Deux semaines, voilà à présent deux semaines que Rolf s'est éveillé après sa chute dans le cratère qui l'a conduit en Althéa. Honnêtement, si on lui avait dit un seul instant que des gens avaient survécus et avaient reconstruits des territoires de la taille de pays en l'espace de six ans, il aurait vraiment eu du mal à y croire. Pendant ce temps, sur la surface... Il fallait se battre pour survivre, chaque personne vivante pouvait se transformer en un monstre humanoïde, insensible à toutes les attaques imaginables. Evidemment, si de tels monstres étaient apparus à la surface, pourquoi ne pas croire à l'existence d'un gigantesque territoire vers le centre de la Terre où des humains qui ont acquis des pouvoirs ont survécus? Après tout ce qu'il a appris depuis qu'il est arrivé ici, le grand blond aux pupilles rouges ne doute plus de grand chose à présent. La seule mauvaise surprise, la véritable mauvaise nouvelle, c'est que depuis un an, depuis que les cratères des capitales n'étaient plus couverts de cette barrière invisible qui les empêchait de s'approcher du vide au fond imperceptible, la maladie qui transforme les humains en monstre s'est propagé jusqu'ici. Des "Transcendés", tel est le nom que les habitants d'Althéa ont donnés à ces monstres.

Enfin, plus Rolf pense à tout ça, plus ça lui donne mal à la tête: récemment, il a appris et a été forcé de digérer beaucoup de choses sans qu'on lui laisse vraiment le temps de le faire. Malgré ça, il s'est assez bien adapté à sa nouvelle vie puisqu'il a trouvé comment gagner sa vie et se reconstituer une petite fortune qui lui permettra de reprendre la recherche de son frère, cette dernière n'a pas été fructueuse avec aucun sou en poche et à peine de quoi survivre. On lui avait déjà donné une place dans un de ces nouveaux pays qui a été établi depuis le Kamikakushi, c'est probablement mieux que de devoir survivre dans le désert pour l'instant. On ne lui a pas juste donné un endroit où vivre mais aussi un cristal, un de ces fameux cristaux que beaucoup convoitent. Sur le coup, ça ne lui semblait pas spécialement utile, n'ayant aucune idée du pouvoir qu'il pourrait bien recevoir en échange de l'absorber, mais il est loin de regretter son choix. Le contrôle du métal était le cristal qu'on lui avait confié, mais le pouvoir de "réparation" est celui qu'il semble avoir acquis lors de sa chute jusqu'à Althéa. Difficile de toujours en voir les effets lorsqu'il répare des objets qu'il a l'habitude de réparer, mais quand il s'agit d'un objet pour lequel ses connaissances sont moyennes, il sent en lui que quelque chose se produit. Son cerveau entre en transe, il est capable de mieux prévoir la conception et les mécanismes de ce qu'il touche, lui permettant d'élargir légèrement son champ de possibilités niveau réparation.

Et tout cela nous mène à ce jour, deux semaines après son arrivée sur Althéa, quelques jours sont passés depuis qu'il a pu acquérir un petit local dans une rue, pour très peu d'argent vu qu'apparemment "Il y avait tout à refaire à l'intérieur". Autant dire que c'était le parfait endroit pour lui, bien que ça semblait un peu ancien comparé à toute cette technologie qui l'entoure et qui parfois dépasse ce qu'il a pu connaître sur la surface de la Terre à son apogée, ce qui ne manque jamais de l'étonner. En tout cas, bien que réticente au départ, les plus curieux et téméraires sont venus jusque dans sa boutique pendant que Rolf galérait à tout mettre en place pour demander des infos, savoir ce qu'il était capable de réparer ou non. Difficile de croire qu'un ancien gosse de riche puisse être capable de faire autant de réparations diverses et variées, mais il faut dire que ses deux pouvoirs qu'il vient d'acquérir l'aident grandement à satisfaire la plupart des demandes basiques qu'on lui confie. Bien sur, avec le manque de place dans son local et le manque de matériels de qualité, il est loin de pouvoir répondre à toutes les demandes, devant même parfois privilégier un déplacement chez le client pour éviter de dire que c'est beaucoup trop pour son petit local.

