Bébé déposé devant le lourd portail en fer, qui pleure pleure pleure et ne s’arrête plus. Les pas qui fuient en catimini et soudain, le silence sous la lune accusatrice.
Une page déchirée calée contre la petite couverture en laine, quelques mots bancales qui demandent pardon, quelques mots pour dire adieu. Glaciale page arrachée d’un livre à la va-vite ; au verso, l’écriture française encore visible : la préface de Tristan et Iseult.  
Une seconde, deux secondes, reviendra-t-on la chercher ? Le bébé hoquète et quand il devient évident que personne ne viendra la récupérer, se remet à hurler.

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Orphelinat de Sudong-myeon.
Iseult du haut de ses 6 ans s’acharne, petit diablotin dans la grande cour de récré. Ca griffe, ça mord et ça hurle d’incohérents propos. Un ongle mal coupé vient lui griffer la joue, mais la gamine en redemande, voilà bientôt deux pauvres orphelins roulés violemment dans la boue.
Iseult a déjà oublié, comment tout ça a pu commencer. Très bien, peut-être n’aurait-elle pas du lui voler son goûter.
Ni le pousser dans les escaliers. C’est comme un petit chemin qui va tout droit vers la guerre, alors Iseult suit, parce qu’elle aime donner les coups,
et aime qu’on tente de lui résister.
Un hurlement, une surveillante accourt pour séparer les deux enfants ensanglantés.
Iseult éclate de rire, l’autre pleure.
Et c’est une punition pour les 3 prochains mois.

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Une punition,
Deux punitions,
Trois punitions,
Une fugue,  
Deux fugues,
Ils ont tous arrêté de compter à l’orphelinat. Alors Iseult est de corvée, Iseult nettoiera les vitres ce soir, et demain ce sera les bureaux.
Elle est démon parmi les enfants, démon parmi le personnel, démon dans son cœur démon dans son âme.
Et ça lui plait.
D’un ciseau rouillé trouvé sous un meuble, elle s’acharne à découper un morceau de son uniforme, à arracher un bouteau du col. Petits trésors qui viennent bien vite retrouver tous leurs prédécesseurs dans sa boite à souvenirs. Sa seule possession.
Elle se dit que demain, elle essayera de dérober le bracelet de madame Seo-jin.
Une grosse cloche retentie soudain, tous se lève en sursautant, délaissant leurs livres et leurs amusements du moment.
C’est l’heure,
du jugement.
Iseult ne sourit pas. Iseult est pourtant follement impatiente, un peu stressée ; totalement fébrile.
Silencieux et tous en ligne, les enfants attendent. N’osent plus respirer quand un jeune couple fait son entrée, suivit par la directrice de l’orphelinat.
Si des mots sont prononcés, Iseult n’écoute pas ; son cœur bat trop fort. De longues minutes et puis finalement, le couple s’arrête devant la petite dernière, nouvellement arrivée avec ses adorables yeux de biche.
Grands sourires et joie timide, Iseult n’écoute toujours pas, baisse les yeux pour cacher ses yeux embués.
Aujourd’hui encore, ce n’est pas elle qu’on amènera loin d’ici.
Une fois encore, personne n’adopte jamais les vicieux démons.

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Iseult n’a que 14 ans et déjà, son monde s’effondre.
La terre a tremblé, Séoul est tombée. Elle se souvient : la panique à l’orphelinat, les pleurs des enseignants quand ils ont rapporté l’horreur de la ville voisine.
Si on ne leur a d’abord rien dit, les enfants ont vite compris.
Séoul n’était plus. Berlin n’était plus. Tokyo n’était plus.
Petit monde chamboulé et pourtant, on leur a tous dit de fermer les yeux.
« Ce n’est rien voyons. »
« Une histoire de plaque tectonique. »
« Evidemment qu’on va continuer d’essayer de vous trouver une famille. »
De jolis mots, de fiers yeux tout craintifs.
Quand vient le premier transcendé, personne n’était prêt.
Iseult se souvient, du petit Shin et sa joie de vivre, bien vite devenu tout pâle, bien vite devenu malade. Violente colère violente haine, petit Shin n’était plus et c’est un monstre qui leur a un jour fait face.
Iseult s’est cachée sous le lit, toute tremblante malgré ses idées rebelles. Elle a prié, pleuré, elle a fermé les yeux quand plus loin, les flaques de sang inondaient les tapis. Et quand tout est devenu silencieux, que les hochets d’horreur se sont tus et que les derniers pleurs ont péri, Iseult a attrapé son manteau, sa petite boite à souvenir. A couru plus vite qu’elle ne l’avait jamais fait,
et n’est plus jamais revenue.

