Si, dans la vie, nous avions tous une particularité qui fait en sorte d’être reconnaissable en un coup d’œil, pour Pavel, ça serait assurément son air blasé, les lourdes cernes sous ses yeux le hantant constamment et sa chevelure duo chrome. Pour d’autre, Poppy, par exemple, ça serait son allure hypster : lunettes à la monture extravagante, habits sorties tout droit d’une friperie dont son manteau couleur sapin surmonté d’une hermine ayant offert sa vie. Le taux d’erreur avoisinant 0 ; c’était effectivement Poppy qui se tenait à quelques mètres de lui. La chance sembla être de son côté, car la jeune femme ne sembla pas l’avoir remarqué. Pavel expira, se rendant compte que jusque-là, il ne s’était pas aperçu qu’il retenait sa respiration.

La configuration du magasin ne permettait pas au jeune homme de se faufiler discrètement. S’il voulait battre en retraite, il n’avait d’autre choix que de passer directement derrière la gamine. Heureusement, lunatique comme toujours, Poppy était concentrée à fixer le mur. Pourquoi ? Honnêtement, la raison n’intéressait pas le jeune homme qui vit là une occasion parfaite de passer sans se faire remarquer. Passant en catimini, Pavel ne put toutefois retenir au haussement du sourcil lorsqu’il entendu le bruit d’une jointure fendre un mur. Non, elle est sérieuse ?

Erreur de débutant, car dans sa surprise, il s’était arrêté en plein dans le chemin. Procurant à l’ennemie des précieuses secondes. Pavel retient son souffle et il ne sait pas si c’est le manque d’oxygène qui le fait halluciner, mais il jurerait entendre la trame sonore du film Les dents de la mer, celle où le requin s’approche de la plage. Les premiers mots qui s’échappe de sa bouche indique qu’elle ne l’a pas reconnu. Ah ! Signe qu’il y a encore de l’espoir en ce monde ? Nope ; son chien est mort. Et il l’entend prononcer son nom.

« C’est assumer que tu ne l’es pas déjà », murmura-t-il en un souffle, retenant son envie pressante de rouler des yeux. Hors du cadre du travail, il ne voyait pas le point de la vouvoyer. Se rendant compte qu’il a murmuré ce qu’il pensait, il se racle la gorge avant de forcer un sourire.  « Poppy ! Quelle surprise de te croiser ! Ici… dans une boutique… de… »

Pavel baisa les yeux sur son propre sac de course.

« Sucreries… »

Ah, l’envie de se facepalm. Bien sûre que c’était l’endroit le plus propice de la croiser, considérant que la jeune fille aimait le sucre comme les abeilles aiment le miel. Et avec la tonne de bonbon qu’elle lui coûtait annuellement, c’était surprenant qu’elle n’était pas morte du diabète. Les mots brulèrent sur sa langue comme de la braise, mais il les dit toute de même : « Quel bon vent t’amène ? Haha… »

Autant en finir tout de suite avec les formalités.

Était-ce bien des larmes qui perlaient au coin de ses prunelles violacées ? Pavel se retint de rehausser un sourcil de surprise face à l’exubérance que Poppy démontrait. Lui-même un fin spécialiste de la dramatisation ; il s’en trouva bouche-bée. La rouquine était-elle réellement si heureuse de la croiser ? Il avait du mal à le croire, après tout, dû à leur boulot respectif, ils se croisaient relativement régulièrement. Mais là voilà, Poppy qui bondit vers lui telle un kangourou avant de s’agripper à son bras comme le ferait un koala à un arbre. Pavel baissa les yeux vers la gamine, l’observant avec un intérêt renouvelé ; se sentant presque mal d’avoir voulu l’éviter. Presque. Enfin, c’était avant qu’elle n’ouvre la bouche, sa voix assaillant ses tympans. Le Célestien se raclât la gorge avant de passer une main lasse dans sa chevelure en bataille, puis il se laissa traîner comme un chien en laisse.

« Ceux de l’autre jour, » répéta-t-il, ton neutre. Il s’était dit que fausser l’enthousiasme éveillerait davantage de soupçon. Puis, ironiquement, il n’était pas un monstre au point de volontairement blesser la jeune ville avec son manque d’entrain. Comme ruiner une relation d’affaire en une étape. Non, Pavel était mieux que ça. Du moins, c’est ce qu’il aimait croire. « Dorée avec des étoiles roses, huh ? »

Achetait-il vraiment ce genre de friandises ? Il haussa mentalement un sourcil, fouillant dans sa mémoire. Il tilta ; ses yeux descendirent, se portant sur le sac d’emplette oscillant dans sa main. Oh. Oh.

