Elle était drôle, Poppy, te de donner rendez-vous dans un lieu qui, il n’y avait pas si longtemps de ça (quelques jours à peine), avait été victime d’un tremblement de terre.  Venant de Polaris, peut-être n’avait-elle pas vu les nouvelles ? T’en doutais fortement. Poppy, ce n’était pas la gamine la plus perspicace d’Althea, mais t’avais le sentiment qu’elle se tenait un minimum aux aguets… Si elle t’avait convoqué à cet endroit précis, c’est qu’elle avait une raison. Enfin, t’espérais, car sinon, c’était simplement irresponsable et n’importe quel autre endroit du désert aurait suffi. Tu t’adossas contre ta fidèle monture, un dromadaire qui portait tes bagages, te servant de sa patte avant comme support.

Bien que ça fasse un moment que t’habitais au désert, évaluer le temps de déplacement représentait toujours un casse-tête ; il y avait tant de chose à prendre en considération. À titre d’exemple : s’assurer que le niveau d’eau est acceptable pour la durée du trajet, s’assurer de la température ne joue pas de tour (parce que, néophyte dans le temps, t’avais rapidement capté que y’avait rien de pire qu’une foutu tempête de sable) et la disponibilité des bêtes. Bref, c’était de l’organisation, mais ça en valait la peine. Et puis, tu préférais arriver en avance ; ça donnait une opportunité d’ajouter des frais additionnels.

Tu scannas les environs, te servant de ta main pour empêcher les rayons du soleil d’atteindre tes yeux. Ne voyant pas Poppy à l’horizon, tu croisas tes bras contre ta poitrine. À vrai dire, t’avais aucune idée si des frais supplémentaires s’appliquaient, étant donné que t’avais aucune idée de ce qu’elle te voulait ; le message laissé n’indiquait qu’une date, une heure et un lieu (morbide).

N’ayant que ça à faire, tu décidas de jeter un coup d’œil les dégâts causés par le tremblement de terre. Au final, cet endroit n’était qu’un immense cimetière ; un lieu d’infortune. T’étais chanceux, tu faisais partie du bon camp, de ceux en vie, de ceux ayant une seconde chance. Ne pouvais-tu pas te contenter de ça ?

Bien sûr que non, une vie sans elle n’était pas une vie valant la peine d’être vécue.
Alors, tu la cherches, gardant cet espoir bien vivant.

Mais, ça faisait 5 ans déjà ; et pour tout ce que tu savais, elle était peut-être là, ayant servi de fertiliseur à ces mêmes pierres. C’était peut-être même ça, l’origine du tremblement de terre : les défunts. 5 ans d’amertume, 5 ans de regret, finalement canalisés sous la forme d’une terre en rogne.  Heureusement, une présence t’extirpa de tes pensées et tu lui souris ; un mélange de reconnaissance et de joie.

Poppy, elle te forçait à penser à autre chose.

« Salut Poppy ! » lui dis-tu, joie tintant ton ton, puis, sur une couleur plus taquine, tu ajoutas (tes mains s’agitant en harmonie) : « autant que j’aime le mystère… j’ose quand même espérer que tu as une bonne raison. »

Et même s’il se dégageait une certaine légèreté dans ta voix, tu savais qu’elle allait comprendre que t’aimais pas perdre ton temps pour quelque chose d’aussi trivial que ‘ah, mais je voulais qu’on passe du temps ensemble’. Et ce, même si elle jouissait du statut de meilleure cliente.

« Woah, Poppy… Ce n’est pas à moi que tu dois t’excuser, » ne te souciant point qu’elle t’utilisa comme support afin de reprendre son souffle, tu te contentas de pointer du pouce les stalactites au loin, un air taquin dansant sur tes traits. « Mais plutôt à eux; t’essaies de les réveiller? » Parce qu’au son inhumain qu’elle venait de produire, t’aurais pas été surpris de les voir se lever; ces défunts. Enfin, ceux qui n’avait pas encore servit d’engrais. T’aimais pas spécialement les zombies -les trouvant overrated, mais ici, dans le Désert, t’aurais pas détesté assister à une invasion; au chao et à la vague de panique qui s’en suivrait. Mais, bien sûr, c’était à la condition que ces montres résistent au soleil ardant.

L’esquisse d’un sourire se dessina sur tes lèvres face à l’absurdité de tes pensées. ‘Ah, comme si’ te dis-tu, chassant l’image pour te vocaliser sur Poppy et sa fantastique casquette. Tes mains trouvèrent leur place sur tes hanches alors que ton sourire se faisait croissant et tu te permis de rouler dramatiquement des yeux. Poppy, cette comédienne!

