Quelque chose clochait dans cette journée. Tu avais cette boule au ventre, cette sensation que quelque chose allait mal, un mauvais présentiment. Tu ne pourrais pas l'expliquer, mais voilà que le fond de tes tripes parlaient, que tu le sentais, tout simplement. Comme une indigestion, comme quand tu vois des gens manger des pattes de poulet épicé dans une série coréenne, comme lorsque ton chat vomit à côté de ton oreiller dans le milieu de la nuit. Y a un haut de coeur qui ne s'explique pas, un sentiment qu'il y a une erreur, un bug, qu'une personne a oublié de faire fermer son code, qu'il y a mauvaise traduction du système.

Tu ne serais pas dire ce que c'est, ton doigt n'arrive pas à mettre le doigt dessus. Était-ce ce regard qu'il avait lorsque tu l'as rejoins pour ce travail pour lequel tu l'avais convié ? C'était comme à l'habitude, quelqu'un te contactait et tu faisais le relais, utilisant les services de détecteur d'objets de Maverick pour t'aider à réussir ta quête. Ça serait plutôt drôle s'il pouvait émettre un petit son, comme le détecteur de métaux, mais Maverick était du style silencieux et encore plus aujourd'hui, comme une tombe dans lequel reposait un squelette qu'il s'est fait enlevé.

Peut-être était-ce seulement toi qui ne correspondait pas aujourd'hui. Après les dernières attaques dans le désert lorsque tu avais aidé pour le convoi, après la nervosité qui venait gruger tes nerfs à l'idée de croiser un transcendé, après toutes les histoires de trahison que tu lisais dans le journal le matin, tu ne savais plus trop sur quel pied danser. Ta vie avait été quand même tranquille depuis la chute, mais peut-être que ce train de vie ne te convenait plus, tu ne savais plus trop. En tout cas, en cet instant, tu ne te sentais pas bien dans tes souliers. Du sable s'était infiltré dans tes bas, glissant entre tes orteils, créant un malaise palpable, tu n'étais pas concentré, rêvant seulement d'une bonne douche pour te débarasser des indésirables.

Maverick te fit revenir sur Terre, te rappelant que vous étiez là pour une autre raison. Tu clignes des yeux, revenant dans le monde des vivants, laissant tes tracas insignifiants derrière toi et regarde l'objet. Tu hoches la tête et le prend délicatement entre tes doigts, le glissant dans ton sac en bandoulière. La quête étant complétée, vous allez maintenant pouvoir quitter cet endroit et pourtant, tu t'attardes. C'est sombre là-dedans, heureusement tu as une lampe frontale pour t'aider à y voir, mais te voilà bien curieuse, petite Poppy, peut-être beaucoup trop. Tu n'es jamais venu dans les antres avant aujourd'hui, tu en as jamais trop entendu parler non plus. Mais, te voilà captiver, te demandant ce que les cavernes peuvent cacher.

▬ Et si on explorait plutôt ? Qui sait, peut-être tomberons-nous sur des dessins préhistoriques ou des fossiles de dinosaure ?

Tu lui fais ce sourire, ce sourire dont il devrait avoir peur. Il n'est pas carnassier, ni menaçant, mais c'est ce sourire fou qui signifie que tu ne changeras pas d'idée. Il mentionne le mot danger, mais voilà que ta main aggripe son poignet et tu le tires alors que tu t'enfonces un peu plus profond, prête à parcourir les couloirs, ce labyrinthe menaçant de s'écrouler ou à vous engloutir à chaque instant. Est-ce l'adrénaline qui te pousse à continuer ou veux-tu te prouver que tu as encores les nerfs d'acier nécessaire pour vivre des aventures ? Qui sait. Même toi tu ne comprends pas trop ce qui se passe.

Tu t'arrêtes soudainement, entendant un son au loin. Un écho sourd, difficile à déchiffrer. Est-ce la respiration de quelque chose? Est-ce le bruit d'une bête qui y vit? Est-ce une source d'eau qui coule doucement au loin, petit ruisseau devenant torrent ? Sur ton front, la lumière continue d'éclairer et tu tournes la tête pour la promener, diriger vers le sol où tu vois des empreintes. Plutôt étrange, tu t'accroupis pour mieux regarder, comme si tu savais pister la chose. On dirait des traces humaines, mais comme un être humain qui marche à quatre pattes, l'une d'elle semblant bien plus grosse qu'une autre.

▬ As-tu déjà vu quelque chose du genre, Mav ?

Ton coeur bat fortement, mais tu ne sais pas pour quelle raison exactement. Est-ce la peur du danger ou est-ce l'adrénaline et le désir de l'aventure qui active les cellules de ton corps? Tu te sens à la fois pétrifiée et curieuse d'avancer. Tes doigts touchent doucement le sol, caressant le relief de la tête, tentant de comprendre, d'imaginer ce qui peut avoir cette apparence. Tu tentes d'appeler tes neurones à la rescousse, à voir si ta mémoire a déjà rencontré un tel phénomène, mais rien ne te vient, rien outre cette idée que tu ne devrais pas aller voir. Il y a pourtant ce petit démon, celui sur l'autre épaule, qui murmure à ton âme d'y aller.