En tout cas, aujourd'hui est un grand jour! La veille, il a trouvé une cafetière à bas prix au marché, soit disant défaillante mais à présent, elle marche du tonnerre (évidemment, c'est lui qui l'a rafistolé!). Les deux clients qui sont déjà passé dans le début de la matinée semble être d'accord sur le fait que le café est plutôt bon, ce qui ravi Rolf qui en raffole lui aussi. Bon, le grand tatoué verra plus tard pour améliorer la machine ou en acheter une neuve qui sera plus performante, mais pour l'instant ça fera l'affaire! Tranquillement en train d'en boire une tasse, Rolf relève la tête en entendant la porte qui s'ouvre assez brusquement, faut dire qu'elle fait un peu pitié à voir elle aussi, mais il peut pas créer une porte une nouvelle porte lui même, il a ni la place, ni les outils, un nouvel achat qui va s'imposer de lui même!

"Bonjour, bienvenue dans mon atelier de réparation! Que puis-je faire pour... vous?"

Ses yeux s'écarquillent et clignent un court instant: est-ce à cause de l'expression sur le visage de la femme qui lui fait face ou parce qu'elle possède un charme unique? Difficile à dire pour lui, mais dans le doute, il est à présent debout face à elle, derrière son bureau, et attend patiemment qu'elle exprime la raison de sa venue.

Difficile pour Rolf de rester insensible à la scène qui se déroulait devant ses yeux à ce moment précis: une femme complètement bouleversé d'avoir cassé un objet qui semble extrêmement précieux à ses yeux, au point où des larmes commencent doucement à couler sur  les joues de cette dernière. L'attention du grand blond se fixe alors sur l'éventuelle raison de sa venue ici, ce qui semble se trouver dans la paume d'une de ses mains. Faisant deux pas pour passer de derrière son bureau à devant, Rolf marque un nouveau temps d'arrêt lorsque la cliente dans un besoin urgent le supplie de lui répondre qu'il est capable de le réparer, sans rien en changer ne serait-ce qu'un élément, précisant que "elle serait furieuse". Ah, l'histoire se complique doublement, réparer nécessite régulièrement de changer des composants ou d'en ajouter, mais vu qu'il s'agit d'un objet qui lui est cher en plus de cette autre personne, le jeune homme prie secrètement pour que ça soit à sa portée, sinon il s'en voudra réellement de ne pas pouvoir l'aider.

Ce petit bout de femme qui se tient frêlement devant lui finit par tendre sa paume vers Rolf, qui avance à nouveau de deux pas pour être proche d'elle (le local est assez petit, à ce point oui) et observe l'objet de la réparation. Un pendentif aux mailles brisées, le reste semble intact mais il s'est probablement coincé quelque part pour se casser ainsi. Rolf ne change pas d'expression pour l'instant, il ne peut que regarder cette jolie femme qui n'arrive plus à retenir ses larmes, lui répétant que c'était vraiment important. Leur différence de taille fait que même si la casquette du grand gaillard est à l'envers sur sa tête, tant qu'elle ne relèvera pas les yeux, impossible pour elle de savoir ce que le visage de Rolf affichait.

Se déplaçant doucement vers le mur où elle est appuyée, le jeune homme vient délicatement, et avec prudence, poser sa main sur la paume qui tient le pendentif pour faire en sorte que sa propriétaire resserre un peu sa main dessus, alors qu'il plie un peu les genoux pour qu'elle puisse voir ses yeux. Certes, c'est un peu intimidant de regarder dans les yeux quelqu'un qui a des pupilles rouges car il met ce genre de lentilles, mais le sourire de Rolf est sincère, bienveillant. Son autre main vient se poser sur l'épaule de la jeune femme alors que le ton de sa voix se fait doux et rassurant.

