Leonas ne manque jamais une occasion de s’enrichir, et quelle belle occasion que cette quête du père Lewis, sensée ramener un trésor. Qui disait trésor disait trésors avec un S, n’est-ce pas ? C’est en tout cas ce que Leonas se dit en se frottant les mains devant son futur butin. Oh il aurait bientôt de quoi devenir encore plus riche qu’il ne l’est déjà, et cette perceptive lui donne déjà des papillons dans le bas-ventre.

Parmi la foule rassemblée, Leonas écoute attentivement les instructions du prêtre. Attentivement car il ne veut pas mourir bêtement à courir partout dans le désert sous un soleil de plomb. Il hoche presque la tête en buvant les paroles du père Lewis Leonas, comme un illuminé qui écoute son sauveur parler. Oui un secret, qu’il découvrirait bientôt. Oui une tablette, qu’il se dépêcherait de voler pour la vendre au plus offrant. Le plan semblait simple, la victoire assurée. Mais pourquoi diable fallait-il s’amuser à faire de la plongé ? Ils n’étaient tout de même pas venu ici pour observer les poissons et s’amuser dans un loisir si dangereux. Est-ce qu’un manieur d’eau ne pourrait pas tout simplement les transporter de l’autre côté d’un tour de passe-passe ?

Le discours fini, il se retourne vers les participants de cette expédition bancale. Leonas avait une grande mémoire des visages, qui complétait son affreuse lacune de mémoire des noms ; ainsi il reconnu la plupart des participants. Tout le monde passe par le marché noir un jour ou l’autre. Il se permet même des signes de tête à plusieurs d’entre eux, des habitués comme Samson ou encore Andy, qui vient juste de passer devant lui et de plonger.  C’est qu’elle est déterminée cette demoiselle, contrairement à lui. Mais Leonas n’est pas là que pour regarder. Ah ça non.

Le marchand s’approche de son chariot, déposé à quelques mètre de là en chantonnant un air joyeux. D’un mouvement brusque de la main, il tire le drap qui abrite les planches de bois et les nombreuses marchandises. Leonas est un marchand compétent ; il a prévu des vivres et des vêtements, des outils et même quelques affaires de plages – il faut toujours être prévoyant. Alors il crie à qui veut l’entendre :

« Oyé, oyé, aujourd’hui en exclusivité l’échoppe de Leonas le bon et grand vient à vous et vous ouvre ses portes. Bénéficiez d’offres exceptionnelles sur de nombreux produit : pour un sandwich acheté, la bouteille d'eau est offerte. Nous avons aussi des lampes résistantes à l’eau, des tubas et quelques sacs étanches. Dépêchez-vous, ça part vite !!! »

Et voilà les premiers clients qui affluent, les premiers billets qui s’échangent. Leonas empoche un grand sourire aux lèvres – il ne perd jamais une occasion de s’enrichir les poches.

Alors que les clients se font rares, et pour cause les participants commencent à sauter dans l’eau, il laisse la suite des évènements à l’employé qu’il a emmené. Leonas est pingre c'est vrai, mais il sait quand il a besoin d’aide – et peut-être en aurait-il effectivement besoin pour prendre la fuite au moment venu.

Il se fait son propre sac étanche, composé de quelques victuailles, de vêtement de rechange et de quelques outils. Il y glisse son holokit, et le voilà prêt.

Alors, il s’approche de l’eau, la regardant miroiter. Et d’un coup, il se sent beaucoup moins prêt. Et pour cause, une douleur horrible lui passe dans l’estomac. Oh, ça y est, ça y est ça y est, il ne pourra pas nager, son estomac le lui interdit formellement. Il est bien mieux sur la plage, à l’abris de toute danger. Peut-être même pourrait-il négocier avec quelqu’un pour lui racheter la tablette une fois ramenée ? Oui ça lui semblait être une bonne idée. Une très bonne – quelqu’un prit la décision pour lui, la face de Leonas rencontre l’eau bien plus tôt que prévue.

Leonas le lâche venait de se faire avoir.

Altagracia ne croit pas en Dieu.
Altagracia croit en l’argent, le pouvoir et les secrets. Balaye le père Lewis du regard en fronçant les sourcils. Première rencontre, et là voilà qui ne sait que penser.
Vieux, indéniablement vieux. Peut-être aurait-elle pu trouver meilleur adjectif pour cette figure iconique du désert mais les faits sont là : rides et cheveux blancs à en perdre la tête. Alors pour elle, il ne sera rien d’autre que « le Vieux ». Qu’elle écoute néanmoins d’un air ennuyé, prête à bouger, à s’activer pour cette mission qui la fait rêver. Cette tablette qu’elle désire si ardemment contempler de ses yeux pleins de malices ; pleins de questions sans réponses. N’avait pu résister à cet appel à l’aventure depuis sa capitale aux nuits éternelles. Ne pourrait jamais résister aux secrets enfouis sous le sables et les mystères dissimulés aux fonds des grottes. Impatience totale, presque surexcitée. N’écoute presque pas, n’a jamais été très forte à ça. Préfère de loin scruter les visages, happer les regards du haut de sa petite taille et de sa salopette bleue claire – le seul vêtement qui n’était pas au sale et qui ne représentait pas des kilomètres de tissu. Confortable pour le désert bien que la demoiselle en ai déjà marre de fouler les dunes de ses rangers aussi noir que la nuit.

