Depuis que tu avais ramenée Andy au Château de Verre, la vie n’avait jamais été aussi belle pour toi. Ton père t’avait enfin reconnu comme tu le voulais : Supérieur à cette dernière, supérieur à cet animal, qui n’est rien d’autre qu’un échec, qu’une création ratée. Mais pourtant, il y avait bien quelque part où elle avait eu une victoire : Elle avait su te troubler, pendant au moins quelques temps. Mais désormais, tous ces doutes étaient effacés. Le Leader était le seul qui était important, tout le reste… Tout le reste n’était rien. Enfin… Peut-être pas tout le reste…

Là n’est pas la question. Aujourd’hui, c’est un grand jour, mon petit Isaac. Un grand jour, pour une personne comme toi. Un jour qui allait peut-être tout changer.

« Quelle chaleur… » Encore à te plaindre, des mots que tu prononces suffisamment bas pour que personne ne t'entende. Heureusement, l’ombre causée par le parapluie te permettait d’y échapper un peu, mais ça n’était pas suffisant pour en faire disparaître tous les effets. Et peut-être que la tenue pour laquelle tu avais opté était responsable de l’impression de chaud que tu ressentais.

Une tenue dont tu n’as pas l’habitude, mais qu’il fallait bien porter, pour une fois. Et… Cela te plaît, ne nous mentons pas. Un costume exprès pour cette occasion, quelle beauté, non ? Une transaction. Rendre l’animal, et récupérer – même si cela est déjà fait – quelques enfants, que tu pourrais « entraîner », par la suite.

Un petit sourire se dessine cependant sur ton visage, à chaque fois que tu lances un regard vers Andy. Cette femme, qui paraissait si forte à une époque… Est désormais réduite à être tenue en laisse par celui qui est ton père. Celui dont elle a pensé que tu étais le chien… Et pourtant, aujourd’hui, elle est celle tenue en laisse.

Et les personnes en face de toi, tu les remarques bien vite. Les mains quittant les poches de ta veste, pour venir croiser les bras, en redressant légèrement la tête, les regardant d’un air mauvais… Et, quel dommage pour eux ! Ils ne pouvaient pas voir l’air de dédain que tu leur accordais. Voilà donc les fameux chiens d’Andy. Presque tous te sont inconnus, ça, oui. Mais tu sais tout de même en reconnaître quelques uns, parmi ceux qui sont présents.

L’une d’entre eux, Kiana. Celle que tu avais choisie de prendre pour cible… Mais, finalement… L’ordre avait été annulé, par la bonne grâce du Leader… Ou plutôt, la soumission alléchante d’Andy. Un sourire en coin se forme, puis tes yeux viennent se poser sur les autres personnes présentes. Samson, l’un des illuminés du Désert. Quelqu’un qui n’est rien, mais qui se prend pour un envoyé de Dieu, ou tu ne sais pas quelle connerie… Selon toi, il n’était rien d’autre qu’un drogué qui prétendait avoir eu une révélation divine. Et tous les autres, aucun d’entre eux ne te paraissent assez intéressants à mentionner. À part peut-être la chienne de Victoire. Mais elle non plus, elle ne vaut rien.

Les bras croisés, et les oreilles qui écoutent bien attentivement les paroles du Leader. Et tu attends, simplement. De toutes façons, ce n’est pas à toi d’agir. Tu es là, simplement, pour prouver que vous êtes les meilleurs.

Pour prouver que, d’Andy ou toi, c’est toi qui te tient debout, et elle qui est tenue en laisse. Ta rivale, vaincue. Toi, gagnant dans ce combat qui dure depuis cinq ans.

Tous vous étiez là, réuni pour récupérer Andy, ta chef qui s’est faite capturé par le Leader, elle qui vous avez tous mit en alerte pour éviter de vous faire tuer par lui… Tu n’as pas eu le temps de partir à sa recherche, tu manques d’indice, la dernière trace de géolocalisation n’était pas suffisante malheureusement alors tout ce que tu as pu faire c’est de te contenter d’une boule de rage enfouis au fond de toi.

Elle n’était plus là, elle a été kidnappée et Dieu sait ô combien tu tiens à elle, tu ne saurais comment expliquer ce que tu ressens à son égard, c’était fort, et ce sentiment tu ne l’avais pas décidé. Lorsque vous vous êtes croisés, lorsque vous avez parlé tous les deux pour parler de la révolution le courant est passé tout seul, tu aurais aimé la revoir après la dernière réunion mais malheureusement tu n’avais pas pu.
Ses blessures sur le visage t’ont mis sur tes gardes et avait confirmé tes doutes qu’elle n’était pas une femme qui vis sereinement : elle aussi est pourchassé par son tortionnaire.

Et devant toi se déroule une scène ignoble, épouvantable, tu ne saurais comment décrire ce que tu ressens à cet instant, une sensation de déjà-vu et surtout tu as l’impression que tu pouvais facilement te mettre à sa place…

Il y avait devant toi un cadavre dont l’âme est meurtrie, déchiré, et ça… Tu l’as connu, tu le sais ce que ça faisait de se faire torturer au point d’en devenir mort. Et même si tu n’avais pas atteint l’extrême cela était amplement suffisant pour te mettre en colère, vous étiez dans le même sac finalement et t’aimerais, tu aimerais à cet instant pouvoir pousser tout le monde et l’attraper dans tes bras comme tu n’as pas pus le faire la dernière fois.