"Ne vous en faites pas, mademoiselle. Je vais vous réparer votre pendentif et rien ne sera changé, peu importe le temps que je devrais y passer. Venez vous asseoir, vous semblez en avoir bien besoin."

Des paroles et des actes qui semblent bien trancher de l'image que le jeune homme peut dégager quand un client entre dans sa petite boutique en quête d'une réparation. Proposant doucement à la femme de s'appuyer sur son bras pour la guider jusqu'à une chaise proche du bureau, Rolf attend de voir un signe affirmatif de sa part avant de commencer les quelques pas qui les sépare de la chaise en question. Le grand tatoué ne veut pas paraitre trop irrespectueux, alors il fait vraiment attention de ne pas placer à des endroits que la robe légère laisse dénudé, mais il offre un réel soutien pour marcher à sa cliente: même si elle venait à tituber, aucun doute qu'elle ne chuterait pas d'un centimètre tant il est prudent et attentionné sur ses gestes.

Une fois la demoiselle assise à proximité du bureau, il s'accroupit face à elle, toujours avec un sourire réconfortant aux lèvres et il tend délicatement sa main pour demander à ce qu'elle lui confie le pendentif.

"Laissez moi voir, je vous jure d'en prendre le plus grand soin. Vous pouvez avoir confiance en moi."

Son sourire s'élargit un peu plus alors que Rolf fixe la femme qui lui fait face avec un air toujours aussi sympathique. En d'autres circonstances, son côté protecteur l'aurait probablement poussé à la prendre dans ses bras pour la réconforter, un câlin ça aide toujours, mais sur son lieu de travail... Non, c'est clairement pas une bonne idée s'il veut que la clientèle ne s'enfuit pas en courant à chaque incident du genre! A défaut de pouvoir lui offrir ce genre de réconfort, lorsqu'elle lui dépose le pendentif dans la main, Rolf se redresse doucement et fait quelques pas rapides vers l'arrière de son bureau pour ouvrir un tiroir et sortir une boite de mouchoirs qu'il tend amicalement à cette femme qui en a besoin. Peut-être qu'il en fait trop aux yeux des gens qui ne le connaissent pas, mais chez lui, c'est juste naturel de se montrer bienveillant, c'est juste une caractéristique qu'il ne montrait plus tant que ça sur Terre, là où il a appris à se méfier de beaucoup de personnes rejoignant la petite communauté où il était.

Et à défaut de se laisser aller à sa vie sur Terre dans ses pensées, le tatoué aux grands yeux regarde un instant autour de lui et trouve la cible de son attention: une autre tasse. Après l'avoir récupéré, toujours en gardant le pendentif précieusement dans sa main, il offre un nouveau regard à la jeune femme et reprend la parole:

"Puis-je vous offrir un café ou un chocolat chaud? C'est probablement peu, mais ça pourrait vous faire du bien le temps que je répare votre pendentif, mademoiselle...?"

La fin de sa phrase laisse implicitement le choix à cette femme de lui révéler son prénom si elle le souhaite, mais il ne lui en tiendrait pas rigueur si elle ne le faisait pas. En tout cas, Rolf se tenait debout avec une tasse dans la main, attendant patiemment l'éventuelle réponse de cette jeune femme qui est vraiment ravissante, mais dont la beauté du visage est troublée par la tristesse et la douleur d'avoir un objet si précieux qui est cassé. Cassé mais pas irréparable, et impossible pour Rolf de déterminer si c'est son côté professionnel ou sentimental qui va l'y pousser, mais à l'instant où il commencera à réparer ce pendentif, il va se refuser à la laisser repartir avec autre chose que le même pendentif que dans les souvenirs de sa propriétaire, ça c'est une certitude!

