Ça fait un moment que tu n'avais pas mis les pieds dans le désert à proprement parlé. Ton travail t'a amené à Australis et dans les Mers du sud - qui est certes un territoire conquis maintenant mais bon. Ta curiosité, elle, t'a fait explorer la jungle nouvellement découverte. Tes voyages ponctuels dans la grande étendue de sable s'étaient vu repoussés à plus tard. Il faut dire que tes supérieurs préféraient sans doute des pièces plus dans l'air du temps plutôt qu'un énième pitch concernant le sort des Oubliés qui n'ont pas quitté le désert. Peut-être que c'est vide de sens pour eux ; les Oubliés n'étaient plus à plaindre maintenant qu'ils avaient reçu l'aide du Mont Celestia pour ensuite conquérir une partie du territoire caerien. Mais pour toi, c'était encore une question fertile, une cause qui valait toujours la peine d'être défendue et ce serait sans doute toujours le cas jusqu'à ce que les choses changent vraiment. T'as donc pris la première opportunité qui s'est présentée pour pouvoir justifier un déplacement dans le coeur du désert.

Et comme à chaque fois, t'as fini par te diriger vers le campement des nomades. C'est, après tout, là où tu pourrais découvrir le plus de choses. C'est aussi l'endroit idéal pour faire le plein avant de te déplacer un peu plus dans la contrée aride. T'es pas idiote au point de te lancer tête première dans un environnement hostile. Fidèle à tes habitudes, tu t'arrêtes également à l'arbre à voeu. Il t'arrive parfois d'y accrocher des demandes pour les Oubliés qui pourraient t'aider pour un article ou un autre. Tu regardes aussi celles qui s'y trouvent, au cas où tu pourrais aider quelqu'un. C'est pas que t'es en manque d'argent, mais les contacts ne sont jamais négligeables.

C'est d'ailleurs ton intention pour cette fois. Trouver quelqu'un à aider, préférablement un oublié afin de pouvoir tisser un lien, poser quelques questions en prime. Et t'aurais sans doute pas eu de mal à trouver si ce n'était d'une personne en particulier, un inconnu que t'aurais très certainement ignoré si ce n'était du fait que t'as l'impression qu'il s'approche de toi, pas de l'arbre. « Je peux vous aider ? » Une question que tu poses avec une certaine méfiance alors que tu fourres une main dans ton sac, comme pour en sortir un quelconque moyen de défense, une arme même. Bon, dans ton cas, c'est plus probable que tu sortes un stylo ou quelque chose comme ça mais ne dit-on pas que la plume est plus forte que l'épée ? Peut-être pas en bagarre, mais jamais tu te battrais de toute façon, tu veux juste pas avoir l'air d'une cible facile.

Tu te détends un peu lorsque tu vois l'inconnu reculer d'un pas et relever les mains. Bon, au moins il n'est pas là pour s'en prendre à toi ou pour faire tu ne sais trop quoi. T'attends quand même une réponse à ta question avant de retirer ta main de ton sac - même si vraiment le contenu ne te serait jamais d'aucune utilité. Surtout que t'oublies totalement le souci des apparences lorsque la réponse arrive, lorsque ta mère est mentionnée. « Pardon ? » Réaction un peu laconique, inutile surtout, mais tu comprends pas ce qui se passe. Tu dois avoir mal entendu, c'est la seule explication au fait qu'il a prononcé son nom. Parce que ça ne peut pas être un hasard, Thècle n'est pas un nom très répandu, là-haut, comme ici. À la remarque sur l'usage des cristaux, t'hausses les épaules. Il a sans doute raison, tu doutes que même un couteau t'aiderait à te défendre contre quelqu'un qui usait de ses cristaux. « Certaines habitudes sont difficiles à perdre. » Que tu te contentes de faire remarquer sans pour autant chercher à rectifier le tir et te montrer plus menaçante que nécessaire. Tu penses pas qu'il y croirait vraiment. « Mais merci du tuyau. » De toute façon, sa présentation occupe bien plus de place dans ton esprit. Il évoque ta mère à nouveau et... tu sais pas quoi en penser, pas du tout même.

Tu serres quand même sa main avec un semblant de sourire sur les lèvres. « Espérance. » Quoi qu'il doit savoir, s'il dit vrai. Tu sais pas trop quoi en penser à vrai dire, t'as essayé de ne pas penser à tous tes proches à la chute. T'es à peu près sure que ta mère ne faisait pas partie de ceux qui étaient tombé au Kamikakushi alors qu'est-ce qu'elle faisait là ? Les questions se bousculent dans ton esprit sans même que tu ne saches ce que tu veux en penser. « Je dirais bien que c'est une mauvaise blague, mais j'imagine que ce n'en est pas une. D'où la connaissez-vous ? » T'a presque envie qu'il te dise quelque chose qui ne collerait pas avec ce que tu sais de ta mère - le peu que tu sais au fond - mais t'as pas l'impression que ça arriverait. Alors ta mère est ici... et c'est difficile à encaisser comme nouvelle, plus que t'aurais pu l'imaginer.

