C'est qu'il la regardait depuis tout à l'heure, Ulrich, cette peluche au poil synthétique semblant bien soyeux
C'est qu'elle le fixe avec cet air narquois dans ses billes noires lui servant d'yeux aveugles, cette peluche, tandis que le regard plein d'envie du jeune homme croise le sien
« Prends-moi », semble-t-elle lui dire, « regarde comme je semble si mignon, tu ne peux pas résister, je le sais »
(Ah, sa passion étrange pour ces créatures inanimée le perdra un jour, il le sait)

Mais il hésite, parce qu'Ulrich, il n'avait jamais, pour ainsi dire, particulièrement doué avec les jeux, lui qui semblait maudit et condamné à perdre par les plus malheureux des hasards, parfois à cause de broutilles
(et c'est à la chance que chaque fois il s'en remet)
Alors il reste planté là, Ulrich, semblant attendre que le temps passe ─ ou peut-être autre chose, une aide salvatrice, tout au fond de lui, mais il n'aime pas attendre la providence.

Et c'est une voix qui le tire de l'attente dans laquelle il était plongé, sursautant, et son regard quitte la peluche pour croiser le tiens ; et ce petit sourire que tu abordes, qui l'énerve, ce petit sourire moqueur, et soudain Ulrich a honte, Ulrich rougit, la surprise devient agacement ─ ses sourcils se froncent.

▬ V... Vous vous faites des idées, je ne suis pas intéressé par de tels enfantillages.

Il ment, Ulrich, parce qu'il la voulait, cette peluche, ça se sentait sur son visage, ça se ressentait sur tout son être. Il détourne le regard, croise les bras, n'assumant pas s'être fait prendre en plein délit de contemplation de souvenirs d'enfance
enfant essayant d'être adulte
malgré le regard irrésistiblement attiré par la peluche qu'il désirait
mais qu'il n'osait prendre par anxiété du jeu.

▬ Si vous voulez.

Et tu la lui donneras, la peluche, si tu la gagnes, pas vrai Onyx ?

Il marmonne quelque chose à tes remarques ─ te maudissant peut-être d'avoir trouvé un de ses points faibles alors qu'il ne te connaissais pas, on ne savait pas trop.
Il te regarde t'approcher du jeu, envieux, peut-être, voulant être à ta place, sûrement. Une partie de lui veut que tu perdes, Onyx, pour qu'il puisse se moquer de toi intérieurement ─ toi qui t'es moqué de lui quelques secondes plus tôt
(il veut te faire payer, à sa façon)

Hélas, tu la gagnes, la peluche, à sa grande surprise, et c'est triomphant que tu reviens à lui ─ pour mieux le narguer. Il enrage à l'intérieur mais c'est une façade froide qu'il te montre, quoiqu'un peu agacée
agacé d'avoir été surpris à admirer ces maudits jouets
agacé que tu ais gagné aussi facilement
agacé de t'avoir rencontré
(agacé d'avoir aussi peu d'affinités avec les jeux en tous genres)

▬ Je... lorgne la peluche. Adrian. Et vous êtes ?

Ce faux nom qui lui va si bien qu'il en devient véritable.

▬ Vous... Pouvez me donner la peluche, maintenant ?

A voix plus basse, joues rosissant sous l'effet de la gêne, crevant de t'arracher l'objet des mains et de partir sans plus de cérémonies
(mais sait que ça ne se fait pas)
((il faut garder une civilité imposée))
Te regardant droit dans les yeux pour essayer de sauver les apparences
(déjà bien malmenées)

Et la peluche qui se décolle de tes mains et qui vient se lover dans les bras d'Ulrich au cœur encore trop enfantin, enserrant son nouveau bien comme on enserre un précieux cadeau.

▬ De toute façon, ce n'est pas pour moi.