Pour Rolf, la réparation et la construction ont toujours été une sorte de passion: découvrir comment fonctionne tel ou tel mécanisme, comment le réparer, l'entretenir, comment utiliser tous ses outils qui sont aussi variés que leur utilisation est infinie. Et bien qu'il ne se destinait pas du tout à savoir comment réparer des bijoux dans un premier temps, sa mère avait pour habitude de s'énerver et balancer dans tous les sens ses plus beaux colliers avant de pleurer car elle les avait complètement exploser. Son fils aîné aimant la réparation, un jour elle se dit que peut-être, il pourrait réparer la chaîne qu'elle a brisée dans un excès d'énervement une fois de plus. Ainsi lui ait venu l'envie d'apprendre à réparer des colliers, des pendentifs, des bagues et autres. C'était toujours très loin de valoir le travail d'un véritable joaillier, qui pouvait refaçonner les pierres précieuses des bijoux en plus des mailles et autres métaux qui composent l'attache, mais avec le temps, Rolf s'est amélioré pour s'en rapprocher au maximum.

Lorsque la jeune femme réussit à se calmer un peu et sécher ses larmes, c'est à ce moment que le tatoué aux pupilles rouges eut le droit de connaître son prénom: Lizzie. Chouette prénom, ça semble beaucoup plus doux à l'oreille que "Rolf", bien qu'il adore son prénom et le chérit pour sa signification et ses origines. Aussitôt a-t-elle annoncé vouloir un café que le réparateur a mis en route sa cafetière pour faire leurs deux cafés et s'est avancé un peu plus vers elle pour ne pas être gêné par le bruit. Tiens? Si elle connait, ou pense connaître son prénom, c'est que quelqu'un qui est déjà passé par la boutique lui a conseillé de venir, car seul les clients qui viennent papoter un peu avec lui obtienne cette information, vu qu'elle n'est pas indiqué dans le référencement du magasin sur internet. La pauvre s'excuse encore de s'être mis dans un tel état mais Rolf secoue doucement la tête, pour lui faire signe que ce n'est pas si grave que ça.

"Ne vous en faites pas, ça peut arriver et je le comprends."

Simple petite phrase qui lui a traversé l'esprit, qu'il a pris la peine de dire avant de laisser Lizzie continuer sur ce qu'elle souhaitait dire. Peut-être par curiosité ou par simple envie de faire la discussion, la jeune femme lui demande s'il apprécie la beauté d'Australis, s'il est là depuis longtemps, vu qu'elle n'a jamais entendu parler de lui auparavant. Mais avant de répondre à tout cela, autant faire les choses dans l'ordre: Rolf se dirige à nouveau vers les cafés pour les déposer délicatement sur le bureau, un en face de Lizzie, un en face de lui, puis il ramène sucres en morceau et cuillères, le cas échéant.

"Je m'appelle Rolf, enchanté Lizzie. Lizzie, c'est très joli comme prénom, je tenais à vous le dire. Je suis arrivé il y a deux semaines à Althéa et on m'a proposé de rejoindre Célestia, j'ai donc accepté. Australis est vraiment une ville magnifique et surprenante, ça change énormément de ce qu'est devenue la Terre..."

Petit pincement au coeur à l'idée de repenser au chaos qu'on provoqué aussi bien les chutes des capitales que l'apparition des Transcendés sur Terre, mais à présent, de ce qu'il en a compris, remonter à la surface à l'aide du grand escalier à... la Tour Solaire ou un truc du genre, ça semble une mauvaise idée. Et honnêtement, Rolf doit déjà retrouver son petit frère en priorité et c'est d'ailleurs pour ça qu'il fait ce qu'il fait: un peu d'argent lui permettra de partir à nouveau à la recherche de Ragnar. Pour l'instant, inutile de se perdre en pensées qui vont lui faire oublier ce qu'il est en train de faire, autant se contenter de venir en aide à cette jeune femme. Le grand blond prend un peu de café dans sa tasse, une petite gorgée, et la repose un peu à l'écart afin de prendre le pendentif et de le placer devant lui, de sorte à l'examiner un peu devant Lizzie.

"En tout cas, je vais réparer votre pendentif comme vous me l'avez demandé, Lizzie. Je vous promet de ne pas trahir votre confiance en moi et de ne rien changer à son apparence!"

