Elle n’a pas fière allure Iseult, de ses cheveux emmêlés sous sa capuche trop grande, le jean élimé d’où s’élève des nuages de sable, à force de se rouler dans la poussière du désert. Fatiguée, sale et parfaitement heureuse. Allant jusqu’à siffloter un vieil air de Kpop pour se distraire, les importants documents bien calés dans son sac en bandoulière.
Importants oui, bien qu’elle ne sache pas pourquoi. Et elle s’en fichait. Seuls l’adrénaline et le goût d’une aventure jusqu’à Australis lui avait fait accepter ce petit cambriolage pour le compte d’un parfait inconnu. Ce qu’il allait en faire ? Probablement quelque chose de bien peu légale. Iseult avait pourtant essayé de feuilleter toute cette paperasse, par ennuie plus que par véritable intérêt. Malheureusement, aucun mot n’était vraiment compréhensible pour elle, et la voleuse était certaine de confondre encore quelques consonnes entre elles. Ne s’inquiétant pas particulièrement de savoir bien lire ou non, les documents avaient pourtant fini pliés sans aucune délicatesse tout au fond de son sac dans un élan de frustration. Ils n’avaient depuis plus jamais bougé. Un vol sans grande difficulté et la coréenne ne devait ses légères coupures aux mains qu’à sa propre négligence.

Le relais Victoire avait bien plus fière allure que la jeune voleuse, qui trainait les pieds dans une démarche amusée bien que fatiguée jusqu’à l’hôtel convenu.
Un hôtel, quelle idée. Si cela n’avait tenu qu’à Iseult, une rencontre rapide sur les toits auraient fait l’affaire, mais monsieur préférait apparemment un minimum de luxe. Luxe, car c’était finalement ce que ces chambres d’hôtel représentaient pour une orpheline, gamine des rues dormant maintenant sous une tente.
Pas une seconde d’hésitation devant la porte au numéro étincelant indiqué dans un coin (car elle savait tout de même compter jusqu’à 100 et un peu plus) qu’elle ouvre d’un coup de pied ferme.

« Chéri je suis rentrée ! » Et elle ne peut s’empêcher de se marrer toute seule, résolument de bonne humeur.
Alessio est de dos, apparemment confortablement installé dans un grand fauteuil.

« J’espère que tes foutus documents en valent le coup, c’est loin Célesta. » Râler pour la forme, Iseult avait à vrai dire adoré ce petit voyage loin du sable chaud. Le fauteuil étant pris, elle s’affale sur le lit qui s’enfonce sous son poids pourtant minime. Peut-être pourrait-elle voler le matelas et le trainer jusqu’au campement.

Iseult tapote le matelas sous elle en fronçant les sourcils, l’air d’en tester la qualité. Dormir sur un vrai lit ne lui ferait probablement pas de mal pour une fois. Légèrement vexée par les paroles d’Alessio, elle pourrait presque lui cracher deux ou trois injures ; se retient pourtant de justesse. Mieux valait ne pas énerver l’autre avant d’avoir été payée. Elle renifle en croisant les bras pour toute réponse. Oh non la jeune voleuse n’était ô grand jamais revenu les mains vide, se maudirait probablement elle-même pour ça.
Elle se sait meilleure que les autres et peut-être l’homme à ses côtés devrait-il commencer à y penser lui-aussi.

Une mèche décolorée entortillée entre ses doigts joueurs et impatients, la coréenne ne peut s’empêcher de hausser un sourcil perplexe.

« Cool on est tous les deux des larbins finalement… »

La chaîne d’arrêtait-elle au patron d’Alessio ou continuait-elle bien plus loin encore ? Peu gênée de se retrouver tout en bas de la hiérarchie, il n’y avait bien qu’Iseult pour aimer trainer dans la poussière et s’y complaire. N’était néanmoins pas certaine que l’autre apprécie ne pas mener la danse. Bah, ce n’était après tout pas ses affaires.

« Pas d’alarme chef. » Elle lève ses mains toute égratignées et aux longues griffures encore rouges, un grand sourire aux lèvres, loin d’être amicale. «  J’me suis battu avec un gros chat qui trainait dans les bureaux, ça compte ? J’ai mal, devrait pas y avoir compensation pour ça ? Genre des indimités… indomni… bref plus de thune quoi ? »

Elle bégaye sur les derniers mots, pas sur de la prononciation et encore moins de l’orthographe du mot indemnité, mais se souvenant parfaitement des vieilles séries de baston qu’elle regardait parfois sur Terre. Sans se préoccuper d’une quelconque réponse, la jeune femme enlève enfin son sac, farfouillant dedans pour un ressortir un paquet de feuilles froissées, pliées comme elle faisait absolument tout : avec chaos.

Iseult hausse les épaules, peu préoccupée de se faire traiter de larbine ou non. Elle ne cherchait ni l’estime d’Alessio, ni celui de quiconque.
Tant qu’elle était payée.
Elle râle pour la forme, s’affale sur le lit comme un enfant en plein caprice. Ce chat avait été sacrément féroce mais peut-être aurait-elle du mentir et parler d’un tigre ou d’une panthère. L’homme avait néanmoins raison, le prix était bien plus que correct aussi leva-t-elle les mains en signe de capitulation.

