Lorsqu’une réparation se passe bien malgré sa complexité, ce n’est jamais sans laisser Rolf avec un petit sourire satisfait: aussi bien d’un point de vue personnel pour avoir réussi à mener à bien une réparation complexe que d’un point de vue humain où il est simplement content d’avoir pu rendre service à quelqu’un et parfois réparer quelque chose d’important à leurs yeux. Cette fois, le sentiment qui l’habite est vraiment unique, c’est comme une bouffée d’air frais d’avoir pu réparer ce pendentif pour Lizzie. Lorsqu’elle est entrée dans son atelier, elle avait l’air complètement déboussolée, ne sachant plus quoi dire ou faire à propos de cet incident de la vie de tous les jours d’un point de vue extérieur. Mais pour elle, peut-être était-ce son monde qui s’écroulait à la simple idée que ce pendentif était irréparable? Rolf a pu lui retirer ce poids des épaules, le porter pour elle, juste le temps de le faire disparaître et à présent, plus que simples Polars pour une réparation, c’était le sourire de la charmante femme face à lui qui était sa véritable récompense.

“J’hésite toujours entre fruits rouges et chocolat, je suis un éternel indécis quand il s’agit de choisir mon dessert!”

Voilà ce qu’il avait répondu à Lizzie concernant sa saveur préférée, bien que dans le fond, des muffins fruits rouges faits maison, rien que d’y penser, il pourrait presque imaginer leur senteur fruitée et en saliver d’avance. Le grand tatoué partagea le sourire amusé de sa cliente lorsqu’elle lui fit la remarque sur la complexité que pouvait avoir le travail de Rolf. Il est vrai que ce n’est pas non plus le métier le plus simple du monde, tout dépend du type d’objets et de mécanismes que l’on est prêts à réparer et surtout à apprendre à réparer. Plus on varie les objets que l’on sait réparer, plus la quantité d’informations à retenir semble grandir de façon exponentielle, mais si ce n’était pas pour son cristal de Réparation, le jeune homme mettrait probablement un plus de temps pour cette réparation.

“Si vos travaux ne sont pas trop secrets et que j’ai le droit de les voir, ça me plairait de voir vos manipulations au labo.”

Cela peut sembler bête dit comme ça, mais même s’il n’est arrivé que depuis deux semaines, le nouveau célestien a compris que les relations entre les trois royaumes, sans même parler du désert, c’était très compliqué parfois et ça ne doit pas être possible de se filmer quand on veut dans leurs labos. Enfin, encore une fois, Rolf ne peut que le supposer vu qu’il n’a aucune réelle idée du projet sur lequel Lizzie peut bien travailler en ce moment. En tout cas, sa curiosité le poussera forcément à regarder ce qu’elle est capable dans cette fameuse vidéo, si cette dernière est réalisable sans que la jeune femme ne risque quoi que ce soit.

Apparemment, sa petite question pour embêter Lizzie a bien fonctionné: cette dernière a les joues qui deviennent un peu rouge après que le réparateur lui ait demandé si c’était une proposition pour un rencard ou un simple remerciement. Il ne pouvait pas vraiment se retenir de rire juste après ça, ne voulant pas enfoncer la douce demoiselle face à lui dans une situation gênante. Après tout, faut-il forcément considérer une invitation à manger comme un rencard? Bien sûr que non, encore heureux! Elle ne semblait pas rancunière vu qu’elle avait rit un peu elle aussi, mais si Rolf n’avait pas pressenti qu’il pouvait tenter cette blague sans que ça soit une catastrophe, il n’aurait rien fait du tout.

A présent que les sourires et les rires sont partagés, le jeune homme observe attentivement sa cliente remettre son pendentif autour de son cou et l’effet apaisant que cela fait à cette dernière. C’est comme si un nuage obscur au-dessus d’elle venait de disparaître pour laisser place à un magnifique rayon de soleil, un soleil chaleureux qui peut se ressentir par la douceur de son sourire. Sourire qui semblait avoir été troublé à l’annonce du prix que Rolf propose pour la réparation de ce pendentif. Non, ce n’est pas parce que le prix est trop haut, mais sûrement parce qu’il est sacrément bas, mais honnêtement, pas besoin d’expliquer pourquoi il fait ses prix ainsi, en apprenant à le connaître, ça se comprend bien facilement. Il n’est juste pas du genre à faire son bonheur sur le malheur des autres, ça ne lui apporterait rien et ça serait contre nature.

