C'est qu'il ne savait pas trop pourquoi, Mars avait ressenti ce besoin soudain de revoir le vieux visage de Rosario. Peut-être qu'il lui avait envoyé un message un peu piquant du style "si tu ramènes pas ta croûte, je vais croire que t'es trop vieux pour les aventures". Peut-être aussi qu'il devrait surveiller un peu son langage, mais... Il n'est pas vraiment comme ça, à dire vrai. Et puis, le caerien (qu'il ne pouvait plus venir voir, même juste pour le faire chier à propos de ses croissants) était bien plus porté sur l'humour qu'il ne le semblait, n'est-ce pas? Et il avait besoin de sa dose d'aventure, avait besoin de se changer les idées. Peut-être aussi qu'il avait besoin d'en apprendre plus sur la vie de quelqu'un d'autre pour oublier la sienne, et quoi de mieux qu'un papy, pour ça? Il sourit à l'idée, avant de voir la figure familière de l'homme s'approcher. Il ne prend pas plus de temps pour se redresser de la pierre sur laquelle il s'était installé, et part à sa rencontre.

« Alors, tu es venu. J'ai presque cru que tu aurais trop peur de te fouler la cheville en sortant de ton pays. »

Petit sourire en coin, c'est qu'il joue le gamin idiot, mais il en reste un peu adorable, quand même. On ne peut pas trop lui en vouloir, de jouer parfois au petit con. Il se moque gentiment de Rosario, parce qu'il sait qu'il ne lui en tiendrait pas trop rigueur. Ce serait bien fâcheux, après tout, de se déplacer jusqu'ici pour finalement faire la gueule à celui qui l'avait invité de prime abord.

« Je sais que le désert, c'est pas le point de rendez-vous le plus cool, mais... Longue histoire, il y a quelques complications qui font que je ne pouvais pas venir goûter ces superbes pâtisseries que tu voulais me proposer par message. Tu les as quand même apportées? Je suis curieux de les goûter malgré tout. »

Il est un peu sérieux. Il voudrait bien savoir si le vieillard est une cause perdue niveau goût, ou s'il peut faire quelque chose de décent, de temps en temps. Peut-être qu'il s'habituerait, de toute façon, à cette cuisine médiocre. Enfin, en admettant qu'il aurait l'occasion de pouvoir visiter Caer Calabus à nouveau, un jour.

« J'ai pensé que crapahuter dans de vieux cailloux pourrait peut-être raviver quelques souvenirs de jeunesse. »

Il avait éclaté de rire, les yeux bleus rivés sur son holokit. Le gamin était étonnant, assurément divertissant. Oh Rosario n’était certainement pas trop vieux pour les aventures, il était tout juste dans l’âge idéal n’est-ce pas ? C’était presque un défis, une joyeuse invitation à tester ses vieux os dans la chaleur du désert, le sable comme tapis doré. A moins que ce message ne soit une insulte un peu déguisée mais honnêtement, il s’en foutait. Car cette partie du continent, il ne connaissait pas encore, il n’aurait pu être plus ravis. Il avait probablement répondu avec un smiley débile, sûrement un chat aux yeux globuleux censé être mignon pour le reste de l’humanité. Mais ce chat tenait un croissant alors ça l’avait amusé (puisqu’il n’en faut généralement pas plus).
L’idée de crapahuter dans les dunes et les ruines le rendait fou de joie. Encore mieux : il avait un guide.

C’est donc avec toutes ces idées en tête qu’il offrit son plus beau et sournois sourire au gamin qui se levait déjà à son arrivée.
« Qu’est-ce que tu crois, je suis venu depuis Caer en courant moi, pas le temps de bronzer sur les rochers. »
Honnêtement il était étrangement ravis de recroiser Mars, ce sale gamin incapable de garder les mains dans ses poches, obligé de s’accaparer celles des autres. Oh il n’avait rien à redire à ça, ayant lui-même beaucoup expérimenté dans sa jeunesse. Illégalité un jour illégalité toujours.
Alors le vieux lui tapote la tête, comme à un petit chiot attendant son maître. Échangerait volontiers tout l’or du monde pour faire rager les enfants entêtés, prêts à exploser.
Une longue histoire hein, ça l’intéresse beaucoup. Mais d’abord la nourriture, primordiale en ces temps beaucoup trop chaud et étouffant. Heureusement qu’il avait prit de la crème solaire.
« Oui oui, elles ont peut-être prit un petit coup de chaud mais eh bien… c’est l’intention qui compte ! »
N’est-ce pas ?
De son sac à dos il en ressort bientôt quelques énormes choux à la crème. Honnêtement très satisfait de cette recette là quoique bien basique mais étrangement réussie par ses mains d’ordinaire dévastatrices. Dorothea l’y avait aidé évidemment. Mais comme à son habitude, il n’avait pu s’empêcher de rajouter sa propre touche.
« Il y en a des des basiques et d’autres un peu moins... mais bon comme c’est tout mélangé (et un peu fondu) t’as qu’à choisir au hasard et voir si t’en ressort vivant. »
Un grand sourire aux babines retroussées, parfaitement innocent.
Mars, goûte donc la pomme empoisonnée.
Il hoche ensuite la tête, oui oui crapahuter dans les ruines ils veut bien, tant qu’il n’y perd pas ses poumons au passage.
« Et bien allons-y, j’espère que tu ne me penses pas aussi vieux que tous ces rochers ! »

Oh, il ne le croit résolument pas, lui et son histoire depuis ses propres terres. Déjà parce que même lui, ça l'épuiserait, ensuite parce ce sourire de hyène en disait beaucoup sur ce beau mensonge (et puis, il n'était pas naïf non plus).

