Cette discutions ne va nulle part! Il a l’air contrarié. Ma timidité l’a sûrement mis dans l’embarras vu comment il torture cette pauvre tarte.
Il n’a pas l’air de comprendre ce que je voulais dire par là et ça me donne envie de m’arracher les cheveux! Ça ne sera donc jamais simple!? Je trempe les lèvres dans le champagne pour faire passer la boule dans ma gorge.
J’entortille une mèche rousse autour de mes doigts et essaye de m’exprimer un peu mieux.

-Ce que je veux dire... C’est que ressent un truc quand on est ensemble ... Quelque chose comme tu as décrit plus tôt. On pourrait peut-être...

Je sursaute en entendant un bruit derrière moi et me retourne en entendant le cri strident d’une des serveuses.

Alors qu'Alvis s'agaçait à sonner de plus en plus niait, il désespérait aussi de voir la jeune femme d'autant plus embarrassée par cette conversation qui n'avait ni queue ni tête. Encore une fois elle tenta de clarifier ses sentiments, mais sans réel succès et alors qu'il s'apprêtait enfin à cracher le morceau, le freelance croisa le regard de l'infidèle qui passait non loin. Ce qui suivit arriva très vite.

Pris d'un violent vertige, le freelance dut s'appuyer sur la table pour ne pas chavirer. De l'autre côté de la salle, le serveur glissa et s'étala sur une table, renversant une bougie qui mit feu à la nappe. La flamme qui fut rapidement maitrisée arriva pourtant à déclencher le système anti incendie, arrosant tous les clients et semant le chaos dans le restaurant. Recevant une douche froide, Alvis reprit ses esprits et ôta sa veste pour couvrir son amie, avant de la tirer vers l'extérieur à la suite des autres clients. Croyant échapper à l'eau, la pluie prit le relais à l'extérieur au grand dam du jeune homme qui était maintenant trempé et bientôt frigorifié par le vent de l’hiver. En frissonnant, il jeta un regard derrière lui.

"J'ai fait ça ? Je le sens, cette sombre influence que j'ai jeté sur le serveur…"

-J'ai même réussis à gâcher notre repas, cette journée est un fiasco, se lamenta Alvis.

D'un air abattu, il se pencha vers Berry qu'il abritait toujours sous sa veste.

-Je suis désolé, je voulais seulement…

Il hésita encore et ceci fut la goutte d'eau.

"Au diable cette journée ! J'ai tout fait de travers alors tant pis pour moi !"

Le jeune homme se gifla et alors que sa paume vibrait sous la douleur, il s'écria.

-Je t'aime Berry ! Tu m'entends ? Je t'aime et je suis un parfait idiot, excuse moi !

Parfaitement sérieux malgré cette déclaration pour le moins atypique, il soutenait le regard de la jeune femme sans faillir. Son cœur s'arrêta en attendant la réaction de celle qu'il aimait. La pluie, elle, continuait de tomber inlassablement.

Mes yeux font un aller-retour entre Alvis et la scène catastrophe qui se déroule derrière moi. Je le vois faire une sorte de malaise, mais il se reprend vite. Aurait-il quelque chose avoir avec ce qu’il vient de ce dérouler? L’eau glacée qui nous tombe dessus me sort de mes pensées et Alvis réagit vite en m’abritant sous sa veste et en nous sortant de là. Manque de pot, il pleut aussi à l’extérieur !

Mon colocataire a l’air complètement dépité. Je lui adresse un sourire pour le remercier, mais il se confond déjà en excuses en se penchant au-dessus de moi. J’entrouvre la bouche cherchant les mots adéquats pour le rassurer. Après tout, on a quand même passé une bonne après-midi. Je n’ai pas le temps de lui répondre et j’écarquille les yeux en le voyant se gifler tout seul. Je lui prends la main pour éviter qu’il recommence et...

Il... Moi ? Il m’aime ? Mes oreilles sifflent. Le raffut environnant disparaît. Je n’entends plus que ma respiration qui se fait lourde. J’aurais voulu dire mille choses. Lui dire clairement ce que je ressens, mais rien ne sort. Je ne sens que cette étrange attraction qui me tire vers lui. Je me mets sur la pointe des pieds et mes lèvres atteignent les siennes. Mon cœur cogne et c’est si doux.
Ce n’est pas mon premier baiser mais c’est bien différent de ceux que j’ai connus. J’ai l’impression que je vais tomber dans les pommes.
Je me détache doucement et repose mes talons. Mes yeux sont brillants et mon visage est rouge.