« Oh, » sa bouche fit écho à ses pensées. Loin de goûter le ciel à ses yeux, il reconnaissait tout de même leur popularité, à en juger par ses collègues tournant autour de son bureau tel des vautours. « J’ai, euhm, une bonne et une mauvaise nouvelle, » commença-t-il, traînant Poppy vers un étalage vide où l’inscription en lettres moulées noires figurait : Caramel salée & framboise. « La bonne : ils sont ici. » Il pointa l’étagère. « La mauvaise : il semblerait que quelqu’un ait acheté les derniers. »

Il se garda bien de mentionner qu’il était ladite personne ; cachant subtilement le sac derrière lui. Maintenant que le mystère résolu, Pavel espérait bien qu’elle desserre la poigne de fer qu’elle avait contre son bras. Toutefois, il avait le sentiment qu’elle lui collerait au basque jusqu’à ce qu’il trouve une solution. Pavel inspira ; se demandant quelle était la meilleure stratégie afin de se débarrasser de  son chewing gum de manière la plus efficiente. Evidemment, c’était de lui donner ce qu’elle voulait.

« Bah ! » déclara-t-il, indifférant face à peu importe quel expression Poppy pouvait bien avoir présentement. « Pas le choix d’attendre qu’ils remplissent la tablette de nouveau. Mais je te propose ceux-là, la saveur n’est pas totalement pareil, même que, on ne va pas se mentir, la qualité est nettement inférieure, mais en attendant, ça peut faire l’affaire. »

Pavel bougea son bras emprisonné, de sorte à desserrer l’emprise. « Au dernière nouvelle, tu n’es pas un piège à ours, donc aurais-tu l’amabilité de laisser mon bras respirer ? »

Quoi? Est-ce qu’il y avait un truc qui clochait sur son visage ? Instinctivement, sa main voulu se porter à son visage, comme pour efface une marque de stylo qui s’y aurait glissé par mégarde. Mais il ne put, son bras malheureusement toujours coincé dans le piège à ours. Loin de se douter qu’elle était là, à le fixer comme une demeurée par sa faute ; parce qu’il prenait trop de temps à réfléchir. Puis, Pavel émit un son, un simple ‘Oh’ avant de poursuivre son explication, traînant la jeune comme elle l’avait fait avec lui auparavant ; comme un chien en laisse. Devant l’étalage vide, le Célestien lui fait état de la situation et Poppy, fidèle à elle-même lui communique une réponse à son image.

« Quoi, non ? » Pavel demanda, devenant perplexe alors qu’il observe une confusion palpable se peindre sur les traits enfantins de la rouquine. S’osant pas le presser d’avantage, il laisse le silence s’installer et s’il avait pu, s’il avait eu possession de ses mains, il les aurait jointes, jouant à enlacer ses doigts l’un contre l’autre comme on le ferait avec des legos. Puis, alors que le silence se fait de plus en plus pesant avec chaque seconde qui passe, Poppy décide de revenir à la vie. Était-ce une question piège ? Pavel chercha l’étiquette des yeux afin de s’assurer que son habileté à lire ne lui faisait pas défaut. Et, confirmant qu’il savait effectivement lire, il se tourna vers Poppy.

« Euhm… à moins que les employés soient incompétents, je doute qu’il y a erreur. » Tien, voilà, neutre. Concernant la saveur, il en avait pas la moindre idée ; les friandises, malgré leur forme de fantaisie, leur couleur pétante… elles avaient toutes la même saveur : trop sucrée. Loin de goûter le ciel, car le ciel, le vrai, c’était le sel. Trouvant sa réponse plate, Pavel haussa lentement des épaules, lançant un regard désolé à sa compagne. Mais, à son grand dam, la situation ne fait qu’empirer lorsqu’il constate que Poppy gonfle ses joues comme un écureuil en hiver et que de l’humidité commence à perler de ses yeux violacés. Non, elle est sérieuse, elle va causer une scène ? Pavel tire sur son bras, une nouvelle tentative de se libérer afin de prendre la fuite si la gamine décide de se jeter au sol et de faire le bacon. Pas question qu’il assiste à une telle scène qui est sûr de faire monter son anxiété en flèche. Qu’il eut cru qu’une jeune femme à la stature d’un cure-dent détenait une telle force ?

