La lumière tombe.
La nuit sur la pointe des pieds avait pu s'installer.

ça avait été long et confus, le client était perfectionniste jusqu'à l'huile de la machine. Il avait fallu venir jusqu'à lui il voulait son divan, il voulait ses draps, son coussin brodé de soie.
bien sûr on ne dit pas non il parait que les clients sont roi.

Il avait des instructions, calligraphiés joliment sur un bout de papier flottant.
quel précaution, il aurait pu juste lui dire, ses désirs seront des ordres de toute façon peut importe le moyen de communication. Il n'en tient pas rigueur, ce n'était pas la première fois, certains rêves inassouvies sont si secret qu'ils ne faut les parler. Heureusement la fièvre n'avait pas encore emporté les yeux de Moebius, ainsi il lisait les contrats de ses quelques clients là sans plus d'émois.

c'était d'un nouveau genre, il s'était senti prêt pour une plus longue séance que d'usage, et lorsqu'il prit la main de l'homme dans la sienne pour sceller l'affaire, ce ne fut pas pour une heure qu'il l'envoya se balader chez Morphée, mais deux heures.

Oh et il dormait si bien, comme un enfant porté par ses parents. là, avachi dans sa factice toge. Moebius avait déjà empoché le paiement, et le voilà qu'il sortait précipitamment de la maison. Une fois le fait accompli il ne traînait jamais en longueur, après tout il n'était pas un voleur (sur ce point il avait une réputation à tenir) mais il avait surtout besoin d'air, besoin de se dépêcher. Le voilà qui fouillait déjà ses poches pour retrouver ses remèdes d'urgence. Il en avait préparé un hier soir carabiné justement pour ce moment. Et alors que dans l'air du soir ses joues commençaient à chauffer il se rendit compte après avoir pour la xème fois cherché toutes ses poches, recoins de pans, qu'il les avait oubliés. Lui qui n'oubliait jamais, jamais d'usage vraiment. Confus pendant quelques secondes il resta planté sur place, transfixé par l'oubli. Comment mais quel imbécile il faisait ?! s'emportait-il envers lui même en silence. Le contre coup commençait à prendre place, il voyait flou, le monde dansait autour de lui, il aurait juré l'entendre rire de sa malchance.

Si loin du désert, du sable chaud et des bons samaritain, si loin...
Un pas après l'autre, laissant une main traîner le long d'un mur d'appui
Il est si fatigué
Il a si froid, il étouffe
ses sueurs sont froides, son front moite

ses yeux mi-clos il finit à genoux sans vraiment s'en rendre compte, tâtonne. Il tant envie de dormir. C'est insupportable, être éveillé dans ces conditions, il veut juste qu'elle passe, oui elle passera, n'est-ce pas ? S'il dort oui s'il dort juste ici parterre un petit peu elle sera moins forte elle sera elle sera...il ne sait plus il n'a pas la force d'appeler à l'aide, pauvre âme échouée dans un coin de trottoir.

Dans son rêve feu follet il rêve à nouveau, comme à chacun de ses malignes, de Paris, il balbutie le joli Paris, avec ses taxis, ces lumières sous la pluie, oui il pleut sur Paris tandis que la fièvre s'abat de plain pied sur lui.

Le riz au lait. Il ne se souvient de rien mais il se souvient de ça : du riz au lait sur la table de la salle à manger.

Lorsqu'il ouvre les yeux, c'est un flou artistique qui l'accueil ; ses yeux sont embués de larmes. C'est la fatigue de l'éveil. Il ne le sait pas encore mais sa fièvre est retombée comme un soufflé. Elle ne subsiste qu'assez pour lui mouiller son front, alourdir ses paupières.
Il ne bouge pas, perdu dans le confort du lit, interdit face aux images flottantes. Il doit cligner plusieurs fois des yeux pour en chasser la buée. On lui parle. Il n'est pas sûr de comprendre. Il cherche du regard la voix mais ne trouve que son large dos à la dérobé, avant qu'il ne s'enfuie par une porte. Est il en train de rêver ? Non bien sûr que non. Il tourne son visage sur le côté, déglutit avec peine. Des chiens, un âtre, des meubles, son masque. Ses yeux voguent de l'un à l'autre, sans trop réaliser. Sa conscience émerge. Il ne sait plus s'il a froid ou chaud. Dans le doute, il aura chaud.

Le bon samaritain reviens, tenant dans sa main une tasse. Ce n'est que lorsqu'il pose celle ci que Moebius se force à se redresser, s'asseoir dans le lit. Sa tête tourne quelques secondes mais très vite l'effet s'estompe.
Le commentaire le fait sourire. Oui effrayant, c'était l'idée. Il prend son temps pour l'observer, de ses boucles à ses pieds. Non il ne le connaît pas. Pourtant ne lui avait il pas dit plus tôt connaître sa mine ? Dans le doute encore une fois il préfère en rire. Est-ce un malentendu ?