« Mes excuses, où avais-je la tête? » lui répondis-tu avec un ton qui n’avait d’égale que ses talents d’actrice. « Tu sais bien que ta présence me suffit; d’ailleurs, je n’ai rien contre un pique-nique. Surtout si c’est toi qui invites. »

Tu pris la photo qu’elle te tendait; l’examinant brièvement avant de poser tes yeux de brumes sur elle. Maintenant que tu prenais le temps de la regarder, c’est vrai qu’elle avait un petit quelque chose de différent, et par différent, tu ne faisais pas mention de son… accoutrement. Avant que tu ne puisses la questionner davantage ou bien établir les modalités de ses lunettes perdues, Poppy ne te laissa pas le temps; préférant commenter le paysage vous entourant.

T’avais pas d’attache particulière à ce lieu, pas plus que t’étais offensé par ses propos, mais elle venait de te servir, sur un plateau d’or, une belle opportunité pour que tu puisses te foutre de sa gueule.

« Des stalactites d’endommagées, et considérant qu’on est dans un cimetière, j’imagine qu’on peut les comparer à des pierres tombales. » Ta main lui était bien visible, et à chaque énumération, un doigt se relevait. « Bon nombre de blessés; certains dans un état grave et… puis, ça a tellement eu peu d’impacte que des chercheurs ont débarqué comme si la place leur appartient. »

T’eus l’air pensif, comme si tu cherchais autre chose à ajouter. T’haussas les épaules.

« Oui, Poppy. Juste ça. »

Tu reportas ton attention sur la photo; après tout, c’était principalement la raison de votre rencontre.

« Enfin, bref. Pour toi, ça sera le prix d’amis, mais. » Tu quittas l’image des yeux pour la fixer, perplexe. T’avais beau être intelligent, mais t’étais pas devin non plus. « C’est bien dans ces environs que tu as perdu tes lunettes? »

Si au départ, sa voix, une mélodie à tes oreilles, le karma fit en sorte de la transformer en cacophonie. T’essayas de la ramener à l’ordre, l’appelant, mais tes tentatives se trouvèrent noyées sous son tsunami de panique. Victime de ta propre plaisanterie; tu te trouvas aux premières loges de son patinage artistique.

« Poppy, écoute. » Ton ton, bien que sans remord, se fit rassurant. « Ne t’en fait pas, ce n’est pas grave. »

Toutefois, tu te mordis la langue, te retenant de ne pas lui faire remarquer que… pour un désert où il n’y avait presque rien, le dégât sur les stèles pouvait être considéré comme grave (rajoutant à ça, que, techniquement, il s’agissait de sépultures). T’avais du mal à t’imaginer quelle sorte de dommage voulait-elle en plus. Ce n’était pas ton genre de te taire, étant plutôt cavalier dans ton approche (surtout avec ces clients dont un lien plus étroit s’était développé), mais là, tu considéras qu’un retrait stratégique était d’ordre. Tu condensas donc tout ce que tout voulait lui dire en un simple raclement de la gorge.

Jouer les smartass ne valait clairement pas une seconde vague de culpabilité.

Heureusement, le sujet dévia sur ses lunettes. Poppy se trouva aussi utile qu’un grain de sable. T’étais pas nécessairement intéressé par son récit et les fioritures l’enrobant. Ce que tu voulais, c’était une certitude ; des faits. Tu la suivis du regard avant de finalement décider de la suivre physiquement. Ton regard se promena sur l’étendue désertique, sceptique, tu te demandais bien ce qu’elle pouvait bien faire dans un tel lieu, en plein nuit. Tu t’apprêtais à utiliser ton cristal, jusqu’à ce que la curiosité te possède. Qu’est-ce qu’elle pouvait bien être en train de chercher ? Perplexe, mais intrigué, tu croisas les bras, attendant sagement qu’elle éclaire ta lanterne. Une réaction automatique ; tu fis claquer ta langue contre ton palais. Soit, Poppy avait bien fait ses recherches, soit t’avais omis de fermer ta gueule et t’avais déblatéré sur ton amour du thé. En tous les cas, ce son d’ennui, comme un cloche annonçant une fin imminente, indiqua à la rouquine qu’elle avait bel et bien gagné cette manche.

Tes mains retrouvèrent leur place contre tes hanches alors que tu secouas la tête ; admettant défaite. Mais, elle n’avait pas gagné la guerre.