Un peu d'optimisme ne fait jamais de mal! Sans même parler d'utiliser ces cristaux, il pourrait probablement réparer le pendentif, cela lui prendrait probablement un peu plus de temps et lui demanderait plus de concentration. A présent qu'il possède ses deux pouvoirs, il faut avouer que son travail s'est simplifié et il se trouve être bien plus efficace dans ses réparations. Penchant la tête sur le côté pour fouiller dans son tiroir de droite, il sort juste trois outils spécifiques pour la réparation du pendentif. Le regard du grand blond vient se replonger dans celui de Lizzie en face de lui et, maintenant qu'elle sourit avec un peu plus de soulagement, il n'y a pas à dire: elle est vraiment ravissante. Au point où Rolf sent qu'il pourrait ne pas être complètement insensible à une telle beauté, mais à l'heure actuelle, seule la réparation le préoccupe et il a besoin de demander une chose simple à Lizzie:

"Question qui va vous paraître bête mais... souhaitez-vous que je fasse la réparation devant vous ou vous préférez que je me mettre plutôt sur la table derrière moi? Les deux me vont et vous pouvez me parler le temps que je m'en occupe, ça ne me gêne pas du tout. Je préfère vous le demander car certains clients apprécient me regarder faire, mais d'autres me trouvent intimidant quand je suis concentré, sûrement à cause de mes lentilles."

Un sourire amusé se dessine sur les lèvres du finlandais alors qu'il repense un instant à la tête de certains clients devant ses réparations. Non, il est loin de faire des têtes bizarres ou ahurissantes, il est simplement intense dans ce genre de situation: son regard ne quitte pas l'objet qu'il est en train de réparer, les outils sont des extensions de ses mains et il agit avec rapidité et précision. Du coup, devant tant de retours différents, Rolf préfère demander ce que ses clients préfèrent, bien que dans le cas de Lizzie, peut-être souhaite t-elle voir la magie opérer devant ses yeux? Rien ne lui ferait sûrement plus plaisir, mais ce n'est pas à Rolf d'en décider. En tout cas, l'expression sur son visage annonce clairement qu'il est serein et confiant sur la réparation qu'il va faire!

Parfois, repenser à sa vie d'avant, celle d'avant le Kamikakushi, avait quelque chose d'effrayant pour Rolf. Il n'était absolument plus le même homme: c'est comme si on avait brisé en mille morceaux l'ancien version de lui pour essayer de fondre les morceaux afin de créer cette nouvelle version de lui-même. A-t-il évolué dans le bon ou le mauvais sens? A ses yeux, la différence est invisible, mais s'il venait à rencontrer quelqu'un qui le connaissait depuis longtemps, serait-il encore capable de correspondre à ce que la personne pensait de lui? Vraiment... Repenser au passé et le comparer à la situation actuelle n'a rien de bon, mais on ne peut pas complètement renier son passé, surtout pas Rolf, pas tant qu'il n'aura pas été capable de répondre à certaines de ses interrogations.

La disparition des capitales, le début du chaos, l'apparition des Transcendés, la mort de certains de ses amis proches, la survie pendant des années. Autant d'événements qui auraient pu se graver dans sa chair pour montrer qu'ils l'ont fait changés, mais à la place, c'est dans son esprit et sur son coeur que Rolf a fini par avoir ses traces qu'il ne pourra jamais enlever. Voilà pourquoi il se dit que peut-être, seulement peut-être, il peut comprendre ce que c'est de perdre quelque chose qui nous est cher.

Alors que le tatoué aux pupilles rouges finit de s'exprimer concernant sur Australis, la réponse de la jeune femme qui se tient face à lui ne se fait pas attendre et il l'écoute précieusement. Cette conversation semble banale, mais pour lui, elle a une saveur particulière: l'impression qu'il peut juste penser et dire les choses telles qu'il les voit, sans que son avis ne vienne déranger ou soit remis en question. Le compliment sur son prénom ne manque pas de lui faire esquisser un sourire un peu plus large pas très discret, mais ce n'est pas tous les jours qu'on lui dit que son prénom est apprécié.

