Tu ne sais pas trop ce que tu fais là, pourquoi t’es dans ce pays sombre de merde. Tu blâmes Megan, c’est elle qui a causé une petite pointe de curiosité à l’égard de la Vallée des Constellations. Oh, bien sur, ce qu’elle t’avait dit sur l’endroit concernait principalement une personne qui la détestait, mais ça a suffit à faire naitre un semblant d’intérêt pour le coin. Dans un monde idéale ta route croiserait celle qui intéresse Megan, mais autant dire que tu ne comptes pas faire d’effort particulier en ce sens. Puis bon qui sait, peut-être que ça te donnera une meilleure idée de ce qui pourrait être fait dans ce pays, les potentielles opportunités financières qu’il pourrait y avoir. Et si ça peut te confirmer que ton allégeance (supposée) au Maitre des Rêves était le bon choix, encore mieux.

Autant dire que dans ce plan basique, il n’y avait pas vraiment le fait de te perdre dans la capitale de la Vallée. « Ville de merde. » Que tu pestes entre tes dents alors que t’essaies de te repérer dans cet endroit un peu étrange. Tu te demandes qui s'est dit que c’était une bonne idée de bâtir dans un endroit où le soleil ne brille pas. Certes, l’étrange lumière qui vient de… quelque chose éclaire suffisamment la ville pour que vous ne soyez pas totalement dans la pénombre, mais ça reste différent. Troublant à quelque part, faut croire que t’es plus attachée au soleil que tu ne l’aurais cru. Le fait que quelques heures ont passé depuis ton arrivée dans Requiem explique sans doute pourquoi la lumière ambiante se fait plus rare.

C’est finalement dans un cimetière que tes pas te mènent. Peut-être un drôle de tour du destin, peut-être que c’est juste que t’as visiblement aucun sens de l’orientation quand t’as personne avec toi. Vas savoir pourquoi tu t’y arrêtes. Ça doit être le fait de réaliser que t’as jamais vu la tombe de ta mère au final. Tu sais pas non plus si ton père l’a rejoint sous Terre. C’est pas comme s’il était venu te voir en prison, pas comme si tu avais cherché à le retrouver quand t’en es sortie dans le chaos. Ça n’empêche certainement pas la question de te rester en tête quelques instants alors que tu fixes les tombes d’inconnu.e.s comme si ça pouvait être les leurs. Tu sens ta gorge se serrer pendant un bref instant.

Un instant qui passe rapidement lorsqu’un bruit attire ton attention. « Si tu veux pas les rejoindre, je te conseilles de te montrer. » Les rejoindre dans le sol, voilà le sous-entendu à peine subtil. C’est peut-être pour compenser l’émotion qui t’assaille dans ce cimetière. C’est peut-être juste pour être sure que la source du bruit sache que t’es pas d’humeur. Un peu de tout ça dirons nous.

Ce n’est pas parce que tu es dans un monde bien plus pacifique - au moins en apparence - que tu dois baisser ta garde. C’est exactement le principe que tu appliques lorsque tu entends un son dans un cimetière, parce que c’est tout de suite louche, tout de suite plus inquiétant que n’importe où ailleurs. Mais la source ne l’est pas tellement. Tu dévisages l’homme qui apparait dans ton champ de vision, cherchant à identifier s’il s’est une éventuelle menace ou s’il est plutôt inoffensif. Ses mots te surprennent un peu, il est celui qui s’occupe d’enterrer les morts ? Une drôle d’occupation. Tu te demandes à quoi ressemblait celui qui a eu le bonheur de s’occuper de ta mère. Pas que tu pourrais le savoir un jour, pas que ça changerait vraiment quelque chose. « Il suffit de creuser un trou, la terre s’occupera du reste. » Que tu rétorques, toujours avec la même animosité. Oh, en réalité, tu ne risquerais pas de rester dans les parages si vraiment tu t’en prenais à lui - si tu étais capable de le faire - mais bon, c’est un détail que tu préfères taire.

En partie parce que son attitude te prend de court. En général, les gens répondent à l’agressivité avec de l’agressivité ou au moins un minimum de quelque chose. Pas lui, qui reste dans la douceur. Ça semble bizarre, tellement étranger à ce dont tu as l’habitude. « Ils sont morts, ça ne changera rien pour eux. » Sur le principe, tu n’es pas du genre à manquer de respect aux morts, mais tu peux pas t’empêcher de penser à tes parents. Et ça te dérange, cette idée qu’ils cherchent peut-être du repos à quelque part, qu’ils pourraient avoir une opinion même dans la mort. Mais bon, ce n’est pas vraiment le moment de penser à eux, c’est jamais le moment de le faire après tout.
Tu reportes ton attention vers l’inconnu. « Puis bon pourquoi faire la paix. » Question très hypothétique que tu craches presque dans sa direction. C’est bien l’attitude de quelqu’un qui n’a jamais connu une paix durable, une véritable douceur.  