« Misère… » Souffla-t-il entre ses dents alors que son regard se crispa d’inconfort. Peut-être que la situation s’améliorait-elle d’elle-même s’il flanchait et lui donnait les bonbons dans son sac ? Mais Pavel avait le sentiment qu’il était trop tard, et faire ça maintenant causerait plus de problèmes. Plus de problèmes sous la forme de Poppy lui demandant pourquoi il n’avait pas fait ça plus tôt. Aaaah. Il aurait dû rester chez lui, dans le confort de son lit. Fuck. Fuck faire plaisir aux collègues si c’est pour tomber sur Poppy et ses milles et un problèmes.

Parlant de problème, il la sent trembler comme une feuille et ses yeux descendent vers elle. Ils l’inspectent et notent la main tremblotante qui n’a définitivement pas une taille normale tant elle est enflée. Et Pavel se châtie, il essaie fort de garder les mots qui se heurtent au mur de ses lèvres, voulant libération : t’as ce que tu mérites.

Il se mordit la langue.

Et la tourna sept fois.

Inspire, expire.

« Ok, voici ce qu’on va faire », dit-il lentement, mesurant chaque mot afin de s’assurer à ne pas déclencher un torrent de larmes. «On va aller à l’administration, comme je ne suis pas certain qu’il y ai un infirmerie ici. Mais j’imagine qu’ils vont pouvoir prodiguer les premiers soins et après, direction l’hosto-, ou l'infirmerie. »

Pavel posa son sac brièvement sur le sol avant d’utiliser sa main pour la déposer sur la tête de la jeune fille.

« À moins que tu aies envie qu’on soit deux avec des membres endolories, il faudrait que tu libères mon bras. » Ce qu’il s’attendit à ce qu’elle fasse sans trop chigner. Il prit délicatement sa main fonctionnelle dans la sienne, lui sourit nerveusement et se mit en route vers l’administration.

Pourtant, c’était un plan si simple, Pavel pensa, se remémorant les mots qu’il avait prononcés il y avait à peine cinq minutes. Allez à l’administration, la faire soigner et partir chacun de son côté. Et, éventuellement, se recroiser au boulot alors que sueur perlant sur son front par le stress du deadline qui approche, il supplie Poppy de bien vouloir acheminer cette lettre de façon express. Bien sûr, étant Poppy, elle ferait chier, lui demandant sa monnaie d’échange ; les fameux bonbons bien camouflés dans son sac de course aux couleurs du magasin. Alors, pourquoi ? Pourquoi était-il planté là tel un piquet, tel le flamenco faisant planté dans la cour arrière de son voisin ; obligé de faire face aux intempéries. Oh, comme il se serait bouché les oreilles, si seulement il avait l’usage de ses mains.

La voilà, la migraine rousse faisant surface.

Ses yeux suivirent le mouvement du doigt accusateur de la gamine sur le sac jonchant au sol. Il les sentie ; le regard des curieux, s’arrêtant sur eux, examinant la scène avec intérêt. Et, progressivement, Pavel n’a pas envie d’être là, pas plus qu’il a envie de côtoyer Poppy.

« Shhhhh… », lui implore-t-il presque. « Po-Poppy… calme toi, s’il te plait : les gens sont en train de nous regarder… »

Il ne peut s’empêcher de se demander, à travers le regard des autres, à quoi la scène peut-elle bien ressembler ? Ne pouvant s’enquérir davantage sur cette pensée, il fût coupé par les mots de la gamine ; déferlant comme un ouragan. Un menteur ? Il n’avait pas menti quand il avait dit qu’une personne avait acheté les bonbons. Seulement, il avait simplement omis de préciser qui. Pouvait-elle vraiment le châtier pour ça ? Apparemment oui, en lui administrant cette punition sous forme d’humiliation publique. Durant sa tirade, Pavel se ferma les yeux, inspirant et expirant, tentant de calmer la crise de panique menaçant de l’envahir. Il révisa les faits : oui, il avait acheté les bonbons. Oui, il s’adonnait que ce soit les derniers. Avait-il mentie ? Débitable. Est-ce que… Pavel s’arrêta deux secondes, fixant la colère ardente brulant dans les prunelles de Poppy.

Mais.
Mais…

Tout ça, tout ça était ridicule.

