Un tapis rouge, alors? Elle soupçonne Sasha de bien vouloir en réclamer un. Cela la fait un peu sourire, quand elle hausse les épaules. Elle n'était jamais passée pour une star nationale, pas au point qu'on l'accueille de ces faux semblants et d'un tapis bien trop long sur lequel elle se tordrait forcément une cheville (marcher en talon sur du tapis, quelle horreur). Elle aurait bien plus accepté les quelques paroles avantageuses sur les demoiselles qui se présentaient ainsi en robe de soirée dans un endroit qui n'avait de luxueux que les illuminations en son plafond. Mais même ça, elles n'avaient le luxe de le recevoir.

« Oh, vous savez, les tapis rouges c'est un énorme cliché, je crois que je préférerais encore bien marcher à côté. »

Elle n'avoue sa véritable pensée, mais ne se dérange pas pour remarquer l'air sceptique en la voyant perdre plusieurs centimètres d'un coup. Elle redresse le menton, toujours habituée aux remarques, aux piques car, il est vrai : Raphaëlle est petite. Mais cela ne l'empêche d'avoir de la grandeur, surtout lorsqu'il s'agit de remettre à leur place les malotrus qui ont l'audace de le lui faire remarquer pour se moquer, purement et simplement. Mais elle voir bien, dans les yeux de Sasha, qu'il ne s'agit de ça, et rit un peu.

« Vous êtes au courant de mon plus grand secret : je suis une naine. »

Elle se moque d'elle-même, n'en a définitivement plus grand chose à faire. Elles s'amusent, c'est tout ce qui compte. Et les remarques de la polarienne la font bien rire, car elle se doute qu'aucune ne sera véritablement meilleure que l'autre (dépasser un score de deux points, était-ce du talent?). Mais face aux réflexions, Raphaëlle fait presque bien mine d'en être vexée, se tourne vers la demoiselle, la toise un instant et s'assoit à ses côtés.

« Je demande à vous voir jouer, alors. »

Mais Sasha n'est pas bien plus douée qu'elle, se donne quelques excuses qui la font bien sourire. C'est qu'elles s'entendent étonnamment bien, finalement. Peut-être que l'Astre a bien fait de se rapprocher avec aussi peu de douceur de la jeune femme, en cette soirée. Mais la voilà qui éclate de rire en la voyant s'écraser sur la piste, elle se redresse pourtant presque aussitôt, la rejoint sur le bord de la piste et se penche, pour la redresser parce qu'elle n'a le cœur à la laisser au sol. Elle replace quelques mèches des cheveux blonds de sa nouvelle amie, elle lui offre sa malice au fond des yeux.

« Effacez moi donc cette moue, elle ne vous sied guère aussi bien que vos sourires. »

La laisse se reprendre, ô grande duchesse, et puis penche un peu la tête.

« Dangereux? Je crois que votre robe a voulu faire une tentative de meurtre, voilà tout. Et puis, vous avez fait tomber une quille. »

C'était la plus grande surprise sur le coup, après les quelques phrases envoûtantes que la danseuse avait pu lui dévoiler, après le flirt si peu dissimulé. C'était peut-être bien plus fort qu'elle, finalement. Mais elle ne mentait pas : Sasha avait bien un point! Et elle, toujours zéro.

« Il va falloir que je me rattrape, si je ne veux me faire écraser par tant de talent. »

Sasha est avide des lumières, du feu des projecteurs ; intriguants, envoûtants. Un peu (beaucoup) de luxe dans sa vie de polarienne mondaine. Le tapis rouge, elle n’aurait pas dit non. Tout comme elle n’aurait jamais refusé un beau collier de diamant ou la coupe du meilleur champagne. Aime tout cet attirail doré que d’autre dénigreraient. C’est « trop » lui dira-t-on.
Mais ce n’est jamais trop.
C’est tout juste assez.
Elle voit bien que l’autre n’est pas dans ces fantaisies d’argent ; les gens le sont rarement autant que la russe.
Un énorme cliché oui, comme toute sa vie peut-être. Elle le pense un peu, ne le dira jamais.
« J’ai défilé toute ma vie sur les pistes et les beaux tapis, l’habitude ne se perd pas aussi facilement. »
Repense aux défilés, tandis qu’elle paradait vêtue de ce que les créateurs voulaient bien la parer. Les  mannequins sont des accessoire, Sasha n’en a jamais douté. Une trace de son passé dont elle ne se plaint pas ; c’était une rébellion, une envie et une passion. Révolues. Tout comme elle balaye ses propres paroles d’un geste. Un passé dont elle n’aime pas s’aventurer.