Merci... ... ... Il n'attrape pas la tasse, toujours un peu chamboulé du changement de décor. Il regarde encore une fois autour de lui, puis les chiens, il leur sourit, Moebius ne sait pas y faire avec les animaux. Puis son regard revient se poser sur l'homme.
J'espère que tu m'as pas récupéré en pensant que j'étais une connaissance car en ce qui me concerne, je ne te connais pas...(Moebius ne vouvoie que pour faire le pitre ou pour la pitance de son marchandage, jamais pour le reste)

Parler autant dès le réveil l'assoiffe. Il se décide enfin à attraper la tisane. Il ne se méfie pas de cette dernière si l'homme lui voulait du mal, le mal serait déjà fait. Il souffle sur sa boisson puis risque une gorgée, loin d'être petite elle brûle son gosier sans qu'il ne s'en rendit compte. La chaleur, on s'y fait surtout quand on est un oublié. Moebius ne parait pas gêné par la situation, dans le lit d'un inconnu, il semble dans son éléments, il passe tellement de temps à l'hôpital que pour lui un lit est un lit, il a pris l'habitude qu'on s'occupe de lui.
Mais lorsqu'il prend le temps de vraiment s’imprégner des lieux, l'esprit un peu plus éveillé, il remarque enfin l'odeur sucré d'un riz au lait.
Un riz au lait
il pense à la table, à Paris, à ce que cet homme avait dit.
Peut-être se connaissent-ils d'antan ?
Il n'ose pas trop pour le coup, il reste interdit, fronçant les sourcils mais se délectant intérieurement dans l'espoir de pouvoir y goûter, à ce fameux mets. Mais c'est plus fort que lui, il ne peut passer l'occasion sous silence, lui qui ne sait plus rien de sa vie d'en haut. Il ne s'est jamais préoccupé avant de celle-ci, sa nouvelle vie lui convient très bien, mais cet histoire de riz au lait, définitivement, le chamboule.

...à moins que...il se racle la gorge...es-tu de Paris...?

Bien sûr la chute bien sûr, pourquoi avoir de l'espoir pour quelque chose d'inutile de nos jours. Il ne sait pas pourquoi mais ce oui de paris, tout court, tout simple, lui mine l'esprit. L'espace d'un instant peut-être Moebius a envisagé connaitre quelqu'un qui le connaissait d'antan d'un autre temps d'un paris pluvieux et étouffant mais doux tout à la fois comme un comme...il soupire, il salive, il a faim, de savoir autant que de besoin.

Comme tant d'autre, ils avaient fait parti du lot, voilà tout, mais s'il le connait alors c'est qu'il l'a vu délirant et perdu. Il n'y a donc plus que deux solutions, soit cet inconnu au bataillon a une bonne, très bonne mémoire des visages, ce qui est probable mais rêvons pas trop non plus, soit, il fait parti de ceux et celles qui ont sorti les blessés, les présumés fichus. Se pourrait-il....? Qu'il fut cet étrange mais bienveillant inconnu qu'il avait tant cherché au début ? Ce monsieur tout le monde qui lui aurait sauvé la vie ? Il lui devait bien le mot de sauveur si c'était le cas, le doc ne l'aurait peut-être jamais vu si ça n'avait pas été pour ces bras là.

Sa main a un léger sursaut, elle vient de rencontrer la truffe d'un chien, il abaisse les yeux sur lui et lui sourit, au fond, peu importe le résultat, le voilà sauvé une nouvelle fois. Dans tout les cas il se doit de le remercier. Un minuteur sonne, l'homme se redresse, il repart dans la pièce adjacente. Il l'entend d'ici parler aux chiens. Ça fait sourire Moebius, il faisait donc parti de ces bonnes âmes là, et avec ce nombre de chiens...il se demande si c'est une habitude pour lui de ramasser tout ce qu'il croise en détresse sur les bords de routes, au fond des ruelles, entre deux arbres ;
Des désabusés,
des chiots navrés,
en soit des existences à la dérive.

lorsqu'il revient, c'est chargé d'un fabuleux mets, Moebius ne se fait pas prier envers ce remontant et, reposant la tasse mi-pleine, il l'échange contre le bol et sa cuillère. Enfournant déjà une bouchée dans son gosier. Il a un petit rire aspiré quand le sauveteur fait référence au délice comme s'il s'agit d'une pauvre pitance. Vraiment il a pas idée ! mais comme Moebius a la bouche pleine il ne peut rien dire, ce qui laisse le temps à son vis à vis de reprendre la conversation là où elle a été laissée.
Moebius, lui, soupire d'aise, s'enfonce un peu dans le lit. Il prend une seconde, une troisième bouchée sans broncher ni rien dire de plus, il savoure, mais s'empiffre tout de même un peu, c'est qu'il a une faim de loup.
Ce n'est donc qu'après coup du troisième coup de cuillère qu'il se permet de donner de la voix. Et de quel voix il donne, elle a une allure pleine de chaleur, lui, qui est si reconnaissant de la situation.

