Si certain.e.s aiment penser que les révolutions se soulèvent d’elles-mêmes, dans un élan spontané d’outrage, toi, Samson, tu ne fais pas partie de ces optimistes. La spontanéité se prévoit, l’outrage se nourrit, la rébellion se dessine. Si tu as confiance en tes chances de soulever une masse aussi enthousiaste qu’incompétente au désert une fois le mouvement bien entamé, tu manques cruellement d’appui chez les révolutionnaires. Certes, tu peux compter sur Andy, tu le pourras toujours, malgré que tu ne puisses lui donner ce qu’elle espère encore. Mais tu as besoin de plus de personnes de confiance à tes côtés, celles à qui tu peux confier les affaires délicates, que tu peux laisser faire sans trop d’angoisse.

D’où ton inquiétude lorsque, entre les branches, tu apprends que Mars songerait à quitter la Révolution. Le mercenaire fait partie de ces quelques candidats potentiels pour faire partie de ce futur cercle rapproché. Tu le savais fiable et sensé, plus prévisible que Moebius, que tu considérais également. Tout de suite, tu décides d’agir. Quel genre de chef es-tu si tu laisses des effectifs disparaître sans lever le petit doigt ?

Ce qui est étonnant, quand on ne connaît pas le désert, c’est la facilité avec laquelle, dans cette vaste étendue presque vide, on peut retrouver quelqu’un.e. Il suffit de demander aux bonnes personnes, aux vieillards qui n’ont rien à faire d’autre que de noter les allées et venues et de les recracher en échange de quelques pièces ou victuailles. Par ce chemin d’informateurs informels, tu te rends à cette partie du campement où se trouve encore Mars.

Pas question de faire semblant de passer là par hasard ou quelque autre entourloupette. La collaboration de Mars peut s’avérer précieuse, mais ton temps l’est tout autant. Alors tu le hèles sans plus de cérémonie.

« Mars. »

Ton ton n’est pas particulièrement chaleureux, mais il n’est pas aussi tranchant que lorsque tu donnes des ordres autour de toi. Tu marches pour arriver à ses côtés.

« Marchons. »

Peu importe ce que Mars faisait avant que tu ne le rattrappes, tu n’as pas l’intention de lui laisser le choix de te suivre ou non. Même si tu as l’impression d’être assez neutre, tu n’as pas l’air d’être là pour une promenade de santé. Tu n’attends pas pour reprendre la marche pour vous éloigner d’oreilles indiscrètes.

Lorsque vous vous êtes assez écartés, tu tournes la tête pour lui lancer, toujours avec ta douceur légendaire: « Je ne passerai pas par quatres chemins. On m’a dit que tu songeais à abandonner la Révolution. »

Malgré toi, ta voix prend par habitude l’air du reproche. Il faudra que tu y travailles, sans doute.

Tu hausses les sourcils en entendant la raison que Mars te sers pour expliquer ses hésitations. Au moins, il ne te fait pas perdre ton temps et assume pleinement ses doutes. Tu espères ne pas être le genre de leader tyran auquel on cache des choses par peur de représailles.

Enfin, cela te surprend quand même, que Mars se laisse influencer par de bêtes histoires relationnelles. La Révolution est pour toi une question de conviction profonde, d’idées et de rêves. Tu t’expliques mal pourquoi le départ d’une membre, une traître qui plus est, puisse ébranler de telles convictions. Tout le monde n’est pas comme toi, on dirait bien.

C’est lorsque Mars te regarde enfin en face que ce qu’il te dit résonne davantage en toi. Voilà qui est mieux que les excuses d’adolescent bourru lâchées les yeux baissées. Là, vous parlez franchement. Tu lui souris, même si ce qu’il annonce aurait tôt fait de te déplaire. C’est une habitude que tu essaies d’instaurer, sourire au lieu de te mettre en colère.

« Je comprends. »

Quelle étonnante magnanimité de ta part, tu te surprends presque. Cependant tout cela est bien calculé, on n’attire pas des mouches avec du vinaigre. Sermonner Mars ne servira à rien. Bien sûr, tu as remarqué que Mars étend son doute au désert tout entier. Tu fais l’effort conscient de ne pas laisser ce manque de foi te faire tiquer. Ce n’est pas tout le monde qui peut voir avec autant de clarté que toi la légitimité divine de votre entreprise. Tu sais très bien que ce genre d’argument est perdu dans des oreilles séculaires. Alors, tu prends sur toi. C’est le Père Lewis qui serait bien fier.

« Je conçois que les derniers temps ont été quelque peu… Rocambolesques », tu concèdes avec un signe vague de la main.

Rocambolesque est un bien faible euphémisme pour parler des trahisons et les changements de leadership qui ont ébranlé la Révolution. C’est pourquoi tu ne peux laisser Mars partir et créer un précédent que d’autres pourraient imiter.

Tu te fais soudainement plus solennel, fronçant les sourcils comme tu ne pouvais t’empêcher de le faire.

« Mais j’ai un plan pour le désert, Mars. Un plan pour lequel j’aurai besoin de toi. »

Tu le regardes le plus sérieusement du monde. Non, tu ne mettras pas le genou à terre, mais, que serais-tu sans cette intensité qu’on te connaît si bien ?

« Laisse-moi l’occasion de te faire changer d’idée. »

Tu hausses les sourcils, te voilà surpris. Surpris que toi, qui marche sans cesse sur tes braises, on ne te trouve pas si belliqueux, pas si rancunier. Tu as pourtant l’impression, bien souvent, de n’être que colère, qu’une rage seulement contenue par les chaînes de ta foi. Malgré toi, le compliment en apparence anodin de Mars te décontenance. C’est bien ce que tu aspires à être, plus réfléchi, plus serein.