-T’es sûr ?

Étrangement la seule chose que j’arrive à dire d’une petite voix étranglée. Pour me rassurer, pour être sûr que je ne rêve pas.

Le vent soufflait, la pluie battait, des cris s'élevaient depuis le restaurant ainsi que dans la rue, causé par des clients mécontents qui n'hésiteront pas à conter leurs péripéties dans tout leur entourage. Seul l'éclairage public permettait à Alvis de contempler le visage de cette jeune femme qu'il couvait avidement sous sa veste. La gifle avait eu l'effet escomptée, un bon coup de fouet provoquer par la douleur, une sorte de punition aussi pour avoir autant tourner autour du pot, puis pourquoi pas, montrer à quel point il était sérieux dans sa déclaration, même si cette dernière partie ne faisait que très peu de sens.

Berry qui était doté d'un peu plus de décence attrapa cette main sur laquelle elle avait passé tant de temps à soigner pour l'empêcher de recommencer, mais elle fut interrompue par ce discours enflammé. Les mots ayant maintenant perdu de leur force alors que le désir prenait place, ils s'embrassèrent.

Après un moment à la fois trop court et infiniment long, Alvis se redressa, à la fois béat et surpris d'un tel déroulement. Il lâcha un soupir de soulagement alors qu'elle demanda bêtement si cela était bien réel.

-J'ai douté toute ma vie, mais pas aujourd'hui.

Et pour accompagner les mots, il l'enlaça, serrant sa tête contre son torse un instant. Puis le vent hurla une nouvelle fois, faisant grelotter le jeune homme qui était encore trempé jusqu'aux os. Il épargna sa dulcinée de sa chemise, maintenant devenu transparente, en la relâchant et reprit :

-On devrait rentrer… souffla-t-il avant de commencer à claquer des dents.

En serrant Berry d'un bras, il l'entraina dans les rues de Caer Callabus qui avaient perdu beaucoup de leur charme par un temps pareil, mais le freelance n'en avait cure. Qu'importe le contexte de cette journée chaotique au possible, des accidents et des boulettes enchaînés à une cadence affolante, cette soirée était le plus beau moment de sa vie.

"…"

Son esprit était vide de toute pensée, il était tout simplement heureux d'être auprès d'elle, loin de tout problème. Malgré les intempéries, pour lui se levait un horizon radieux, l'avenir et la paix lui semblait maintenant à portée de main, encore un pas en avant et il aurait son pardon…

Ok. C’est pour de vrai. Il me prend dans ses bras, ma joue colle à sa chemise gelée.
Je me rends compte que je ne lui ai pas répondu, enfin, je ne lui ai pas exprimé mes propres sentiments. Il frémit et je prie pour qu’il ne tombe pas malade. Je réponds peut-être un peu distraitement.

-Oui. Rentrons.

Je pourrais bien trouver de quoi lui faire une infusion à l’hôtel ... Ou alors je pourrais faire pousser deux ou trois petites plantes, juste de quoi... ATTENDS!! Pourquoi je pense à ça alors que l’une des choses les plus agréables de toute ma courte vie vient de m’arriver?!
Et maintenant quoi ? Il ce passe quoi après les bisous ?
Je relève les yeux vers mon colocataire.... Mon colocataire ? On est ensemble ? C’est une question idiote à poser non ? Trop tôt ? Ah, c’est fou, il est tellement beau.
Mes yeux glissent sur sa chemise bien trop transparente pour mon esprit pure. Je trébuche sur une dalle légèrement relevée, mais me rattrape aisément grâce à sa main qui me soutiens fermement.
Reprends tes esprits Berry ! Tout va bien se passer. On en discutera. C’est ce qu’on m’a toujours dit ! « La clé pour une bonne relation, c’est la communication » ou un truc comme ça. J’inspire profondément, je commence à comprendre que c’est un bon moyen pour me calmer.

On est vite arrivé devant l’hôtel. En même temps, la pluie battante était plutôt motivante.
Cette journée était épuisante !!