Les bras croisés, tu attendais que quelqu’un sorte de là. Enfin, tu attendais que lui, sorte de là. Tu as réussi à le trouver, et tu sais qu’il a des informations sur la demande que tu as accepté il y a quelques jours déjà. Tu as accumulé du retard car cet idiot que tu ne connais même pas était introuvable, et tu as finis par découvrir qu’il se déplaçait constamment. Tu t’es donc renseigné, et tu l’as coincé. Maintenant qu’il est coincé, le problème, c’est de le faire sortir. Tu ne lâches pas une seconde des yeux l’entrée de la tente, près à l’attraper si il tente de s’enfuir ou quoi que ce soit qui te ferais courir de nouveau derrière lui. T’en as marre de courir, de le chercher, t’es fatigué, tu veux juste une putain d’info, puis tu prends tes cliques et tes claques, et basta. Mais il faut toujours qu’on ta fasse chier. Toujours. Au moins, comme pour te donner du courage, tu te dis que tu as la chance d’être patient. Bien que tu sentes tes réserves s’épuiser plus le temps à l’attendre passe. Encore un peu, juste un peu...
Et puis en fait non. Un claquement de langue t’échappe et tu avances soudainement vers la tente. Merde à la fin. Tu tires le bout de tissus qui sert de porte pour l’écarter de ton chemin et tu le cherches rapidement du regard... pas là ? Tu fronces les sourcils. Tu l’as vu entrer, mais pas sortir. Tu vas quand même pas me dire qu’il est passé par tu ne sais où pour t’éviter... hein ? Un discret rire nerveux te trahis avant que tu n’entres complètement dans cette maison de tissus pour fouiller. Tu fouilles, et tu fouilles, tu veux un indice, n’importe lequel, et tu fouilles encore. Et c’est finalement les nerfs sur le point d’exploser que tu sors de là pour faire le tour et chercher des traces de pas. Tu en trouves. Tu remarques aussi d’ailleurs qu’il a dû galérer pour son petit tour de manège, vu les marques qu’il a laissées. Alors, tu ne penses pas plus longtemps, et tu te remets en route. Tu ne sais pas où tu vas, mais tu y vas. Il n’a pas dû aller bien loin. Enfin, tu te dis ça, mais tu ne sais pas quand il est parti. Mais ne parlons pas de malheur.  
Te voilà donc à faire le tour du campement inlassablement. Tu tentes de trouver quelqu’un ou quelque chose qui pourrait indiquer sa prochaine destination, mais ce n’est pas gagné. Jusqu’à ce que tu remarques quelque chose qui cloche. Qui cloche pas mal même. Tu vois bien qu’il y a un truc, là, mais pourtant, y a rien. Il aurait un cristal d’invisibilité... qu’il gère pas et qui fait qu’on peut à moitié le voir ? On se croirait dans un mauvais jeu... mais tu ne vas pas cracher dessus. Alors tu t’approches du truc qui te donne l’impression de voir comme le mirage d’une route de goudron lors d’une journée particulièrement chaude, et, sans pression, finalement sûr de toi, tu jetais du sable dessus d’un coup de pied dans le sol. Bien sûr qu’il était de suite plus visible, sans son pouvoir et à gueuler contre ton geste précédent... bah tiens. Ca promet d’être sympa tout ça.

La matinée fut longue. A écouter les vieillards parler plus pour eux-même que pour les autres, il avait bien failli s'endormir en aidant à cuisiner, ce jour là. Pourquoi il le faisait? Eh bien, il se trouve que ce papy rémunérait plutôt bien (pour un Oublié), pour juste un peu de compagnie. Et puis, bien qu'il endormait franchement facilement, il restait sympathique, non l'un de ces vieillards chiants (pas comme Rosario, dirons nous....). Quelques étirements, et Mars songeait sérieusement à retourner se coucher, à dire vrai, alors que le soleil de l'après-midi ne faisait que poindre le bout de son nez. Mais les siestes ne faisaient de mal à personne, surtout si ladite sieste permettait d'oublier les mauvaises nuits à laisser le cerveau trop penser.

