Il y a la légèreté dans ces pas d'enfants qui va voir son amoureux, la nuit éternelle borde ses cheveux et puis, il est si beau Acace (s'est-il préparé dans les coulisses du cirque pour rendre visite à la Narcisse?). Il a mit cette jolie robe noir qui va si bien avec son teint de porcelaine, ses cheveux de jais, contraste l'océan de son regard. On dirait un sorcier tout droit sorti d'un dessin animé, on dirait l'ensorceleur de ces rues bondées de si bon matin aux étoiles incandescentes et puis, il trouve son fidèle compagnon, non le balais, non, la touffe de poils abandonnée dans les décombres de cartons, toute seule, enroulée sur elle-même, pauvre bête à la fourrure cendrée de poussière. Il prend le chat tout entre ses bras, il a les griffures sur ses collants étoiles et sur ses petits doigts mais le sourire collé au visage poupon. Il est incroyablement heureux de se trouver là, il a envie de sautiller tout de joie, et d'ailleurs le fait.

Et le voilà qui toque, qui entre, se faufile comme le chat entre ses bras et s'étire en riant un peu. Oh, Narcisse, es-tu heureux.se de le retrouver ici, alors qu'il laisse l'animal couler au sol jusque tes plantes? Il a l'air tout joyeux de te revoir, lui, il tourne un peu, observe donc son attirail, tu veux, il a les paillettes sur le corps, sur les bras, sur les cheveux, il s'est fait tout beau, est-ce pour toi?

« Je t'ai manqué? »

Oh sourire chafouin, oh, sourire divin. Ses lèvres s'étirent, tirent, tirent et n'as-tu pas envie de les croquer, alors qu'il s’assoit passivement sur une chaise et caresse le doux nouveau compagnon qui a rayé sur ses frêles jambes les zébrures du tissu? Et il relève la tête vers Narcisse, ses yeux brillent, son être vibre, il faut croire que, même après deux semaines sans avoir vu le visage de sa douce fleur à la rencontre impromptue, Acace ne prend guère compte du temps. C'était comme si, hier, il était encore entre ses bras dans ses draps, comme s'il s'était enfui tout de nuit, petit voleur de cœur mais finalement : le revoilà. Et peut-être les pardonnes-tu déjà.

« A moi, oui. »

Et il se lève, s'approche, tangue si proche du visage de la douce fleur, hume cette odeur délicieuse et, et... Et il y a enfin cet éclat de rire ce sourire satiné, des dents d'ivoire entre ces lèvres fines. Narcisse, le revoilà, celui qui promet Amour solitaire des longues nuits, le revoilà qui veut de toi, aujourd'hui.

Oh, la réponse vient d'elle-même, sans le moindre mot. Narcisse communique sa réalité par les lèvres pressées contre celles d'Acace qui rit tout contre elles. C'est un peu désagréable, c'est doux, c'est authentique. Il n'y a rien à redire à ça, car il lui susurre les amours contre ces chairs là, et puis lui caresse un peu les cheveux, les tire en arrière sans faire trop de mal (ça tiraille, c'est pour mieux lae voir). Il y a les souvenirs qui ne s'effacent pas, quand les peaux se frôlent. C'est le temps passé éloigné qui les rejoint à nouveau. C'est plus fort qu'eux, vraiment (mais l'acace est trop aveugle encore ces destins liés). Mais le démon brise le pot. Ça s'étale en terre, ça éloigne les bouches, ça délie les lèvres. Acace voit le regard sombre, ça le fait frissonner, s'éloigne un peu, attrape le matou. Il le blottit contre ses cuisses tout en boule, sur sa jolie robe avec les poils de chat étalés.

« Que dis-tu? Ce n'est qu'un démon de par son pelage. Tout lavé, il sera noir comme la nuit. Ça ferait un peu de compagnie. »

Lui caresse le poil, flatte le colle. Ronronne, vibre le cœur. Il oublie un peu Narcisse mécontent.e, observe les yeux pétillants de l'animal. Oh, il pourrait bien conter son amour de la bête mais, il ne saurait la ramener avec lui sous sa tente. Le désert la tuerait (lui survit). Il faudrait lui trouver refuge à Requiem, mais voit bien le regard de Narcisse, comprend bien sa hantise. Alors se lève, pose l'animal sur son épaule (s'y perche, analyse si bien l'hôte de maison de ses yeux ronds).