« Je t’offre 15% contre les deux. »

En montrant un désintérêt, peut-être qu’elle lâcherait prise, même si… tu t’imaginais tout de même en train de siroter cette douce Ambrose. Si certaines personnes considéraient le thé comme de l’eau glorifié, et bien tant pis pour eux ; ils ne savaient simplement pas apprécier les délicates fragrances. Car le thé, c’était un art.

T’espérais que ce bluff suffise à la convaincre, car il ne s’agissait que d’une faille pour qu’elle puisse en abuser, quoique bon, tu refusais jamais du thé.

« Donc, considérant ta grandeur, c’est à peu près toutes les stèles ? »

Tu fis un tour d’horizon, émerveillé par son utilité. Heureusement qu’elle avait apporté un extra… enfin, un extra. Enfin bref, tu roulas des yeux avant de te décider à te bouger. La photo rendait le tout très facile, car t’avais pas besoin de te faire une image précise. Tu te promenas entre les pierres, te souciant guère si Poppy suivait ou non. Soudainement, tu t’arrêtas devant un décombre de pierres.

« Huh-oh. » Tu tassas quelques pierres et pris délicatement l’objet. « J’ai une bonne nouvelle. J’ai trouvé tes lunettes. » Tu luis remis les débris. « La mauvaise… et bien. »

« Toujours un plaisir de conclure des affaires avec toi, Poppy, » lui dis-tu, ne cachant pas ta satisfaction d’avoir gagné cette petite guerre. Toutefois, tu savais que tu ne pouvais te reposer sur tes lauriers maintenant qu’elle savait l’une de tes faiblesses, et donc tu te gardas une note mentale de ne jamais mentionner ton thé favori en sa présence ; trop dangereux. Tu lui tendis ta main afin de sceller votre entente, puis tu pris tes précieux, les emmenant loin de cette fourbe rouquine vers ton dromadaire. Avec un soin presque obsessif, tu les rangeas dans l’un des compartiments de la scelle.

En voilà une bonne chose de réglée. Tu te mis ensuite au boulot. Juste au son de sa voix, tu comprenais que ces lunettes… avaient une importante valeur sentimentale et même toi, t’avais assez de tact pour ne pas remuer le couteau dans sa plaie béante. T’aurais pas cru que c’en était au point de pleurer et la voir dans cette état te mettait légèrement mal à l’aise. Tu mis une main sur son épaule et te pencha afin que ta tête soit au même niveau que la sienne.

« Poppy… »

T’étais pas infaillible, mais pour cet objet, la marge d’erreur approchait zéro. Après tout… les montures étaient identiques à sa photo. Dans cet était de désespoir, t’en vins à la conclusion qu’il serait inutile de la raisonner. Ta main glissas de son épaule vers son bras et d’un mouvement brusque, tu la tiras, de sorte à ce qu’elle soit au moins si ses pieds.

« Malheureusement non, je n’ai pas cette capacité. »

Malgré son désarroi, tu ne pus t’empêcher de penser qu’elle venait d’avoir une bonne idée et qu’un tel cristal, assurément, y’avait moyen d’en tirer profit. Tu l’entraînas vers vos montures et lui tendis un mouchoir.

« Par contre, si on se met en route pour les campements dès maintenant, je connais quelqu’un qui pourrait t’aider. »

Tu tiras sur les reines du dromadaire de Poppy, lui sommant de de se coucher sur ses pattes, puis sans vraiment la prévenir, tu la pris plus délicatement qu’un sac de patate, faisant bien attention de ne pas la blesser et tu la hissas sur le dos de la bête. Toujours les reines en main, t’entraîna l’animal vers ton propre camélidé. T’en profitas pour t’abreuver, sortant une bouteille d’eau que tu rangeas aussitôt. Tu pianotas une série de message texte sur ton holokit.

C'est avec une Poppy pleureuse et en contrôle des animaux qui tu te mis en route au point de rendez-vous.

« Il m’a dit qu’il pouvait nous rencontrer en mi-chemin, » l’informa-t-il, puis du même souffle : « tu m’en dois une. »

Puis, enfin de lui changer les idées, tu lui tapas la conversation ; pas parce que tu t’intéressais à ce qu’elle avait à dire, mais c’était toujours plus agréable de l’entendre parler que pleurer.