Sauf que tous les plans ne sont pas mis à exécution, lorsqu'il sent quelque chose d'invisible lui heurter l'épaule. Mars se retourne, sceptique, observe, et puis. Il y a une drôle de forme dans l'air, comme si la tente tanguait à moins d'un mètre de lui. Mais pas vraiment le temps de se mêler des affaires des autres, si ce gars essayait de fuir de manière invisible, pourtant, il faudrait qu'il songe à ne pas entrer dans quelques personnes au passage. Et pile quand il songe à se détourner, une autre forme familière le dépasse. Ah. Il y a les souvenirs de la frustration de l'autre fois, de la façon dont il s'est débarrassé d'Amos qui lui reviennent. Il n'est pas d'humeur à le revoir, mais voilà qu'il jette du sable à ce pauvre homme, il est presque prêt à prendre sa défense, à lui dire de foutre la paix aux gens innocents, mais c'est avec surprise qu'il faut constater qu'il n'est pas celui qui attaque. Oh, non, l'homme invisible apparaît (bien plus visible), et commence à cracher quelques remarques acerbes, son venin en coulis sur ses lèvres. Et Mars grimace intérieurement, se demande pourquoi il ne se retourne pas, se mêle de ses propres affaires. Oh, et Amos se reçoit bien un coup dans le ventre, auquel il ne réplique pas. C'en est de trop. Quelques pas en avant, et Mars affiche un superbe sourire (presque masque) vers Amos.

« Tiens, ça fait longtemps. »

Oh, il vient peut-être fourrer son nez dans les affaires des autres, mais Amos ne semblait pas être le plus fin en ce qui concernait les relations humains (à en croire leur dernière altercation). Peut-être qu'un coup de pouce l'aiderait à ne pas se faire tabasser inutilement, non? Mais voilà qu'on lui crache aussi quelques injures au visage, et Mars hausse les sourcils en direction de monsieur invisible.

« Tu lui as volé quelque chose? Sa politesse, peut-être? »

Ah. Ça lui avait échappé.

Et avec le plaisir, la joie de revoir son sale visage, vient aussi sa voix. Tu le regardes calmement, alors que tu étires la bouche dans une grimace blasé derrière ton masque. Tu attends qu’il arrête deux secondes d'être un moulin à parole pour pouvoir en placer une, mais ça a l’air de prendre du temps à s’arrêter, ce truc... Tu penches la tête sur le côté en croisant les bras, prenant une bonne inspiration au passage, tu écoutes d’une demie-oreille, mais tu entends un nombre fou de reproche et d’insulte. Tu le connais même pas, mais on dirait que son monde tourne autour de toi. Le simple fait de mentionner ce que tu voulais a fait une véritable réaction en chaîne, tu l’avais pas prévu.  Ah, et ça s’arrête. Tu peux voir qu’il n’est toujours pas content malgré toute la haine qu’il vient de déverser, mais il n’avait qu’à ne pas partir si il voulait éviter ça. Tu hausses donc un sourcil avant de lui répondre :

“J’ai pas tout suivi. Tu parles trop, pour pas grand-chose. Je te rappelle que je t’ai juste demandé une info et que tu es parti la queue entre les jambes. Tu as quoi à te reprocher ? Beaucoup de chose à priori, vu la vitesse à laquelle tu parles. Sauf que moi je suis pas là pour faire psy. Donc soit tu me donnes l’info, soit on va devoir régler ça autrement. A toi de voir.”

C’était la seule menace que tu lui avais faite. Et c’était la seule et unique suffisante pour que tu te prennes un coup dans le ventre. Sous la surprise, tu te plis, mets instinctivement tes mains sur ton ventre, et quand la douleur arrive, tu fermes les yeux aussi forts que tu en es humainement capable. Tu penses que si quelqu’un te voyait, là de suite, on aurait pu voir une veine exploser sur ton front. Job de merde, vraiment. Tu respires pour tenter de gérer, mais c’est sans compter sur l’invité mystère. Du coup, tu ne respires pas, tu soupires bien bruyamment. Même sans le voir, tu as reconnu sa voix. Tu te redresses lentement tout en gardant les mains sur ton estomac pour le regarder, ton masque cachant la grimace que tu lui fais, mélange entre la douleur, la colère, et la fatigue. Tu ne dis rien, et tu n’en as pas le temps de toute façon : Mars qui s’en mêle, alors le random péon en face de toi décide qu’il est avec toi. Retour à la case zéro. Tu roules des yeux avant d’entendre Mars lançait un pique. En un instant, le silence s’installe. Tu fixes Mars. Quelques secondes. Et tu sens la corde lâcher. Tu pensais qu’elle allait être assez résistante pour une deuxième rencontre, mais pas du tout.  