« Il te fait peur, dis? Alors qu'il semble si mignon? »

Sont-ils cousins éloignés. En quelque sorte, les deux se ressemblent. Serait-ce la couleur de leur pelage? Celui de leur regard? Ou cet aura moqueur, chafouin, celui qui vient taquiner sans s'arrêter. Acace rit et puis glisse les bras autour de Narcisse, lae serre un peu contre lui, le chat pose bien le museau contre l'oreille de l'apothicaire.

« Si tu veux, je me salirai les mains pour rempoter l'enfant brisé. »

C’est que Narcisse a de ces douceurs d’enfants que l’on n’explique pas véritablement. Il y a ces boutures tout partout qui traînent, languissent leurs feuilles sur les étagères et le sol, et la nouvelle plante qui s’orne des rayons du soleil anime de quelques pirouettes la pièce bien morne (aux allures trop calmes des fleurs endormies). Oh, oui, il a amené le pauvre démon des tourments à Narcisse, c’est que le chat se plaît d’ores et déjà parmi les quelques orchidées aux pensées étourdies vers le sol, c’est qu’il laisse ses coussinets vagabonder de sol en sol, laisse les traces de poussière dans le sillage de sa queue, et Acace est tout simplement épanoui dans cet univers de lumière qui ne lui appartient nullement. Il fait pourtant la moue, il cherche des yeux ceux de l’âme du narcisse qui ne cesse de rejeter le compagnon sorcier d’infortune.

« Oh, voyons, nous savons bien tous deux que tes enfants s’amusent enfin de voir celui d’un autre les rejoindre. Je suis sûr qu’ils trouveront un certain bonheur à cette compagnie au doux poil. »

Et garde encore le sourire des méfaits, Acace, il te va si bien l’on dirait un mensonge d’autre part. Et c’est qu’il observe le démon se lécher le poil pour le rendre plus éclatant, se demande s’ils n’ont dans le regard la même malice car, lui aussi, s’infiltre dans la vie des autres sans en demander l’avis. C’est ainsi qu’il est fait, Acace, c’est ainsi qu’il tend des bras vers le bonheur car Narcisse le lui cède su bien.

« Oh, la terre ne me fait plus peur. J’ai mille grains de sable dans les chaussures, il me semble que le l’ocre et la mousse se mariaient si bien. »

Il faut bien cela pour laisser sur la langue le goût en suspens des idées envolées. Oh, un mariage de roi, il faudrait en rêver mais Acace a le cœur à la dérive, et s’il épousait Narcisse dans quelques champs de la Vallée, il risquerait de trouver bien fade le paysage des dunes, à rêver d’autres paires de bras si loin déjà. Oh, non, Acace a donné sa vie à bien trop d’Hommes, déjà, il risquerait de se jeter dans le gouffre en ouvrant son cœur tout grand, ce serait le chagrin qui couperait ses pétales (encore). Il a bien trop peur de se laisser butiner par la même abeille toute une vie, il faudrait lui plaire sans s’arrêter (redevenir Cosmos, quel cauchemar).

« Qu’as-tu donc à me proposer ? Je te sais plein.e de surprise, il faudrait bien que je te laisse me surprendre un peu plus, je me contenterai de nourrir mes yeux de tes sourires s’il le faut. »

Il a le sourire trop charmeur, c’est qu’il ne s’apprête à rien d’autre que passer quelques temps au bras du narcisse amoureux, la fleur en pleine éclosion (encore). Il va falloir prendre gare, Narcisse, tu risquerais de te brûler quelques pistils en t’accrochant trop fort à Acace. Mais il y a l’affection à foison, on ne peut le nier, alors peut-être que tout irait bien, qu’il mimerait l’amoureux transi encore quelques temps (l’est-il, sûrement).

