Sasha hésite, se lamente sur ses propres idées. Si Australis avait trouvé sans encombre le chemin de son cœur, il y avait certaines choses qu’une femme de sa classe ne s’abaisserait jamais à faire.
Un parc d’attraction.
L’horrible idée avait jailli quelques jours plus tôt et ah n’était-ce pas là parfait prétexte pour inviter Raphaëlle ? Avant d’y réfléchir plus d’une seconde, la demande était envoyée.
Envoyée, reçue, acceptée.
Et la russe qui soupire, soupire de ses folles actions trop guidées par le cœur sans un gramme de peur. Jusqu’à ce que l’effroi lui coupe un instant le souffle.
Les trains fantômes.
Les montagnes russes.
Les horribles barbe à papa aussi collantes qu’un mendiant.
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Non non elle ne pouvait pas.
Mais pour elle, peut-être pourrait-elle ?
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Enième soupire, Sasha n’est pour l’heure pas la plus agréable des compagnies. Devant elle, la queue finit par se disperser, la laissant récupérer ses tickets aux guichets et passer les portes de Wonderland ; les portes de l’enfer.
Vêtue d’un blazer gris aux impérieux motifs et d’un jean clair, la polarienne s’était, après plusieurs heures à retourner son dressing pour être aujourd’hui la plus belle quoi qu’il advienne, pour une fois accommodée d’un ensemble bien plus simple que ses grandes robes de styliste.
Les hauts talons claquent (car d’eux, elle n’avait pu se séparer) et la reine faussement ennuyée, intérieurement terrifiée offre son plus beau sourire charmée à la femme à ses côtés ; pour la journée elle le sait et oh n’ose espérer l’éternité.
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« Par quoi veux-tu commencer ? Je ne suis tellement pas familière avec ce genre d’endroit que je te laisserai volontiers me guider. »
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Jusqu’à l’autre bout du monde s’il le faut.
Devenue bien plus familière avec Raphaëlle, la russe avait depuis quelque temps délaissé sa nervosité charmée.
N’ose murmurer du bout des lèvres qu’elle la suivra partout oui,
mais loin du train fantôme
et des vertigineuses hauteurs d’où les cris d’amusement (d’effroi ?) se font déjà entendre.
Un petit stand près de l’entrée attire son attention.
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« Et ça ? » Proposé dans un sourire quelque peu crispé.
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Si Sasha n’est pas familière de la pêche au canard, le concept lui parait bien simple et inoffensif.
Sans aucun danger pour son pauvre corps déjà trop lâche pour s’aventurer plus loin.
L’attraction parfaite et tant pis si elle n’attirait qu’une clientèle âgée de 5 à 10 ans.

 

Sasha sert cette main, là tout contre sa peau tout contre son corps à défaut de la déposer sur le cœur. Et la glace fond, jolie cage dorée à peine entrebâillée sur l’immensité ; c’est le début des grands moments le début des espoirs. Se dit qu’elle a le plus beau des joyaux à son bras aujourd’hui, elle n’oserait détourner le regard de peur de perdre l’instant, comme un rêve trop insistant. Car les rêves, les rêves, Raphaëlle peuple les siens comme un écho logé près du cœur. Qui résonne, résonne et semble s’étendre jusqu’au bout des orteils. C’est une étincelle, un feu d’artifice et Sasha ne pense pas avoir les mots, ne pense pas les avoir un jour.
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La nervosité est là, nichée dans un recoin de sa tête qu’elle se force de refermer. Car aujourd’hui, elle ne veut que profiter. Mais aah un regard vers les hauteurs et ses rails sans fin aux wagons balançant et c’est le ventre qui se noue de nouveau.
Oui les canards, ça sera très bien.
Un petit rire amusé lui échappe alors qu’elle balaye les paroles d’une main.
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« Oh que si, je vais te le prouver ! »
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Si la polarienne pouvait paraître froide, nul doute qu’elle était reine de la nuit, tout excitée à l’idée des danses et des projecteurs dans les milliers de boites de la capitale de glace. Ce parc d’attraction, bien loin de ses familières aventures lui parait presque effrayant, elle qui se renferme si bien dans son quotidien pour s’en satisfaire. N’a depuis longtemps laissé entrer que la belle Astre, n’oserait laisser personne d’autre s’approcher, chambouler ainsi sa vie sans qu’elle puisse en maitriser ne serait-ce qu’un instant.
Mais pour elle, oui, peut-être perdrait-elle pied.
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Malheureusement la pêche aux canards semblait bien plus passionnante de loin, et Sasha s’ennui vite, à rater ses tentatives et accrocher sa minuscules cane à pêche n’importe où (tout sauf sur les malheureux canards en plastiques colorés).
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« Je doute que ces horribles choses en plastiques fassent chavirer ton cœur… je t’ai connu avec de meilleurs gouts. »
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La moue est vite envolée lorsque les regards se croisent, Sasha ne peut s’empêcher de sourire un peu car il ne pourrait en être autrement.
Elle attrape le minuscule hameçon de sa cane pour venir l’accrocher à la manche de Raphaëlle, s’amusant à tirer un peu. Relève la tête dans une parfaite innocence.
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« J’espère tout de même avoir le droit de repartir avec mon cadeau. Encombrant mais diablement séduisant. »


