Au final, tu n’avais su quelle étiquette apposer sur ta relation avec Onyx. C’est sous le couvert de la culpabilité et surtout de la honte (de l’embarrassement s’en étant découlé, ah et t’y repensais, c’était si cringe), si…) que tu retournais à peine ses messages, et si tu daignais y répondre, c’est de monosyllabes qu’ils en étaient constitués. Ou sinon il y avait le temps ; en un battement de cil, trois jours s’étaient écoulés et, mince, ça serait bizarre de répondre là, non ? Donc, tout ça finissait sur un misérable lu. Puis… va sans dire que les derniers mois, les dernières semaines, les derniers jours étaient occupés et il y avait eu la transition à la Baie et…

Des excuses.
Que des excuses.

Toutes les raisons sont bonnes pour ne pas penser à ça, à penser à Onyx.
Ah, Onyx. Qui avait été si patient, si… gentil et si doux que ça donne envie de tester les limites…

À Onyx qui n’avait jamais eu d’excuses.
Et c’est pour ça que tu te tenais devant sa porte à contempler la sonnette si intensément que ça en devenait louche et possiblement que les voisins étaient à deux doigts d’appeler la police pour rapporter une activité suspecte. Ah blague sur eux, ta meilleure pote était leur cheffe.

T’inspires et appuies.
Aucune réponse.
T’expires avant de mitrailler le bouton.
Aucune réponse.

Tant pis, ça sera une autre fois, tu penses, presque soulagé par cette (mal)chance. Tu tournes les talons, descends les quelques petites marches et tombes nez-à-nez avec le propriétaire des lieux.

« O-Onyx… » tu manques t’étouffer par la surprise. Oui, parce que, quelle drôle de coïncidence de retrouver l’homme sur son terrain. « Quelle coïncidence. »

Oui, que le fruit d’un malencontreux hasard. Rien de plus, rien de moins et surtout pas parce que t’avais la simple envie de le revoir. Tu vois l’amusement sur ses lèvres et tu te trouves vraiment con à ne pas pouvoir lui rendre, parce que t’as pas la foi d’affronter son regard. Alors tu te reposes sur les fleurs et tout de suite, tu te demandes si elles ne viendraient d’une date, d’un amoureux ou… peu importe, tu chasses la pensée aussi rapidement qu’elle est venue. Ses affaires, pas les tiennes.

« Je ne faisais que m’assurer qu’elle fonctionne… » Il y a une pause et tu ne sais pas quoi faire toi-même alors tu kick l’air avant d’y emboiter le pas et d’ajouter, comme si ce n’était déjà claire : « la sonnette. » Et tu refermes la porte derrière-toi et te penches pour retirer tes bottes, décidant de faire preuve de plus de savoir-vivre que la dernière fois.

Maintenant que t’y pensais, Onyx semblait apprécier les fleurs.
L’idée d’y en apporter t’avais effleuré l’esprit, mais avait été vite rejeté, car c’était… t’avais pas l’impression qu’un bouquet pouvait illustrer à quel point t’étais désolé. Tu l’entends revenir et tu sors de ton sac sans fond un cristal que tu déposes à côté de ses fleurs.

« Je suis désolé. »

C’est que tu te sens malaisé de te retrouver (coincé) entre ces quatre murs qui ne font qu’évoquer une crise de folie, symbole d’un mal-être si profondément ancré que t’es incertain de revoir la surface. « Oui… désolé. » que tu répètes plus doucement, tâtant la pierre du bout des doigts avant de la pousser un peu plus vers Onyx, comme pour le prier d’accepter. Ton visage se crispe lorsqu’il dit (toujours aussi doucement) que les mots suffisent, mais comment peuvent-ils ? Aurait-il dit la même chose si, au lieu des mots, c’est un poignard que t’aurais logé contre son cœur ?