Sans doute n'a-t-il pas tord de douter que c'est monnaie courante d'où tu viens. Caer Hrid n'est pas le désert, pas plus que les endroits où tu as habité sur Terre pourraient être comparés à cette région. Sans compter le fait que t'as probablement pas la tête d'une survivante endurcie. Ça ne t'empêche pas d'hausser les épaules, ce n'est pas parce que tu as vécu dans des endroits plus privilégiés que tu n'as pas fréquenté des lieux plus hostiles. « Les avantages du métier je dirais. » Que tu fais remarquer. T'as jamais eu peur d'aller dans le feu de l'action si ça pouvait te donner de meilleures informations. « Mais merci ? » Pas que ça sonnait comme un véritable compliment, mais bon, tu peux toujours être un minimum polie même si les circonstances sont bien trop étranges à ton goût. C'est la même raison pour laquelle tu te présentes alors que c'est un peu inutile.

Ce n'est pas si important, pas alors qu'il évoque ta mère à nouveau. Tu ne sais même pas quoi en penser au fond tellement ça te parait incroyable. T'aurais pas cru la retrouver à Althea, la retrouver tout court en fait. Et pourtant voilà cet inconnu - Maverick - qui t'apprend qu'elle est là, qu'elle te cherchait même. Tu notes quand même qu'il évoque Polaris, ça te donne une information de plus. Une information inutile, vu qu'il te file simplement ses coordonnées. Tu observes le bout de papier en silence, hésitante quant à ce que tu veux faire. Tu finis par les prendre, peut-être parce qu'il te demande de la contacter. « Merci. » Lui dire que t'es en vie hm. C'est sans doute ce que tu devrais faire, ne serait-ce parce que c'est ta mère et que peu importe la raison de sa présence à Althea, la façon dont elle est arrivée - parce que tu ne l'imagines pas avoir sauter pour toi - t'imagines que ça lui fera plaisir de savoir que t'es vivante, surtout si elle lui a demandé son aide pour te retrouver.

Mais est-ce que t'en as envie ?

Une pensée égoïste te prend. Ce n'est pas comme si ta mère avait été très présente dans ta vie, c'est toi qui a un peu forcé la chose en allant lui poser mille et une questions. T'hésites et finalement, ce qu'il ajoute t'offre une porte de sortie plus qu'autre chose. « En toute sincérité, je préfère te laisser l'honneur de lui annoncer la bonne nouvelle. » Ouais, t'es peut-être un peu lâche sur le coup, mais ce n'est pas non plus sans raison. « Je t'épargnes les détails inutiles, mais je vais avoir besoin d'un moment pour me faire à l'idée et je ne voudrais pas que ça se mette au travers de... ton travail ? » Il avait parlé d'un échange de bon procédé, mais tu sais pas trop si c'est dans une capacité professionnelle ou plutôt personnelle. « Tu fais quoi en fait ? » Parce que la curiosité revient au galop, le concernant, peut-être parce que c'est plus simple que gérer tes émotions vis-à-vis de ta mère, celle qui refait un peu irruption dans ta vie malgré toi cette fois.

Est-ce que tu devrais contacter ta mère plutôt que de décliner et laisser Maverick s'en occuper ? C'est la question qui te reste dans l'esprit alors que ton regard quitte difficilement la pièce de papier que tu tiens encore dans tes mains. C'est pas que t'as peur d'éventuelles retrouvailles - la peur n'a jamais été ton moteur principal - mais tu dois admettre que ça ne te fait pas plaisir pour autant. T'as cette impression que ton ventre se tord et tu ne sais juste pas ce que tu devrais faire. T'es reconnaissante de ne pas entendre de questions supplémentaires, juste une demande parfaitement raisonnable. « Je vais te donner les deux. Tu lui donneras ce que tu veux et elle décidera ce qu'elle en fait. » Si ça se trouve elle ne chercherait pas à te voir et ce serait juste une nouvelle déception. Ce ne serait certainement pas ta première à ce niveau. Tu sors du papier et un crayon pour noter tes coordonnées avant de lui tendre. T'es presque tentée d'alléger l'atmosphère avec une plaisanterie sur le fait qu'il pourrait toujours se servir du numéro pour autre chose, mais bon, ce serait plutôt inapproprié. Puis t'as pas vraiment la tête à ça.