 

Raphaëlle est sans conteste gagnante de ce petit stand aux couleurs bariolées, les canards en plastiques s’entassant sous ses gracieuses mains. Elle aurait pu jalouser, Sasha, si l’autre n’était pas si belle (si précieuse) à conquérir sans jamais faiblir. Une adorable scène gravée pour les jours pluvieux, les jours malheureux. Car peut lui importait que l’ennui la guette, elle avait quelqu’un à faire sourire, resplendir et oh comme le monde autour n’existait plus ; loin des blondeurs sans fin et des yeux au ciel amoureux.
Sasha aime,
les regards en coin, aguicheurs soupires.
les sourires sans remord dissimulés derrière les piquantes taquineries.
A ne jamais sans lasser car sans cœur on ne vit plus ; ne respire plus.
Elle fait la moue face aux trophées de l’astre, intérieurement ravi de ce jeu enfantin. Les petits coups moqueurs apaisent les cœurs, ah qu’elle se moque donc Raphaëlle !
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« Cette distraction ne semble pas faire son effet, tu triomphes quand même… »
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Un léger mouvement de la main vers tous ces objets en plastiques colorés.  La russe faussement déçue de se voir reléguer bien loin derrière les canards rosés et n’hésite pas à le montrer.
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Et Raphaëlle se laisse faire, se laisse ramener dans ses filets (mainte fois envoyés). Petit hameçon accroché comme une demande, muette question quand la polarienne ne rêverait que d’accrocher l’âme et ne plus s’en défaire. Sourire amusé, le bras se lève tel un pantin finement articulé. Joueuses sont les femmes aux bords de la rivière colorée, une bien belle atmosphère loin de l’étouffante mondanité du monde. Elle attrape la main qui doucement s’est glissée sur sa joue, la sert brièvement dans un sourire triomphant, la proie à sa canne.
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« Encombrant oui, imagines donc la place que prendrait mon cadeau dans mon appartement ! » Elle secoue la tête, grand sourire aux lèvres, s’amusant déjà des phrases une seconde plus tard prononcées. « Heureusement pour lui, mon salon est immense. Tout comme mon lit. »
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Un bref baiser auquel elle voudrait encore s’accrocher, mais les cannes à pêches sont rendues, une peluche accaparant maintenant les bras de sa belle alors que leurs mains se retrouvent.
Petit sourire de soulagement. Les tasses oui, les tasses feront parfaitement l’affaire. Loin des cris perturbants provenant des rails bien loin devant elles.
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« Je n’ai d’autre choix que de me plier à cette exigence. Va pour les tasses. »
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Heureusement pour les deux jeunes femmes, celles-ci sont bien assez grandes pour accueillir un public de leur âge. Un niveau légèrement plus élevé que la pêche au canard, elle devait bien l’avouer. La queue est rapide et les voilà bien vite toute deux installées côte à côte dans une jolie théière dorée.
Sasha fronce les sourcils. « J’espère que ces choses ne vont pas trop vite quand même. » Après tout, elle n’y connaissait pas grand-chose en matière d’attraction et savait le cygne parfaitement capable de l’attirer dans un guet-apens.

