était qu'il ne la retiendrait pas. Elle savait être maîtresse de son propre destin. Et il savait aussi qu'elle était plus forte qu'elle n'y paraissait. Il avait vu les larmes sur son visage assez longtemps pour le savoir.

« J'aimerais savoir. Parce que malgré tout, cela me déplairait de te perdre totalement de vue. Même si te croiser à quelques rares occasion suffira à maintenir cette curiosité. Je suppose que je ne peux plus vraiment dire que nous sommes, j'ai un peu honte de le dire comme ça, meilleurs amis, si? Car ce sont ceux qui partent ensemble sur les traces de trésors, à deux, toujours collés. Pas ceux qui se séparent par idéologie, par trahisons effacées. »

Ou se trompe-t-il, et peuvent-ils recoller les morceaux? Il y a l'espoir, dans son cœur. Et Carmen saura le lire dans ses yeux.

Oh, Carmen. Tu es si pure, quand tu penses pouvoir sentir un véritable soulagement lorsqu’il t’avoue ces quelques vérités. Au final, ce n’est pas un réel pardon, plutôt des explications sur pourquoi et comment il t’en a voulu. Et au final, tu ne peux que le comprendre, d’avoir eu cette rancoeur envers toi. Tu as menti, tu as trahi. Et même si c’est douloureux, tu ne peux que l’accepter. Hochant lentement la tête, tu souris faiblement. Triste sourire qu’est le tien, car toi-même tu ne sais plus quoi faire. Tu n’as plus d’objectif, désormais. Tu hausses les épaules.

« Je ne sais pas. » Parce que tout est différent, désormais. Valentine a révélé son identité avant que tu ne puisses le faire. Et tu n’as plus de raisons de l’affronter. « Peut-être simplement vivre, chercher un autre but. » Tu en as marre de te battre pour rien. De courir dans tous les sens, c’est épuisant. De toutes façons, tu n’étais pas faite pour ça. La révolution ? Très peu pour toi. Même si tu es d’accord, au final, avec leur objectif, tu ne te vois pas assez importante et forte pour les rejoindre à nouveau.

« Mars… »

Un air mélancolique peint tes traits quand tu souris doucement, t’approchant lentement de l’homme pour plonger plus aisément ton regard dans le sien.

« On est encore amis. Enfin… Si tu veux encore de moi. Je n’ai jamais voulu qu'on s'éloigne, tu sais. »

Parce que ce n’était pas ton but. Tu voulais juste… Que Valentine arrête de faire ce qu’elle faisait. C’était malsain, bien trop malsain. Tu ne supportais pas de savoir qu’elle utilisait Victoire pour parvenir à ses fins. Désormais, tout est différent. Si elle a accepté de son plein gré, alors ça ne te dérange plus réellement. Toi, tu voulais juste l’empêcher de se servir de ta meilleure amie.

« On n’est pas obligés de se séparer. Pas maintenant. »

Mars voit cette peine, qui étire les traits de Carmen. Et il sait, il sait (l'a aussi dans son cœur), combien celle-ci peut faire mal. Ils étaient un peu les amis de première date, de ceux qui vivent ensemble pour combler les manques. Mais il avait pris cela pour acquit, avait continué de penser que, oui, ce nouveau départ n'était peut-être pas des meilleurs, mais il avait au moins le mérite de lui faire ouvrir les yeux sur les autres. Il faut croire qu'il ne regardait pas assez bien. Alors il souffla un peu, devant ce visage, ne sachant trop quoi répondre.

Son âme d'enfant avait envie de rester aux côtés de Carmen, de tout lui pardonner si rapidement qu'il pourrait à nouveau la serrer dans ses bras (comme si de rien n'était). Mais ce n'était plus possible. Il aurait encore ce doute, tapissé au fond, même s'il tenterait sans cesse de l'ignorer. Il s'en doutait, oui. Se connaissait bien assez. Alors il planta son regard dans celui de la jeune femme, il posa une main sur son épaule avec assurance, cette fois.

« Je ne demande pas à couper les ponts, mais... Je crois que j'en ai besoin. De m'éloigner. »

De vivre pour lui-même, pas pour elle, pas parce qu'elle réclame encore sa présence. Oh, il s'en voulait presque de ne plus être à ses côtés, mais ne pouvait-il un peu se concentrer sur ses propres désirs? C'est que Samson lui avait bien prouvé qu'il n'était pas obligé d'écouter ce sentiment de compassion qui lui demandait sans cesse de ne laisser autrui dans le besoin. Car aujourd'hui, il devait se relever de lui-même. Pas pour Carmen.

« Mais nous pourrons bien sûr nous retrouver. J'ai besoin de temps. »

Vous en avez probablement besoin tous les deux. De vous éloigner, pour mieux rebondir et sauter plus loin. Peut-être que votre relation a besoin tout court de vide. Tu hoches lentement la tête à ses mots. Comment le contredire ? Tu ne peux pas réellement. Fin sourire soulagé, qu’il ne t’en veuille pas. Rassurée que tu ne sois pas un monstre à ses yeux, bien que tu l’aies trahi une fois. Tu préférerais éviter de le faire encore. Tu hausses les épaules, reculant de quelques pas.

« Je comprends. J’en aurais besoin aussi. Alors… Je te souhaite une bonne continuation, Mars ! »

Tu as le coeur léger, après ça. Tu te sens moins lourde, moins angoissée, moins anxieuse. Ça te fait du bien de savoir que tu vas pouvoir respirer, et arrêter de penser qu’il t’en veut. Même si tu vas être seule à nouveau, pendant un temps, rien ne t’empêche de faire de nouvelles connaissances. Souriant doucement.

« Et merci pour tout. »

Même si vous ne coupez pas définitivement les ponts, tu veux tout de même le remercier. Il t’a aidée quand tu avais besoin d’aide. Il t’a aidée à te lever, à ne pas souffrir. Et tu l’as trahi. Mais plus jamais. Plus jamais tu ne lui couperas un couteau dans le dos, de cette manière. Souriant faiblement, tu croises les bras derrière ton dos.

« Merci. »