Ton pied droit se soulève pour aller vers l'avant, mais ton équilibre se perd lorsque ton coéquipier t'attrape le poignet et à son tour, te tire dans la direction de son choix. Malheureusement pour lui, tu ressembles plutôt à un âne, têtu et les quatre sabots - tes deux talons dans le cas présent - te débattant avec la grâce d'une mouche prise sur un ruban autocollant sucré.

▬ LÂCHE- MOI !

Tu cries, maintenant en colère. Tu ne sais pas pourquoi exactement, mais tes émotions ont décuplées. Il ne t'a pas demandé, il t'impose et tu n'aimes pas. Tu n'aimes pas parce que tu sens qu'il y a quelque chose à découvrir, que vous n'êtes pas dans cette caverne pour rien. Tu cries et n'entends pas ce son qui inquiète Maverick. Tu cries et tu t'arrêtes lorsque ton regard la croise. Ton visage blémit, ta bouche devient sèche et tu ne sais plus quoi faire sauf arrêter de bouger. Un son s'émane de cette personne, de cette chose, tu ne serais dire.

Est-ce une femme ou est-ce un animal? La forme est humanoïde, tu remarques la longue chevelure rousse, mais il y a cette patte droite plutôt difforme, trop grosse pour ce corps, les doigts qui ont fusionnés pour avoir une allure palmée et se terminant par de longues griffes. Tu émets un petit son, un hoquet ou plutôt le bruit d'un cochon étranglé et ta main s'accroche à Maverick. La chose se met à grogner plus fort et gratte le sol comme un taureau. Ce n'était pas brillant de ta part de crier comme ça, tu réalises - encore une fois trop tard - que ton comportement n'était pas approprié dans la situation où vous êtes.

Mais voilà, tu n'es pas un génie, mais tu comprends que si la chose fait ce mouvement, c'est qu'elle risque de charger vers vous et tu n'as pas envie de découvrir si sa bouche est remplie de dents humaines ou digne d'un requin blanc. Les mots sont pris dans ta bouche. Tu aimerais demander à Maverick s'il sait c'est quoi ça. Tu voudrais lui demander son avis s'il veut fuir, mais il voulait déjà le faire avant que la chose se présente. Ainsi donc, sans attendre, tu te mets à courir et lâche Maverick, non pas pour l'abandonner, mais pour pouvoir lui donner une chance, pour ne pas être un boulet qui doit traîner. Les couloirs se séparent devant vous, tu entends la chose qui se met à courir, qui maladroitement, fonce sur les parois de pierres, en faisant s'écrouler derrière vous et alors, tu tournes vers la gauche, sans prendre la peine de vérifier si Maverick te suit ou s'il a pris le chemin de droite. La lumière sur ta tête guide tes pas et te montre la route qui s'ouvre devant toi, jusqu'à ce cul-de-sac.

La pièce est ronde, te laissant de l'espace pour te déplacer, mais tu es prise au piège. Tu entends les pas qui viennent vers toi et tu te demandes s'il s'agit de Maverick ou de la chose. Tu ne veux pas prendre de chose et éteint ta lumière frontale avant de te cacher derrière l'un des rochers qui sort du sol, te permettant une légère protection. Avant d'éteindre, tu as remarqué qu'il y avait une crevasse plus haut. Peut-être pourrais-tu escalader pour pouvoir quitter par un autre chemin, mais tu es beaucoup trop petite pour y arriver seule. Tes doigts se croisent, espérant que ton visiteur serait Maverick. Est-ce que le destin serait de ton côté ou la mort allait bientôt te souffler dans le cou ?  

Derrière ton rocher, tes doigts s'aggripent à la roche et tu serres, faisant mal à tes articulations, faisant pâlir la peau de tes doigts, tu serres sans pouvoir compresser la matière, simplement stressée et paniquée par la situation. Tu aimerais mettre tes mains sur tes oreilles, tu aimerais te rouler en boule dans un coin, mais si c'est la bête qui avance vers toi, alors tu sais qu'elle sentira ta peur à l'instant où l'un de ses orteils franchira le seuil de la pièce de ce souterrain.

Tu sursautes en entendant sa voix, mais voilà que la peur a remplacé tes oreilles humaines par deux demi-cercles velus et poilus de petits poils bruns qui semblent rats, mais qui sont malgré tout très doux. Tu renifles un coup et sort la tête de ta cachette, rallumant ta lumière pour y voir le visage de Maverick, ce visage plein de colères et d'autres émotions que tu ne comprends pas. Tu ne comprends pas ce qu'il te demande sur le coup, mais tu as saisi le mot achever et voilà qu'un frisson parcourt ton corps. La morve au nez, tu sors de ta cachett et avance vers lui, tremblottante. Un plan, il faut un plan. Tu repousses la lame vers lui, lui laissant son arme qui serait dangereuse pour ta propre sécurité. Ton index pointe le haut de la corniche où une sortie est creusée à travers les parois.

▬ Ou alors, on laisse cette chose ici et on voit où ce chemin peut nous mener pour sortir d'ici.. ?