Tu aimerais trouver les mots, la rassurer même si tu n’étais pas fort pour réconforter les autres parce que tu manques de vocabulaire.

En plus de te briser le cœur, ça te rappel des souvenirs dont t’aimerais oublier.

Comment et pourquoi subis-t-elle ces horribles choses ?

Comment tu peux garder ton sang-froid devant le Leader et ses sbires habillé de façon élégante comme s’ils venaient tous à une cérémonie de mariage ?

Sommes-nous en train d’assister à un dégénéré en train de se mettre sur son 31 dans le plus grand des calmes ?

Tu sers les poings, les sourcils froncés mais tu n’arrive même pas à regarder ce qui se passe sous tes yeux, c’était horrible et trop dérangeant pour toi, tu n’étais pas à l’aise, tu aimerais hurler son prénom pour être sûr qu’elle est encore consciente.

Mais tu te sens terriblement impuissant.

Alors tu préfères écouter les paroles de tes camarades... Le silence s'étant accaparé de cette ambiance morose.

Cette tension qui règne dans l’air, tu n’y es pas habituée. Une aura de malheur autour de vous tous : Toi, au milieu de ce groupe. Mais que fais-tu là, exactement, Carmen ? As-tu décidé d’être ici, ou es-tu ici contre ta volonté ? Absolument parce que tu l’as voulu, ne nous le cachons pas. Tu as une mission à remplir, après tout. Tant pis si celle-ci ne te plaît pas forcément : Mentir à des gens que tu apprécies, ce n’est pas quelque chose qui te passionne vraiment. Mais pourtant, tu ne vas pas te laisser abattre, et tu vas continuer. Accomplir cette mission pour Victoire. Ou plutôt, pour Valentine. C’est encore très difficile pour toi d’admettre que ta meilleure amie n’est plus, et ça l’est d’autant plus de savoir qu’elle a été remplacée par sa mère.

Et ta mission, d’espionner ces Révolutionnaires, et de donner des informations à Victoire, s’est retrouvée compromise, à cause de cet homme, dont tu connais simplement l’appellation, mais pas le véritable nom. Personne qui est exécrable, si tu peux te permettre un jugement de valeur. Tu n’arrives pas à imaginer qu’il puisse exister pareille ordure… Et pourtant, tu as bien dû le croire, quand tu as appris la disparition d’Andy.

Scénario qui pouvait peut-être être improbable, irréalisable, imaginaire… Et pourtant. Toi, Carmen, petite archère, petite fille qui n’a jamais rien connu d’autre que le sourire d’une vie enfantine tranquille avec une meilleure amie, tu te retrouves désormais au beau milieu d’un échange, avec des criminels en face de toi. De vrais criminels… Ceux que tu as appris être des monstres, qui ont osé faire du mal à Andy, que tu oses espérer pouvoir appeler « une amie ».

L’homme masqué, à côté de la femme aux cheveux roses, que tu penses reconnaître sous les traits du Leader, celui qui menace de tous vous tuer… Il parvient à te faire froid dans le dos. Un sang presque glacé, et qui semble te tétaniser complètement. Son aura, tu ne l’apprécies pas du tout. Les mains moites et quelques tremblements que tu tentes de camoufler le plus possible. Il n’est pas une personne avec qui tu aimerais faire affaire. Et pourtant, aujourd’hui, tu te retrouves en face de lui. Peut-être pas seule. Mais tu es tout de même en face de lui.

Et chacun de ses acolytes semblent tous aussi horribles que lui. Tous cachés derrière un masque – chose que tu penses pouvoir désigner comme lâche – tandis que vous, vous êtes tous venus à visage découvert. Tu déglutis, en observant chacun des personnes.

Et l’image d’Andy, elle t’horrifie. Une femme attachée, littéralement tenue en laisse, par un homme qui semble plus proche du démon que de l’Humain. De quel droit se pense-t-il au dessus d’elle, et pense-t-il pouvoir la dénigrer comme ça ? Un mélange de peur et de rage en toi se crée, mais tu tentes de garder contenance, le plus possible. Tu n’es pas là pour tout faire rater. Surtout pas toi, Carmen.

Cela est une trop bonne occasion d’en apprendre plus sur cette guerre, et d’envoyer tout ce dont Victoire pourrait avoir besoin à cette dernière. Tu ne peux pas dire exactement pourquoi elle aurait besoin de ce genre d’informations, mais une chose est sûre : Tu dois faire attention à toi, et à la manière avec laquelle tu donneras ces informations à la mère de ta meilleure amie.

La voix du Leader te fait sursauter. Encore une fois, tu redresses la tête vers lui, serrant les poings. Non pas de rage, mais bien parce que cette voix te donne la chair de poule. Et puis, finalement, il demande qui représentera la Révolution. Ton regard se lance vers Samson. Celui qui, de réputation, est l’apprenti du Père Lewis.

Est-il simplement digne de confiance, cependant ? Tu ne sais pas. Tu ne sais rien. Tu ne sais qu’une seule chose : Tu es là pour sauver Andy. Tu ne les as pas accompagnés, tous, uniquement dans les intérêts de Victoire. Parce que peut-être que tu es une espionne à sa solde…

Tu n’es pas non plus dépourvue de cœur et de conscience, ainsi que de compassion pour celle qui a su rassembler un groupe, alors qu’elle était elle-même au plus bas.