Par la force des choses, ceux qui travaillent avec lui sont les premiers à découvrir qu’il n’est pas vraiment méchant, qu’au contraire il est peut-être même foncièrement bon – qu’en somme il a simplement loupé le coche de la délicatesse.

Discipliné et soigneux, il ne jure en effet que par l’efficacité et n’a absolument aucune considération pour les susceptibilités de chacun, encore moins pour les siennes. Son orgueil le pousse à vouloir trouver une solution dans chaque problème, sans détours inutiles. C’est ainsi un travailleur acharné qui vient en aide à quiconque solliciterait ses services, pas vraiment avec l’obligeance d’un altruiste, mais avec la méthode et l’ordre d’une machine qui ne s’arrêterait ni au faciès, ni à l’individualité et autres trivialités identitaires. Il n’est pas tout à fait immoral, cependant on sent bien qu’il pourrait le devenir en cas de force majeure, or s’il est à cet égard doté d’un solide bon sens, celui-ci n’en reste pas moins à double-tranchant.

Sa philanthropie a donc quelque chose de paradoxal : en un sens, il se soucie véritablement des autres et de leur bien-être, mais avec un étrange fond d’exaspération résignée, comme s’il avait trop observé chez son prochain une tendance à l’auto-sabotage et qu’il fallait avant tout le protéger de lui-même – il a d’ailleurs en horreur les conflits d’égo qui agitent Althea. Chose étonnante encore, il est bel et bien capable d’empathie et de sollicitude envers son plus proche entourage, c’est simplement que celles-ci s’expriment souvent d’une manière incongrue, voire franchement irrévérencieuse – par exemple, à une formule chaleureuse comme « Je te soutiens de tout mon cœur. » il préfèrera « Puisses-tu te sortir promptement les doigts du cul, mon ami. »

Dans le cadre de son métier, il reste assez flegmatique mais peste beaucoup contre les imprudents, voyant dans la témérité inutile un genre de gaspillage corporel qu’il a du mal à pardonner en raison du caractère miraculeux de leur survie, à tous. Lui-même tâche de se montrer avisé en toutes circonstances et endosse volontiers le rôle du rabat-joie qui mouche les têtes brûlées d’un « Minute, papillon. » Cela ne signifie pas exactement qu’il refuse de se montrer aventureux : bien au contraire, il chérit la connaissance et l’érige au rang de divertissement, c’est-à-dire qu’il ne renonce que très difficilement à la poursuite d’une découverte, d’un secret. Homme de terrain malgré tout, il n’hésite pas à se salir pour aller lui-même réapprovisionner sa trousse et compense les lenteurs de ses innombrables précautions par sa résilience et son astuce.  

— Il se souvient à peine des gémissements et des pleurs, des débris, de la poussière et des corps disloqués. Quand il repense au désastre, il ne voit que son épouse à quelques pas de lui, le ventre perforé, la bouche ensanglantée, le regard grossi et glacé par la douleur. Il découvre son don à ce moment-là, alors qu’il essaie, en vain, de refermer ses plaies : l’effort l’épuise jusqu’à l’évanouissement.
— À son réveil, il se mure dans un silence hébété, incapable de croire à ce qu’il voit, d’admettre l’insoutenable vérité. On ne le laisse pas consommer son deuil, cependant : ses compétences et son pouvoir font de lui un assistant nécessaire pour les médecins plus expérimentés qui essaient tant bien que mal de résorber le nombre de blessés. C’est ainsi que son apprentissage continue, loin de la spécialisation à laquelle il songeait initialement.
— Il se rembrunit de jour en jour parce qu’il ne peut plus voir le monde, et ce nouveau monde invraisemblable tout particulièrement, à travers le prisme du regard d’Ivana. Travailler d’arrache-pied est le seul exutoire qui lui reste.
— En dépit de la douleur qu’il éprouve secrètement, Althea exerce une fascination grandissante sur lui. Il s’en blâme longtemps, mais ne tarde pas à céder à une curiosité toute pacifique tandis que d’autres se déchirent. Les conflits autour de la conquête des cristaux le sidèrent : il y trouve quelque chose d’insultant et d’indigne pour les survivants qu’ils sont tous. Homme d’action avant tout, il refuse de se complaire dans le souvenir d’un passé révolu et préfère conquérir Althea autrement : par la découverte de tous ses secrets.
— Pendant trois ans, il officie auprès d’un soigneur de Requiem, jusqu’à dispenser ses propres soins de manière indépendante. Aujourd’hui, il dispose de son propre cabinet de consultation et assure plusieurs permanences par semaine à l’Entre-guerre pour soigner les voyageurs infortunés. Lui-même devient explorateur à ses heures perdues, puisqu’il accompagne occasionnellement des expéditions organisées pour percer les secrets d’Althea.

Anecdotes complémentaires : Il se débrouille plutôt bien en anglais, « mais pas trop » – simple question de mépris culturel, dira-t-il. — Il est malade en Cristarosse. — Le premier objet qu’il a animé est un stéthoscope à deux pavillons particulièrement hargneux. Le deuxième est un squelette humain articulé grandeur nature, qu’il a nommé Arthur. Il est d’une politesse extrême mais la faible maîtrise de son don ne lui permet pas encore de l’animer entièrement : seules la tête et les mains bougent pour le moment. — Il essaie généralement de se coucher tôt et de se lever « aux aurores », même si c’est rarement possible (sans compter que le fait de vivre dans une nuit perpétuelle tend à complètement dérégler son rythme de vie). Son besoin de sommeil est relativement faible. — Il aimerait pouvoir passer plus de temps aux archives magiques. — Même s’il prétend avoir réussi à faire son deuil, il ne se passe pas un jour sans qu’il ne se demande « Qu’aurait pensé Ivana de toutes ces merveilles ? » D’ailleurs, il porte toujours son alliance. — Il paraît que Perdition exerce un puissant attrait sur lui. — D’une manière générale, il n’est pas un soigneur très apprécié en raison de sa causticité chronique et de ses remarques moralisantes. Il n’est de toute évidence pas là pour déculpabiliser ses patients mais pour les soigner efficacement et les enjoindre de se montrer plus prudents. — Il prend un malin plaisir à essayer de deviner les causes des blessures de ses patients à l’Entre-guerre. — Le goût qu’il peut avoir pour les hommes ne s’est jamais imposé à lui. Il l’étouffe assez aisément, sans vraiment en souffrir pour l’heure, aidé malgré lui par un milieu résolument hostile à l’homosexualité. Il n’a pas eu l’occasion de se montrer téméraire à ce sujet. La nette préférence qu’il a toujours eue pour les femmes a fait le reste. — Il n’a jamais réussi à connaître le sort de ses parents : il suppose qu’ils ont eux aussi été engloutis par le gouffre mais voudrait se tromper.