Ç’avait commencé avec une requête bénigne. Jusque-là, retrouver une personne n’était pas difficile en soit, tant que les conditions étaient un minimum rencontrées. Puis, en cet ère médiatique, l’obtention d’une photo se révélait être un jeu d’enfant, non ? Et bien non. Un cliché de piètre qualité, encore ça allait, mais un visage obstrué ? Alors là, non seulement ça ajoutait un défi considérable, mais ça augmentait considérablement la marge d’erreur. T’y avais dit, à ce client, que c’était risqué et si jamais il y avait quiproquo, tu t’en portais pas garant. Frappé par l’amour –ou le coup de foudre, plutôt, il avait acquiescé, maugréant quelque chose comme l’amour triomphe toujours.

T’étais pas intéressé à connaître son histoire, ni de connaître la vérité de ce cliché qui semblait avoir été pris à l’insu de ‘l’amour de sa vie’, lui donnant assurément l’aura d’un stalkeur, et tant qu’il y mettait l’argent, la suite te concernait pas.

Maintenant dans la ville sans soleil, ton cristal indiquait que la personne se trouvait non long de votre groupe et c’est lorsqu’une chevelure blanche sortie d’une boutique quelconque que tu sus qu’il y avait de bonne chance de que ce soit elle. L’indiquant au client, tu tendis la main afin de recevoir l’autre moitié de ton du et prendre congé. Sauf que rien n’est jamais si simple et le mec repousse ta main tendue, se met à pointer l’inconnu et à gueuler à qui veut bien l’entendre :

« C’est une blague ? » Y’a la frustration qui suinte et tu ne comprends pas, parce que tu l’as avisé et tout semblait rose. « Pas possible que ce soit elle, » qu’il continue, attirant une petite foule.

Ça t’agace et tu te pinces l’arête du nez, sidéré, de un par la réaction et de deux, que tu ne peux concevoir que dans un monde où les cristaux de genderbend et changement d’apparence existent, il lui est impossible de faire l’addition. Tu le saisies par le bras et le force à te suivre vers l’inconnu, et devant celui-ci, tu t’arrêtes, cherches rapidement le cliché dans les fichiers de ton holokit et lui met sous les yeux.

« Excusez-moi, mais ce gentleman aimerait savoir si c’est bien vous. »

Awkward.

Rien de plus mélodieux que le son de la confirmation qui t’arrache un sourire de satisfaction, criant haut et fort : tu vois, j’ai raison. Et tu tends la main, toujours smug, pour y recevoir ton dû qui arrive brusquement, à contre cœur. Pendant que tu t’assures que tout y est, sans lever les yeux des billets, tu réponds à l’interrogation plus que justifié de cet homme dérangé en plein milieu de ses emplettes.

« Ah ça, » tu pauses, laissant planer le suspense et d’y jeter un regard à la dérobé. « Il va se faire un plaisir de vous raconter. ». Parce que toi, honnêtement, t’en savait rien. T’avais pas demandé, et ça t’intéressait pas. Puis, ce sont des indexes qui se frôlent, penaud et embarrassé de devoir exposer des habitudes à la moralité discutable que le client baragouine sa justification. Tu t’attends à un mensonge tissé à l’eau de rose ; une tragédie peu plausible pour garder la tête hors de l’eau ; n’importe quoi lui permettant de s’en sortir avec un minimum de dignité.

« Quand… » L’hésitation est palpable. « Quand j’ai croisé cette chevelure blanche, j’ai, euhm… tout de suite été remémoré de mon crush sur terre : ma seule et unique waifu, Eldergard. » C’est qu’il dit ça, tendresse dans la voix avant d’admettre qu’il a subtilisé un cliché ou deux afin de pouvoir retrouver cette idole réincarnée. « Mais là, je réalise que vous n’avez pas le même visage. » Déception, il efface les clichés sous vos yeux avant de prendre congé, l’âme plus meurtrie qu’avant.

Toi, pendant ce temps, t’es sidéré par tant d’honnêteté et tu demandes même si ton client n’a pas été victime d’un cristal de révélateur de secret. Tu jettes un regard vers le pauvre étranger ; comment se sent-il ? Probablement tout aussi confus.

Tu te frottes l’arrière de la tête et te racle la gorge pour étouffer un rire,

« Ça vous arrive souvent ce genre de quiproquo ? »

Ça te surprend : c’est que le mec s’en tire avec si peu qu’une tape sur les mains semble beaucoup plus douloureux. Malgré la surprise qui se manifeste en un haussement de sourcil, tu ne dis mot, car après tout, comment cet étranger gère ce qui s’apparente être un léger cas de stalkage n’est pas de tes affaires. Est-ce là une démonstration d’une maturité qui te fait de l’ombre ou bien une miséricorde facile ? Dans tous les cas, ça ne t’empêche de le tease, narquois. Visiblement, il a le sens de l’humour.

« Je doute pas que ça doit être éprouvant. Pas qu’une telle situation m’est déjà arrivée, cela dit. »

Tes mains s’enfoncent dans les poches de ton pantalon et tu profites de la douce brise de Requiem qui fait changement de celle aride du désert, puis t’apprêtes à tourner les talons, ne voyant rien de plus à dire ce pauvre homme. Tu te retournes, haussant un sourcil. Impressionnant ? Non, vraiment, ça ne l’était pas, en tout cas, pas plus que n’importe qui d’autre dans ce monde où la magie est rampante. Loin de là l’envie de confronter Onyx, tu te contentes de répondre à sa question sur un ton ne trahissant ni honte ni fierté :

« Du désert. »

Et c’est que tu trouves ça sec, alors tu rajoutes un peu de glaçage.