"Je n'ai jamais visité Polaris, mais j'irais peut-être à l'occasion."

Rolf pensait à voix haute pour ainsi dire, son esprit se concentrant lentement sur le fait de porter le café à ses lèvres et c'est ce qu'il fait pour en prendre une petite gorgée.

Le fait de savoir qu'elle lui fait entièrement confiance aide grandement le jeune homme à se mettre à l'aise: un client qui vous sous-estime risque potentiellement de vous mettre la pression pendant que vous travaillez, et cela n'a rien d'enviable. La façon dont Lizzie l'a dit, avec autant de sincérité, impossible de ne pas lui faire confiance en retour sur le fait qu'elle le pense capable de faire cette réparation. Mais lorsqu'il entend le compliment sur ses lentilles, autant dire que c'est le genre de choses que Rolf n'entend quasiment ja-mais, encore moins que pour son prénom. Impossible de ne pas être déstabilisé un minimum, un sourire agréable se dessine sur ses lèvres alors qu'il laisse s'échapper un bref "Merci". A ce rythme-là, ça aurait pu être ses joues qui seraient devenues un peu rouges, mais par chance, Rolf a une assez bonne maîtrise de soi. C'est vraiment loin d'être déplaisant de parler à cette Lizzie en tout cas.

"Domaine scientifique? Je suis admiratif: je pense qu'il faut beaucoup de courage, de patience et de réflexion pour travailler dans un tel domaine! Dans ce cas, je vous fais confiance pour me dire, à la fin, si vous avez apprécié ce que vous allez voir. Et promis, je me charge de faire la conversation en même temps!"

Saisissant son café une dernière fois pour en prendre la dernière gorgée, le grand tatoué attrape un outil dans sa main et tient fermement le pendentif dans l'autre, pour commencer la réparation. La douce voix de Lizzie vient à ses oreilles juste avant qu'il ne commence, ça ne l'a pas vraiment interrompu mais son regard se fixe sur elle, un peu d'intensité y est déjà perceptible, mais à l'entente de profiter de muffins faits maison, Rolf ne peut s'empêcher d'avoir un sourire satisfait, peut-être même un peu charmant, alors qu'il lui répond:

"Vous n'avez pas à me remercier pour le café. Je serais ravi de pouvoir goûter à vos muffins dans ce cas, mais à une condition. Si vous acceptez de les partager avec moi, ça me ferait encore plus plaisir."

Ses yeux restent fixés vers Lizzie encore quelques instants avant qu'il ne se replante une bonne fois pour toute sur le pendentif alors qu'il commence avec une très grande finesse à bouger les mailles qui sont abimées, afin de voir ce qu'il pourra faire avec elle ou non, si les rattacher entre elles semblent possible, s'il doit utiliser de son pouvoir pour simplement affiner ses outils et leur permettre de mieux convenir à ce qu'il est en train de faire. Ses gestes sont rapides mais précis, fluides mais intenses, son regard indique que sa concentration est telle qu'il contrôle vraiment ses outils sans vraiment y songer, ce sont purement des extensions de ses mains et il les manie avant une grande dextérité.

Hop, déjà un petit morceau de maille de refait à l'identique après une longue minute à varier entre ses outils et la façon de tenir, de bouger le pendentif sur le bureau. Même s'il dispose d'un regard intense, Rolf est passionné par ce qu'il fait et un sourire est toujours présent sur ses lèvres, bien que ce dernier est aussi influencé par le fait qu'il sait que cette réparation va vraiment faire plaisir à quelqu'un. Ne s'arrêtant pas un seul instant, ses lèvres s'ouvrent à nouveau pour prononcer quelques mots, comme s'il était parfaitement droit sur sa chaise en train de discuter:

"J'espère que ça ne vous effraie pas trop de me voir toucher à votre pendentif avec des mouvements aussi abracadabrantesques. Sachez que j'en ai encore pour quelques minutes, mais je pense que vous pouvez le voir vous même, ça se passe extrêmement bien et ce n'est que le début!"

