Cela fait seulement quelques jours que Rolf vient d'arriver à Célestia, et à Althéa plus globalement. Bien qu'il a encore des difficultés à admettre qu'un monde aussi grand puisse vivre sous la surface de la Terre. Mais bon, il y a plein de choses qui vont lui sembler complexe encore un bon moment, le temps qu'il assimile et surtout accepte que son monde a complètement changer du tout au tout. Le grand blond a aussi besoin de se faire une place dans ce nouveau monde et c'est déjà en train de se faire: après avoir été recruté pour rejoindre Célestia, son idée de tenir un petit magasin de réparation a été approuvée et il a simplement besoin d'attendre qu'on lui trouve un emplacement pour ce fameux magasin. En attendant, vu qu'il sait qu'il va résider à Australis, pourquoi ne pas faire le tour de la ville et apparemment, le nouveau parc d'attraction construit récemment semble déjà être l'endroit à visiter par excellence.

Wonderland hein? Sympa le nom, ça va lui faire bizarre de faire s'amuser dans un parc d'attraction alors qu'il y a quelques semaines encore, il a frôlé la mort en rencontrant un Transcendé. La vie est parfois étrange, mais à présent, Rolf sent qu'il devrait juste essayer de se détendre: il ne peut pas aller plus vite que la musique et vouloir griller les étapes pour retrouver Ragnar ne fera que le desservir au final. Après tout, après six années en enfer, il a le droit pour une journée de penser à sourire et rire sans se soucier du lendemain, voilà le défi qu'il se lance pour aujourd'hui en plus de s'amuser de bon coeur!

Devant la taille impressionnante de Wonderland, ses yeux s'émerveillent une fois de plus, comme lorsqu'il découvre les paysages incroyables d'Althéa, mais cette fois, l'émerveillement est associé à de l'excitation: lui qui adore les sensations fortes, il sent qu'il va vraiment pouvoir profiter à fond! Après quelques minutes à faire la queue pour payer son ticket d'entrée, Rolf commence par récupérer un plan du parc et marche tranquillement, contemplant tout autour de lui, presque comme un gamin qui viendrait pour la première fois. Ca ne retire rien à son charme habituel, mais c'est juste que pour lui, c'est une sensation de découverte qu'il n'espérait plus revivre dans sa vie, sincèrement.

Tout en avançant dans le parc, son regard se dirige vers certaines boutiques et plus particulièrement une: l'une d'entre elle semble posséder une machine à glace. Ca fait littéralement des ANNEES qu'il n'a pas pu goûter à une glace alors qu'il adore ça. Rien à foutre que ça ne soit pas encore l'heure de manger, le tatoué aux pupilles rouges se dirige illico vers le stand de glace et commande de quoi combler son envie irrépressible. Une fois dehors, le voilà en possession d'un cornet américain avec trois boules de glace dedans: vanille, cookie et chocolat, le tout recouvert d'un peu de chantilly. Un homme heureux. Aux portes du paradis. Les apôtres dansent sur ses papilles alors que Rolf porte ses lèvres à l'objet de sa convoitise.

En quelques minutes, il a complètement dévoré sa glace et n'a aucun regret de l'avoir mangé aussi vite vu qu'il a l'impression d'en avoir profité chaque instant. Avec un début pareil, cette journée lui semble bien partie pour être parfaite, une véritable source pour de détente pour lui. Il reprend tranquillement sa marche en direction d'un manège à faire, un grand sourire aux lèvres. Qu'est-ce qui pourrait bien venir le déranger ou lui ruiner son moment de plaisir, hein? Quoi ou qui donc pourrait le faire?

Avoir la classe, qu'est-ce que c'est? Non mais sérieusement, comment définir "avoir la classe"? Est-ce que arriver dans une voiture de luxe avec des vêtements au top de la mode et des photographes qui vous supplie de prendre la pose, c'est "avoir la classe"? Est-ce que réaliser une action incroyable qui va changer la vie des gens de manière positive, c'est "avoir la classe"? Est-ce que rattraper une rouquine qui vous fonce dessus en trottinette alors que vous venez de manger une glace et qu'un impact violent pourrait vous la faire régurgiter en moins de temps qu'il n'en faut pour le dire MAIS que vous allez quand même vous retenir de salir la chevelure de cette princesse sur sa monture roulante et qu'EN PLUS, vous allez sacrifier la longévité de votre colonne vertébrale en atterrissant au sol à sa place pour ne pas qu'elle subisse le choc, c'est "avoir la classe"? Honnêtement, je ne sais pas. Je l'avoue, je n'en sais rien. Mais peut-être qu'après ce qui va se dérouler sous vos yeux, et surtout sous les siens, Rolf le saura lui. Prions simplement pour que cela soit à la fois drôle et intéressant, mais surtout drôle. Parce que c'est un peu pour ça qu'on est là en vrai.