« Il y a aucun souci à me tutoyer, d’ailleurs, je vais faire pareil. » Après tout, il devait avoir sensiblement le même âge que toi. « Mon nom est Maverick, et trouver ce qui est perdu, que ça soit objets où à priori, des âmes sœurs, est mon job. » Qui sait, suivant cette introduction, peut-être t’étais-tu trouvé un autre client. « Tu as dit que c’était impressionnant, mais j’imagine que tu peux en faire tout autant. »

« Nooooooon, vraiment? » que tu ne peux t’empêcher de dire sarcastiquement face à sa confession. Au moins, la phrase se ponctue en un sourire, puis en un ricanement qui se veut amical, car bien que très obvious, tu ne peux qu’agréer : ce genre de situation ne doit pas arriver souvent. Vient la présentation. « Effectivement, c’est bien triste, je ne fais que les réunir : Cupidon se charge du reste. » tu croises les bras, hausses les épaules et ajoutes : « comme tu peux le voir, le travail est quand même très bâclé. »

Mais tout ça, ce n’était pas ton problème. Enfin, tant qu’on te payait.
Le chapitre se clôt sur les mésaventures de l’homme au cœur brisé, ou plutôt embarrassé par son idéale fictif et un nouveau s’ouvre.

« Je vois. » Il venait donc de la terre. « C’est une question de point de vu, j’imagine, » t’ajoutes, tes bras se déplaçant pour reposer derrière ta tête, adoptant une posture nonchalante. « Du mien, vivre là-haut sans habileté particulière me semble plus impressionnant. » Certes, les transcendés rampent dans le Désert, mais comme tu venais de le souligner, au moins, vous aviez de quoi vous défendre. Et ça te fait penser : aurait-ce été mieux de demeurer à la surface avec elle, plutôt qu’en bas, sans. S’y pencher ne sert à rien, plutôt, tu focus sur l’homme qui s’est totalement pas présenté et t’y soulignes reprenant le vouvoiement :

« Et vous avez raison, Monsieur… » Pèse sur le silence, lui laissant le temps de combler le vide de son nom, s’il le veut bien, avant de reprendre : « Ça s’apprend et ça me fait penser que… » tu t’approches de lui, passe ton bras autour de son coup comme le ferait de vieux amis, tout en faisant bien attention de ne pas abîmer les fleurs qu’il porte avec attention. « Je n’ai souvent eu l’opportunité de discuter avec un terrien » et ça te fait sourire, car ça sonne mal, très mal. « Donc, que dirais-tu d’aller porter ces fleurs là où elles doivent être et qu’on discute… parc, café… peu importe, mais je pense qu’on peut tirer pas mal d’info l’un de l’autre d’une petite date improvisée. »

Un sourire qui ne dit rien qui vaille et tu retires finalement ton bras.

« Ah, oups, où sont mes manières ? » Probablement enfouies dans le sable du désert. « On est un peu cavalier, au désert, ha ha… mais plus sérieusement, si tu n’es pas occupé… ? »

L’inconnu –Onyx, quel joli prénom, entre dans le jeu et ça ne te déplais pas : ça fait changement. Nonobstant le fait que t’es quand même un étranger à ses yeux, c’est possiblement l’avantage du territoire (et probablement l’ennui) qui lui font prendre le risque. Enfin, risque… T’étais pas mal intentionné, plutôt, simplement porté par ta propre ennuie et l’envie d’un peu d’action dans une ville qui te perdait. Tu lui souris, c’est qu’il aurait très bien pu refuser et poursuivre son chemin. Pas de rancœur et n’était-ce pas là la beauté de l’absence de relation ?

« Je m’occuperais bien des fleurs, mais j’ai été devancé… Merci. » T’acceptes la fleur offerte, la porte à ton nez et la hume dramatiquement. « Je saurai me rattraper. »

C’est qu’elle est magnifique et n’a définitivement rien à envier de la flore du désert. Relevant les yeux de la beauté éphémère de la fleur, tu regardes Onyx et le suit là où il veut bien te mener. L’idée d’un guet-apens t’a frôlé l’esprit, mais rapidement chassé, tu te convaincs que, de toute façon, ton expérience peut te sortir de n’importe quelles situations, ou presque. L’image d’un lieu publique abaisse les derniers soupçons que tu peux avoir et tu le suis à l’intérieur, patientant calmement qu’il termine ce qu’il à faire.

De ton côté, t’uses de ton sac sans fond, en ressort un bouquin, un agenda plutôt, et entre les pages, y dépose délicatement la fleur qui s’y retrouve pressée. Rangeant le tout, t’en profite pour observer les lieux.

« Glauque, mais charmant. » Et ça a sans doute à avoir avec sa profession, mais tu ne l’interroge pas davantage, te disant que vous aurez tout le temps durant cette aventure improvisée. Toujours dans le rôle d’amoureux galant en plein rendez-vous, tu lui tiens la porte, lui faisant signe de passer en premier.

« Je t’en prie. » De retour dans la pénombre éternelle de Requiem. Et… c’est que t’as aucune idée où aller, étranger en cette terre. « Alors, je suis un peu embarrassé, mais je vais être obligé de te demander de prendre les devants… haha… » Une main dans les cheveux et regard semi-désolé. « Requiem et ses secrets me sont encore inconnu, mais en guise de pardon, que dirais-tu que je t’offre le dîner ? Ou la prochaine activité ? »

C’est que tu te prends au jeu et bien que temporaire, c’est un baume qui permet d’oublier.