Que Raphaëlle réponde à son badinage lui plaira décidemment toujours autant. Impossible non, impossible de se passer de ce doux rire qui résonne comme une promesse à ses oreilles.
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« Madame est donc diablement difficile… j’ose espérer que mon corps fera l’affaire. Dans le cas contraire peut-être faudra-t-il ramasser mon cœur en miette délaissé au pied du lit. »
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Petit coup d’œil amusé. A ce stade de leur relation Sasha hésitait toujours à parler de cœur et d’amour, cette belle journée la rendait apparemment bien plus aventureuse que d’ordinaire tandis que sa main serrait brièvement l’autre.
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Installée dans les tasses et légèrement crispée, Sasha ne peut pourtant s’empêcher de sourire. Le corps chaud de la belle astre pressée contre le sien n’y étant probablement pas pour rien. Et le manège commence, démarre sous une douce musique enfantine alors que la russe tape gentiment mais fermement l’épaule de l’autre en secouant la tête d’amusement face à la moquerie. La polarienne avait du mal avec la vitesse et l’autre semblait beaucoup trop s’en amuser. Car assurément, cette attraction ne se révèlerait pas bien distrayante pour un amateur de sensation forte.
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Une petite grimace quand les montagnes russes sont évoquées. Oh non, Sasha ne mettrait décidemment pas un pied là-dessus.
« Non évidemment aucun rapport… Et quelle idée de tester ce genre d’activité, je doute que nous puissions faire ça dans tes chères montagnes russes. »
Elle se penche immédiatement pour planter délicieusement ses lèvres sur celles du cygne pour un malicieux baiser, espérant peut-être secrètement couper court aux moqueries.
En se redressant, une lueur presque sérieuse au fond des yeux.
« Mais si tu y tiens tant que ça, je veux bien faire un effort. »
Et fermer les yeux tout du long.

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Sa reine a l’air bien soucieuse, Sasha laisse pourtant couler un instant. Préfère s’abandonner aux lèvres, dériver aux bras des beaux cygnes princiers. Elle rit à la taquinerie, douce innocence ; mais c’est qu’il ne faudrait outrer le peuple de leurs caresses osées.
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« Voyons il ne faudrait pas scandaliser les pauvres enfants, j’espère que ces promesses attendront notre retour à la maison. »
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A la maison.
Doux petits mots trop légers, trop pensées. Et voilà la russe qui redoute déjà le départ de Raphaëlle ; jalouserait presque les éternelles nuit de la Vallée pour la lui voler. Trop loin sont les dames qui n’ont qu’aujourd’hui (et peut-être demain) pour rire et oublier. Avant que la glace ne rappelle la polarienne ; avant que les étoiles ne s’accaparent l’astre. Trop courts sont les instants volés, mais Sasha oublie tout lorsque le manège finit par s’arrêter.
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« Et tu serais alors obligé de me porter… quel ennui ! »
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Petit rire, n’imaginant aucunement Raphaëlle porter sa grande personne. Une main galante pour sa reine alors qu’elle se relève et sort de l’attraction, le sourire toujours aussi léger accroché à ses lèvres.
Sourire aux lèvres oui, mais elle préfère demander, ne tenant pas à se cloitrer dans le silence quand elle voit bien que quelque chose démange.
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« Qu’est-ce que tu ne me dis pas Raphaëlle ? »
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Se tourne pour lui faire entièrement face, les yeux dans les yeux. L’âme dans l’âme et les sourcils légèrement froncés, sachant pertinemment qu’elle n’insistera pas. Ce sera là l’unique question de trop avant qu’elle fasse semblant de n’avoir rien vu.

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