« Ok ok, j’reviendrai me plaindre quand mes blessures s’infecteront et que j’frôlerai la mort… »

Un léger ricanement s’échappe de cette bouche trop grande pour peser ses mots alors qu’elle observe l’autre tenter de déchiffrer la paperasse. Il semble pourtant content du travail accompli et il ne lui en faut pas plus pour se redresser, fière d’elle. Tenant tout de même à vérifier le contenu de l’enveloppe, la voilà contant les billets avec grand intérêt. Avant de s’arrêter bien vite, les chiffres se mélangeant déjà devant ses yeux plissés avec concentration. Elle abandonne, range le tout dans l’enveloppe, la soupèse. Assez lourd pour elle, ça devrait aller.

« Mon travail est toujours bien fait ! Mais en Caerus c’est très bien oui. » Elle se lève, faisant quelques pas dans cette chambre inconnu, l’intérêt sincère dans ses iris bleus.

« Ya un nouveau job pour moi ? Des trucs marrants à voler ? Parce que tous ces papiers, c’était franchement pas terrible. »

Un geste rapide de la main pour désigner toute la paperasse. Un peu plus d’action serait bienvenu pour la prochaine fois.

Ce type n’avait décidément aucun humour.
Elle fronce les sourcils Iseult, ne voyant aucun problème à se faire soigner au désert si un malheur arrivait. Lève un instant une main devant son visage en réfléchissant. Quelques doigts en moins ne la rendrait-elle pas plus coriace ? Comme ces horribles pirates à qui il manquait parfois un œil. Ou une jambe.
Elle souffle sans répondre, ne s’attendant de toute façon qu’à une réplique bien trop sérieuse de la part de l’autre.
La voilà qui prend pourtant l’air le plus parfaitement innocent face à la l’ordre. Elle avait espéré oui, avait longtemps espéré qu’il ne remarquerait rien. Idiot, désorganisé ou peu observateur. Alessio n’était malheureusement rien de tout cela et la voleuse commençait petit à petit à le comprendre. Un crotale, Alessio était un foutu crotale qui n’hésiterait pas à la mordre si elle ne rendait pas son larcin.
Mais Iseult est
amoureuse du danger,
amoureuse du combat. Elle lève les mains dans un geste d’innocence.

« Quels bijoux ? J’ai rien fait chef ! T’as dû les faire tomber sous le lit. Ou les perdre quelque part, ça arrive hein, t’es allé voir aux objets trouvés ?? »

Intérieurement, Iseult râle contre elle-même car se faire prendre, ce n’est pas dans ses habitudes. Pourtant, elle se fiche bien de ces bagues dérobées d’ailleurs toujours bien cachées au fond de son sac, les rendrait volontiers quand elle l’aura décidé.

L’idée de pouvoir passer la nuit ici lui fait pourtant relever la tête.
« Oh j’peux dormir ici ? J’savais que t’étais un homme bien Alessio. »

Petit sourire pour se foutre de sa gueule. Car ils savaient parfaitement tous les deux que le caerien ici présent était tout sauf « un homme bien ».
A magouiller ainsi dans le désert, personne ne l'était jamais vraiment.

L’homme pouvait être vraiment flippant quand il s’y mettait, l’œil de verre n’arrangeant rien. Mais Iseult lève le menton dans un défis silencieux. Les paroles semblent à peine l’atteindre, jeune femme bien trop habituée à s’occuper d’elle-même par ses propres moyens.
Ne dépendre de personne.
Voler pour régner. Et en une seconde s’éclipser.
Elle ignore le danger, n’aime pas qu’on la menace ainsi alors elle grogne ; presque animal.

« J’ai pas besoin qu’on s’occupe de moi ! T’as qu’à regarder sous le lit et salir ton joli costume à ma place pour une fois. »

Il ne trouverait rien sous le lit et elle le savait.
Il le savait aussi probablement.
Alessio s’approche et la voilà qui se fait violence pour ne pas reculer. Fronce les sourcils mais aah, c’était vraiment flippant. Se laisse faire lorsqu’il lui attrape le menton, pourtant prête à mordre au moindre mouvement trop brusque. Un peu intimidée mais ça, plutôt mourir que de l'avouer.
Iseult se fiche de la richesse.
Iseult se fiche de la reconnaissance.
Iseult aime les ennemis et pourtant, pourtant devrait-elle peut-être les choisir avec plus de soin. Quelques secondes de réflexion pour se dire qu’effectivement, il n’était pas nécessaire de se mettre le caerien à dos. Elle avait tout à gagner ; ou tout à perdre. Lui aurait volontiers balancé nombreux reproches acerbes, mais devait pourtant avouer avoir adoré la mission qu’il lui avait proposé.
Elle voulait continuer.
Mais tout de même, elle apprécierait qu’il arrête de la coller. Du plat de la main, la coréenne vient lui frapper le torse sans aucune douceur. S’il y  peu de chance qu’elle arrive à le faire bouger au vu de la différence de gabarit, la voleuse espère tout de même faire là plus d’effet qu’une piqure de moustique.  

« Pousse-toi connard !
Heu… chef. Connard de chef. »
Bon elle avait déjà fait mieux.

Petite grimace sur son visage furieux mais résigné. N’ose pas lui dire que les trous perdus comme celui-ci, elle les aime pourtant plus que tout.

« J’vais te les rendre tes foutues bague… »

Elle se dégage dans un geste brusque, s’en va fouiller dans son sac pour en ressortir quelques jolies bagues toutes dorées. Tel un enfant prit sur le fait, toujours aussi courroucé.

« Elles sont moches de toute façon. »