La curiosité passe toujours mieux t'as l'impression. Sans compter que ce n'est pas tous les jours que ta mère demande à quelqu'un de te retrouver. Est-ce parce qu'il est doué pour ça ou alors c'est parce qu'elle l'estime ? T'aurais sans doute pas la réponse à cette question, mais tu peux toujours en apprendre plus sur lui. « Aux mères attristées bien sur. » Tu ne retiens pas ton commentaire, l'ironie colorant tes mots. T'y crois pas complètement disons. C'est pour ça que tu ne t'y attardes pas plus longtemps. « Moi qui croyait qu'on trouvait de tout au désert. » Tu sais que c'est pas le cas, on trouve pas beaucoup de droits fondamentaux par exemple, mais bon, t'imagines que c'est pas la question. « Ou c'est toi qui peut tout trouver sauf un service d'impression ? » Tu rigoles un peu, pas bien sérieuse. C'est juste plus simple que de vraiment réfléchir aux implications de sa carrière, ce que ça implique pour toi.
Parler de la tienne est plus simple, si bien que tu ne te fais pas prier pour répondre. « Potins c'est plutôt réducteur. » Une grimace étire tes traits l'espace d'un instant, mais tu ne feins pas d'être vexée, c'est certainement pas la pire description de journaliste que t'as entendu. « Je suis journaliste. Je cherche toujours des informations ou un scoop si tu en as, mais les ragots ça m'intéresse pas spécialement. » Même si tu doutes que les informations te seraient donnée comme ça. « Je cherchais un informateur en fait, le Désert bouge beaucoup, c'est toujours intéressant pour des articles. » Que tu finis par ajouter, ton regard repassant vers l'Arbre à voeu. Tu trouverais peut-être pas ce que tu voulais, mais t'as eu la surprise du siècle en tout cas.

Pour toi, l’ambiance s’allège aussitôt que la conversation s’éloigne de la question de ta mère. Il faut dire que t’es encore sous le choc de l’annonce, du fait qu’elle est encore en vie (quoi que ça ce n’est pas si surprenant) qu’elle est à Althea surtout. Tu t’en remettrais rapidement dès que t’aurais eu un peu de temps pour te faire à l’idée (et sans doute à la déception qu’elle ne te cherchera pas plus que ça ). Mais bon, Maverick se révèle un interlocuteur agréable, intéressant, assez vif d’esprit pour rebondir sur ce que tu dis. « Dommage, ça aurait pu faire une autre chose inutile dans ce désert. » Pas une critique dirigée vers lui, plutôt vers certain choix qui ont été fait, ceux que tu te permets de juger peut-être trop facilement. Tu pourrais faire mille et un articles là-dessus, si seulement ça intéressait quelqu’un. Les éditeurs avec qui tu travailles n’apprécient pas vraiment la ligne pro-désert (ou du moins pro-oubliés) que tu avances parfois. Tu sais que ça ira dans le même sens si tu t’étends là-dessus.

C’est pour ça que tu cherches un informateur, un scoop. Quelque chose qui pourrait un peu plus attiser la curiosité des gens et ainsi, les intéresser à ce qui se passent avec ces dunes de sable. Tu ne t’attends pas à ce que Maverick se propose ou te donne des informations gratuitement. Il ne te doit rien, il faisait juste rendre un service à ta mère. Puis, est-ce que des scoops ça peut entrer dans des objets perdus ? Tu n’en es pas certaine. C’est pour ça que t’es surprise lorsqu’il reprend la parole, te donnant une piste prometteuse. « Hm. » Qui l’aurait cru ? Tu te demandes ce qui les a poussé à se lever contre le Reine du marché noir. « C'est intéressant ça. » Que tu fais remarquer alors que ton esprit se lance déjà dans de nombreuses hypothèses sur qui ces gens pourraient être et leurs motivations. Sans doute as-tu beaucoup d’espoir pour pas grand chose.

Il n’est donc pas étonnant que tu te ravises pour repasser ton attention vers Maverick lorsqu’il reprend la parole. Tu ne peux pas t’empêcher de sourire à ses mots. « Je n’en doute pas. » Tu as longtemps trouvé cela désolant cette marchandisation de tout service, peut-être le cynisme t’a rattrapé à ce niveau-là. Puis bon, mieux vaut lui qu’un inconnu dont tu ne sais rien. T’as peut-être une certaine rancoeur à l’égard de ta mère, si elle a jugé qu’il est digne de confiance, c’est une marque de taille pour son compte. « Et tu es une de ces rares personnes neutres ? » Curieuse, parce que la neutralité n’a jamais été ton fort. « Qu’est-ce que ça prendrait pour retenir tes services ? » Va savoir ce que constituerait un échange satisfaisant pour lui. Tu supposes que tu pourrais lui passer des informations de Caer Hrid puisque les Oubliés y sont traqués, mais bon vas savoir si ça l’intéresse. « Ton prix sera le mien. » Enfin, tant qu’il n’abuse pas, tu n’es pas non plus si naïve que tu peux en avoir l’air.