“T’es sérieux ? Si c’est pour faire ce genre de remarque inutile à la con, c’était pas la peine hein ! Mais merci de ta participation ! Je viens de me faire frapper parce qu’un gros con est pas capable de m’expliquer quelque chose, et en plus tu rajoutes une couche ! Mêle-toi de tes affaires ??”, le “gros con” en question se manifeste bien sûr, il tente d’en placer une, mais tu lui lances un regard suffisamment noir pour le faire descendre d’une marche. “Toi. Je te conseille de fermer ta grande gueule. Si j’entends encore UNE FOIS ta voix de merde, si ce n’est pas pour savoir ce que je t’ai demandé, j’te fais bouffer le sable avant de te jeter aux transcendés, et je t’assure que tu vas aimer. Ça fait pas mal du tout, fais-moi confiance.”  

Tu sens ta tension et ton mental faire du parcours, et tu essayes de rester concentrer et de pas frapper le premier venu. T’es sur les nerfs, mais pas la peine d’envenimer encore plus le truc.  

OK, il avait peut-être un peu merdé son apparition, mais était-ce une raison pour laisser une telle rage se manifester? Oh, Amos avait l'air d'en avoir après tout le monde, et, étrangement, cela le faisait mi-rire, mi-grimacer. Il souffle un peu par le nez, quand il se rend compte qu'Amos ne fait que grogner après tout le monde, et lève les yeux au ciel de façon dramatique. Ah, vraiment, il avait envie de lui dire "de rien", mais, en même temps, sentait déjà ses nerfs se manifester. Allons, allons, restons calme, ce n'était pas parce qu'il avait essayé d'être sympa qu'un idiot changeait du jour au lendemain, non? Il ignore superbement le gars à qui il voulait reprocher quelques trucs, cette fois, se tournant entièrement face à son racketteur de l'autre jour, les sourcils froncés, le regard noir.

« Rajouter une couche? Je suis justement venu parce que ce gros con avait l'air bien décidé à te foutre un poing autre part que dans ton estomac, mais de rien, vraiment, pas de quoi d'avoir voulu intervenir. »

Oh, il n'avouerait pas qu'il n'avait pas été des plus subtil à son arrivée. Pas maintenant qu'Amos lui crachait dessus avec véhémence. Il était décidément trop frustré à chaque fois qu'il croisait sa route, cela l'énervait. Il aurait vraiment dû se casser sans se soucier d'un gars qui en tabasse un autre, ouvre les lèvres, presque prêt à continuer de parler, mais se ravise. En fait, il devrait vraiment se casser. Mais il a encore un peu de fierté pour ne pas déguerpir face à quelques paroles acerbes, et décide qu'au contraire, il a bien envie de prouver à Amos qu'il n'est pas venu juste pour le faire chier. Le voilà qui se tourne vers M.Invisble-Pas-Invisible, pour pointer un doigt menaçant sur son torse, à son tour.

« Ou tu préfères les hyènes? La souffrance est plus lente, crois moi, j'ai encore quelques marques sur les mollets, si tu veux savoir combien elles savent s'acharner. »

Oh, et l'homme tremble. Peut-être parce qu'ils s'engueulent face à lui, peut-être parce que leurs menaces combinées l'empêche de faire le malin plus longtemps. Mais il tente de s'enfuir, Mars le sent, tend le pied, le fait tomber face la première dans le sable et appuie la plante de sa chaussure sur le dos, l'empêchant de se relever aussitôt.

« Tu sais même pas garder en grippe les gars que t'interroge. »

Ah, il fallait bien mettre de l'huile sur le feu.

Il te rend ton regard et te réponds de suite pour se défendre, mais tu n’es pas d’humeur pour l’entendre de cette oreille. Ouais, tu pourrais lui dire “merci d’être venu m’aider”, mais t’es pas un gamin, t’es un adulte, t’es un grand garçon, et t’es même plus vieux que lui, le comble. Alors qu’il te donne cette fausse impression de pitié qui te ronges légèrement, tu refuses de laisser ce sentiment passer, tellement tu es borné. T’es capable de te défendre seul, de gérer la situation seul, et ton ego est triplement plus boosté dans cet état. Comme si tu refusais de t’avouer vaincu, tu déverses ta rage contre n’importe qui viendra trop près de toi. Lui le premier. L’autre en second. Après l’avoir remis en place, tu entends Mars y rajouter sa proposition pour le faire taire un peu plus, et tu te dis que c’est pas une compétition, mais qu’au pire, t’en as rien à foutre et que tu préfères le voir comme ça.  
C’est donc lorsque l’idiot invisible tente de s’enfuir alors que tu es concentré sur ce supposé “collègue”, alors que tu ne réagis pas tout de suite, mais que lui le fait, que tu te poses quelques questions, sans le vouloir. Tu n’arrives pas à dire que tu l’apprécies, mais tu arrives bien à te dire qu’il essaye réellement de t’aider. Tu grimaces un peu plus sous ton masque en fronçant les sourcils à cette idée, tu oublies rapidement, et tu te reconcentres sur le sujet qui t’intéresse plus. Il te lance un pique et tu y réponds avec plaisir en mimant son mouvement, en posant ton pied sur le dos de ta victime pour le bloquer un peu plus.  