Si la polarienne a feint d’ignorer la différence de taille si flagrante, l’autre se fait finalement moquerie de sa propre hauteur. Ça l’amuse Sasha, cette tête fièrement redressée dans un air de défis. Petite mais pas faible. Petite mais pas insignifiante. Raphaëlle a la grandeur des souveraines. Alors la russe ne peut s’en empêcher, elle qui comptait tout d’abord ignorer. Pose une main sur la tête de la belle Astre, les cheveux soyeux venant lui chatouiller la paume. L’air faussement soucieuse de les comparer comme si effectivement, réflexion il devait y avoir. Oh mais elle ne peut cacher son petit sourire narquois en coin. Ce n’est pas méchant, juste amusant.
« Buvez un peu de soupe et peut-être que vous me rattraperez. »
Un défis sans aucun sens, le cygne ne grandira plus c’est indéniable.
Et la soupe n’a jamais fait grandir personne. Pour preuve, Sasha déteste ça.
Mais si Raphaëlle se moque d’elle-même, pourquoi la russe ne pourrait-elle faire de même ?

N’en était pas sûre en rentrant dans ce lieu étrange, mais elle s’amuse. Énormément. Et quelle importance si aucune ne sait jouer ? Peut-être vaudrait-il mieux arrêter tout ce système de point et de quille. Car c’est une évidence, elles ne dépasseront pas la barre du zéro. Un peu décevant quoique réconfortant. S’il n’y a pas de défis, il n’y a plus qu’à en rire.
l’aristocrate est à terre, tout cela est bien misérable. Un peu d’aide ne serait pas de refus et elle accepte avec plaisir la main de sa nouvelle amie. Dépoussière sa jolie robe en grimaçant, il ne manquerait plus que celle-ci se déchire et la laisse tout indécente (serait-ce tellement un drame ? Peut-être pas).
C’est certainement pour lui faire plaisir que Sasha lâche immédiatement sa petite moue pour se vêtir d’un grand sourire. Oh peut-être un peu trop grand, mais comment résister à la malice au fond des yeux de l’autre ? C’est là une jolie mascarade, quelques petites sourires de trop, regards de trop. Un jeu dangereux auquel elle ne pourrait se soustraire. Pourquoi le ferait-elle ? Il n’y a plus que les doigts qui s’approchent trop près (s’accrochent) tandis que peut-être, le souffle s’arrête. Un peu comme le temps semblerait-il.

Le visage est beau sous l’éclat des yeux. Mais il y a encore plus beau tandis que la blonde se retourne après un murmure de remerciement. Une quille est effectivement tombée. Petit miracle sous les nombreuses œillades.
« Cette robe est bien trop encombrante, je devrais l’enlever  (peut-être est-ce une mauvaise idée). Mais j’imagine que je lui dois la victoire pour cette manche, une quille ce n’est pas rien ! »
Elle en rit. De ses phrases balancées avec bêtises, on ne peut rattraper les mots et de ce simulacre de victoire.
« Oui faites donc, il faut dire que j’ai pris tellement d’avance… Peut-être devrait-on me déclarer d’ores et déjà gagnante. »
Mais cela leur ferait rater une si belle partie.
Alors Sasha lui laisse la place, un sourire engageant plaqué sur le visage. Les yeux un peu trop brillants.
« Essayez donc de marcher sur votre robe, c’est apparemment ici la clé d’un bon lancé. »
Elle se moque, un peu d’elle-même, un peu de l'autre, un peu de tout.

Alors Sasha est de ces stars terrestres qui s'oublient sur Althea. Les rôles sont inversés (malgré la taille), la petite Raphaëlle devenue célèbre sur les devants des scènes de Requiem, Sasha plus tassée dans les ombres polariennes. Mais elle ne peut pas dire que cela entache à la beauté de glace de la jeune femme, non. Elle décide cependant de ne pas prononcer sa pensée, peut-être cela froisserait-il sa nouvelle amie. De plus, elle ne semble pas vouloir s'y étaler, et ne la forcerait certainement pas. Elle a le sourire au bout des lèvres, quand Sasha compare leurs tailles, quand elle pose sa paume sur ses cheveux et puis, pouffe de rire, secoue la tête. Elle a l'orgueil des plus grandes dames, il serait mal-venu de la prendre ainsi de haut... D'en d'autres circonstances. Elle aurait peut-être hurlé sur les actes de la demoiselle, si elle n'avait pas décidé qu'elles étaient meilleures amis pour la soirée. Alors c'était tout pardonné, comme si rien ne s'était passé, comme si ce n'était que chamailleries de vieilles connaissances.