Il a cette douceur dans le regard, Onyx, et comme le soleil tu ne peux te résoudre à le soutenir.
Et alors que tu peines à trouver un équilibre à cette balance qui flanche d’un côté, il en rajoute, pense que tu mérites quoique ce soit ; voilà qu’un petit bouquet se glisse à côté du cristal qui a une splendeur tout de suite plus terne. « Ce n’est pas nécessaire. » Et en bon Mackenzie, ça voulait dire ‘merci’, car malgré la dureté des mots, t’effleures les pétales avant de saisir le bouquet et de le humer. Malheureusement, tu ne crois pas qu’il suivra la route jusqu’à la Baie et sans l’avouer à l’Astre, tu considères le laisser derrière.

« C’est un cristal de téléportation. » Pas une tentative de ramener les projecteurs sur le cadeau, mais plus pour meubler le silence qui, tu sens, vous rattrape. Une nouveauté du désert, » t’expliques sans te soucier du fait qu’il est peut-être déjà au courant. Tu déposes le bouquet sur la table. « Mais je suis à la Baie, maintenant. » t’ajoutes de façon très déconnecter. Et ils viennent : d’abord un second soupir et ensuite, la frustration qu’apporte la situation. Tourner autour du pot ne te ressemble pas et tu te passes une main dans les cheveux avant te tenter de le regarder, comme si t’avais peur d’oublier la finesse de son visage.

« Est-ce que tu sais pourquoi je suis désolé ? » Facilement, tu pouvais lui en sortir mille, des raisons. Tu lui laisses le temps de répondre avant de presque le couper (s’il a tenté). « Je ne pense pas que les mots suffisent amplement… » Et tu te retiens de le rectifier que tu ne lui en avais donné qu’un (bon trois, si on compte le non-essentiel) « à excuser le fait que j’ai volontairement chercher à te faire du mal… et à t’utiliser. »  Et la culpabilité d’en avoir retiré un certain plaisir (bien que momentanément).

T’hausses les épaules ; à vrai dire, le changement est tout nouveau et tu n’as pas encore eu le temps de te faire une idée. Toutefois, chose est sûre : c’est que la Baie est cent fois le chao qu’a pu être le désert. Mais, se perdre dans les méandres d’une conversation politique ne t’intéresses pas (et c’était pas pour ça que t’étais là) alors tu te contentes d’y répondre vaguement : « la mer a un cachet que les dunes n’ont pas. Et ça fait changement. » Pas tant que ça, t’étais surveillé en tant qu’Oublié et tu l’étais encore (sinon plus) en tant que Mirage. Quelque part, ça rendait les visites (surprise) chez l’Astre plus difficile, aussi. Mais la fuite plus facile.

Puis, la conversion suit son cours, parsemée de silence dont tu tentes maladroitement de combler jusqu’à ce que tu te décides de prendre les devants et d’expliquer (de justifier) les raisons de cette visite soudaine. Parce que, t’avais son numéro et t’aurais pu prévenir, mais t’aimais bien avoir le luxe de battre en retraite ; un peu comme tu t’apprêtais à faire s’il n’avait été sur le chemin du retour.

Évidement, il ne savait pas. Et comme il l’avait dit : t’avais pris soin de rien dire.
Mais voilà que les mots presque vomit laissent le goût amer de la réalité.
Tu cherches appuis sur la table et ta main vient pianoter nerveusement contre le bois vernis de la surface. T’avais une idée à quoi t’attendre, et Onyx (pourtant fidèle à lui-même) réussit toujours à surprendre. Et tout ce que tu peux dire n’est qu’un :

« Ah. » Sec et vif.
Un ‘ah’ qui veut tout et ne rien dire à la fois.
Un ‘ah’ qui laisse sous-entendre et pourtant, ne laisse pas place à l’imagination.
Un ‘ah’ surpris d’être une exception, mais aussi déçu d’en être une.