Après que Rolf ait sagement observé Lizzie remettre son pendentif autour de son cou et l’entendre dire que c’était parfait, elle fouille dans sa poche pour lui mettre dans la main le double du prix qu’il a annoncé, tout en lui disant de ne pas discuter et en suggérant d’aller manger. Oh, ce n’était pas une option que Rolf a forcément prévu (de recevoir le double de ce qu’il a demandé), alors il roule des yeux et soupire un court instant, profitant de la nouvelle blague qui lui vient en tête.

“Si ça vous ennuie tant que ça quand je discute, il fallait me le dire, je me serais fait plus discret!”

Son sourire élargi et amusé indique clairement le fond de sa pensée et que ce n’est qu’une blague, mais il accepte volontiers d’aller manger un morceau. Tout en se levant de sa chaise et en plaçant les polars dans une petite poche qui se trouve dans un des tiroirs de son bureau, il reprend la parole.

“Très bien, allons manger, mais vu que j’ai eu une cliente très généreuse ce matin, je paie le dessert! J’ai juste besoin de changer de haut et de me nettoyer les mains, je ne tiens pas à ce que vous ayez honte de partager un repas avec moi.”

Le ton est léger, comme si à l’instant où Rolf s’est levé, l’homme qui gère la boutique de réparation a laissé place à un jeune homme simple qui parle comme il pense, de façon simple et décontractée. N’attendant pas réellement l’autorisation de Lizzie pour commencer à se préparer, surtout par envie de ne pas la faire attendre trop longtemps. Le tatoué aux pupilles rouges commence par se laver les mains dans un petit lavabo, s’essuie brièvement les mains avant de retirer sa casquette et son t-shirt de travail pour traverser la pièce et en prendre un peu plus habillé dans son casier, avant de l’enfiler et de remettre sa casquette.. Pour le coup, son atelier, c’est un peu comme chez lui, alors il n’hésite jamais une seule seconde à faire comme si c’était son petit appartement quand il s’agit de se changer, même si un client pourrait l’apercevoir. D’ailleurs, si Lizzie l’a regardée pendant la manœuvre, peut-être a-t-elle vu ses cheveux blonds platine forcément décoiffés par la casquette? Ou peut-être l’immense tatouage avec des ailes qui parcourt son dos? Peut-être même les deux? Vu qu’il n’est pas spécialement pudique, l’idée ne lui a même pas traversé l’esprit, mais le voilà prêt et souriant alors qu’il se dirige vers Lizzie.

“Désolé pour l’attente, je suis prêt pour ce fameux restaurant dont vous m’avez parlé! Encore merci de me faire découvrir un endroit sympa de la ville!”

Finalement, cette matinée va se terminer bien mieux que Rolf n’aurait pu l’imaginer en ouvrant son petit magasin ce matin: il a pu faire quelques réparations qui se sont montrées très utiles, surtout celle du pendentif, il sait d’avance qu’il va avoir des muffins avec ses deux saveurs préférées, il va aller manger un bon repas ce midi et surtout, il a rencontré une scientifique prénommée Lizzie avec qui il semble très bien s’entendre, au point même qu’elle va partager un moment avec lui. Elle a même accepté de lui faire une vidéo de ses manipulations à son labo, enfin celles qu’elle serait autorisée à filmer sans que cela ne lui apporte des ennuis. Que demander de plus? Même si on lui avait dit à quel point sa matinée serait riche, il n’y aurait probablement jamais cru, pas sans l’avoir vécu!