« Ah, voilà la vérité. J'aurai mieux fait d'en boire plus souvent, depuis le temps. Après, me direz-vous, je n'ai guère envie de me baisser pour passer sous les portes. »

Mais l'histoire est bien vite oublié. La chute, mais bientôt le grand sourire de Sasha, ça ferait bien fondre Raphaëlle. Elle ne peut s'empêcher de sourire, elle aussi, de laisser ses lèvres s'étirer et puis, c'est bien agréable de la voir obtempérer si rapidement. Est-ce de son propre chef, en est-elle seulement consciente? Elle serait bien capable de la dévorer, la grande Sasha, si celle-ci ne se montrait plus prudente. L'Astre y croquerait bien un petit morceau, si elle décidait de la laisser faire. Et le rire reprend, encore, elle acquiesce.

« C'est la robe de la victoire, et puis, il ne faudrait vous déshabiller ici, il y aurait bien trop de témoins. » Fait une courte pause, mimant la réflexion. « Je crois que je vais perdre. Vous m'avez effectivement bien trop dépassée, il va falloir que je me rattrape le plus vite possible, sans quoi vous allez creuser l'écart. Mais je crois que je me passerai de vos astuces, après tout, un bleu ne vaut pas la victoire. Et je vous laisserait volontiers gagner, si cela vous orne de plaisir. »

Lui fait un clin d’œil et s'éloigne finalement. Elle est plus franche dans ses commentaires, c'est bien volontaire. Elle se laisserait jeter, si Sasha n'était réceptive, mais il se trouve que ce n'est pas le cas. La princesse des neiges se plaisait-elle dans cette situation? La voilà qui s'élance sur la piste, ces idées en tête. Elle fait, elle aussi, tomber une quille et se retourne, comme dans ces films américains, presque cheveux au vent, héroïne de la situation.

« Renversement de situation, je risque bien de prendre la main. »

Il n'en est rien, car les voici à égalité.

« Eh bien, la chance ne sourit qu'une fois. Moi au moins, je ne m'écroule guère au sol. »

Peut-être joue-t-elle un peu, lui lance-t-elle aussi quelques piques. Car après tout, cette chute était véritablement amusante. Et elle s'en souviendrait encore longtemps, croyez le.

Sasha éclate de rire à la répartie de sa nouvelle amie. Car à vrai dire Raphaëlle n’est pas si petite que ça, c’est probablement la russe qui est bien trop grande. Elle qui s’était toujours félicité de cette haute stature lui permettant de défiler où elle le désirait, de récolter les sourires, regards admirateurs  et de finir les roses à ses pieds. Même aujourd’hui encore, sa grande taille ne la dérange pas, lui permet de surplomber certains hommes du haut de ses talons encore plus grands. Un regard narquois parfois si peu dissimulé quand ils rougissent de se trouver trop petit pour la grande dame de glace. Mais la petite taille de Raphaëlle, elle trouve ça adorable, ne faisant que lui rajouter du charme bien qu’elle en atteigne déjà les sommets.
Sasha porte la main à son cœur en grimaçant faussement, comme attaquée par les amusants propos.
« Suis-je donc si grande que ça à vos yeux ?? Sachez que je passe très bien les portes. »
Elle en rit un peu, de cette mascarade étrange, envoûtante.

