Te sens-tu assez courageuse aujourd’hui? Prête à explorer le monde, même s’il s’agit de la neige autour de ton dôme protecteur? Tu étais vêtue en conséquence, habituer par ce climat qui était devenu le tien depuis les dernières années. Raquettes sous les pieds, tu avançais tranquillement dans la neige, vers le lieu de rendez-vous que tu lui avais donné. Il y a bien longtemps que tu voulais aller visiter ce lieu, bien que tu en avais peu entendu parler par les gens autour de toi. Tu passais souvent devant, sans jamais t’y arrêter, lorsque tu t’en allais vers le région de la nuit éternelle, mais aujourd’hui, c’était différent. Aujourd’hui, tu allais pouvoir essayer ce hôtel pour rembourser ta dette, pour t’excuser d’avoir créer une fleuve dans les tombes du désert des oubliés.

Tu réajustas ton bonnet au pompon disproportionné sur ta tête, glissa ton nez sous ton foulard d’un rose aussi pétillant que les bulles que tu créais et attendit que ton invité vienne à toi. Tu ressemblais à un bonhomme de neige, toute en forme avec ton manteau d’hiver et ton pantalon de neige, presque difficile de bien bouger tant il était épais. La prochaine fois, tu en prendrais un plus mince, mais de ceux qui ont une fibre qui permet de garder aussi bien au chaud que cette vieille chose que tu portes aujourd’hui. Enfin, ce dernier pointa le bout de son nez et vous traversèrent ensemble les quelques pas manquants avant de rentrer dans la bâtisse. La porte était plus lourde qu’elle ne paraissait et ses gonds crièrent d’un aigu qui te fit regretter d’avoir une ouïe. Puis, tu regardas la pièce, sans dire un mot.

Qu’avais-tu fait, Poppy? Pourquoi n’avais-tu pas appelé avant de venir? Tu eus un petit rire nerveux, observant les lieux. L’ensemble était plutôt sombre, la lumière traversait par les nombreuses fenêtres. Du moins, celles dont les rideaux n’étaient pas fermés. Pourtant, tu avais déjà vu des gens passer devant ses fenêtres, tu avais déjà vu de la lumière en passant devant. Tu te retournas vers Maverick, quelque peu gênée, mal à l’aise, l’envie de te fondre dans le plancher. Le lieu n’était pas le plus propre, sans être le plus sale. Après tout, y avait un semblant de vie. Si tu regardes bien, Poppy, tu vois que y a des traces de pas sur le sol, à travers la poussière. Tu vois qu’une bougie est allumée aussi, dans le coin, sur le bureau de l’accueil où personne ne se trouve.

▬ Peut-être que l’employé est allé préparer une chambre.. Il doit y avoir moins de clients qu’à l’auberge des trois hibous..

Tu t’approchas du comptoir, les planches de bois craquant sous ton poids à chacun de tes pas et tu appuyas sur la petite sonnette. Le petit ding résonna, presque en écho, dans toute la demeure. Poppy, es-tu sûre que vous n’êtes pas seuls dans ces lieux?

Tu avais espoir qu’une voix se fasse entendre, qu’une voix crie au-delà des murs pour vous dire qu’elle viendrait bientôt vous servir, qu’une voix vous demande d’attendre un peu, qu’elle terminait de placer des draps propres dans le lit suite au départ de clients. Or, il n’y avait rien, Poppy. Rien d’autre que le vent qui soufflait dehors et qui faisait craquer les murs du vieux manoir. Tu sentais cette boule dans ton ventre qui se formait, le transformation physique de cette peur, de ce regret, de cette crainte d’avoir amener ton ami dans un lieu sans vie. Tu le regardes soulever la poussière sur le meuble et ton regard se porte sur le reste des lieux qui, maintenant, te semble peu accueillant, froid et vieux. Tout semble décrépi ou plutôt abandonné. Oui, c’était le bon terme dans ces circonstances : un lieu abandonné.

▬ Non.. Il doit y avoir quelqu’un… T’entends pas des bruits de pas à l’étage?

Tu pris une grande inspiration, gardant espoir, ouvrant les oreilles pour entendre un simple son, avec l’espoir que quelque chose viendrait à ton ouïe. Tu étais prête à te convaincre que ce craquement de bois devait être dû à une personne à l’étage, mais encore, tu ne pouvais pas te berner à toi-même. Un petit rire nerveux se fit entendre de ta personne alors que tes doigts pianotent sur le dessus du comptoir de l’accueil et tu tentes même un deuxième son de clochette, au cas où l’employé que tu imaginais occupé n’avait pas entendu. Tu reculas d’un pas, puis d’un deuxième, observant le foyer au fond de la pièce qui semblait éteint depuis belle lurette malgré la température froide de cette journée. Tu t’en approchas, te demandant si tu serais capable d’en allumer un, mais tu trouvas ni bûches, ni allumettes, seulement des toiles d’araignées et des cendres. Ta main attrapa le tisonnier et tu remuas l’intérieur avant de te retourner avec stupeur vers ton invité.