Elle lui faisait une scène digne d’une enfant de trois ans seulement parce qu’il avait acheté –et non volé- ses bonbons préférés ? Des bonbons qui étaient loin d’être délectable ?

Puis, avant qu’il ne puisse répliquer davantage, elle se libère et Pavel la dévisage comme si avait atteint un nouveau palier de folie. N’avait-elle pas la main fracturée ? Comme de fait, il aperçut des bulles flotter. Que fait-on avec les jouets brisés ? On les martèle jusqu’à ce qu’ils fonctionnent de nouveau. Un peu comme l’imprimante du bureau, rien de mieux que la violenter pour qu’elle comprenne. Ah, Pavel, il avait cette envie de lui foutre une baffe. Un paypack pour l’humiliation. Puis, une autre, pour être si conne ; s’emporter pour une poignée de bonbons. Mais il se retint. D’une part, parce que ça ne se faisait pas, et d’une autre parce que, Poppy lui était utile dans sa vie professionnel. Il lui passe une main devant le visage, mais rien.

Pavel soupira et –Dieu merci, passa sa main maintenant libérée dans sa chevelure. Il jeta un regard autour d’eux et s’aperçu que les passants admiraient toujours la scène ; probablement par pure sadisme.  

«  …je, euhm… » Commença-t-il en s’adressant à la foule. «  C’est… Poppy… Poppy, c’est ma petite sœur. » Il leur sourit, nerveusement. Si auparavant, il n’était pas menteur, il en était désormais un. «  Mes parents… enfin, nos parents l’ont… échappé quand elle était encore qu’un bébé et euhm, elle a un… une… euhm… léger retard… hahaha…  »

La foule se jette des coups d’œil et Pavel poursuit, son malaise palpable.

«  Ça lui arrive souvent de… de, de faire des crises quand elle n’a pas ce qu’elle veut. »

Ponctué d’un rire nerveux, il a hâte que ce calvaire finisse. Heureusement pour lui, bien que sceptique, la foule semble avaler son bobard et se dissipe tranquillement. Prenant le sac fautif du sol et ajustant la ganse dans la pliure de son coude afin qu’il ne glisse pas ; il en profite pour se placer derrière la jeune coquille vide et la fait basculer de sorte qu’elle atterrie dans ses bras et qu’il puisse aisément la soulever, à la princess style ; faisant attention à sa main endolorie.  Il lui jeta un regard. Un mélange de compassion, mêlé à de l’agacement et à un sens mal placé du devoir. Il ne peut la laisser en plan même s’il a longuement considérer l’option.

S’il s’enfuit, elle lui fera payer plus tard.

Priant à ce que le trajet ne se passe sans anicroche, Pavel se mit en route vers l’administration. Si Poppy pouvait demeurer muette, ça serait agréable.

Lorsqu’il franchit les portes vitrées de l’administration, la secrétaire le dévisagea, et d’un mouvement habile du nez, elle retroussa ses lunettes. Pavel déposa délicatement la jeune fille, se retenant de ne pas la balancer tel on le ferait avec un sac d’ordure, puis se mit à expliquer la situation ; omettant certain détails, évidement.

« Je vois » dit-elle, haussant un sourcil perplexe et se tournant vers la jeune blessée, pour regarder l’ampleur des dégâts. Tournant les talons, elle partit à la recherche de sa trousse de premier soin.

Pendant ce temps, Pavel regarda sans regarder la décoration, priant très fort que Poppy ne se souvienne pas de l’excuse bidon qu’il avait sortie. Certes, l’envie de l’étrangler était encore présente, mais il n’était pas sans cœur au point de frapper quelqu’un de déjà souffrant.

Pavel ne sut nommer le sentiment qui le parcouru comme un choc électrique ; un frisson qui se répandit jusqu’au bout de ses doigts lorsqu’il sentie la tête de Poppy s’appuyer contre sa poitrine haletante. Une chaleur doucereuse et réconfortante comme une bonne tasse de cacao bien mérité après une journée intensive de ski. Même si Poppy méritait amplement ce qui lui arrivait (un bel exemple de causalité, Pavel note), il ne pouvait s’empêcher d’effacer le sentiment de responsabilité qui grandissait en lui. Arrosés par des faits ; non seulement, ils se connaissaient, elle le sortait souvent du pétrin (même s’il a du mal à se l’avouer), mais surtout, il avait le sentiment que l’indifférence, sur le long temps, le hanterait. Pour finir fané dans son jardin de regrets. Donc, le rouquin navigue parmi la mer de gens, s’excusant ici et là de soit : manquer leur rentrer dedans ou des bulles mentholés qui leur explosent en plein figure. Et, c’est avec une joie mal dissimulée qu’ils atteignent beau port.