La réalité est parfois bien loin de ce que les gens imaginent: Rolf a toujours été courageux, robuste, prêt à se sacrifier pour aider son prochain (enfin, si son prochain est un ami, d'accord, autrement, le sacrifice va être plus modéré). C'est un peu un héros des temps modernes sur certains points, on peut au moins lui accorder cela. Pourtant, il reste dramatiquement humain, bien qu'il vit à présent dans un monde où des cristaux donnent d'immense pouvoir, mais pas encore celui de prévoir le futur d'au moins quelques secondes. A cause de cela, Rolf ne verra qu'au tout dernier moment la chevelure rousse sur sa trottinette des enfers qui lui fonce dessus à pleine vitesse.

Moins d'une seconde après, le choc va se faire, peut-il vraiment réagir à temps pour éviter le carnage? Pour être honnête, même si son cerveau n'a pas le temps de calculer ça, vu le gabarit de la fille, il se pourrait que le colosse finlandais subisse à peine le choc tant la différence de masse est importante, mais elle... Ouuuuh, elle, elle va morfler sévère. Et c'est surtout son instinct qui va le faire réagir plutôt que sa raison: le grand tatoué va tout simplement écarter les bras et reculer un peu. Sa raison lui aurait vivement dit de reculer pour esquiver, son instinct lui a dit de reculer par rapport au point d'impact pour atténuer le choc que va subir la demoiselle. Comment opère le cerveau du jeune homme? Aucune idée, mais espérons qu'il ne va pas trop le regretter.

Leurs regards se croisent sûrement durant les derniers instants avant l'impact: le visage crispé, le fait de penser à la douleur imminente, la possibilité que ça va vraiment faire un bruit qui ne plaira à personne, ni acteurs, ni spectateurs. Tout se mélange à cet instant, mais au final, ça ne se joue qu'en quelques secondes, quoi qu'on en dise.

Rolf va surtout sentir l'impact du guidon dans le bas de son estomac, pour ne pas dire la zone en dessous de son ventre et qu'un homme pourrait être tenté de chérir de ses premiers pas à son dernier souffle de vie sur cette pauvre Terre, enfin sur Althéa pour le coup, mais vous avez compris. La douleur est fulgurante, comme si un éclair l'avait frappé à cet endroit, mais le brave homme ne va pas oublier sa mission principale, celle que son instinct lui a dicté: protéger cette chevelure rousse qui lui a foncé dessus. Aussitôt que la collision est faite, Rolf resserre son étreinte autour de la personne qu'il a identifié comme étant potentiellement une femme, l'agrippe contre lui et sent qu'ils sont tous les deux projetés en arrière. Tenter de rester sur ses jambes pour encaisser l'impact risquerait de faire subir l'équivalent de se prendre un mur à la vic... à son agresseur, ce qui n'est pas vraiment profitable pour elle. Tant pis, il se laisse projeter en arrière et, du mieux qu'il peut, Rolf se prépare à amortir le choc en la serrant dans ses bras, faisant fi de toutes les douleurs qu'il peut bien ressentir à cet instant. Tout cela, c'était avant qu'il ne chute au sol et que

DING!
DONG!

S'éclater le dos au sol, c'est une chose.
S'éclater le dos au sol tout en tenant quelqu'un pour lui éviter de trop subir l'impact, c'est autre chose.
Mais alors s'éclater le dos au sol tout en tenant quelqu'un pour lui éviter de trop subir l'impact SAUF que cette personne s'est recroquevillée sur elle-même et il faut se prendre l'un des genoux dans les cloches, là c'est trop.

Au final, la scène n'a duré que quelques secondes, mais toutes les sensations ressenties durant ces quelques secondes auront été intenses, peut-être moins pour l'une des deux personnes, c'est un bien pour un mal après tout. Alors qu'une petite voix prononçant un léger "Coucou?" arrive aux oreilles de Rolf, qui a le visage crispé par la douleur à cet instant, le grand blond tente quand même d'esquisser un sourire, toujours aussi crispé, et d'ouvrir les yeux pour voir si elle va bien. Au final, autant lui demander, non?

"Sa... Salut. V-vous allez... bien?"

Finalement, essayer d'agir de façon cool alors qu'on est en train de souffrir après avoir voulu protéger quelqu'un, est-ce que ça serait pas ÇA "avoir la classe"?

On dit souvent “plus ils sont grands, plus ils font de bruit en tombant”. Bah pour le coup, Rolf est tombé, ça n’a pas fait tant de bruit que ça, mais c’est à l’intérieur que ça résonne alors que la douleur parcourt son corps de long en large, surtout au niveau du bassin. Mais bon, comment en vouloir à cette fusée rouquine qui s’est écrasée contre lui?... Dans l’absolu, il a vraiment le droit de lui en vouloir, genre super fort, mais il ne le fera pas. Non, son côté protecteur et un minimum gentleman évitera une telle scène à cette pauvre fille qui aurait pu gravement se blesser si son impact avait été dans autre chose que les bras du grand finlandais.