Mais à présent, le voilà fin prêt à sortir prendre l’air et fermer la boutique pour le moment, la pause du midi est arrivée un peu plus tôt que prévu mais ce n’est pas pour le gêner cette fois. Alors que Rolf vient de finir de se préparer et s’avance vers Lizzie, cette dernière semble avoir les joues très légèrement roses pour le coup. Ca lui était complètement sorti de la tête qu’elle aurait pu l’apercevoir pendant qu’il se changeait dans son atelier, donc il détourne un instant le regard, histoire de ne pas lui faire subir une nouvelle blague qu’il aurait pu trouver pour la taquiner à nouveau. Ce n’est pas drôle s’il la taquine de trop et elle pourrait le prendre mal à force, voir croire qu’il tente de lui envoyer un message alors que ce n’est pas du tout le cas. Enfin, le beau blond est loin d’être insensible à cette jolie femme qui lui a proposé d’aller manger au restaurant mais... Non, pas de fausses idées, ça évitera de compliquer inutilement la situation et ça ne sera peut-être pas plus mal pour eux.

A présent tous les deux en dehors de l’atelier de réparation, Rolf prend un court instant pour fermer à clef la boutique et se dirige vers Lizzie pour marcher à ses côtés. Le temps est vraiment clément aujourd’hui, malgré que la température ne soit pas encore suffisante pour qu’il fasse vraiment le temps parfait. Ayant vécu la majeur partie de sa vie en Finlande, autant dire que ce n’est pas des températures froides qui risquent de faire peur au grand blond, mais au cas où, il a quand même pris le soin d’avoir sa veste autour de sa taille, attaché par un noeud fait avec les manches, sûrement les mauvaises habitudes dont il ne pourra jamais se défaire. Son attention se reporte sur la jeune femme à ses côtés lorsqu’elle lui parle de Polaris.

“Les températures un peu plus froides ne me gênent pas vraiment pour être honnête, j’ai plutôt tendance à vite étouffer lorsqu’il fait trop chaud, ça vient probablement de mes origines. Mais c’est noté: si vous me faites visiter Polaris bientôt, je ferai en sorte de bien me couvrir!”

Le sourire qu’il avait sur les lèvres lors de leur discussion dans la boutique n’avait pas disparu un seul instant depuis. Peut-être qu’il en faut peu à Rolf pour être content, joyeux, voire heureux, mais dans l’attente de pouvoir retrouver son petit frère, il fallait bien qu’il réussisse à garder le sourire et profiter de la nouvelle vie qui leur a été offerte à lui et à son frère. Il est persuadé que son frère est arrivé lui aussi à Althéa, il n’a juste pas encore pu le retrouver, mais ça viendra avec l’aide de personnes bienveillantes comme Lizzie. Si le contexte s’y prête, peut-être pourra-t-il lui demander des conseils à ce sujet? De toute façon, ils vont avoir pas mal de temps pour discuter: ils ont fait le choix de marcher jusqu’au restaurant, leur laissant dix bonnes minutes de marche.

“Pas de soucis pour la marche, au moins ça me fera du bien car je reste parfois assis plusieurs heures pour les réparations complexes qui me demande de m’appuyer sur mon bureau. Je suis bien mieux debout qu’avec les fesses sur une chaise!”

C’est carrément vrai: lui qui adore bouger et faire du sport, être assis à longueur de journée, ça le fatigue bien plus encore. Pour l’instant, la faim ne se fait que légèrement ressentir mais Rolf sait que ça ne devrait pas tarder à se manifester d’une façon plus intense alors il espère que le restaurant en question sera prêt à lui servir de bonnes quantités! Enfin… Vu que c’est aux frais de Lizzie, la retenue sera peut-être de rigueur, d’ailleurs elle peut probablement lui en dire plus sur ce quel type de restaurant il s’agit.

“Lizzie, vous savez quel genre de restaurant est celui dans lequel nous allons? Je veux dire, au niveau de la nourriture, est-ce un restaurant qui sert de tout ou il est spécifique? Je m’imagine déjà déguster de nouvelles saveurs, donc je vous avoue qu’une réponse de votre part pourrait m’aider à satisfaire ma curiosité.”

Rien de tel qu’un peu de marche avant un repas pour vous mettre en appétit! A défaut de prendre des petits-déjeuners copieux, Rolf a pour habitude de faire uniquement le plein de vitamines, histoire de tenir bon toute la matinée et lors de son jogging matinal, même quand il est soumis aux effets de l’éventuelle soirée de la veille. Dans tous les cas, rien ne l’empêche de se maintenir à une routine alimentaire bien plus convenable que celle qu’il avait en survivant sur Terre, c’est peut-être l’un des plus gros avantages à être arrivé à Althéa.