Aucun excès de confiance dans sa voix, il est calme et serein malgré cette intensité qui se dégage de son regard. Le cristal de Réparation lui permet d'avoir une meilleure maîtrise de lui-même et à présent, ce n'est plus qu'une question de temps avant que ce qui semblait être un souvenir brisé soit de nouveau intact pour Lizzie.

En la voyant arriver dans son magasin en pleurant, dans tous ses états, Rolf pensait qu’il n’y avait que peu de moyen pour lui de vraiment venir en aide à Lizzie. Certes, il est capable de réparer bon nombre de choses, dans un temps correct et en faisant en sorte de toujours respecter la demande du client, qu’importe ce qu’elle peut impliquer en général. Alors à cet instant, quand il la voit sourire devant lui, d’un sourire déjà bien plus radieux et apaisé, le jeune homme se dit que quelque part, il a réussi à réparer un peu plus qu’un pendentif comme il est en train de le faire. Ce n’est pas commun pour lui d’avoir cette impression de pouvoir parler librement avec le client, de pouvoir juste s’exprimer sur des sujets quelconque alors qu’il travaille au même moment. Parler en travail n’a jamais été un problème pour le grand blond, bien qu’il préfère parfois avoir ses moments de calme lorsqu’il doit vraiment se concentrer pour réparer ou s’occuper d’un système mécanique complexe.

Même s’il ne répond pas à chaque fois, Rolf se donne toujours la peine de faire comprendre qu’il a bel et bien écouté son interlocutrice et qu’il répond à sa façon. Lorsque la jolie femme face à lui a proposé de lui faire visiter Polaris, il a hoché la tête simplement, nul doute que cette visite pourrait lui permettre de découvrir de nouveaux endroits, sachant qu’il est déjà passé par le parc d’attractions d’Australis pour découvrir l’endroit le plus populaire de la ville dans laquelle il vit à présent. Quant à l’explication sur la science et le fait qu’elle ne se laisse pas comprendre, son regard amusé et son sourire expriment assez bien pour lui le fait qu’il n’a probablement aucune chance de comprendre la science de haut niveau que pratique Lizzie, mais il tient quand même à lui avouer quelque chose: “Je vous envie sur ce point”. En effet, s’il était capable de comprendre plus de choses, ses capacités seraient bien plus grandes et vastes. Le savoir infini, ça serait presque un rêve pour lui, mais il y a d’autres choses qu’il souhaiterait avec même de demander ce vœu.

Cependant, lorsque Lizzie accepta de venir partager les muffins avec Rolf, ce dernier ne put s’empêcher d’esquisser un sourire semblable à celle de la demoiselle: elle a vraiment un effet des plus positifs sur lui, bien qu’ils viennent tout juste de faire connaissance, bien que son sourire a été dissipé quelques temps lorsque l’avenir de son pendentif était incertain.

“Marché conclu. Hâte de pouvoir les goûter dans ce cas!”

A sa carrure de colosse bien musclé et entretenu, ça ne se distingue peut-être pas mais Rolf est un bon mangeur et il aime bien céder à l’occasion pour quelques pâtisseries, surtout si elles sont faites maison! Alors la promesse d’en recevoir en remerciement ne peut que l’enchanter un peu plus, surtout s’il peut potentiellement en choisir les saveurs!

Aussitôt la gourmandise du tatoué aux yeux rouges mise de côté, il commence son œuvre en réparant avec grand soin mais une rapidité et une dextérité féroce le pendentif de Lizzie. Pas à un seul instant son regard n’a quitté ce dernier, alors que ses mains viennent à changer d’outils ou qu’il peut adresser la parole à sa cliente, bien qu’il a presque plus envie de la considérer comme une connaissance qu’une simple cliente à présent. Nul doute qu’avec ce qu’elle doit réaliser en laboratoire, voir de tels mouvements n’est pas si impressionnant que ça, mais du moment qu’elle lui accorde sa confiance, c’est l’élément clé de sa réussite.