Revenons-en à ces regards. À ces visages inconnus qui ne lui donne aucunement confiance. Tous des oubliés probablement. Les entourant elle et Hector avec qui la cubaine avait fait le chemin jusqu’ici. Un voyage fort long. Ne savait encore si elle trouvai cet enfant terriblement adorable ou totalement débile. Probablement un peu des deux, ces adjectifs n’étaient aucunement incompatibles.
Très peu protectrice et serviable envers les inconnus, le fait qu’ils soient les deux seuls Astres changeait complètement la donne. S’il le lui demandait, Altagracia frapperai volontiers l’effronté qui venait de lui murmurer à l’oreille avant de plonger le premier. Peut-être demanderait-elle juste une petite contrepartie.
Suivant l’exemple de la flambante rousse, la détective rangea ses affaires les plus précieuses dans un sac plastique qui reprit bien vite sa place tout au fond de son sac à dos. Observant la fameuse « échoppe de Leonas » se monter en haussant les sourcils. Se faire arnaquer à l’entrée du désert, très peu pour elle. Surtout par un bonhomme même pas foutu de se mettre à l’eau tout seul. Pour un peu, elle en aurait remercier le fauteur de trouble.
Se dirigeant à son tour vers l’étendue d’eau, celle-ci ne plus s’empêcher d’ouvrir la bouche. 2 minutes sans aucune parole de sa part, c’était déjà trop.

« J’imagine que vous vous en fichez mais je m’appelle Altagracia, enchantée. » Enchantée, elle ne l’était aucunement malgré son grand sourire. Un dernier regard pour le Vieux.« J’espère quand même que Dieu a pensé à réchauffer l’eau. »
Et sur ces derniers mots, là voilà qui plonge dans cette eau glaciale.
Tout cela risquait d’être bien long… heureusement qu’elle avait pensé à emmener un goûter.

Tu ne partages pas l’enthousiasme du Père Lewis devant les neuf âmes charitables qui se sont déplacées à l’aurore. Le contraire aurait été étonnant. Tu ne comprends pas pourquoi le bon Père a besoin de faire appel à tant de monde, des inconnu.e.s en plus. Toi, sa main droite, tu aurais pu t’en occuper seul, c’aurait été moins risqué, plus expéditif. Tu ne peux t’empêcher de te demander s’il doute de ta diligence ou pire, de ta loyauté.

Bien sûr, tu ne lui as pas fait part de tes appréhensions, tu n’auras qu’à lui prouver que tu es toujours le plus dévoué, le plus utile, le plus fervent. Cette tablette, c’est la rédemption que tu cherches si ardemment. Tu t’es convaincu que de la trouver effacerait tous tes récents faux-pas (si tu peux qualifier ainsi ce fossé dans lequel tu dégringoles depuis des mois). Cette tablette est censée être la clé pour éliminer la transcendance, ce n’est qu’un bonus collatéral à comparer à la certitude renouvelé de suivre le chemin de la Providence Divine.

Des personnes rassemblées, tu en connais une bonne partie. Cela ne signifie en rien que tu leur fais confiance. Déjà, la présence d’Ovide et du Père Lewis en un même lieu a de quoi te mettre sur les nerfs. Au moins il se contente de t’oeiller avec effronterie, ce que tu peux tolérer. Leonas, lui, t’inquiète pour différentes raisons (tes craintes seront confirmées l’instant qu’il dévoilera son obscène tentative de faire de profits sur votre noble quête). Ceux et celles que tu ne connais pas autant, tu trouveras sans doute une raison de t’en méfier. Les deux que tu ne connais ni d’Ève ni d’Adam, quant à elleux, tu comptes ne pas le lâcher des yeux autant que possible. Quels perfides intérêts les ont amené.e.s jusqu'ici ?

Tu te perds tant en conjonctures méfiantes que tu en oublies la présence d’Andy. Tu sursautes quand sa main se glisse dans la tienne. C’est devenu une dynamique familière, elle qui te sourit doucement et toi qui tressaille comme un malfaiteur pris sur le fait. Tu la laisses partir, avant de jeter un regard inquiet en direction du Père Lewis. Tout ce qui pourrait lui faire croire que tu n’es pas concentré sur la présente tâche te travaille.

Voilà qu’un.e après l’autre, les fidèles et les opportunistes plongent dans les eaux froides du lac scintillant. Certain.e.s avec plus de panache que d’autres, tu dois l’avouer. Tu les laisses s’exécuter, tu plongeras sans doute en dernier ou presque, par prudence (lire méfiance). Heureusement, tu n’as que très peu de babioles à sceller dans un sac que tu espères étanche. Pas question pour toi d’encourager les magouilles de Leonas, non.

Tu gardes un regard entendu pour Carmen que tu laisses derrière quand tu plonges. Elle n’aura que de le récit de vos exploits à aller colporter à sa maîtresse, tant mieux pour vous. L’eau est comme une gifle glacée, mais ses profondeurs sont clémentes, rien pour te rappeler les affres de la mer. Seuls des mouvements affolés en perturbent la surface, tu te hâtes de nager vers leur provenance. Tu ne connais pas ce pauvre bougre qui tente de nager, un masque qu’il avait un visage maintenant en main. Ce que tu connais, c’est l’expression des mauvais.es nageur.se.s. Tu lui pointes ton dos d’un signe ferme de la main, pour qu’il s’y accroche. Tu n’as pas de souffle à perdre à l’attendre trop longtemps. Quelles que soient ses motivations, tu ne peux pas le laisser à se débattre ainsi comme une abeille dans une piscine.

Une fois le jeune homme démasqué bien installé, tu redoubles d’ardeur pour nager vers le fond avec ton nouveau fardeau. Il reste à espérer que la grotte ne soit pas trop loin, sans quoi vous risquez tous deux la noyade. Si tu te fies à ta malchances des derniers jours, tu n’en serais même pas surpris.