Cependant, cela ne l’empêche pas de céder aux tentations d’une vie banale qu’il aurait pu avoir à la surface: aller manger dans des petits restaurants par envie, prendre une bière au bar par plaisir. S’entretenir physiquement lui a toujours convenu, ainsi que faire attention à avoir une alimentation aussi “bonne” que possible, mais on ne l’écartera jamais du chemin des plaisirs de la vie. Peut-être est-ce pour ça qu’il a dit oui si facilement à Lizzie quand elle lui a proposé de venir au restaurant avec elle ce midi? Ou peut-être car il avait juste envie de partager un moment plus sympa qu’une simple réparation pour une cliente? Un peu des deux sûrement.

“J’ai remarqué que vous aussi, vous n’êtes pas fan des gros manteaux, mais c’est loin d’être une mauvaise chose. Du moment qu’on se sent à l’aise dans ce qu’on porte et que notre style nous plait, j’estime qu’on a pas besoin de se soucier de l’avis des autres, qu’on ait froid ou chaud.”

Rolf a tellement entendu des gens, et surtout ses parents, se plaindre de son style vestimentaire ou du fait de sortir peu couvert lorsqu’il fait froid, trop chargé quand il fait chaud, sa tenue n’était jamais adaptée à leurs yeux. Cela l’a poussé à apprendre par lui-même à se fier au fait que les gens sont conscients et capables de se faire leur propre style: après tout, du moment qu’ils apprécient ce qu’ils portent et sont à l’aise, qui est-il pour les juger?

“D’accord! Ne vous en faites pas, je ne suis pas très difficile en ce qui concerne la nourriture.”

Ca serait un comble de faire sa fine bouche pour un repas quand la survie pendant des années lui a permis de découvrir les “plaisirs” du jeûne et des boîtes de conserve. Même du temps où il menait sa vie comme il l’entendait sur Terre, il ne s’est jamais vraiment limité aux goûts qu’il apprécie, acceptant toujours de découvrir de nouvelles saveurs et de nouvelles recettes. Ce n’est pas un très bon cuisinier, disons qu’il se débrouille pour faire un peu mieux que du comestible, mais n’allez pas lui demander de faire des plats trop élaborés, ça serait lui demander l’impossible. En de rares occasions, il excelle pour préparer des gâteaux en dessert, mais c’est un secret qu’il se garde de vanter: trop peur qu’on lui demande d’en faire et que ça ne plaise pas.

"Ça m'arrive en effet, bien que la plupart du temps, j’y vais seul. Je suis encore nouveau ici alors je prends doucement mes marques et…”

Voyant l’air soucieux de Lizzie alors qu’ils viennent d’arriver devant le restaurant, il se stoppe au milieu de sa phrase et attend de savoir ce qui la dérange. Ah, c’est vraiment gentil de sa part de se soucier des allergies du grand blond mais il secoue la tête pour lui indiquer qu’il n’y a pas le moindre souci sur ce point. Dans un élan de galanterie, Rolf s’avance jusqu’à la porte du restaurant et l’ouvre pour laisser passer la jeune femme devant lui, affichant un sourire amical. Vu qu’ils se connaissent à peine, autant montrer qu’il a des bonnes manières malgré son apparence un peu intimidante.

Une fois dans le restaurant, un serveur vient les chercher pour leur demander s’ils désirent une table pour deux et s’il souhaite une table “à l’écart” pour être tranquille. Le beau blond redirige son regard vers Lizzie, attendant un avis de sa part.

“Qu’est-ce que tu préfères? Le bruit ne me dérange pas, donc on peut se placer où tu veux. Je te laisse choisir.”

Sans vraiment le vouloir, Rolf venait de la tutoyer et lorsqu'il s'en est rendu compte, il était déjà trop tard. Plutôt que d'avoir l'air gêné d'une telle maladresse de sa part, il garde un visage serein, en espérant que ça ne lui retombera pas trop fort dessus...