“Normal, je suis trop occupé à m’occuper d’un triple idiot ! Tu serais pas venu me déranger, j’aurais eu aucun problème, mais deux imbéciles à gérer ? Faut pas me demander le monde non plus !”, tu retires ton masque pour mieux respirer, vu comment tu commences à t’énerver et à sortir trois mots par seconde. Tu le sers dans ta main et tu reprends : “Surtout que t’es bien prenant quand même, plus que ce con, lui au moins il sait pas se défendre et il frappe de suite. Toi t’es sage mais tu craches verbalement, je peux pas laisser passer ça non plus. Lui au pire j’ai juste à le tabasser après avoir eu mon info pour me venger, j’en sais rien.”

Tu souffles du nez comme un taureau pour faire redescendre la pression et tu reviens deux secondes à la réalité : En parlant de lui, il faut que tu saches. Tu appuies un peu plus du pied, faisant une plus forte pression de ton talon pour le faire recracher le sable qu’il avalait à moitié à force d’être face contre le sol.  

“Tu vas me la donner cette putain d’info ? J’ai voulu être gentil mais là franchement tu me les brises. Parle et dégage de là ! Tu tiens pas à la vie ou comment ça se passe ?! T'as pas encore compris que tu jouais avec plus dangereux que toi ?! On est deux en plus !”  

Tu as l’impression que d’une seconde à l’autre, tu pourrais sortir ton arbalète et lui planter un carreau dans le crâne. Mais après réflexion, c’est clairement la pire des idées. Tu préfères donc te concentrer sur la pression de ton pied sur sa colonne vertébrale.  

Mars fronce les sourcils. Est-ce qu'Amos était un idiot fini, ou n'était-ce qu'une illusion? Ah, il ne savait trop. Il avait bien envie de dire qu'il était con, mais se contenterait de retourner les insultes que ce dernier lui balançait contre lui dans sa tête. Au moins, cela avait le mérite de calmer la frustration grandissant dans son corps.

« Pas besoin de retourner ton incompétence contre moi. C'est pas ma faute si t'es incapable de te gérer. »

Oh, c'était sorti un peu plus franchement qu'il ne l'imaginait, mais il n'était clairement pas fait pour la diplomatie, quand on le cherchait ainsi. Amos pouvait bien l'insulter, dire tout ce qu'il voulait, il ne pouvait s'empêcher de penser qu'il était plus énervé contre sa propre personne que contre lui (et puis, Mars n'était définitivement pas un imbécile). Après un soupir long et énervé, le voilà qui observe le visage aplatit contre le sable sans piper mot quelques secondes. Juste le temps pour Amos de sortir toutes ses vérités. Et, même s'il avait très envie de demander à Amos depuis quand ils formaient un groupe, car, jusque là, il avait plutôt l'air de vouloir le voir déguerpir, il ôta son pied du dos du gars au sol, avant de s'accroupir non loin de son visage.

« Dis, est-ce que tu crois que sentir une épée empaler une jambe, puis un bras, ou couper un doigt, c'est une sensation plaisante? »

Oh, l'homme semble terrorisé rien qu'à l'idée que l'on tente de charcuter sa peau. Il tremble, secoue la tête dans tous les sens, et Mars appuie sa paume sur le crâne, pour l'empêcher de gesticuler. Et il murmure, à nouveau.

« Je peux te faire expérimenter la chose, si tu veux. Ou alors, il suffit de donner l'info. »

Sourire angélique.

