PANIQUE SUR LA LIGNE 8

Il y a cette main sur son bras. Sur celui d’Erina. Comme si tu voulais la protéger. Mais pourquoi ? Pourquoi voudrais-tu la déranger alors qu’il y a toute cette animosité que tu ressens à son égard qui te revient ? Et puis, pourquoi est-ce que tu t’es soudainement sentie aussi calme en sa présence ? Que t’est-il arrivé ? Ton regard passe de ta main à d’elle alors que t’essaies de te remémorer les derniers événements. Ton agacement évident, cette colère froide que tu parvenais pas à contrôler alors qu’elle était là. Son regard s’ancrant dans le tiens. Ce besoin que tu as eu de la protéger, de t’assurer qu’elle se tienne loin du danger.

Son regard s’ancrant dans le tiens.
Un changement quasi immédiat.

T’as aucune idée de comment elle l’a fait, tu sais juste qu’elle l’a fait. Et alors que l’homme parle un peu plus, vous fait savoir que vous avez de la chance, qu’il n’y a aucun garde placé sur votre chemin, c’est pas vraiment ce qui t’importe. C’est pas votre objectif, pas cet homme, pas ces tunnels. Parce que ta main, elle se resserre autour de son bras. Vous arrivez face à une bâche rapidement arrachée que c’est même pas ce qui retient ton attention. Une douce lumière venant d’une sphère flottant au-dessus du sol. C’est pire que prévu. Peut-être. Tu sais pas ce que c’est. Tu sais même pas si t’as envie de savoir ce que c’est. T’as déjà assez de problème comme ça. Une partie de toi se dit que ça pourrait pas être pire, que t’es déjà prisonnière de Polaris. Une autre se dit que tu pourrais te retrouver derrière de vrais barreaux.

Et il y a elle. Il y a elle et ses questions débiles. Elle et toutes ces conneries qu’elle semble pas être en mesure de faire taire. C’est trop pour cette colère froide qui devient sourde, qui embrase ton regard. Peut-être qu’il y a aussi cette pression qui devient difficile à gérer, ce mélange dérangeant de curiosité mal placée et de crainte que les choses deviennent encore plus hors de contrôles qu’elles ne le sont déjà.

- Tu peux pas te taire plus de trois secondes ?

Ton ton est sifflant. Menaçant. Ton regard est brûlant et si tu l’aurais pu, elle ne serait sûrement plus que cendres devant toi. Il y a même tes doigts qui s’enfoncent un peu plus dans sa peau, qui va sûrement y laisser une marque alors que tu tires pour la tourner vers toi, pour ancrer ton regard violent dans le sien.

- Ta gueule si t’es pour demander n’importe quoi. Je sais même pas comment est-ce qu’une débile comme toi es encore en vie. On aurait mieux fait de te pousser hors de l’illusion, peut-être qu’il aurait eu l’amabilité de nous débarrasser de toi.

Tu ne parles pas fort, ce serait sûrement contre productif d’hausser la voix. Mais tu te fais violente, acide dans tes propres. Un souffle glacé alors que tu ne la lâches pas. Ton regard se relève vers l’homme, quelques instants. Arkady. T’as aucune idée de qui c’est. Mais lui. Ce soleil. Détruire ce que le gouvernement essaie de cacher ? Est-ce que t’as vraiment envie de participer à ça ?

La réponse est non.

Toi, tout ce que tu veux, c’est remonter à la surface. Retrouver ta vie d’avant. Quitter ce continent de merde pour espérer vieillir auprès de la femme que tu aimes, celle-là même qui est si près et pourtant si loin de toi. Tu veux pas te mêler aux enjeux politiques. T’as eu le malheur, une fois, de vouloir en savoir plus. De t’approcher, de laisser tes oreilles indiscrètes traînées. Ça s’est retourné contre toi et maintenant, tu le vis pas très bien. Pas depuis que t’as revu Ridley. Alors non, t’as pas envie de savoir. T’as pas envie de participer à ça. T’as pas envie d’avoir plus de problème. T’as pas non plus envie que Ridley en ait aussi. Quant à l’autre idiote que tu tiens encore fermement, sûrement douloureusement ? Elle peut bien crever que t’en aurais tellement rien à faire, peut-être même tu l’encouragerais tant elle t’énerve.

- Non, on a pas de questions.

T’en as plein, tu veux juste pas les réponses. Tu fais un pas vers l’arrière, puis un autre, traînant Erina à ta suite.

- Toi tu te la fermes et t’ajoutes plus rien. Et tu peux oublier vendre les informations, sinon je t’assure que je te retrouve et je t’arrache la langue.