Rolf n’a pas encore remarqué que petit à petit, il commence à reprendre goût à une vie qu’il ne pensait vraiment plus avoir : les années passées à la surface l’ont marqués à jamais, il n’a pas fait partis de ceux qui ont absolument cherché un moyen de tuer les Transcendés mais plutôt de ceux qui ont essayés de survivre malgré leur présence. Des années qui l’ont forcés à croire qu’il n’y avait plus d’autres options que cette survie jusqu’à ce qu’un miracle les sauve. Un miracle ou une solution qui en aurait l’air, vu les monstres invincibles que représentaient les Transcendés aux yeux de l’humanité.

Pourtant, même s’il est loin de tout ça à présent, il aimerait être capable d’intervenir à la surface pour aider ceux qui y vivent encore. Un remède contre la Transcendance, un moyen de mettre à l’abri ceux qui sont encore en danger (bien que les faire tous descendre à Althéa sera sûrement plus problématique qu’autre chose), il doit bien y avoir un moyen d’y parvenir. A son niveau, Rolf n’est capable que d’aider les gens à sa façon, mais à terme, la perspective que les cristaux puissent le rendre plus efficace, peut-être qu’il pourra devenir quelqu’un de plus « grand » que ce qu’il s’imaginait être dans sa vie avant le Kamikakushi.

Le froid dans l’air et les paroles de la douce Lizzie finissent par le ramener à la réalité alors qu’il hoche la tête après que cette dernière lui ait fait part de son avis.

« Le froid a quelque chose de particulier, d’inexplicable, mais il nous apporte une certaine sérénité je dirais. »

Sa réponse est peut-être un peu à côté de la plaque, mais elle le sera sûrement autant que lui après s’être perdu dans ses pensées.  C'était rarement le genre de Rolf de se laisser aller par ce qui lui passe par la tête, mais quand ça arrive, il tend à y rester pour plus que quelques instants, en espérant que ça n'affectera pas trop l'éventuelle conversation qu'il est en train d'avoir. Par chance, Lizzie ne semble pas lui en tenir rigueur le moins du monde alors qu'il avait maladroitement tutoyé, elle a répondu au serveur qui a fini par les amener jusqu'à une table à l'écart, dans un coin assez charmant avec un brin de verdure, une petite bouffée d'oxygène dans un cadre qui avait l'air de pouvoir se bonder assez rapidement de monde.

Le regard du jeune homme s'est d'abord plongé dans le menu avant de revenir croisé celui de la belle scientifique qui allait partager un repas avec lui. Un Starbucks ? Fouillant dans sa mémoire, Rolf finit par se souvenir de ce qu'un client lui a dit :

« Pour le Starbucks, il me semble avoir entendu qu'il y en a un dans la grande avenue d'Australis, mais sa localisation m'est inconnue. Je pourrais demander à mes clients de me dire où il se trouve et dès que j'ai l'information, je te tiens au courant. Quant au menu... Je prendrais ce que tu me conseilleras, tu as l'air plus calée que moi avec ce genre de restaurants. »

Ce n'est pas un mensonge : malgré ses nombreux voyages, le grand finlandais ne s'arrêtait que rarement dans des restaurants typiques, préférant les auberges avec des plats locaux plutôt que de s'offrir à chaque fois des repas auxquels ils pourraient s'attendre. Mais le sujet suivant est bien vite abordé par la jeune femme qui souhaite probablement en apprendre plus sur ce qu'est devenu la Terre à travers les souvenirs de Rolf. Souvenirs qui lui sont douloureux car il sait qu'il n'y a quasiment aucune chance que la Terre telle qu'ils l'ont connue ne soit plus qu'un souvenir et ne redeviendra jamais comme autrefois.

« J'y pense oui. Bien plus que je ne le voudrais pour être honnête. Je n'ai pas spécialement de regrets de ne pas avoir fait telle ou telle chose si j'avais su à l'avance, je pense surtout à tout ce qui a pu nous être arraché avec tous les événements qui se sont déroulés depuis l'effondrement des capitales. Alors oui, ça me manque terriblement... »

Rolf baisse les yeux un court instant, son cœur est lourd de souvenirs qui veulent remonter à la surface mais il ne se laisse pas submerger pour autant, hors de question. S'il est encore en vie actuellement, c'est car il a su réagir, s'adapter et aider ceux qui n'arrivaient pas à avancer par eux-mêmes. Ses yeux traduisent une lueur d'espoir malgré ses sombres pensées, alors que ses yeux se fixent à nouveau sur ceux de Lizzie.