Mascarade qui continue quand les regards sont de trop, les réflexions consternantes mais si tentantes. La malheureuse chute est bien vite oubliée. Évidemment Sasha ne compte pas se déshabiller ici. L’Astre lui offrirait-elle vraiment la victoire pour son simple plaisir ? Elle en doute.
« Ne soyez pas pessimiste nous ne sommes jamais à l’abri d’un retour de situation. Qui sait, peut-être gagnerez-vous cette partie. »
Le ton est joué, Sasha n’aime pas perdre. Pourtant en cette belle soirée cela ne la dérangerait pas de laisser une petite victoire à l’autre. Un petit cadeau de bienvenue pour son arrivé à Polaris peut-être.  Dommage qu’elles soient en ce sport toujours aussi nulle l’une que l’autre.
Car finalement, c’est bien une nouvelle quille qui tombe dans l’équipe adverse pour le plus grand bonheur de Sasha qui se langui d’un peu de challenge. Ou peut-être son bonheur n’est-il du qu’à la joie brillant dans le regard de l’autre. Oh tout cela était bien compliqué.
Un petit sourire pour féliciter la « victoire » du cygne, s’approchant à son tour.
« Voyons ne soyez pas vaniteuse, le sol est ici bien plus confortable qu’il n’en à l’air. Peut-être devrais-je tomber une nouvelle fois pour espérer remporter un point… »
Fait mine de réfléchir, mais il est évidemment hors de question qu’elle passe sa vie à chuter sur ce sol sale et poussiéreux ; une fois suffisait.
Prend la place de Raphaëlle, s’amusant à la frôler dans un grand sourire de défis (lequel, elle ne sait pas). Ne se plaisait-elle pas un peu trop ici ?
Mais c’est son tour et leur jeu ridiculement nulle devient bien ennuyant. Tandis que la boule fuse et semble partir encore une fois vers la rigole (quel étonnement) une petite pensée de Sasha et un peu de concentration la fait Ô quel heureux hasard dériver vers le centre de la piste. Il n’y a pas à dire, la télékinésie était bien pratique dans ce genre de jeu. Une trace écarlate vient couler de ses narines qu’elle essuie tout aussitôt tandis que ce n’est pas une mais six quilles qui viennent s’écrouler à l’autre bout de la piste.
Elle se retourne tout sourire vers le joli cygne, toute excitée.
« Ne serais-je pas en train de devenir une pro du bowling ? Je m’épate moi-même mais ne soyez pas trop déçue. »
La vilaine tricheuse qui n’en pipe mot.
« Peut-être devrions nous donner un gage à la futur perdante pour pimenter un peu cette soirée, qu’en dites-vous ? »
Non pas qu’elle soit sûre de gagner.

Gagner la partie semble soudainement bien difficile. Quand Sasha vient la narguer, presque les corps attachés, elle se demande s'il ne serait judicieux de laisser Sasha gagner, juste pour voir ce sourire narquois collé aux lèvres plus longtemps. Ce sourire de victoire, de délectation qu'elle pourrait deviner à la fin de leur petite partie d'euphorie. Oh, elle entend déjà les railleries de Sasha à propos de sa chance, de son talent, de tout ce qui pourrait bien rappeler au pauvre cygne sa défaite.

« Si tel est votre seul moyen pour remporter quelques victoires, je me ferai un plaisir de vous ramasser chaque fois que vous perdrez l'équilibre. »

Et elle ne voit pas de suite la supercherie, Raphaëlle, songe à un coup de chance en voyant la courbe étrange de la boule qui fonce droit dans les quilles. Elle la félicite, applaudit légèrement, le rire au bord des lèvres face à ce compliment que la jolie blonde s'offre à elle-même. Elle secoue la tête, elle a ce sourire amusé qui tangue sur le bord des lèvres, Raphaëlle. Peut-être que Sasha est la plus belle découverte du Mont Celestia.

« Oh, voyons, je ne suis que ravie de voir que vous êtes bien meilleure que vous ne me le faisiez croire. C'est là bien une aubaine, vous aurez l'occasion de vaincre, qui sait? »

Elle laisse le suspens flotter, réfléchit bien à utiliser les bons mots, et s'approche de Sasha, relève la tête, petite lueur de défi au fond des prunelles. Elle ne laisserait la jeune femme la distancer, ça non, et décida même qu'il était temps de se laisser aller à quelques folies de plus, de cette soirée déjà bien entamée.

« Eh bien soit, nous choisirons en fonction de la gagnante, faisons cela. »

Et relance la boule, fait un bien piètre résultat, mais les tours avancent et voit que Sasha essuie le sang sous le nez, se doute de la tricherie et sourit, fait mine de rien. Elle-même s'avance bien contente, s'apprête à faire un de ses pires lancés mais la boule s'anime dès le sol rencontré. Et c'est un strike! Elle sent sa tête un peu lui tourner, tout juste surmontable, et se retourne avec un sourire ravi au bord des lèvres. Oh, elle ne dirait pas avoir usé de son don, il fallait bien faire semblant, là encore. Peut-être avoueraient-elles toutes deux le péché du soir, plus tard.

« Il faut croire que vous n'êtes pas la seule à être dotée d'un éclair de génie. »

Elle chercherait sa petite faveur, était bien déterminée à l'avoir.