Une menace que tu t’assurerais de remplir, si ça devait en arriver à ça. Tu te retournes, traînant toujours l’idiote à la chevelure de feu, prête à rebrousser chemin. Si un garde venait à vous tomber dessus, t’essaierais de jouer la carte que vous vous étiez perdu. La grille était ouverte, peu importe, t’aviserais si ça devait arriver. T’as juste envie de partir.

Parce que tu te sens pas bien. T’aimes pas ne pas savoir, mais t’as aussi appris que t’aimais pas en savoir trop.

- On y va, Ridley.

Cette fois-ci, ta voix se fait plus douce. Ton regard aussi. Un regard presque suppliant. Tu veux pas rester et tu ne veux pas qu’elle reste. Tu veux pas qu’elle soit en danger ni qu’il lui arrive quelque chose ici, à Celestia. T’as peur des conséquences que ça pourrait avoir et s’il y en a bien une qui est encore et restera toujours ta priorité, peu importe à quel point tu peux lui faire du mal pour le moment, ce que tu fais depuis les cinq dernières années, c’est bien elle.

panique sur la ligne 8

Tu sais pas trop ce à quoi tu t’attendais à trouver sur cette ligne de métro (pas Lexie déjà), mais c’était pas ça. Tu regardes l’inconnu déchirer une bâche pour dévoiler un… soleil ? Et ça c’est pire que prévu ? T’aurais cru que le pire, c’était de tomber sur votre trio un peu pathétique, mais visiblement, c’est trouver une source de lumière qui ne semble pas à servir autre chose. Mais qu’importe, parce que si votre trouvaille ne t’intéresse pas particulièrement, ce que l’inconnu - maintenant Arkady - vous dit sonne pratiquement comme de la musique à tes oreilles. C’est vrai, si le gouvernement cherchait à cacher cette chose, c’est probablement parce que c’est important. C’est peut-être une piste pour assouvir cette envie de vengeance qui te bouffe ou au minimum, lui, l’est certainement. Reste juste à savoir comment tu peux jouer là-dessus, la présence de Lexie (et celle d’Erina) compliquant les choses un peu trop à ton goût. Surtout quand tu réalises que l’autre Caerienne n’est définitivement pas rassurée par la situation.

Mais finalement, Erina reste fidèle à elle-même et parvient à te surprendre avec des questions complètement débiles. Tu serais la première découragée en temps normal, mais pour le coup, tu vois cette tentative de drague (désamorçage de la situation ?) comme une excellente chose. Tu t’apprêtes même à l’encourager pour qu’elle puisse récupérer son numéro, sauf qu’il y a eu un autre imprévu : Lexie. Son comportement change soudainement, signe qu’elle n’est plus sous l’emprise du don de la plus jeune. T’observes la scène sans trop savoir comment réagir, surtout incertaine de vouloir te dresser devant la femme que tu aimes et qui s’énerve sans doute avec une certaine justesse considérant ce qui s’est passé. Elle traverse tout de même une ligne et tu te sens obligée d’intervenir : « Lexie. » Le ton de ta voix, sans être menaçant, montre assez clairement que tu n’apprécies pas son comportement vis-à-vis d’Erina.

Pour ce que ça vaut, visiblement, ça ne l’empêche pas de poursuivre sur sa lancée. De la trainer avec une force évidente avant de t’intimer de partir avec elle. « Non. » Ta réponse ne se fait pas attendre. Tu veux pas partir, tu peux pas partir, pas alors qu’il y a quelque chose ou quelqu’un qui peut t’aider à atteindre ton objectif. Un objectif dont tu ne peux pas toucher un mot à la femme que tu aimes. « Lâche-la, tu vas lui faire mal » Elle lui fait sans doute déjà mal. Tu t’approches donc de Lexie pour déposer ta main sur celle qui retient le bras d’Erina. T’es douce dans tes gestes, tu veux pas agir autrement avec elle, mais il ne fait pas de doute que t’es sérieuse dans ta demande, que tu comptes pas te répéter. « Je comprends pas pourquoi ça ne t’intéresse pas. Je te connaissais plus curieuse. » Et c’est là que tu réalises que si toi t’as changé, elle aussi n’est plus la même. Tu la connais peut-être plus autant que tu le voudrais et ça te fait peur de le réaliser.

C’est pour ça que tu te retournes vers Arkady et fais quelques pas dans sa direction. « Qu’est-ce que c’est ? » Qu’est-ce que le (foutu) Mont Celestia voudrait autant cacher au point de fermer une ligne de métro ? Est-ce que c’est quelque chose qui pourrait t’aider ? Qui pourrait intéresser Eirik ? Les questions s’enchainent dans ton esprit, mais tu décides de t’arrêter à une seule autre : « Pourquoi le détruire ? » En vérité, tu voudrais sans doute plus lui proposer ton aide, peu importe ce que ça peut impliquer, mais tu peux pas. Parce que Lexie est là et tu veux pas qu’elle réalise à quel point t’es brisée à présent.