Cela te donne un bon pressentiment pour la suite, si tu peux faire comprendre à Mars ce que tu vois si clairement dans ta tête. Tu prends une grande inspiration avant de poser un regard lourd d’implication sur ton interlocuteur.

« Ce que je vais te dire, je ne l’ai révélé à personne, jamais en autant de détail. »

Ce n’est pas par enthousiasme que tu partages tes plans avec lui. Seulement, tu as besoin de faire ce sacrifice si tu veux compter sur lui.

« J’ai l’intention d’amener le combat aux Royaumes. Trop longtemps avons-nous gaspillé nos énergies en conflits internes. Je parle d’attaques directes sur les territoires des royaumes, sur leurs installations… Et sur leur crédibilité. »

Tu regardes autour pour être sûr que cela reste entre vous. Ce n’est pas une conversation comme une autre que vous avez en ce moment. Tes paroles pourraient causer la perte de la Révolution si on venait à t’entendre. Tu poses une main sur son épaule, pour le rapprocher alors que tu continues à voix plus basse, mais sans perdre en identité.

« Si je te dis cela, c’est parce que je sais que je peux compter sur toi, Mars. De grands changements sont en chemin, et j’ai besoin de gens comme toi à mes côtés. »

Tu as déjà vu Mars à l'œuvre et tu sais ce dont il est capable. Tu sais qu’il respecte les ordres, qu’il ne part pas faire de folies en mission et qu’il est capable de se débrouiller seul. Étonnamment, ce sont deux qualités rares chez les révolutionnaires.

« Je veux exposer à toustes que les Royaumes sont voués à l’échec, et cela nous mettra assurément dans leur mire. C’est un jeu dangereux, mais il le faut, pour le Désert, Mars. »

Le danger est parfois nécessaire
Ne l’est-il pas toujours cher Mars ?

Tu vois tout de suite dans ces yeux sombres, ce qui rougeoie comme un feu négligé. Ce genre de braises, on ne peut les inventer, mais on peut certes souffler dessus. Tu lâches son épaule, hochant la tête, non sans enthousiasme, à ce que Mars extrapole de ce que tu lui as révélé. Il a compris.

C’est ce que tu veux, miner les royaumes de l’intérieur, gruger leur fondation jusqu’à ce que, le jour venu, ils ne puissent se tenir debout contre la vague déferlante de votre justice. Que cela implique-t-il ? Un grand travail de propagande, autant au désert qu’en dehors, mais aussi de l’infiltration, pure et simple. Des traîtres au cœur pur dans chacune de ces contrées pourries. Voilà pourquoi tu as besoin d’allié.e.s, toi qui n’a jamais mis les pieds hors du désert, qui ne l’a même jamais voulu.

Il semblerait que tu ais réussi à convaincre Mars. Cette loyauté n’est pas à toute épreuve, elle se réfléchit, elle observe, elle juge même. Bien, cela te gardera de te laisser emporter en délires.

« Elles ne dévieront pas », tu assures avec une confiance en apparence inébranlable.

C’est avec cette confiance dénuée de doute que tu t’entêtes à faire face au monde, pour oublier tout le doute qui n’a cessé de t’accabler. Maintenant que tu as eu ce que tu voulais, la parole de Mars, tu en veux plus, bien sûr. Tu n’en serais pas là si tu te contentais toujours de ce qu’on te donne.

« Mars, j’ai cru comprendre qu’il t’es arrivé plus qu’une fois de voyager. J’imagine que tu comprends que pour déstabiliser les royaumes, il nous faudra des complices hors du désert. »

Pour l’instant, les sympathisant.e.s à votre cause devaient être peu nombreux.ses et peu affiché.e.s. Après tout, on vous dépeignait comme une bande d’illuminés désordonnée sans grande importance. Cela allait changer.

« Quelqu’un à qui on pourrait faire confiance parmi tes connaissances ?  »

Aussitôt acquis, aussitôt utilisé. Vous n’aviez pas de temps à perdre après tout.

La Vallée. Il y a un éclat intéressé dans tes yeux lorsque tu entends Mars prononcer ces deux mots. Sans le savoir, c’est ce que tu espérais. La Vallée te semble la cible la plus facile. Facile est un grand mot, elle est, comme les autres, presque impossible à déstabiliser. C’est dans ce presque que tu gardes espoir. Impossible de s’attaquer à Célestia sans perdre l’appui du Marché noir. Caer, quant à elle, est foncièrement hostile aux Oubliés. Elle doit être confrontée de la plus directe des manières. Pour la Vallée, cependant, plus de doigté est nécessaire. C’est là où le contact de Mars a le potentiel d’être inestimable.

Ton intérêt se fait encore plus visible quand Mars t’explique la position de son contact dans les laboratoires de la Vallée. Si Mars te dit peut-être, toi, tu entends un oui. Déjà, les ébauches des plans les plus téméraires se dessinent d’elles-mêmes dans ta tête. Tes yeux dévient du visage de Mars, perdus dans tant d’hypothèses et de prévisions, ta main frottant distraitement ton menton.

« Je veux lui parler  », déclares-tu sans demander, pour que ta volonté soit faite.

Ce qui reste entre les mains de Mars, c’est seulement de convaincre son contact de t’accorder son temps (et de faire le chemin jusqu’au désert, loin des autorités de la Vallée). Pour ce qui est du bien-fondé de votre cause, tu t’en chargeras avec plaisir. Tu préfères le faire toi-même, de peur que la Cause soit déformée dans la bouche d’autres.

« Informe-moi quand tu auras fixé un rendez-vous, j’y serai.  »

Pas de “si”, mais bien “quand”. Il n’y a pas de doute dans ton esprit que cette rencontre aura lieu. C’est cette confiance obstinée qui t’amènera la victoire, tu en es certain (évidemment).