Il ment encore, Ulrich, essayant de te faire comprendre que c'était pour un proche quelconque qui aurait, par miracle, survécu à cette chute, ou peut-être pour un enfant qu'il avait croisé quelque part par là, on ne savait pas trop ─ mais c'était trop tard, pourtant, il le savait, tu avais découvert une facette qu'il voulait cacher au monde
lui qui se voulait inaccessible par peur d'autrui

Ah, qu'il est content, Ulrich, avec sa peluche si ardemment désirée, mais il ne t'en montrera rien, si ce n'est cette face renfrognée de félin effarouché ─ se demande comment il pourrait appeler sa nouvelle peluche et si elle s'entendrait bien avec toutes les autres.
Et soudain, cette main, cette main si indiscrète qui vient contre la sienne, et qui le prend au dépourvu ; le rose délicat vire au rouge vif, la surprise rend son être confus, il a un mouvement de recul
c'est qu'il ne s'attendait pas, Ulrich, à ce qu'on vienne lui faire une approche aussi directe
((ne lui en veut pas, Onyx, il n'en a pas (plus) l'habitude))

▬ Je... S... Si vous voulez.

Dans la confusion une partie de la barrière qu'il s'était érigée s'est effondrée et il doit la reconstruire vite, il le sait
(vite avant que tu ne t'approches trop près de ce cœur meurtri)
Dans la confusion il ne sait plus vraiment ce qu'il dit.

Tes remarques le rendent plus mal à l'aise, ne sait pas comment réagir face à tes subtiles attaques pour tenter de percer sa carapace, se contente de serrer sa peluche comme lui comme un enfant. Persuadé que cette peluche, tu l'aurais gagnée

Il se contente de te suivre, simplement ; il avait accepté ta proposition et ne pouvait pas revenir en arrière. Il accepte le sac plein de sucreries délicieuses qui lui font bien envie
et un instant se dit qu'il était un grand enfant

▬ M... Merci dit-il ; est-ce que je la mérite vraiment, cette peluche ? Si ça vous fait plaisir...

Ulrich ouvre le paquet et avale l'un des chocolats.

▬ Pourquoi vous faites tout ça pour un inconnu comme moi ?

Il trouvait bien étrange que tu le combles ainsi de ses désirs, lui qui n'était qu'une personne supplémentaire dans ta vie que tu oublierais probablement dès que vous vous quitterez du regard.
Il se demande, Ulrich, si tu fais ça par intérêt
(pour gagner sa grâce
son amitié
et le poignarder dès qu'il aura le dos tourné)
ou si tu étais simplement d'un altruisme débordant qu'il n'avais jamais eu l'occasion de voir jusqu'alors.

Il ne savait que répondre, Ulrich, à tes... avances ? Il aurait bien du mal à qualifier tes positions. Il ne cessait de se demander ce que tu lui voulais, à agir ainsi
à le draguer de la sorte
ne lui en veut pas, Onyx, de ne pas céder à tes avances
ne lui en veut pas de plus vouloir se faire du mal en aimant
ne lui en veut pas de se faire mal en ne voulant plus aimer
les jeux auxquels tu joues ne lui sont plus connus

▬ T... Tant que ça ?

Il commençait à avoir un peu peur, Ulrich, peur que tout le monde lise aussi facilement en lui comme tu le faisait ─ devra redoubler d'attention à sa prochaine interaction.
Il tressaille lorsque ton souffle vient rencontrer son oreille ─ ah, Onyx, tu es bien trop proche ─, te lance un regard surpris (effarouché) à ta comparaison quelque peu saugrenue ; mais tu en semblais si fier que finalement tu parviens à lui arraché un sourire
léger, gêné
les yeux préférant se perdre dans la fourrure de la peluche plutôt que d'affronter ton regard énamouré

▬ Je... Votre comparaison est... bizarre, déplacée, inédite, surprenante, incongrue déroutante.

Il avale un nouveau chocolat ─ ah, qu'ils sont délicieux ─, et ose à nouveau affronter ton regard.

▬ J'ose espérer que vous ne faites pas de telles choses à toutes les personnes que vous rencontrez ?

Se demande si seul lui avait droit à ce genre de traitement, cherchant presque à se rassurer.