Tu rigoles j'espère, un riz au lait, un riz-au-lait quoi ! il soupire d'aise, un plat digne d'un roi, c'est bien la meilleure chose que j'ai mangé depuis un bail. qu'est-ce qu'on s'en fiche de la consistance quand il y a un tel délice dont on peu se régaler. Je devrai m'évanouir un peu plus souvent par chez toi si c'est comme ça qu'on me reçoit ! Il accompagne ces mots d'un rire clair, chantonnant, mais ce reprend très vite, il enchaine sans attendre parce qu'il n'a pas oublié Paris, On s'est rencontré dans le gouffre alors ? es-tu...es-tu, à toute hasard, la personne qui m'a sortie de là ....? Tu ne le sais pas mais j'ai longtemps cherché cette personne là...pour la remercier.

et son regard,
posé dans le tiens,
est plein d'un espoir renouvelé.

Il n'avait rien fait Gégé. Rien de très grand, rien de très héroïque. Il a en mémoire cet homme brûlant qu'il a tiré des débris, emporté sur son dos. Un seul parmi tous les autres blessés et même parmi ces macchabées. Un choix qui n'en était pas un. Un hasard tout au plus. Le premier sur son chemin. Aussitôt abandonné sur les restes d'un trottoir, laissé pour compte aux mains d'un samaritain plus bienveillant que lui. Un inconnu resté en arrière comme tant d'autres pour suivre les pas d'Alexander puisque les rêves de gloire et de triomphe ne se partagent pas avec les fiévreux et les estropiés. Un Oublié en somme.
Ces remerciements, Gégé ne les mérite pas.
Est-ce pour cela qu'il se sent obligé depuis de ramasser tout ces chiens sur sa route ?

Il tend la main.

▬ Je m'appelle Gégé.

Tout simplement.

Lui aussi, continue de rire, c'est que la blague fait mouche. Moebius a même une petite mimique de la main à son égard, l'air de dire, "elle est bien bonne celle là !". Pas de dessert dans le désert, évidemment que c'est vache, mais il suppose que c'est de bonne guerre, peut-être trouve-t-il la réaction de Moebius disproportionné par rapport au met. C'est qu'il ne sait pas qu'évidemment il y a des desserts, mais pas celui-là voilà tout, et celui-là, de tous, est bien son préféré.

Il lui aurait bien donné de la repartie si il n'était pas tant occupé à manger, et puis ce n'est pas si grave, cette petite pique, il la supporte bien, elle est toute douce et pétrie d'une bonne intention, il le sent. Non ce n'est vraiment pas très important, contrairement au sujet que le fameux Gégé, main tendue, reprend. Quelle grâce, évidemment il n'en attend pas moins d'un sauveur de chien. Les hommes humbles comme il l'est ne cherchent jamais victoire dans leur sillage, bien qu'il la distillât sans état d'âme.
Une main tendue (voilà qui lui va bien)
Moebius se penche pour lui serrer la pince avec un franc coup de main.
Puis il retourne bien vite à son bol, tel un affamé manquant de manière.
Ce n'est que deux fourchés plus tard qu'il fait tinter la cuillère sur le rebord. Il vient juste de penser que lui-même, ne s'est pas présenté.

Oh, le nom est Moebius, pour ce qui me concerne, mais tu peux m'appeler Moe, marchand de sable à votre humble service, il effectue une demi révérence, étant toujours assit confortablement dans le lit, Il n'y a pas meilleur rêveur que moi ici bas, contre une modique somme, je vous fais rêver plus vrai que nature, pendant une heure de temps, bien sûr si vous avez besoin de mes services pour toi je te fais gratis ! il se mélange un peu, son discours qu'il répète tel un acteur de théâtre, est notamment au vous, mais ce bon Gégé, il a déjà commencé à la tutoyer, ainsi son expression en pâtis. Je veux dire, une fois que je me serai remis sur patte...il ricane sous sa quasi-inexistante barbe. Désolé j'ai tendance à m'emballer un peu, c'est que je suis un passionné, mais parlons de toi plutôt, tu fais quoi comme métier, attend laisse moi deviner...un truc en rapport avec les animaux chui sûr !