La partie semblait bien engagée pour la grande blonde. Petit sourire de naïve impatience. Accueille les petites phrases épinées de l’autre dans un haussement d’épaule enchanté. Si Raphaëlle se donnerait la peine de la ramasser à chaque chute, elle ne dirait peut-être pas non. Leur carapace tombe petit à petit, les mots se font plus directs, flatteurs et renversants. La glace qui tombe à leurs pieds, immense cascade dorée. Qui aurait cru que les grands mondains d’à côté serait aussi vite oubliés. Un autre monde un autre temps. Les quilles se renversent (ou non) et c’est une joie de ne pas se trouver là-bas. Leur fuite lui paraît bien ancienne. Autre jour, autre sourire.

Elle est un peu fière Sasha, de ne pas s’être fait prendre à l’odieuse mais si amusante tricherie. S’arme d’un petit sourire.
« Me voilà effectivement dotée d’un talent caché. »  Un peu de peste dans son regard narquois
Mais pour un temps seulement. Si les félicitations sont bien accueillis alors que les tours s’enchaînent et se déchaînent, voilà la boule de l’Astre qui file tout droit vers le centre. Oublié la rigole qui semble trop les attirer, les quilles flanchent et fracassent le sol.
Sasha est perplexe, ne s’en cache pas. La tricherie, ça va dans les deux sens. Pourtant, c’est un sincère applaudissement qui vient féliciter le cygne alors que s’orne son sourire.
« Quel lancé ! Peut-être êtes-vous vous aussi ben plus talentueuse que vous ne le pensez. »
Elle n’est pas contre un peu de défis Sasha, ça l’amuse même, elle qui n’aime pourtant pas perdre.

Alors les quilles continues de tomber (s’écraser) autant pour l’une que pour l’autre. La polarienne n’est plus très sereine alors que les tours s’enchaînent et que bientôt arrive leur dernier lancé. Pour l’instant, une parfaite égalité. Fait mine de réfléchir en observant leur tableau de point.
« Hum j’ai peut-être parlé un peu trop vite, vous pourriez bien gagner. Alors peut-être devrais-je vous haïr pour l’éternité. »
Si elle n’en pense pas un mot, les yeux s’accrochent aux autres, un sourcil levé dans un petit air de défis amusé.
Concentrée, sa boule vient glisser au sol. Mais son don est fatigué d’avoir tant tiré et ce n’est finalement que 3 quilles qui viennent s’étaler avec fracas. Elle hausse les épaules, la tête lui tournant bien plus que ce à quoi elle s’était imaginée. La folie du jeu probablement. Plus tard, une affreuse migraine lui retournera probablement le cerveau. Plus tard.
« À vous. J’ai comme l’impression que notre chance commence à tourner... »

Oh, que cela fait plaisir d'entendre les compliments prononcés, malgré la tricherie, malgré le talent inexistant qu'elle a su mimer. Il faut bien croire que c'est chacune son tour, mais se doute qu'elle ne saurait refaire la même chose plusieurs fois, non. Elle sait que si sa tête tourne de trop, elle risque bien de se dévoiler au grand jour des pires joueurs. Et, bien qu'elle n'ait fait que copier Sasha dans sa démarche, elle n'ose véritablement le dévoiler. Peut-être un peu par fierté, ou pour dissimuler l'usurpation (à elles deux).

« Oh, voyons, je crois simplement qu'il s'agit de timing. Peut-être est-ce nos péripéties du jour, qui guident vers la victoire. »

Petit clin d’œil, c'est qu'il faut alimenter la rivalité pour obtenir quelques faveurs à la fin du jeu. Mais les quilles s'écrasent, le jeu avance, et Raphaëlle ne peut user de son don si souvent. Elle a déjà la tête qui tourne, les sens en émoi quand arrive le dernier tour. Et Sasha s'avance en toute grâce, et Raphaëlle voit son score s'alourdir légèrement. C'est qu'elle sait qu'elle ne fera pas mieux, mais espère dissimuler cette petite moue sur son visage. Elle a bien épuisé tout son don pour ses précédent lancers. Au lieu de cela, doux sourire sur les lèvres, elle se redresse une fois son tour arrivé. Elle lisse un peu ses habits, s'approche de Sasha, vole une boule non loin d'elle et lui fait un petit sourire enjôleur. Oh, elle va se foirer. Mais ça ne l'empêchera pas de faire mine d'être bien sûre d'elle.