Un sourcil arqué, autant dire que tu n’es pas convaincue par ses propos. Oh, quelqu’un de plus sage dirait que ta vision des choses est teintée par la mémoire de tes parents, mais toi tu serais d’avis que t’est juste (cruellement) réaliste. Un cadavre reste un cadavre et rien n’y changera quoi que ce soit. « C’est vrai, ils pourraient peut-être se retourner dans leur tombe. » Tu n’es pas sérieuse, tu te fiches bien de ce que pourraient penser les morts. Tu ne souhaites pas t’y attarder, mais t’as assez de sang sur les mains comme ça. Si tu peux éviter d’en faire couler plus, ça te conviendrait - mais dieu sait que ton tempérament aura raison de cette résolution. « Soit. Neutres. » De toute façon, tu commences à comprendre que t’en prendre à n’importe qui est la meilleure idée qui soit dans ce nouveau monde où tout le monde est armé de pouvoir magique. Ça ne t’empêche pas de te tendre un peu plus lorsqu’il se rapproche.

T’es prête à montrer les crocs.

S’il le faut.
Tu te contentes toutefois de souffler un peu, méprisante à ses dires.
Y a-t-il seulement des âmes innocentes en ce monde ? Pourrait-il en être une ? Tu n’y crois pas, même s’il pourrait presque y avoir un doute dans ton esprit en raison de son attitude. « Personne n’est innocent. » Une vision un peu cynique des choses, mais assez représentative de ce que tu connais dans ce monde. Jamais tu dirais que t’es innocente et pourtant, t’estimes avoir eu une excellente raison de tuer la seule fois que tu l’as fait. Mais ce n’est pas la question. « Tous ceux que je connais sont mort là-haut. » Enfin, t’en sais rien à vrai dire, c’est pas comme si t’as eu beaucoup de nouvelles de ton père. Ça reste une explication digne de ce nom quant à ton absence de recueillement dans ce cimetière. C’est mieux aussi que d’avouer que tu t’es perdue dans Requiem. « Et pourquoi les fleurs ? » Une perte de temps, voilà ce que t’en penses, mais en même temps, est-ce que t’es vraiment en position de juger ? « Tu fais ça pour tout le monde ? » À moins qu’il vient se recueillir sur une tombe en particulier ? Qu’il vient pleurer un proche ? Peut-être que tu serais à sa place si tu en avais eu.

De nouvelles connaissances, tu supposes qu’il a raison. Tu as déjà commencé un peu malgré toi avec Megan et compagnie. Tu n’es pas quelqu’un qui s’ouvre aux autres, tu n’es pas de ceux qui se lient facilement et à y penser, tu te dis que c’est mieux ainsi. « Tout le monde meurt de toute façon. » Tu fais dans les évidences cette fois on dirait. Ce n’est même pas que tu sois si pessimiste - quoi que - ou que tu refuses de t’attacher pour cette raison, c’est juste une triste évidence. « On les rejoindra tôt ou tard. » Plus tard que tôt considérant que vous avez décidé d’être neutre pour cette fois.
Et ce n’est pas plus mal.
Parce que personne ne viendrait déposer des fleurs sur ta tombe.
Comme cette pauvre personne qui ne reçoit des fleurs que de celui qui s’occuper de l’enterrer. « Difficile de les refuser quand c’est les seules. » Difficile de refuser quand on est mort aussi, mais c’est un commentaire qui n’est pas nécessaire.

Tu n’as pas non plus envie de cracher complètement sur ce qu’il fait. Parce que ça reste noble - naïf - mais noble. « Pourquoi ne pas aider les vivants plutôt que couvrir les tombes des morts ? » Quitte à avoir ces envies de noblesse, cette gentillesse inutile. Tu n’as pas l’habitude de rencontrer des gens comme lui, tu ne comprends pas les gens comme lui. « Ça doit être parce que l’air du cimetière te convient. » On pourrait presque croire que tu fais une blague alors que tu te détends un peu. Difficile de détester (sur le principe) quelqu’un qui prend le temps de couvrir les tombes des morts, quelqu’un qui ne fait preuve d’aucune hostilité te concernant aussi. Peut-être a-t-il quelque chose à expier, comme toi, à la différence qu’il essaie vraiment de le faire.