“Je n’ose pas imaginer la complexité de ce que vous faites au laboratoire, mais je serais curieux de vous voir à l'œuvre vous aussi, même si cela a peu de chance d’arriver.”

Pour quelqu’un qui n’a connaissance scientifique et qui vient tout juste d’arriver à Althéa, il n’y a que de très faibles chances qu’on le laisse accéder au laboratoire sécurisé de Lizzie, mais bon, l’espoir fait vivre après tout, non? C’est ce qu’il s’est permis de penser tout en continuant de réparer les mailles cassées du pendentif, s’appliquant un peu plus chaque instant qui passe pour être certain que le tout sera intact et dans un aussi bon état que lorsqu’elle a pu l’acheter. Sans qu’il le sache, Rolf devient tellement concentré que son regard semble s’embraser, comme si une aura se dégageait à présent de lui, le genre de concentration qui vous donne un air complètement différent de ce que vous pouvez être. Pendant un instant, le jeune homme s’est perdu dans cette concentration, lorsqu’il est sur le point de gérer le point le plus technique de sa réparation: rattacher les mailles entre elles. C’est un savant mélange entre sa dextérité, ses connaissances ainsi que son pouvoir: ce dernier lui donne la chance de pouvoir se passer de certains autres outils pour réparer par lui-même un élément composé ne serait-ce que d’un pourcent d’un métal qu’il peut contrôler.

“Je vous réponds dans une petite seconde Lizzie.”

Son ton n’est pas froid, il est toujours aussi chaleureux qu’avant, mais son regard pourrait éventuellement la faire douter de cela. Les mouvements très précis qu’il est en train de faire lui donneront sûrement une excuse suffisante mais, quelques dizaines de secondes après, le voilà qui pose ses deux outils sur le bureau en reprenant son souffle, s’essuyant aussi brièvement la partie de son front qui n’est pas couvert par sa casquette.

Rolf écoute attentivement ce que lui dit Lizzie, son visage ne peut s’empêcher de sourire joyeusement à l’idée de partager un bon repas au restaurant, mais son côté taquin semble prendre le dessus pour une fois.

“Le prix? Je pensais que j’allais être payé en muffins, je m’en faisais déjà une joie! Et non, pas d’autres clients pour le moment, la pause midi arrive à grand pas en effet.”

Il s’étire les bras vers le ciel avant de fixer son attention vers Lizzie en souriant toujours autant, comme s’il se préparait à l’embêter un peu, histoire de la faire rire (s’il y arrive).

“Vous me proposez un rencard ou c’est simplement votre façon de me remercier pour le pendentif?”

Rolf tente de rester un minimum sérieux durant un court instant, mais finit par pouffer de rire, laissant entrevoir qu’il ne s’agissait que d’une blague, en espérant qu’elle ne l’ait pas mal pris.

“Je vous taquine, ne vous en faites pas. Pour le prix, je dirais… 5 Polars?”

Oui, il vient littéralement de lui demander le prix d’un menu enfant au fast food du coin. Non, les prix de Rolf ne sont pas élevés du tout, et ce n’est pas spécialement pour elle qu’il fait un prix aussi bas: tout ce qu’il a récupéré dans son atelier de réparation est des outils qu’il a obtenus à très bas prix car avec des dysfonctionnements ou trop vieux. Sauf que dans les mains de Rolf, ce ne sont que des outils qui demandent à être réparés ou améliorés. Il attrape délicatement la main de Lizzie avec sa main gauche et, avec sa main droite, le blond au regard rouge vient déposer délicatement le pendentif, entièrement réparé.

“A vous de me dire s’il correspond bien à ce que vous vouliez que je fasse, sinon, je ne serais pas digne de votre confiance et d’un bon repas ce midi!”