Malgré qu’il soit dans une douleur innommable, Rolf se contente de forcer sur son sourire alors que la jeune femme décide de se relever précipitamment, non sans lui écraser une nouvelle fois le service trois pièces déjà en souffrance. Il souffle un bon coup pour éviter tout gémissement, et surtout cri, de douleur, son regard se fixant sur la main de la demoiselle qui lui est tendue. Bon, c’est pas vraiment avec sa carrure qu’elle pourrait réellement le relever, mais par principe, il l’attrape de bon cœur et appuie tant bien que mal sur ses jambes pour se relever face à elle.

“Merci…”

Pas la peine d’essayer d’en dire plus, il est pas vraiment dans l’état pour faire de jolis monologues, il n’en a que très rarement fait de toute façon. La massacreuse de noix finit par reprendre la parole pour lui proposer d’aller voir le marchand de glaces pas très loin afin d’avoir de quoi atténuer la douleur. C’est le marchand qui va bien rire de voir Rolf revenir aussi vite dans son magasin, mais dans des conditions très différentes. Le jeune homme se contente d’hocher la tête en souriant, redressant les épaules autant que possible pour ne pas trop afficher le fait que ce genre de douleurs est capable de plier un homme en deux.

Son regard se dirige rapidement vers la trottinette qui semble abîmé à cause du choc, mais lorsqu’il regarde à nouveau la jeune femme, elle a l’air d’aller bien malgré le rude choc qu’ils viennent d’avoir. Une petite victoire malgré les douleurs que ressent le réparateur en cet instant.

“Le principal, c’est qu… que vous n’avez rien. Je vous suis pour le marchand de glaces…”

Bon, ce n’est probablement pas le mouvement le plus intelligent du monde vu sa condition mais, dans une envie de bien faire, Rolf se penche très délicatement pour essayer d’attraper la trottinette de la demoiselle. Ca lui servira éventuellement d’appui pour marcher, il n’a pas la volonté d’obliger ce petit bout de femme à l’aider de la sorte, bien qu’un coup de main (à défaut d’un coup de genou) ne lui ferait pas de mal.

Au “Stop!” de la jeune femme, Rolf se fige immédiatement, plus par peur de faire quelque chose de déplacé que par peur. Dans l’absolu, autant s’arrêter pour toutes les raisons du monde, un mouvement brusque risquerait de lui provoquer de nouvelles douleurs après le choc, surtout à un endroit bien trop sensible pour que ça soit devenu moins douloureux en si peu de temps. Apparemment, il s’agit simplement de pas toucher à la trottinette de la jeune femme, peut-être a-t-elle une valeur sentimentale qui l’empêche d’être touché par n’importe qui? Enfin, dans tous les cas, Rolf l’a déjà touché vu qu’il l’a pris dans les valseuses, mais c’est une autre histoire.

Avec l’aide de cette demoiselle, le réparateur atteint un banc qui lui laisse la possibilité de s’asseoir et de récupérer un peu du choc survenu un peu plus tôt. Pendant qu’elle part chez le marchand de glace, impossible de ne pas lever les yeux au ciel et de se demander pourquoi tout cela lui arrive alors qu’il n’a rien fait pour le mériter, mais Rolf n’a pas le coeur à réellement en vouloir à celle qui a causé l’accident, c’était simplement une inattention qui a mené à cet incident. En la voyant revenir, il esquisse un nouveau sourire un peu grimacé - par la douleur - et attrape délicatement la poche de glaçons pour la placer là où elle est largement demandée.

“Hm? Pas la peine de vous en faire tant que ça, ce n’est qu’un malheureux… accident. Au moins, on peut se dire que vous… n’avez rien, c’est une bonne nouvelle malgré tout!”

L’optimisme, voilà ce qui le pousse à réagir ainsi, voir les choses dans le bon sens. D’ailleurs, entendre un peu de suédois le rend nostalgique de la vie sur Terre et de ses nombreux voyages avec la Suède, ce pays si proche du sien. Inutile de se lamenter pour rien et autant continuer sur une bonne lancée -comme elle avec sa trottinette-, si elle tient à faire quelque chose, il sait quoi proposer:

“Si vous voulez vraiment faire quelque chose pour moi… faites un petit tour du parc avec moi. Je suis tout nouveau ici, un peu de compagnie n’est pas de refus. En échange, je vous répare votre t… trottinette, ça vous semble honnête?”

Toujours proposé un échange équivalent, c’est la base! Sinon, on ne sait jamais ce qui pourrait se passer si on ne respecte pas cette règle...