Tu entends une remarque de plus envers toi et tu as l’impression de sentir ton cerveau se séparer en deux. Tu as un côté totalement embrumé par la colère, et l’autre qui cherche désespérément quelque chose pour te calmer. Qui cherche une réponse, une solution, n’importe quoi. Tu perds le contrôle. Tu perds totalement, complètement le contrôle. Tu ne l’avoueras pas, mais tu le sais : tu sens des choses longtemps enfouies remonter. Tu as l’impression que tu vas te mettre à pleurer d’une minute à l’autre sous la pression que tu te mets tout seul, et un peu plus parce que tu sais que tous les regards doivent encore être sur vous. Tu veux disparaître, ne jamais réapparaître. Tu as mal à la tête, tu as l’impression que ton cœur bat dedans aussi fort que dans ta poitrine. Une guerre est en train de se dérouler en ton fort intérieur. Tu as l’impression d’entendre les secondes qui passent. Tic. Tac. Tic. Tac. Dépêche-toi, Amos...
Tu tentes de gérer le chaos intérieur tandis que tu suis du regard Mars qui menace l’homme invisible une nouvelle fois. Tu n’arrives même pas à lui répondre, tu veux juste mettre fin à tout ça. Tu es fatigué, épuisé. Tu le regardes vaguement avant de soupirer discrètement et remettre ton masque tout en lenteur, détournant le regard. Tu ne relèves pas ton regard du sol, refusant totalement l’idée de pouvoir avoir un public, encore une fois. Tu essayes de gérer, de redescendre légèrement sur Terre, et tu sais que ça va faire mal. Ton corps est ici, mais ton esprit totalement ailleurs. Tu te bats avec toi-même pendant que tu sens un mur se former entre toi et les autres, mur que tu avais baissé lorsque tu avais croisé Mars pour la première fois, car tu savais que sinon tu n’aurais jamais été le chercher. Mur qui avait disparu aujourd’hui lorsqu’il était arrivé, car c’était la goutte de trop. Tu as besoin de ton mur, tu as besoin de le reconstruire, tu as besoin de te protéger.  
Un instant d’attention et tu remarques que l’homme au sol commence à pleurer de manière ridicule. Tu ne sais presque plus quoi en faire. Mais une information que tu as récupérée te traverse l’esprit, et un sourire mauvais apparaît derrière ton masque. Tu retires ton pied et tu t’accroupis près de lui, sachant pertinemment qu’après ces quelques mots, il ne cherchera même plus à s’enfuir.

“Toi... toi tu t’en fous. Mais elle... c’est une autre histoire, n’est-ce pas ? Tu sais, ça ne me gêne pas de lui faire ce que je t’ai proposé, le genre ou l’âge ne joue pas avec moi.”  

Le silence s’installe instantanément. Ton sourire se voit à travers ton masque, tes yeux eux même sont rieurs. Il a enfin compris que tu n’étais pas là pour rire. Il t’offre même un calme des plus agréable, alors que tu l’imagines être en train de réfléchir à comment il peut faire dans cette situation. Si il ne dit rien, tu t’occupes de sa fille. Si il dit quelque chose, quelqu’un va sûrement s’en occupé. Tu n’as plus qu’à attendre et te permettre une pause.

Mars avait remarqué un changement d'attitude. Pas radical, pas incroyable, mais, s'étant attendu à une répartie de la part d'Amos, la surprise restait en suspens. Il prit cependant un court instant, après sa menace, pour lui lancer un regard par dessus son épaule, une soudaine sensation désagréable venant se loger dans le creux de son estomac, de sa gorge. La remise en question venait soudainement le hanter, et, bientôt, fronce les sourcils. Non, c'était bien Amos qui agissait comme un connard, depuis leur première rencontre. Il n'avait pas le droit de se taire ainsi, comme s'il abandonnait alors qu'il était le premier à lui lancer quelques insultes. Mais il ne fit aucune remarque, reposant le regard sur l'homme, qui avait cessé de gesticuler, comme tétanisé de terreur face aux deux rapaces voraces qui ne cessaient de le harceler de coups de bec.

Et les menaces devenaient plus directes, après un court instant de flottement. Amos se penchait avec plus de vigueur, les paroles pleines d'un venin plus puissant encore. Et Mars retirait aussi sa main qui écrasait la tête, écoutait d'une oreille distraite les bégaiements. Amos serait-il véritablement capables de faire ça à une gamine? Le regard se posa un bref instant sur les doigts serrés contre le sable du pauvre homme, et il se redressa, soufflant par le nez. Peut-être l'était-il. Et Mars ne comptait pas faire partie de cette affaire, de près ou de loin. Mais visiblement, il n'en aurait pas besoin, puisque l'homme commença à proférer quelques réponses entre deux insultes. Et peut-être était-il temps pour lui de prendre la poudre d'escampette. Oh, il ne comptait enfoncer son poing dans le visage d'Amos aujourd'hui.

« J'en ai assez vu. »

Croise un instant le regard d'Amos, le sien plein de questions. Car, s'il devait torturer, ce n'était certainement pas pour quelques infos aussi inutiles. Et il connaissait ses limites. Amos en avait-il? Il fit volte-face, entre deux flots de paroles de l'homme dont les larmes collaient le sable au visage, et disparut entre deux tentes.