« On a pas été chanceux avec le tremblement de terre, mais apparemment, c’est pas plus rose à Celestia. Quelque chose à propos d’un artéfact menaçant la ville ? »

Ton attention se tourna aussitôt vers Poppy lorsque tu sentis les ganses quitter ta main. Ne sachant quelle mouche venait de la piquer, t’haussas un sourcil, l’air de dire ‘quoi encore’? parce que selon ta perception, tout le monde était gagnant : tu réglais son problème ce qui l’arrêterait de pleurer comme la madeleine qu’elle était. À peine eus-tu le temps de verbaliser ta confusion qu’elle éclata. Tu la dévisageas, incrédule à ses paroles. Depuis le temps que vous vous connaissiez, n’avait-elle toujours pas compris que t’étais ainsi? Tu soupiras, pinçant l’arrête de ton nez.

À sa défense, tu comprenais que ses lunettes avaient une valeur sentimentale au-delà de l’importance que tu pouvais y apporter. T’avais toi-même un tel objet et si jamais tu devais le perdre, tout comme elle, tu deviendrais balistique. Mais! Elle venait de le retrouver et des lunettes… avec le cristal de réparation, elles redeviendraient comme avant. Donc, quel était le problème? Certes, tu lui avais dit -et t’admets que, peut-être, aurais-tu dû choisir un meilleur moment, qu’elle t’en devait une, mais jamais avais-tu mentionner d’argent.

Donc, qu’elle te dise d’aller te faire foutre? C’était la colère; t’en avais que faire.

« Poppy, » l’interpelles-tu lentement, calmement, mais tout en conservant une pointe de fermeté. « Calme-toi, tu deviens irrationnelle. »

Et les gens irrationnels te faisaient chier, car ils n’étaient pas en mesure de comprendre que la plupart du temps, il y avait une solution bien simple à leur problème; aveugle à la lumière au bout du tunnel, ils préféraient s’enfoncer dans une mer d’inepties. Tout comme celles que Poppy venait de dire. Tu savais que le meilleur remède contre la bêtise était l’indifférence, tu ne pus t’empêcher d’y répondre.

« Évidement, après tout, j’ai que ça à faire : casser tes lunettes pour rafler une somme qui ne vaut certainement pas la peine de t’entendre hurler aux morts. »

Et tu t’en serais resté là, jugeant qu’il était inutile de défendre tes valeurs, ou comme elle venait si bien de le dire, ton manque de morale. Mais, Poppy décida que non, préférant jouer les drama queen a en rajoutant une couche. C’est avec ce même dramatisme qu’elle arrêta son camélidé, faisant arrêter tes pas par la même occasion. Tu la regardas descendre avec toute la grâce d’un sac à patates, un air de ‘et puis quoi encore’ peint sur ton faciès.

T’avais compris qu’elle avait mal, consommé par le feu de sa colère dont t’avais -sans réellement le vouloir, contribué en y allumant la première étincelle. Tu l’avais bien compris et elle te l’avait bien fait comprendre. Mais, tu savais mieux que personne que sous le joug de la colère, de la rage… il était préférable de se taire. Tes dents se serrèrent.

‘T’as aucune idée de ce que ça fait de perdre quelque chose qui te tient à cœur.’

Elle venait de toucher une corde sensible et de toutes les choses qu’elle aurait pu dire, de toutes les insultes qu’elle aurait pu te balancer, elle venait de taper dans le mille. T’attendis que la tempête de sable qu’elle créait s’amenuise avant de faire un pas vers elle, te souciant pas des bulles qu’elle venait de vomir. Subitement, tu t’attrapas le col de son vêtement, rapprochant son visage près du tien.

« C’est le moment où tu fermes ta gueule. » Si c’est avec des couteux qu’elle te regardait, c’était des sabres que tu lui renvoyais. « C’est bon, j’ai compris : j’ai été insensible et t’es en colère. »

Tu forças son visage encore plus près.

« Mais la colère, c’est pas une passe gratuite qui te donne le droit de dire tout et n’importe quoi. Pas plus que ça te donne le droit de prétendre me connaître. »

D’un coup sec, tu relâchais l’emprise que tu avais sur son vêtement, te foutant éperdument si ça la faisait retomber sur ses fesses, ou peu importe. Tu lui tournas dos, prenant une grande inspiration, tu remis ton masque d’indifférence. Elle t’avait irrité, certes, mais elle ne valait pas la peine que ça aille plus loin.

« Continue au Sud pendant une quinzaine de minutes, le mec devrait être en train de t’attendre. » Tu repris les reines de dromadaire, puis te retournas afin de lui adresser un dernier regard. « Sens-toi libre de me recontacter quand t’auras décidé que t’auras plus 5 ans. »

Tu partis dans le sens inverse.