« Oh, il faudra aussi nourrir le chat. Tu sais, Cassis semble peut-être un peu trop maigre. Dis, je ne pourrai le ramener entre les quelques grains de sable, il est bien faible pour survivre sous le soleil. »

La demande est sous-entendue, le sourire bien grand. Oh, accepte, dis, Narcisse, accepte.

Acace est mené comme enfant dans le garde manger. L'on a pas le loisir de se servir dans tel potager, entre les dunes et le sable. Il se penche avec curiosité, observe, l'œil félin, les pauvres légumes se faire arracher. Oh, il observera ces doigts tous fins arracher des entrailles de la mère affective les enfants pour les dévorer jusqu'à ce que repas ne soit prêt. Il rit un peu à l'idée, se salirait bien les doigts pour aider, mais est un peu capricieux, ne le fait pas, ne saurait s'y prendre, de toute évidence. Et peut-être Narcisse chasserait l'autre chat de l'un de ses regards noirs qu'il a lancé à Cassis en renversant son pot, pour l'empêcher de détruire tel potager. Il laisse les étreintes pleines de terre durer, absorbe cette odeur des fleurs de ses narines avides, laisse les corps s'emboîter avec évidence et sourit en se reculant, bien amusé.

« Tu parles comme si la soupe me fera encore grandir. »

Et, peut-être était-ce vrai. Il grandissait parfois encore, espérait, cependant, ne dépasser ce menton qui trouvait refuge entre les mèches noires de jais. Il laisse les doigts effleurer les beaux habits, les peaux pâles et sublimes, lève ce menton pour mieux voir les opales brûlantes sur son corps, sourit bien malicieusement. Mais il est capricieux comme un enfant, il le suit en intérieur et fait du bruit comme dans sa propre maison, comme en ses propres murs (alors qu'il n'a ni l'un, ni l'autre). Il s'installe en face des beaux yeux de Narcisse, fait une petite moue de laquelle ressort ses lèvres toutes jolies, presque autant que ses collants déchirés aux griffes acérées.

« Tu ne m'as pas répondu! Imagine, Cassis, sans maison, sans personne. Il va s'ennuyer et se perdre. Tu sais, ça fait mal d'être abandonné. »

Oh, parle-t-il de lui-même ou de la bête, qui, de ses yeux tous ronds observe le duo. Sans grande émotion.

Narcisse ne regarde pas la casserole. Elle déborde, déborde, et Acace observe les bulles qui passent sur les plaques chauffantes, il se lève, il contourne le buffet sur lequel il s'était avachi et puis. Il attrape un torchon, pousse la gamelle, observe la soupe qui n'est, finalement, peut-être pas totalement ratée, si? Elle sera un peu fade, peut-être (il faudra bien assaisonner, comme la vie de Narcisse, voilà tout). Il reste sans rien dire, sans rien faire. Le chat, là-bas, s'est roulé en boule contre le sofa sans un bruit et dort de ce sommeil profond qui ne dérange pas, qui le rend presque adorable, oui.

C'est que le silence se fait lourd, Acace glisse les mains contre celles serrées de la fleur, délie les doigts, les enlace aux siens (amoureusement, peut-être). Il se colle contre ce corps chaud, peut-être se fait-il un peu plus docile (et à l'écoute), quand il enlace ce corps, quand il se presse (comme un chat) contre son dos, contre son bras, contre son torse. Il glisse les bras autour de la taille et cherche le regard envenimé de l'amant, là, doux sourire sur les lèvres quand il se met sur la pointe des pieds et murmure, tout contre le visage.

« Ne voulais-tu me laisser goûter à tes veloutés? Ne les laisse déborder. »

Oh, non, Narcisse, ne laisse tes colères et tes haines glisser sur les peaux des autres, regarde le, Acace, à te faire les yeux doux pour calmer tes ardeurs. Il glisse un baiser sur les lèvres tendues, il s'évapore à tes côtés quand il retourne observer les quelques plantes qui poussent bien (il s'y marie parfaitement, ne veux-tu le laisser fleurir dans ton salon?).