« Oh, non, cela me chagrinerait bien que vous ma haïssiez d'une telle force. Et pourtant, j'ai bien envie d'obtenir une de vos faveurs... Faudrait-il que je gagne, ou que je perde? »

Petit sourire, et la voilà qui s'avance, après avoir contourné sa camarade de jeu, se positionne. Elle ne voit pas très bien les quilles au loin, ça la fait sourire bêtement. Elle va perdre, et le sait d'autant plus lorsque son premier lancé finit dans la rigole. Le deuxième n'est pas bien meilleur, puisqu'une unique quille tombe. Et la femme se retourne, le visage faussement chagriné. La voilà qui se retrouve à s'asseoir théâtralement, qui tourne un piètre regard vers Sasha.

« Vous n'aurez guère besoin de me haïr, je crois. C'est vous, qui venez d'obtenir une faveur. Il faut bien avouer que je suis autant excitée de la connaître, que je regrette ma défaite. mais il vaudrait mieux aller payer, l'odeur devient bien trop insupportable, ici. »

Et il faut enfiler les talons, encore, payer et puis s'en aller. Le vent doux fouette le visage, et c'est qu'il fait bien meilleur, à l'extérieur. Raphaëlle soupire de bonheur. Il en faut peu pour être heureux, mais ne se dérange pas pour accrocher son bras à celui de sa nouvelle amie.

« Alors? Vous avez déjà réfléchi à quelque chose? »

La tricherie est peut-être un peu minable, interminable. Peut-être se sentira-t-elle finalement mal de gagner ainsi la partie. Peut-être. Mais ce sont les flammes de la futur victoire qui voilent maintenant ses yeux de glace. Ce sont les sourires vainqueurs sur son visage presque innocent de celle qui ne peut que mentir devant les quilles qui joliment s’écrasent.
Mais peut-être n’est-elle pas seule à s’enliser ainsi dans sa tricherie déguisée de parades et de trop beaux sourires ; petite œillade tentatrice.
Mais Sasha préfère penser que ce sont effectivement leur folie du jour qui les ramène vers les cieux, vers les sommets neigeux. Un coup de chance un coup de génie. Elles sont toutes deux à épier l’autre dans leur hilarante comédie. C’est beau et la russe ne peut qu’espérer que tout cela continue.

« Si vous deviez vous aussi me haïr, je pense que je préférerai finalement perdre… »  et préférer chérir les sourires, les regards qui flambent.
Malheureusement pour Raphaëlle son lancé ne suffit pas. Ni le suivant, misérable petite quille délaissée sur le bas côté.
Oh cette fausse moue dégoûtée qui lui semble aussi adorable qu’un rire. Mais Sasha n’est pas dupe, la victoire ne comptait pas beaucoup pour la belle Astre.
« M’en voila ravie, j’aurai été fort peinée de devoir vous détester. »  Elle s’approche, délaisse une main sur l’épaule du cygne avec presque trop de légèreté. Petite plume trop vite envolée. Un sourire de compassion orne ses lèvres malgré l’amusement qui la traverse de voir ainsi l’autre bouder. « Peut-être feriez-vous mieux la prochaine fois. Mais allons donc payer oui, je crains fort de m’évanouir si nous restons une secondes de plus. »  Clin d’œil. Parce qu’il y aura une prochaine fois, n’est-ce pas ?

Sur les dires de la demoiselle, la partie est payée et leurs longues robes de nouveau amarrées aux poussiéreux pavés. La fraîcheur de la nuit sur leur peau fraîche, humide du peu d’exercice.
Un bras vient immédiatement accrocher le sien, la faisant un peu sourire. Fait pourtant mine de réfléchir.
« Je ne sais trop… peut-être devrais-je vous louer comme domestique pour notre prochaine journée ? »  Elle rit, serre un peu le bras de sa compagne du soir. L’idée même de voir l’Astre obéir plutôt qu’ordonner ne lui plaît guère.
Pourtant, l’idée dans sa tête est déjà toute tracée ; vilaine petite pensée. Se penche un peu sur ce visage en attente. Confidence dans un souffle chaud sous la nuit fraîche. Tend la main pour détacher l’hasardeuse coiffure d’un petit geste doux et soignée, les mèches roses un peu trop emprisonnées à son goût depuis leur expérience au bowling.
Mais peut-être est-ce une mauvaise idée.
« Très bien. La prochaine fois que nous nous reverrons vous danserez pour moi, rien que pour moi. Cela vous semble-t-il une demande raisonnable ? Je ne voudrais pas vous effrayer dès notre première soirée. »
Un petit regard complice pourtant un peu nerveux. Raphaëlle, elle ne l’a jamais vu danser (seulement de notoriété) et ne sait si ce genre de demande sera bien accueillie, petit regard d’envie.