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C’est 5 ans de malheur, 5 ans de liberté. Iseult n’avait jamais connu ça : la mer, les longs sentiers de forêts, le pavé tout propre sous ses pieds. Se rouler dans la boue sans réprimande, dévorer tous les gâteaux d’un supermarché à moitié détruit et abandonné. Rester debout tard le soir et hurler quand elle voulait hurler.
Prendre le train pour la toute première fois, se glisser au fond d’un compartiment, recroquevillée entre deux caisses. Pour atterrir dans une grande ville pleine de gratte-ciel, comme une divinité à contempler alors que le soleil s’y reflétait.
Elle n’a pas été seule longtemps Iseult. Ils étaient nombreux à ne plus avoir de famille, à errer dans les rues, voler les portefeuilles et braquer les petits commerces.
Elle s’est amusée Iseult, pour la première fois de sa vie. Fracasser une batte de baseball contre la vitre d’une bijouterie était probablement la chose la plus merveilleuse qu’elle ait jamais faite. Alors elle a continué.  
Ils étaient beaux à courir pour fuir les gyrophares ; ils étaient beaux à désactiver l’alarme des riches demeures pour en ressortir une liasse de billet en poche. Pour ça, Iseult a toujours été la meilleure. Se glisser sous les fenêtres mal fermées, crocheter une serrure et se cacher dans l’ombre des grands buildings, là en équilibre sur les toits.
Elle a oublié tout son enseignement de l’orphelinat, se disant qu’apprendre à lancer un poignard valait tous les cours de lettres du monde. Que savoir mordre, griffer et donner les bons coups de pieds était probablement bien plus important que de savoir compter plus haut que 10.
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19 ans et elle l’observe, ce grand trou sans fin. Gouffre de malheur aux nombreuses victimes. Elle sait maintenant, qu’il y a bien quelque chose en bas, elle le sait. Mais n’oserait sauter.
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Elle court Iseult, court si vite que son souffle ne répond plus. Derrière, ça hurle et cris des ordres, les gyrophares de la police écrasant leur lumière rouge et bleu contre la nuit sans lune.
Elle court, et sert sa boite à souvenir contre son cœur, pestant contre sa planque démasquée après tant d’année.
Le dernier casse ne s’est pas bien passé, ils auraient dû s’en douter. Un corps immobile au pied de l’escalier, fracassé par la chute. Il n’aurait pas dû se trouver là.
Elle court encore. Oui, la maison devait être vide. Vide vide vide.
Plus le choix, les cris se rapprochent alors qu’elle s’arrête, au bord du gouffre de Séoul.  
Un instant d’hésitation, elle ressert son manteau, ferme bien ses poches.
Et se décide à sauter.
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Il fait chaud, trop chaud. Elle marche Iseult, marche jusqu’à avoir le sable sous ses pieds, le soleil comme seul allié. Elle rencontre, et elle apprend. Le doux nom d’Althéa. Un regard au ciel, ah elle ne regrette pas d’avoir sauté, c’était ça ou les menottes. Mais oh comme son monde lui manque déjà ! Elle y laisse les seuls amis qu’elle n’a jamais eu, peut-être même des parents toujours inconnus.
Iseult réfléchi, beaucoup, encore et toujours. Elle dit non à Caer Hrid, ricanne au nez des recruteurs. Se dit qu’elle reviendra les voir, masquée son un foulard noir, entrant par les fenêtres qu’elle s’amuserait à silencieusement briser.
Dans sa boite à souvenir, un petit caillou du désert. Le premier d’un nouveau monde.
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- Souvent nichée à l’arbre à vœux, Iseult propose anonymement ses services de cambrioleuse à travers tout Althéa (du moins là où elle peut entrer). Artefacts, bijoux ou tout ce qu’il est possible de dérober.