La fin d’après-midi est fraîche sous le ciel sans soleil, et Orion n’est pas sorti de la journée. Oh, pas pour une quelconque déprime, ce n’est pas son genre - s’il n’a pas eu cours de la journée, il ne manque pas de devoirs à rendre (et quand bien même aurait-il voulu y aller, il doute que l’on aurait accepté sa présence, ou plutôt son visage couvert du boutons au laboratoire)(heureusement, lesdits boutons ont disparu quelques nuits plus tôt). Alors il s’est installé en bas sur la table à manger près de la fenêtre en angle, les fins courants d’air froid dissipés bien rapidement par la chaleur s’échappant de l’âtre de la cheminée. De temps en temps (c’est devenu un réflexe), il vérifie que le feu ne manque pas de bois. Pas que ce serait un souci pour lui pour le rallumer.
Une petite radio rudimentaire crache des chansons qu’il n’écoute pas vraiment, des bavardages auxquels il ne prête pas attention - un bruit de fond. Quand il est seul chez lui, il n’aime pas le silence.
C’est bientôt un autre son qui se joint aux autres : on frappe à sa porte.

Surpris, le stylo toujours droit dans sa main, (il y a des feuilles partout sur la table) Orion lève le nez de ses calculs. Il prend quelques secondes pour se ressaisir et se redresser (étend légèrement les bras, courbe le dos en arrière, ça fait un moment qu’il est assis).
Ce n’est pas Mars, il aurait annoncé sa venue par message. Il ne débarque pas à l’improviste. Raphaëlle ? C’est la personne qu’il s’attend à voir en ouvrant la porte, mais hausse les sourcils : ce n’est pas elle non plus.
Non ce n’est pas Raphaëlle qui se tient sur le perron mais bien Jill, la posture droite et fière, le ton légèrement martial, le menton haut.
Alors immédiatement, Orion a un petit mouvement de recul. Jill n’est pas n’importe qui. Jill est la cheffe de la sécurité avant d’avoir été l’une de ses partenaires d’exploration dans Perdition, et il ne l’avait d’ailleurs pas revue depuis.
Il ne sait pas trop à quoi s’attendre, Orion. Elle pourrait être là pour mille raisons. Alors son regard se transforme sous son expression-mi inquiète, mi-méfiante - le côté méfiant un peu (beaucoup) mis en dérision par la barrette avec laquelle il a accroché sa frange sur le haut de son crâne pour ne pas l’avoir dans les yeux lorsqu’il écrit. Ainsi donc, la large cicatrice qui traîne sur le haut de son front dégagé et son regard suspicieux sont facilement noyés par sa coiffure (ça fait une petite houppette), son t-shirt trop large, son jogging tâché de café au niveau du genou et ses incroyables claquettes jaunes.
C’est-à-dire qu’Orion n’est jamais vraiment soucieux de son apparence, surtout pas chez lui. Encore moins lorsque quelques jours plus tôt, la varicelle magique avait parcouru une surface inconfortable de peau.
La seule chose importante, ce sont ses cheveux.

« Jill ? Bonsoir. » Il la regarde un instant, droit dans les yeux sans rien dire, avant qu’un sourire nerveux prenne place sur ses lèvres. « Euh, oui ? » Puis sans faire de pause. « Est-ce que j’ai des ennuis ? » Eh, autant être direct.

C’est surtout qu’il pourrait en avoir, des ennuis.