Oh, c'est que les doigts voltigent sur la figure du cygne. Elle n'est plus l'oiseau de grâce, à présent, peut-être les rôles se sont-ils inversés. Cela ne la dérangerait nullement, mais de voir la grande dame ainsi approcher lui laissait sur le bord des lèvres l'envie de laisser son air boudeur s'évanouir. Mais il fallait garder la moue enragée des enfants pourris gâtés, peut-être pour se laisser bercer des airs amusés de Sasha, oui. Elle aurait presque honte d'avouer que voir le petit sourire tanguer sur les lèvres de son amie lui procurait une certaine félicitée.

« Au moins n'ai-je votre haine comme fardeau. Il faudra bien avouer que c'est un bon lot de compensassion. »

Et les dames longent les rues, encore. Il y a les talons qui abîment les pieds, fatiguent les jambes, les robes qui traînent, les mains maladroites qui cherchent l'autre. Raphaëlle rêverait d'une nuit sans fin, si c'était peut-être au bras de cette femme. Ou était-ce l'alcool qui exagérait quelques désirs? Dans tous les cas, la première proposition la fit bien rire. Peut-être parce que, d'un côté, elle espérait sincèrement que ce ne serait le choix premier de Sasha. Mais aussi parce qu'elle s'imagina un instant domestique, et cela avait quelque chose de cocasse. Elle doutait qu'elle avait l'étoffe d'écouter bien docilement des ordres pour les appliquer. Peut-être que les scènes de Requiem lui étaient montées à la tête.

« Oh, ç'aurait été volontiers vous savez, j'aurai pu vous casser les pieds autant que je l'aurai souhaité... Seulement, je repars déjà demain. »

Petite moue triste, oh comme elle regretterait ce bras là, auquel elle s'accrochait comme bouée. Et de la voir approcher lui fait battre des cils, cesser leur marche. Il y a les cheveux qui retombent en crinière sur les épaules, un peu emmêlés. C'est que le rose marie si bien le blond, que leur longueur étourdit. Il suffit de relever le regard vers ce visage, elle a un air d'ange, petite Raphaëlle. Et peut-être que l'orgueil d'un tel regard sur sa personne n'arrange pas les choses. Et la demande fait sourire, éclaire les dents. Elle penche la tête, un peu en avant, un peu sur le côté. Elle a cet air joueur qu'il vaudrait mieux ne pas avoir. Oh, comme la demande rend Sasha nerveuse, elle le lit sur ce visage qui n'est habitué aux malices du cygne en grâce.

« Je me ferai plaisir d'enfiler mes beaux habits pour vous prouver ma valeur. Cette demande me laisse songer à des retrouvailles en beauté dans mes propres contrées. Il faudra que je trouve quelque pièce assez vide pour n'accueillir que vous. »

Elle glisse une main sur le bras découvert de son ami, fait jouer ses doigts sur la peau opaline, et puis laisse le sourire qui orne ses lèvres descendre à l'oreille comme une confidence.

« J'espère que vous avez conscience que votre demande entretient quelques espoirs que je n'osais vous dévoiler. »

Elle se recule un peu, plante ses yeux si bleus dans la glace face à elle. Saurait-elle la faire fondre?

« Vous serez du plus bel effet entre mes bras, si vous le désirez. La prochaine fois. »

Qu'elle est franche, c'en est presque aveuglant. Elle n'en semble retirer aucune honte, de cette proposition. Elle n'est que volupté, quand elle relâche le bras de Sasha. Elle tourbillonne un peu, c'est peut-être là l'avant goût de la danse tant espérée, et puis Raphaëlle s'arrête, ouvre un peu les bras et rit. Elle rayonne sous le ciel adorné de la lune. Oui, il est vrai, elle aurait un certain plaisir à découvrir Sasha loin de ses monts enneigés. Si elle le désirait.

« Je vous recontacterai, quand j'aurai trouvé un peu de temps, et une scène pour ma petite représentation. Rien que pour nous, évidemment. »

Il serait temps de rentrer, c'est qu'au loin il y a les obligations qui rayonnent. Et elle pointe l'établissement devant lequel elles se trouvent, s'amuse bien en lançant.