PANIQUE SUR LA LIGNE 8

Il y a deux choses qui t’empêchent de partir. La première, c’est bien évidemment Ridley. Ridley qui t’arrête, te force à relâcher le bras de l’autre idiote, sous prétexte que t’allais lui faire mal. T’en as franchement rien à faire, elle pourrait bien crever que ça ne te ferait ni chaud ni froid. Bon, c’est pas tout à fait exact, c’est juste ce que tu te dis, maintenant, sous le coup de la colère. Parce qu’il y a beaucoup d’émotions qui font rage en toi. Parce que t’es fâchée, contrariée, mais t’as peur, aussi. C’est même surtout ça. La peur. Parce que si tu savais que tu n’aurais pas dû être là, que tu n’aurais pas dû venir jusqu’ici, ça te semble désormais évident.

- Et moi je croyais que tu me faisais confiance.

Que tu rétorques à Ridley. Elle a raison, à une époque, tu étais plus curieuse. Tu l’es encore. Seulement, cinq ans plus tôt, ta curiosité t’a coûté ta liberté. Alors oui, t’as envie de partir. Oui, t’es injuste. Mais ça, ce n’est pas ce qui t’importe. Non, ce qui t’importe, c’est de retourner d’où tu viens. Chose que l’on t’empêche de faire d’un mur se dressant devant toi. Tu vois rouge, tu sens ton sang s’échauffer. T’as envie d’exploser et sûrement tu l’aurais fait sans l’arrivée de nouvelles personnes. Comme si la situation n’était pas déjà assez problématique comme ça.

Tu te retournes pour les regarder. Ton regard s’arrête quelques instants sur Poppy et tu te demandes ce qu’elle fait là. Tu te demandes surtout pourquoi est-ce qu’elle est là. De toute évidence, c’est trop dangereux pour elle, elle n’a pas sa place ici et si ce n’était pas de la distance qui te séparait d’elle, sans doute chercherais-tu à la mettre derrière toi pour la protéger. T’écoutes aussi ce qui te dit et tu sens un frisson descendre le long de ton échine. Un frisson désagréable. Parce que tu as bien vu la vidéo qu’il vous a montré, la personne qui a été projetée, sûrement même qu’elle en est morte. Tu ne sais pas. Tu n’as pas posé de questions, tu n’en as pas vu l’intérêt. Moins tu en sais et mieux c’est, c’est tout ce que tu es en mesure de te dire.

- Mais j’en ai rien à foutre, en fait, de toutes vos conneries.

C’est finalement ce qui s’échappe de tes lèvres, alors qu’il déclare qu’à vous huit, vous seriez en mesure de le détruire. Même l’idiote semble faire preuve d’intelligence, pour une fois, ce qui aurait pu t’étonner, peut-être même t’arracher un commentaire, si tu ne semblais pas si dissipée, presque paniquée même.

- Poppy, s’il te plaît, recule.

Plus douce qu’avec Erina, ton ton se veut tout de même encore brusque. Tu ne connais pas les deux autres et ce n’est sans doute pas le moment de faire les présentations.

- Et j’en ai rien à faire de ton visage. Je ne dirai rien. Je veux juste rien savoir de plus de ce que vous faites ici.

Parce que ça pourrait être dangereux. Problématique. Et tu considères avoir déjà assez de problème comme ça, avec le gouvernement. Tu n’oses pas imaginer ce que ce serait si tu en venais à les aider, à détruire quelque chose qui leur appartenait. Une arme ? Grand bien leur en fasse, ça ne te concerne pas. Toi, tout ce que tu veux, c’est quitter cet endroit. Pas que le métro, le continent tout entier. Rentrer chez toi, à la surface.

- Puis même si je voudrais aider, je ne pourrais pas.

Si le soleil réagit à la magie alors tu ne peux pas aider. Tu ne veux pas, certes, mais t’as aussi l’excuse de ne pas pouvoir, dotée d’autant cristal offensif. Tu rediriges ensuite ton regard vers Ridley, incapable de faire taire la peur qui éclaire ton regard. Tu aurais sans doute pu, si ce n’avait pas été elle, si elle ne te connaissait pas par coeur. Lui mentir au quotidien était facile pour la simple et bonne raison que tu évitais tout contact avec elle. Mais alors qu’elle est à côté de toi ? C’est tout de suite plus difficile.