▬ Mav… Il y a des tisons.. Un feu a été fait il y a peu ici..  

Tes propres mots t’effraient parce que même toi, aussi sotte puisses-tu être, tu n’y crois plus vraiment, à ton idée qu’il s’agit d’une auberge au même titre que celle des Trois Hibous. Tu remets le tisonnier à sa place et t’éloigne, la chair de poules sur les bras, sans savoir si elle est dû à ta découverte ou au froid de la pièce. Tu déglutis, avec cette boule dans le ventre qui se fait un peu plus lourde.

▬ Poppy te jure, elle a souvent vu de la lumière en passant devant.. Poppy pensait que c’était une auberge… Peut-être qu'ils sont en vacances ou en personnel réduit.. ? Montons, il y a peut-être quelqu’un dans l’une des chambres?  

Tu te plaças dans son dos et appuya avec tes mains, l’insistant à monter en premier par l’escalier. Valait mieux lui que toi en tête du groupe.

Le peu de courage qui traverse tes veines est satisfait lorsqu’il commence à marcher et que tu te contentes de lui suivre, les doigts crispés contre ses épaules. Tu entends les marches qui craquent et bien qu’il n’est pas fait de commentaire à ce sujet, toi aussi tu te demandes si elles vont survivre à ton poids et le sien. Après tout, est-ce que ce lieu était vraiment habité? Si c’était réellement une auberge, alors il manquait clairement de personnel pour faire le ménage des lieux. Tu soupiras, encore une fois, autant de désespoir d’être dans cette situation avec ce pauvre Maverick, mais aussi de soulagement, d’avoir monter les marches sans que l’une de ses curieuses armures à l’entrée se soit mise à bouger.

Tes doigts furent forcer à lâcher prise lorsqu’il te fait glisser vers lui et te fit entrer dans la pièce sans ton consentement. Ta tête se retourna, le visage scandalisé, l’horreur dans les yeux. Tu n’avais aucune idée à quelle série il faisait référence, tu savais un peu ce que c’était de nom, mais tu n’avais jamais pris le temps de l’écouter dans la période de ta vie où tu étais là-haut. Ou peut-être que si, mais que tu ne t’en souvenais pas. Peu importe, l’important était qu’avec un titre comme American Horror Story, ça ne pouvait clairement pas être une référence positive et joyeuse annonçant un évènement comique et adorable. Non, clairement, il y avait une référence d’horreur, sanglante et terrorisante.

▬ Co… Comm.. Comment tu peux dire ça et pousser Poppy là-dedans?

Tu eus presque envie de t’accrocher au bord de la porte, mais tu fermas les yeux, mis le pied devant et les ouvrit tout doucement, une paupière à la fois. Or, il n’y avait rien. Rien outre des rideaux bien ouverts, faisant entrer la lumière blanche des montagnes enneigés dans la pièce, éclairant un lit défait et permettant de voir des traces de pas à travers la poussière du plancher. Il y avait quand même des gens qui étaient venu ici. Ce n’était peut-être pas les propriétaires, mais des gens avaient fait une halte ici. Tu t’approchas du bord du lit et replaça les draps, ayant en horreur qu’un lit ne soit pas fait, et prit place pour t’asseoir, invitant l’Oublié à te rejoindre.

▬ Tu sembles toujours si calme dans ce genre de situation.. T’as jamais peur que quelque chose tourne mal ou juste.. est-ce qu’il y a des choses qui te font peur, une phobie ou je sais pas..

Tu te retournas à moitié vers lui lorsque ton pouls s’accéléra. Tu eus l’impression de voir une ombre bouger dans le coin de ta vision, mais ne fit pas mouche, tournant juste la tête un peu plus pour voir si tu avais eu qu’une hallucination. Sûrement n’était-ce que ton esprit qui te jouait des tours, mais voilà, tu avais l’impression d’avoir vu quelque chose courir et même ton ouïe faisait des folies, tu avais l’impression d’entendre quelque chose courir sur l’étage. Tes iris reprirent contact avec les prunelles d’acier de Mackenzie et tu souris, de ce sourire nerveux qui exprimait ton malaise d’être dans ces lieux.

▬ Si aujourd’hui serait ton dernier jour, aurais-tu des regrets? Un adieu que tu aimerais adressé à quelqu’un?