« C'est ici que je loge. Il est bien aimable de m'avoir raccompagné sans même le savoir, merci. »

Elle se rapproche et dépose un baiser sur la joue de la dame des glaces. Et le cygne s'enfuit sans un au revoir, il est bien sous-entendu dans ses graciles sourires, dans la robe qui disparaît et le dernier regard lancé. N'est-elle spectacle suffisant, sans les pas entraînants de ses danses enragées?

Entre les doigts mêlés et le claquement sonore des talons, il n’y a plus qu’elles dans cette rue où souffle la nuit dans un calme appréciateur. Seul un rire pour renverser tout ça, seul un un éclat chantant pour briser cette quiétude installée. Sasha n’est donc pas seule à l’imaginer se plier aux ordres en une moue revêche. Mais l’Astre est bien plus belle vêtue de soie et parée d’or rose. Nul vêtement de parfait esclave ne saurait autant la mettre autant en valeur.
Fait mine d’en être tout aussi déçue.
« Quelle mauvaise nouvelle… Mais peut-être devrais-je déjà me féliciter d’avoir su vous garder à mon bras toute cette longue soirée. »

Enfermer un si bel oiseau, quelle horreur. Si l’idée lui avait un peu traversé l’esprit (probablement l’alcool et le doux parfum de l’autre) celle-ci était définitivement partie rejoindre le rang des mauvaises idées.
Tout comme la faveur tout juste prononcée qu’elle regrette déjà un peu. Car la peur grogne au fond des entrailles, poisseuse et arrogante. Ne pas se faire prendre entre les mailles du Ô si jolie filet lui dicterait probablement son crâne. Mais c’est bien connu, Sasha n’obéit jamais.
Ce n’est pas un non que lui offre Raphaëlle, c’est un magnifique oui à sa petite faveur si odieusement gagnée. La nervosité s’envole comme un rossignol. Pour revenir tout aussi vite aux paroles suivantes. À cette main qui trace son bras, petite plume ô combien douce. À cette bouche qui s’approche (trop) comme une énième confidence. Hypnotisant.
Sasha a joué avec le feu durant toute la soirée, le sait pertinemment. S’en serait même amusée quelques secondes plus tôt. Maintenant, elle ne sait trop.
Bonne ou
mauvaise idée.
Les espoirs un peu partagés mais ça elle ne le dira jamais, cachée dans sa carapace dorée qu’elle ne pourra jamais complètement lâcher. Car il n’y a pas mille façon de comprendre les mots. Il n’y a probablement pas mille façon non plus d’être Raphaëlle. Un peu de franchise sous les monts enneigées, ça lui fait plaisir. Ça lui fait peur ; toujours un peu lâche au fond de son cœur.
Un tour de danse pour montrer ses talents, et Sasha est peut-être un peu impatiente devant cette Astre virevoltant (bientôt rien que pour elle). Mais la russe est une vipère incertaine, hésitante. Trop de pouvoir sur sa petite personne et la voilà qui se dérobe. Sourit au cygne, un peu naïvement, un peu d’espièglerie.

« Entre vos bras dites-vous ? Ma foie je ne saurais que choisir une fois entourée d’une nuée d’Astres. Sont-ils tous aussi envoûtants là-bas ? Je ne voudrais délaisser aucun trésor. »
Il est fort probable qu’aucun ne surpasserait la perle en sa compagnie. Elle ne le dit pas non plus, nombreux sont les mots à se perdre en cette fraîche soirée.
« J’attendrai votre invitation avec impatience. »  Oh comme elle doute Sasha, bien qu’elle ne le montre pas. Mais peut-être était-il trop tard pour reculer (refuser quand elle a elle-même demandé).
C’est un au revoir sauvage alors que sa nouvelle amie la quitte en bas de son luxueux hôtel. Un baiser sur la joue, un peu d’innocence qui la font sourire malgré les doutes.
Les doutes
Elle voudrait lui dire que cette journée était magique, un peu fantastique. Lui avouer avoir tellement rêvé, s’être tellement amusée. Peut-être même murmurer avoir triché.
Mais déjà, le cygne s’en va bien loin dans une volée de jupon, de doux parfum vite balayé par le vent.

Alors finalement, Sasha n’a plus grand-chose à dire. Juste admirer, rendre un regard et quand l’autre fini par disparaître, longuement soupirer.