Le jeune homme, loin d’être connaisseur à ce qui a traits aux beaux-arts, ne put tout de même s’empêcher de poser les yeux sur un tableau adjacent le bureau de la secrétaire. À première vue, c’est grossiers, les tons ne se mélangent pas et créent un clash avec le sujet. Mais, la laideur du tableau était subjuguant ; mieux que Poppy. Mieux que l’affronter, elle et son silence. De toute façon, qu’y avait-il de plus à dire ? Certes, son attitude générale est irritante, indomptable comme l’étalon découvrant pour la première fois l’étendu des plaines. Libre.

Alors que lui. Effrayé, mais si bien dressé qu’il retournera de plein gré dans le confort de sa cage. Une cage dont on laissera la porte ouverte. Pavel se permit un soupir, ce qui coïncide avec le poids qui s’ajoute progressivement contre son épaule. Il se retient de bouger, forçant son corps à rester en place alors que celui-ci veut fuir.

Pavel n’a jamais été doué pour réconforter.

Cependant, à sa grande surprise, Poppy n’est pas en quête de réconfort ; plutôt, elle est curieuse ? Sa question le prend de court et il hausse un sourcil perplexe avant d’abaisser lentement les yeux sur le haut de son crâne, puis vers les néons du plafond.

Elle va rire. Tellement. Rire.
Il l’a sent, l’anxiété, comme une vague à la marée base, venant effacer les dernières traces laissées dans le sable et il se mord la lèvre inférieur.

«  Gracié… c’est un drôle de mot… » Commence-t-il, sa main se soulevant pour aller caresser la tête ayant pris possession de son bras. Hésitation. Elle s’arrêta à mi-chemin pour aller choir sur ses cuisses. À son tour, il racle sa gorge avant de poursuivre : «  La chance. Enfin, plutôt, le manque de. »

Son ton match celui-de Poppy, toutefois, y décèle une pointe d’amertume. Une mise en garde ; demander davantage pourrait être dangereux. Puis, le silence s’installe à nouveau et depuis le temps que Pavel observe la peinture, il n’a toujours pas trouvé son cachet. Les chances qu’elle fût achetée dans une vente débarras. Bien que confortable, Pavel souhaite néanmoins le retour de la secrétaire. D’ailleurs, que fait-elle ? Avant qu’il puisse y accorder plus d’attention, la voix de Poppy s’élève à nouveau. Sentant le regard de la jeune fille sur lui, il se résigne à lâcher la peinture et à rencontrer ses yeux. Ses mots ; la sincérité qu’y est imprégnée est immanquable et il se sent mal. Mal, parce qu’il n’est pas tout blanc. Alors qu’il s’apprête à répondre, une voix féminine le coupe.      

« Mes connaissances médicales se limitent à ma formation en secourisme. » Elle sort un rouleau de bandage et l’enroule doucement autour de la main de Poppy, faisant attention d’appliquer juste assez de pression afin que la moins soit immobile. Du moins, jusqu’à ce qu’une autorité plus compétente s’en charge. « Normalement, ça devrait tenir jusqu’à ce que tu vois un vrai professionnel. »

Elle lui tend deux sachets de glace sèche.

« Selon le guide, c’est à appliquer régulièrement, mais j’imagine que vous n’allez pas tarder à aller consulter. » Pavel n’a pas de mal à comprendre son sous-entendu : ils seraient fous de ne pas suivre son conseil. Sans plus de cérémonie, elle les envoie sur leur chemin d’un revers de la main. Et avec une empathie comparable aux sachets de glaces qu’elle leur tendait, elle leur dit : « faites plus attention, ton frère et toi. »

Prenant les sachets, Pavel se lève et la remercie d’un signe de la tête sans essayer de la corriger. Après tout, à quoi bon ? D’un autre signe, il encourage Poppy à faire de même. Passant les portes vitrées, il se tourne légèrement vers la gamine.

«  N’en parlons plus. » Cryptique et probablement confus. Il ajoute, pour ne pas créer de malentendu : «  Pour tout à l’heure. »

Il regarde l’heure sur son Holokit, puis tend le fameux sac.

«  Direction l’hôpital. »