« Donc, ce que tu me dis c’est… » et t’ignores son remerciement, car vraiment, il n’a pas d’être reconnaissant pour si peu. Si peu qui penche sur la balance que c’en est insignifiant… « C’est… » Il y a sa main qui déconcentre et pendant une fraction de seconde, tu te dis que sentir ses doigts contre les siens ne seraient pas si mal, seulement… Non, tu peux pas le permettre. Tu ramènes ta main et vient la loger contre des bras maintenant croisés. Avec tout ça, t’en oublie presque où t’en étais. Tu râcles la gorge, pensant que ça t’aiderait à rassembler les idées. « Que tu laisses tout le monde te marcher dessus. » Tu pauses, te mordillant la lèvre inférieure avant de reprendre. « Tout le monde sauf moi. » Et si de prime abord, ça sonne accusateur et enfantin, il y a une question de camouflée. C’est que tu ne l’as pas sentie, le refus. Quand tu t’es allègrement essuyé les pieds sur sa personne. Et si ça c’était un refus, quelque part, ça te frustrait de comprendre que pouvait lui faire subir pire.

« T’es quoi, un tapis de luxe ? » C’est la que tes yeux affrontent la douceur des siens. « Sous prétexte qu’une personne va mal, elle a le droit de t’abuser ? » Peut-être que t’avais faux, et t’attendais que ça, qu’il te dise que t’avais mal compris. « Si… » Rien que d’y penser te rendait malade, « si je recommence… tu vas encaisser et m’ouvrir ta porte, encore ? » Tu secoues la tête. « Je ne comprends. Je ne te comprends pas. » Parce qu’à sa place, c’est une porte au visage que t’aurais eu.

Vraiment, Onyx mértait mieux que ça.

Il y a ce rire, et de toutes les couleurs, t’espères que c’est bien de jaune qu’il est teint, car la situation n’a rien d’amusante. Et bien que la pensée te frôle l’esprit, t’es conscient que c’est toi : tu te fais des idées, alors tu sais pertinemment que ce n’est pas son genre. Onyx rit et ça t’agace. C’est le cynique en toi qui force l’interprétation, lui attribue une connotation négative. Mais, c’est que ça doit l’exaspérer un peu, non ? Il mentionne qu’il y a mieux que lui et toute de suite, t’as envie d’y rétorqué qu’il a raison, mais qu’il y a aussi pire (te comptant parmi ceux-là). Tu t’abstiens, gardant les lèvres scellées, car si tu commençais chipoter sur les détails, la conversation n’aurait de fin.

Tu l’écoutes, bras croisés et t’adossant contre la table où repose le cristal et les fleurs dont il ne reste que l’effluve. « Tu fais aucun sens. »  Un souffle, peine audible, plus pour toi que pour lui, car loin était le désire de l’interrompre. Aucun sens et pourtant tu comprenais où il voulait en venir ; nier était plus facile. Lui, marcher sur les autres ? Difficile à imaginer. Impossible.

Un désir égoïste, qu’il dit. Et encore une fois, tu ne voyais pas (ou plutôt ne voulait pas le voir). Quel plaisir y-a-t-il a tendre la main à tous ? Était-ce comme Jill et son complexe du héro ? Quand tu penses qu’il a terminé, t’ouvres la bouche pour renchérir et la ferme aussitôt, comprenant qu’il n’a pas terminé.

C’est que cet homme a le don des mots.
L’agacement fond, laisse place au printemps mélancolique.

Et sa douce brise :

« …ah. »

Un étonnant contraste. Tes bras se délient, ta main se pose ton front et tu réfléchis à la suite. Tant de choses à dire, tant de choses à rectifier. Encore aujourd’hui, tu pensais ne pas mériter (le mériter) sa douceur, son hospitalité… Et pour un homme dont la première impression s’arrêta à un ‘glauque mais charmant’, il avait le tour de compliquer les choses.

« Pourquoi ? » Certes, il t’avait raconté les difficultés de la surface, mais outre cela, il manquait tant de pièces au puzzle de sa vie, mais t’imaginais avec aisance que tu ne devais pas être si différent de tous ceux qu’il a écrasé. « …non, laisse tomber, je veux pas savoir. » Puis, tu juges important de l’avertir : « tu devrais, avant qu’il ne soit trop tard. » Avant qu’il ne regrette.

Mais surtout avant que tu regrettes.
Car s’il vient à y avoir une attache, la suite n’en sera que plus douloureuse.

« Et pourtant j’ai envie d’apprendre à te connaître. »