- Ridley, s’il te plaît, tu ne veux pas te mêler à ça.

Elle ne veut pas de problèmes avec le gouvernement celestien, c’est ce que tu essaies de dire. Tu la supplies presque de ne rien faire, de ne pas s’approcher, de ne pas les écouter. Parce que tu veux la protéger. Parce que tu ne supporterais pas qu’elle soit considérée coupable, qu’elle ait à son tour des problèmes. Votre situation est déjà assez compliquée et tu ne veux pas qu’elle le soit davantage faute de mauvaises décisions de votre part.

Qu’ils fassent ce qu’ils veulent, eux, tu ne comptais pas les dénoncer. Tu ne voulais juste pas être mêlée à ça et tu ne voulais pas non plus que Ridley se retrouve embarquée dans tout ça.

panique sur la ligne 8

Tu vois rouge à la réponse de Lexie. Elle ne peut pas vraiment te dire ça ? Te reprocher de ne pas lui faire confiance, pas après cinq années de silence. Tu aurais sans doute explosé si ce n’était de l’intervention d’Arkady. Mais le mur de terre qui se dresse derrière vous et les menaces à peine voilées qu’il profère a tôt fait de calmer tes ardeurs. Parce que tu réalises que la situation vous dépasse, parce que tu comprends que t’as sans doute fait une erreur en retenant Lexie. Elles auraient été mieux loin d’ici, même si tu doutes qu’Arkady les aurait laissé partir. T’essaies donc de te concentrer sur ce qui t’est partagé comme information, non sans pouvoir t’empêcher un regard désolé à Lexie par dessus ton épaule. Ça ne vaut pas grand chose, mais tu sais (parfois) reconnaitre tes torts.

Mais de toute évidence, t’as terriblement mal évalué la situation. Il y a d’autres personnes qui arrivent, des intrus comme vous, des gens qui avaient été repérés par les agents. Ça te fait froncer les sourcils, si eux savent que vous êtes là, qu’en est-il des gardes ? Pas que ce soit une question que tu peux te poser en ce moment, vous aviez d’autres problèmes, notamment le fait qu’il veut détruire le soleil, que vous l’aidez à le faire. Tu t’apprêtes à souligner que c’est débile, dangereux probablement, mais sa démonstration montre que ce ne l’est peut-être pas autant que tu l’aurais cru. La magie fonctionne, ton regard baisse automatiquement sur tes mains. Tu peux surement l’attaquer avec tes griffes, c’est bien ta seule option de toute façon, tu doutes que tes illusions soient d’une quelconque utilité sur l’objet, l’arme. Tu peux donc le faire, veux-tu ?

Sauf que voilà, il y a nouveau Lexie qui intervient, Erina aussi. La panique que tu peux entendre dans la voix de la jeune rousse te pousse à reculer à nouveau, t’approcher d’elle pour poser un main sur son épaule pour essayer de la rassurer un peu. Tu fais d’ailleurs écho aux dires de ta fiancée : « Ça va aller. De toute façon tu n’as rien pour attaquer. » Contrairement à toi en somme, mais tu ne retournes pas tout de suite vers le soleil, parce que ton regard se pose sur Lexie et que tu peux voir la peur dans son regard. Et tu comprends pas pourquoi elle est là, mais tu t’arrêtes lorsqu’elle t’adresse la parole. Tu pourrais lui rétorquer que oui, tu veux être mêlée à ça, que tu veux faire tout ce que tu peux pour nuire au gouvernement célestien, que ces hommes sont probablement la meilleure piste que tu as pour assouvir des envies de vengeances. Mais tu peux pas, tu ne veux pas qu’elle se retrouve avec une mauvaise image de toi. « Il ne nous laissera pas partir si on ne l’aide pas. » Enfin, si tu ne l’aide pas, vu qu’elle n’a rien pour attaquer. Serait-ce donc dire que tu fais ça pour elle ? En partie, t’aimerais bien qu’elle s’arrête à cette explication.

Toi tu sais que ce n’est pas que pour ça, qu’il y a une pointe de motivation dans ce que tu fais. Tu retournes vers le soleil, t’arrêtant à côté d’Arkady : « Je vais vous aider, mais tu les laisses tranquille. » Tu ponctues ta phrase d’un geste de tête vers Lexie et Erina, mettant ainsi une condition à ta coopération. Tu sais pas si ça changerait quoi que ce soit, s’il t’écouterait, mais bon, t’aurais essayé au moins. Suite à quoi, tu te concentres sur ta main droite, faisant pousser tes griffes pour frapper le soleil, espérant qu’il ne t’arrive rien de grave.