Les mots avaient quittés ta bouche avec la curiosité mal placé d’un enfant. Ton coeur battait dans tes oreilles, autant par l’angoisse de l’ambiance qui régnait dans cette demeure que par l’attente d’une réponse, si réponse il y aurait. Tu avais lancé cette question comme une petite grenade qui risquait de t’éclater à la figure. Allait-il te trouver trop intrusive? Allait-il te trouver trop directe ou alors quitterait-il les liens, insulté? D’un autre sens, tu souhaitais seulement apprendre à le connaître et tu ne trouvais pas les mots pour tourner autour du pot éternellement. Tu continuais de soutenir son regard, le sourire nerveux devenant un sourire doux. Tu voulais sincèrement une réponse.

Réponse qui ne viendra pas. Ton sourire se détruit, se transformant en une moue hésitante entre la déception et l’ennui. Ton regard se fit lourd, tu plissas les yeux et croisa les bras. Tu étais toujours si démonstrative et rien n’allait t’empêcher de le regarder avec cet air voulant dire « Sérieux, fais un effort ». Ainsi, tu te contentes de soupirer et te redresse, faisant craquer les ressorts en les libérant de ton poids. Tu t’approchas à ton tour de la fenêtre, observant le paysage, continuant d’espérer que ce lieu soit une auberge. Après tout, il y avait quelque chose à faire et une bonne clientèle à obtenir , tant de possibilités d’activités à offrir et la maison, bien que sale, avait un bon cachet et pouvait devenir chaleureuse avec de l’amour. Un nouveau craquement te fit sursauter et tu te retournas, observant le cadre de porte vide avec inquiétude. Tu avais envie d’aller explorer, mais tu n’avais pas le courage d’affronter ce que ton esprit trop créatif imaginait.

Ainsi, tu reportas ton attention sur le vilain jeune homme qui détournait tes questions et qui en plus, proposait de partir. Hors de question, le lieu n’était pas ce que tu espérais, mais tu avais un objectif par cette rencontre et tu comptais bien réussir à l’atteindre. Ton dos s’appuya que contre la fraîcheur de la vitre et tu croisas les bras, relaxant les traits de ton visage pour paraître moins frustrée avant de lui répondre :

▬ Rien nous empêche de vérifier les autres pièces, juste au cas. Ou de rester un peu et… parler? On s’échange toujours des services et de la monnaie, mais presque jamais des paroles.. Poppy aimerait bien savoir qui tu es… Te connaître un peu plus.. Qui es-tu au fond, Maverick?

Tu baissas les yeux sur le bout de tes pieds, te demandant sur quel pied danser pour poursuivre cette discussion.

▬ L’autre jour.. Quand tu as trouvé les lunettes de Poppy, elle t’a dit des choses qui ont dépassées ses pensées. Mais surtout.. Poppy a eu l’impression de t’avoir blesser en disant que tu ne savais pas ce que ça faisait de perdre quelque chose qui te tient à coeur… Est-ce qu’elle se trompe? Tu.. Tu aimerais en parler?  

Tu te lançais à la pêche aux informations sans grand espoir d’en obtenir. Tu n’avais visiblement pas le bon appât pour cueillir ce poisson, et encore, poisson fallait-il avoir. Maverick était comme une moule qui fallait faire chauffer pour qu’elle s’ouvre, mais tu réalisais que la température nécessaire pour lui permettre d’ouvrir son coeur à ta personne était beaucoup plus élevé que prévu. Ce que tu arrivais à obtenir par tes douces paroles, ce n’était qu’un détournement de conversation sans subtilité et tu commençais à être à la limite de tes ressources, déjà. Peut-être que sous l’effet de la torture et sous un réel feu, il serait plus bavard, mais tu étais ici pour qu’il soit ton ami, et non pas pour le faire griller sous la broche comme un pauvre petit méchoui. Ainsi, tu soupiras subtilement avant de lui sourire gaiement, agitant ta main devant toi, rejetant les propos qu’il avait à ton égard, considérant qu’il disait plutôt des bêtises.

▬ Pfff ! Poppy n'a pas siiii peur que ça. Après tout, Poppy a eu à affronter un gros croco dans les égouts et elle n'a même pas fuis. Tu le savais pas ça, en ?

Mais ça, c'était une autre histoire dont il ignorait sûrement les détails. Peut-être pourrais-tu le lui en parler, si un jour la conversation en venait à cela. Mais dire que tu es sur le point de t’évanouir? Bien sûre que non. Tu étais seulement une boule de nerf sur un matelas bien trop poussiéreux. Tu étais nerveuse, tu analysais chaque son et envisageait bientôt de t’accrocher à son bras pour pouvoir le lancer devant toi si jamais un danger se présentait. La façon qu’il parlait souligner l’insouciance de tes propres propos et alors, tu te demandas s’il avait envisagé cette aventure dans la neige comme un voyage d’affaire plutôt qu’un séjour amical.