Le voilà, cuillère en main, bol quasi vide, à finir de manger munit d'une lenteur qui contraste avec son entrain d'avant. C'est qu'il est bien là ; il y va mollo dans l'espoir que Gégé lui propose une seconde fournée. Il se sent comme dans son propre lit, il resterait bien ici un peu plus...le temps d'y suer ses dernières sueurs.

Un agriculteur, comment c'est étrange, dans cette forêt il lui aurait bien collé d'autres étiquettes, chasseur par exemple, ou garde forestier plus simplement. Mais après tout pourquoi pas en forêt.
Dixit là-haut : le bétail c'est dans de large batterie, et quand on a plus de chance, de large champ.
Mais là-haut n'a pas court ici bas, pourquoi se conformer au même schéma ? Moebius n'insiste pas, ça lui va comme réponse, et qui sait, peut-être les champs ne sont pas si loin de là, qui sait. Même Gégé passe à autre chose, c'est dire.

Autre chose qui n'est autre que lui-même,
Moebius,
c'est vrai ça, c'est un étrange prénom. Et Gégé n'est pas le premier a lui faire une remarque sur le sujet, alors l'auteur ?
Et bien c'est bien beau mais ça ne veut strictement rien dire à Moebius.

D'usage lorsqu'on lui fait la réflexion il sourit poliment, parce qu'il ne peut faire que ça, il n'a rien à dire sur le sujet, rien, niet, nada. C'est qu'ici bas Moebius est un coucou, il est venu se nicher dans le nid d'un autre, peu importe au final, la parentalité.
Tout n'est qu'image, lui, la chute, le nom.
Il se lèche les lèvres en réfléchissant, Gégé vaut mieux que ça, que son rien du tout, c'est par deux fois son sauveur tout de même ! il lui doit bien quelques mots, si ce n'est une litanie au sens propre du terme. il s’apprête à parler, mais viens le "et ça ?" et ça...? son regard suit son regard,
Ah.
Ah ! Le masque, son chéri, son amant le plus parfait, qui vient chaque jour embrasser son visage avec douceur. Il s'y sent bien dans son masque, même si ce n'est pas grand chose, c'est quelque chose qui vient de lui, et il n'en a pas beaucoup de ce genre de chose, alors il les chéris.

ça, c'est mon masque, il protège des bourrasques de sables un peu, mais à tout te dire, c'est plus pour le style qu'autre chose, être imposant au désert, c'est important, être mystérieux quand on est un rêveur, c'est encore mieux ! Mais va, tu n'es pas le premier à t’enquérir de mon masque, ni même de mon nom, d'habitude je la fait courte parce que, et bien, ça ne regarde vraiment personne, mais tu n'es pas personne toi, oh que non ! et il fait tinter la cuillère contre le bol comme pour affirmer ses dires, tout sourire dehors. Sache cher gégé, que je suis amnésique, et oui, enfin amnésique je ne sais pas, c'est une histoire compliqué dans ma tête, tu vois la fièvre de la chute, et bien, elle a fait un gros mixe de mes souvenirs, elle a tout emporté avec elle, il ne me reste que des images, de ci, de la, de Paris et puis voilà, c'est pour ça que je suis Moebius, parce qu'il ne restait que ça, et encore si je me souvenais de ces planches ! mais ce n'est pas le cas, juste du nom, et même si ce n'est qu'un nom, c'est important, c'est un rare petit bout du moi de là-haut, d'avant... et il laisse non pas le silence s'installer, mais les secondes passer, assez pour que Gégé remarque son bol vide, et lui demande s'il souhaite un deuxième service, enfin il lui demande, façon de parler parce qu'il embarque son bol tout de go ! Moebius ne va pas se plaindre, il salive encore d'avance alors qu'il vient à peine de finir sa dernière cuillerée.

D'ailleurs, son bon samaritain ne tarde pas à revenir, bol bien plein en main. Ni une ni deux, le voilà à prendre au pied de la lettre sa recommandation, et à s'empiffrer à nouveau du saint riz au lait, il émet même un son de plaisir lorsqu'il ravale la première bouchée. Ce qu'il donnerait pour en avoir tout les jours au désert ! Il va falloir qu'il trouve une combine pour repasser par ici un de ces quatre, juste pour avoir le couvert. Entre deux mastications, il renchérit sur son monologue de plus tôt :

Et puis de toute façon, ça me va bien Moebius, je suis un créatif après tout moi aussi !

Et dans ces mots, il y avait une certaine fierté de sa profession.