« Mais à présent, rester tourner vers le passé ne nous aidera plus à avancer. Si je peux aider les gens à mieux vivre leur nouvelle vie, ça m'a l'air pas si mal, non ?  Enfin c'est ce que je pense.»

“Pas de soucis! Si j’ai le temps et que je le trouve avant toi, je t’y inviterai!”

C’est vrai qu’un bon café du Starbucks, ça avait le don de remettre au summum de sa forme le jeune réparateur qui pouvait retourner au travail pour plusieurs heures après un tel délice. Même si ça peut paraître vu qu’il apprécie se faire des cafés très corsés pour tenir éveillé et concentré pendant de longues réparations, la douceur et l’onctuosité de certains cafés de Starbucks réussissent à combiner le regain d’énergie et la gourmandise qui sont nécessaires au jeune homme. En tout cas, s’il a promis de l’inviter au Starbucks, c’est à présent gravé dans la roche, il tiendra sa promesse quoi qu’il arrive!

Les souvenirs de la Terre ne laissent pas Rolf insensible, mais contrairement à bien d’autres personnes, si son frère est bel et bien ici tout comme lui - impossible qu’ils n’aient pas sauté tous les deux - il n’a pas vraiment de raison de regretter d’être tombé. Certes, il adorerait savoir comment s’en sortent les autres depuis leur départ, ou plutôt leur arrivée à Althéa, ceux qui composent la petite communauté avec laquelle ils vivaient.

“Je peux comprendre pourquoi tu penses ainsi. On ne peut pas non plus n’avoir aucun regret concernant ce que nous n’avons plus. Pourtant, je trouve qu’on s’en sort pas si mal non?”

Toujours cette même petite note d’espoir et de douceur dans les propos de Rolf, cette note qui s’est accentuée un peu plus lorsqu’il a remarqué que les yeux de Lizzie s'étaient remplis de larmes. Impossible d’imaginer la douleur et la souffrance de chacun vu que pour la plupart, la perte de la famille ou de gens chers a pu se montrer dévastateur, bien au-delà de ce qu’on voudrait croire.
Les raisons pour lesquelles la jeune femme a décidé de vivre à Célestia sont plus que louables, sa vision des choses l’est tout autant. Elle préfère se concentrer sur ce qui est à sa portée, plutôt que de vouloir changer globalement le monde sans en avoir les moyens. Aider ceux qui sont autour de nous et rendre la vie plus douce, voilà qui mérite bien plus d’intérêt que des détails sans importance qui pourraient venir les déranger dans leur nouvelle vie.

“Je t’admire pour ta façon d’agir, j’essayerai d’être un peu plus comme toi à partir de maintenant.”

Quand le serveur vient jusqu’à la table des deux nouveaux amis, Rolf se contente de prendre un bon bol de riz et une paire de brochettes yakitoris, voilà qui lui suffira amplement et évitera qu’il profite trop de la générosité de Lizzie.

“Hmm, question difficile. Je dirais que j’ai tellement à faire et à découvrir ici que si je ne faisais que regarder en arrière et d’essayer de changer les événements qui se sont déjà passés, je serais incapable de vivre pleinement ma vie actuelle. Elle n’est pas mieux ou moins bien que celle d’avant, mais je préfère me dire que j’ai fourni plein d’efforts pour en arriver là où je suis à présent. C’est la réponse la plus rapide que je puisse te donner.”

Le sujet de la discussion n’est pas si étrange que ça, mais Rolf se demande si la belle femme face à lui ne serait pas pris de regrets ou si elle ne vivrait pas mal cette vie à Althéa. Enfin, c’est un peu impoli de juger ou d’émettre des hypothèses sur les personnes qu’on vient de rencontrer, mais le réparateur ne peut s’empêcher de s’inquiéter pour les gens qu’il apprécie. Est-ce que cela veut dire qu’il l’apprécie? Évidemment, sinon il ne serait pas là pour prendre un repas avec elle.

“Et toi? Que fais-tu pour ne pas les laisser t’envahir?”