Pauvre Poppy, tu ne savais plus vraiment sur quel pied danser. Le froid de la fenêtre contre ta peau commençait à te créer un frisson, mais il n’était pas pire que celui provoquer par les mots de ton compagnon d’un jour. Il venait de te relancer au visage les mots que tu lui avais prononcé là-bas, pendant ta crise de folie dans le désert. Une légère amertume prit place sur ta langue, le goût du regret profond dans ton âme. Pensais-tu vraiment t’en sortir sans aucune rancoeur, folle Poppy? Tu n’avais pas été des plus délicates avec lui l’autre jour et il n’avait rien dit de plus que des paroles directes pour te ramener sur Terre parce que, tu le savais, l’Oublié  n’avait pas de temps à perdre avec tes sentiments. Cet oublié devant toi, il comptait les minutes et les évaluait selon le prix qu’elle reportait. Et pourtant, il était là, devant toi, dans une journée qui lui reporterait pas un rond. N’était-ce pas là une preuve qu’il y avait quelque chose de plus entre vous, quelque chose de plus fort qu’une simple relation de travail?

Tu t’avanças, coupant le contact désagréable de la moiteur de l’hiver sur tes vêtements et commença à avancer vers la porte où Maverick t’avait lancé dans la gueule du loup, l’invitant à te suivre d’un signe de la main. Tu n’ajoutas rien, étonnement.Tu n’insistas pas pour obtenir une réponse, tu n’ajoutas rien pour lui faire ouvrir le clapet sur les réponses qu’il ne voulait pas te donner. Tu te contentas de replacer tes lunettes sur ton nez et tourna dans le couloir, décidé à finir d’explorer le manoir pour en avoir le coeur net. La bêtise te faisant croire qu’il y avait toujours âme qui vive en ces lieux, tu ouvris la prochaine porte, observant une chambre au lit déjà fait et tout aussi vide que la première. Tu la refermas, ne laissant pas le temps à Maverick d’y jeter un coup d’oeil. Tu t’avanças vers la dernière chambre du couloir et ouvrit la porte vers une pièce où l’hiver semblait s’être installer. Sur le lit, un peu de neige s’était posé, mais surtout, la température était glaciale. Et c’était bien normal, considérant la fenêtre grande ouverte, vaguant les rideaux par le vent qui faisait craquer la pièce. Peut-être était-ce seulement cela, la cause de ses sons que tu entendais. La porte qui bougeait, sans pouvoir se libérer de ses gongs, qui faisait se plaindre les murs et crier les moulures.

La buée s’échappait de ta bouche alors que tes doigts agrippaient le haut de la fenêtre avant de la tirer vers le bas. Surprise, elle se referma d’un coup, imitant le bruit d’une guillotine, te faisant reculer d’effroi. Tu aurais cru, par l’état de la maison, que la fenêtre serait mal huilée et qu’un effort était exigé pour bien la fermer, mais ce ne fût pas le cas. Ton regard se porta vers la droite, où tu remarquais une petite chose qui bougeait et bien que tu aurais préféré que ce soit ton imagination, tu trouvas réponse à tes questions.

Dans cette chambre, il y avait bien une âme qui vivait, une âme qui se mouvait. Juste là, sur le lit, se trouvait un chat. Un banal chat, dont le poil avait perdu de son soyeux et qui était pleins de nœuds, de ce poil qui lui collait au corps, le rendant plutôt laid, considérant la maigreur de la bête. Toi qui avait déjà voulu avoir un animal de compagnie, tu te demandais comment une bête comme lui pouvait se trouver ici. Après tout, un chat, ce n’est pas fait pour être sauvage et encore moins pour survivre dans des conditions comme le mont Célestia. Il n’empêche que tu ne t’attendais pas à voir une compagnie sur ce lit et alors, tu lâchas un petit cri, quelque peu aigu, mais faible par rapport à ce que tes cordes vocales pouvaient produire. Tu posas ta main sur ton coeur, qui commençait à ne plus supporter les émotions de cette journée.

▬ Penses-tu que c’est le chat des propriétaires? Ou un pauvre égaré que l’on devrait aidé? T’as déjà eu un animal? Avant tout ça quoi..  

Ton visage se tourna vers Maverick, la mélancolie dans le coeur, repensant à ton chien dont quelques souvenirs t’étaient revenu suite à une rencontre au pays des rêves grâce à Moebius. Parler d’un animal, ça ne devait pas un sujet tabou pour l’oublié, n’est-ce pas?