Tu es terrifiée, tu refuses de tuer cette chose même si elle n'hésiterait pas à te réduire en morceau. Tu as surtout aucune idée de la façon pour t'y prendre. Tu n'as pas d'armes, tu as seulement tes bulles qui peuvent la ralentir, tes origamis pour la divertir, vitesse accrue pour t'enfuir rapidement, mais rien pour attaquer, ni même une lame bien affutée dans ton sac. Tu regrettes, oh oui, tu regrettes tellement d'avoir accepter cette quête pour un client. Tu as diminué tes visites dans le désert, mais tu te demandes s'il ne vaudrait pas revoir ton plan de carrière ou devenir une simple commis dans Polaris seulement..

▬ Maverick. Poppy a ..

Tu n'as pas le temps de lui dire que tu as peur, que tu ne veux pas retourner vers la chose, tu entends seulement des pas dans le tunnel qui mène vers vous et si vous êtes les deux en cet endroit, tu te doutes qui vient vers vous. Les larmes te montent aux yeux, tu as l'impression d'étouffer, tu aimerais être dehors, respirer l'air frais. Tu paniques et recules, trébuchant dans tes pas pour attérir sur les fesses. De ta bouche à tes mains, tu formes des bulles, plutôt grosses et bien collantes et tu te prépares à les lancer vers l'entrée créant un piège telle une toile d'araignée pour ralentir la chose. Tu espères que ça fonctionnera, ne serait-ce que quelques minutes, le temps que vous montiez là-haut. Tes pupilles cherchent le regard de Maverick, tu es blême, tu es pétrifiée. À quoi pense-t-il, que veut-il faire?

Tu ne comprends pas pourquoi il ne veut pas envisager ta solution, pourquoi il ne veut pas te faire la courte échelle pour vous faire quitter ses lieux maintenant maudits. Les larmes perlent à tes cils et tu paniques, tu trembles en entendant les sons, tu veux que tout se termine.

Les mots qu'il te dit te frappe de plein fouet, tu vois dans ses yeux qu'il est sérieux. Il y a une lueur qui te dit que tu ne peux pas refuser et même s'il s'agit d'une occasion de te rapprocher de lui, tu ne comprends pas ce qu'il s'attend de toi. Pense-t-il réellement que tu peux tuer cette chose, que tu peux réellement utiliser cette arme efficacement ? Tes mains tremblent et tu finis par attraper l'arme froide, la collant contre ton torse en reniflant fortement, tentant de reprendre le dessus sur tes émotions. Ok, c'est tout ce que tu arrives à lui dire.

Tu ne sais toujours pas quel est son plan, mais voilà qu'il court vers l'entrée. Tes jambes sont molles, tu ne comprends pas où tu dois aller et clairement, tu es la pire coéquipière dans les jeux de coopération avec simulation de combat. Tu as l'impression de manquer d'air alors que des bruits de roche se font entendre plus près de vous, la bête est dans le couloir, accrochant les parois sur son passage. Tu recules vers le premier objet derrière toi et te réfugies derrière une roche assez grosse pour te cacher.

Ta main se pose sur ta bouche, l'arme dans l'autre. Tu veux étouffer le son de ta respiration beaucoup trop rapide, beaucoup trop forte pour les oreilles de cette créature. Tu veux reprendre le contrôle, tu as trop peur qu'elle sente ta peur, qu'elle te trouve. Tu trembles, les larmes coulent déjà sur tes joues. Voyons Poppy, ressaisis-toi, tu as déjà été plus courageuse, tu as déjà été plus forte, mais pourquoi aujourd'hui, tu t'effondres si facilement ? Tu entends le bruit de griffe sur la roche et il te semble qu'elle n'a pas vu Maverick. Tu ignores où il s'est caché, tu ne veux pas regarder, tu ne veux pas être découverte. Ça te rappelle cette scène dans Jurassic Park, où les enfants se cachent dans les cuisines et tentent de ne pas être se faire découvrir.

Mais voilà que tu te rappelles, par les petites oreilles sur le dessus de ton crâne, pourquoi tu as mal au coeur. Ce n'est pas la nervosité, la peur au ventre, le stress qui ronge tes entrailles. Non, c'est ce fichu cristal qui a déterminé que si tu ne manges pas, vomissement il y aura. Tu fermes les yeux, tentant de contenir ton envie de régurgiter. Tu fermes les yeux, mais trop tard, tu échappes l'arme, plaquant tes deux mains contre ta bouche d'où le liquide s'échappe entre tes doigts et tu te doutes, tu es certaine que l'odeur te trahira.

Ainsi donc, à l'instant où tu sais que ton destin est fichu, tu entends ce qui est le reste de Mathilde sauter sur le dessus de ta pierre, respirant fortement, grognant avec plaisir. Tu sens son souffle sur le dessus de ton crâne. Tu veux prendre le couteau, mais il te glisse tes mains. C'est plutôt dégueulasse cette texture, mais tu n'as pas le temps de te concentrer sur ce détail. Tu te retournes, lui faisant face, écrasée contre la paroi de la pièce et tu es capable d'une seule chose : hurler.