« Ah, oui, pourquoi n'y ai-je pas pensé? Il faut bien entretenir ce corps de dieu. »

Oh, quel chieur aujourd'hui, et la chaleur intenable du désert ne lui ferme pas le clapet, loin de là, il y est bien trop habitué, finalement. Il lève simplement les yeux au ciel quand Rosario lui tapote la tête comme on le ferait à un bon gamin bien sage (ce qu'il n'est définitivement pas), et puis il essaye d'aplatir les quelques cheveux fous qui ne rentraient jamais dans ses queues de cheval. Et quand il approuve avoir pris les pâtisseries, Mars sort deux bouteilles d'eau (il est toujours bien préparé), en tendant une à son compagnon de voyage du jour, un sourire amusé collé aux lèvres.

« Trop aimable de ta part. Je les goûterais mais il faut boire aussi, je n'aurais pas envie que tu ne décrépisses trop vite sous la chaleur infernale du soleil. »

Et le voilà qui examine les choux d'un œil curieux. Ils ont honnêtement l'air... Corrects, voire bon. Combien de temps cela fait-il qu'il n'a mangé de telle pâtisserie? Mais il se doute qu'il y a un piège dans le plan un peu foireux, finalement. Et Rosario ne met pas longtemps à confirmer ses doutes. Mais eh, il faut se jeter à l'eau à un moment ou un autre. Alors il prend finalement quelques minutes pour se saisir d'un des choux, pour y croquer, curieux. Et le premier est plutôt bon, il faut l'avouer. Rien de bien surprenant.

« T'es tu amélioré? Ou est-ce que tu t'es fait aider par cette employée que tu as mentionné, la dernière fois? »

Il a le regard malicieux, avant d'en prendre un autre, et sa grimace semble déduire sa question précédente. Il lève le regard vers Rosario, la grimace encore sur le visage, puis examine l'intérieur du met empoisonné.

« Est-ce que tu as... Mis du poivre là-dedans? »

Quelle horreur. Il préfère laisser le reste de côté pour l'instant. Peut-être qu'en y goûtant plusieurs fois, il s'y ferait, qui sait? Et puis, finalement, il faut discuter emploi du temps. Il réfléchit un peu, c'est qu'il est déjà venu plein de fois ici, lui. Et pas seulement pour le paysage, non, aussi pour comprendre Althea (sans succès).

« Je te propose de commencer par les antres, ou bien par le cinéma. T'en dis quoi? »

Il a un air de gamin excité à l'idée de faire visiter sa cabane dans les arbres à son père, Mars.

Quel sceptique ce gosse. Il était certes inenvisageable que le vieillard ait parcouru tout ce chemin à pied, mais un peu de rêve dans cette absurde réalité ne faisait pas de mal. Il baisse la tête, contemple son propre corps avant relever le regard, sourire au public. Ba, il ne disait pas non au corps de dieu malgré l’amusement qu’il pouvait lire dans les yeux de l’autre. Vraiment un sale gosse, il se demande qui avait bien pu élever une telle chose.
Malgré sa propre bouteille, Rosario ne rechigne pas à en prendre une deuxième, ne tenant pas à mourir de soif dans un début d’aventure fort promoteur.
« Ah t’inquiète pas j’ai de la réserve. C’est pas aujourd’hui que tu danseras sur ma tombe. »
Ce n’était pas pour rien qu’il avait voyagé dans le monde entier dans sa jeunesse (et son un peu moins jeunesse). Les voyages et folles péripéties, ça le connaît. « Tu sais j’ai grimpé l’Himalaya en sandale et en me nourrissant de neige, ta petite expédition n’a pas l’air si compliqué que ça. »
Bon ce n’était pas tout à fait vrai.
S’il n’avait certes pas été équipé et avait réellement bouffé de la neige pendant 2 jours après s’être fait voler son ses provisions, il ne l’avait pas vraiment gravis, le mont Everest.
Mais son sourire est fier, un peu fanfaron.
Encore plus fier du compliment. Oui ses choux avaient bien belle allure n’est-ce pas ?
« Dorothea m’a un peu aidé, je l’avoue. Mais ne me regarde donc pas comme ça, j’ai fait la plus grosse part du travail ! »
Il semble un peu outré le vieillard que l’on doute ainsi de ses capacités. Certes Dorothea ne le laissait plus s’occuper de la cuisson après le dernier désastre (il avait fallu deux jours pour faire partir cette horrible odeur de cramé) mais Rosario s’était réellement amélioré et ça personne ne pourrait le nier.
Si le premier chou semblait plus que satisfaisant pour Mars, le deuxième beaucoup moins. A la voilà la fameuse grimace qu’il attendait tant !
Il prend un petit air innocent le pâtissier.
« Ah oui du poivre c’est bien possible. » A son tour de piocher une pâtisserie au hasard. Hasard qui se révèle karma quand un horrible goût de légume poivré vient lui brûler le palais. Peut-être qu’il grimace lui aussi un peu (franchement quelle idée de changer la recette…) mais finit par tout avaler dans un effort surhumain.
Parce qu’il ne fallait pas gâcher. Finit par sourire, la fin est comme une délivrance, ce n’était pas si mauvais finalement.
Deux propositions pour la hyène dont la réponse ne fait aucun doute.
« Le cinéma ? Je t’aime bien mais franchement, je tiens pas à rester deux heures assis à t’entendre bavasser sur une comédie romantique. Va pour l’Antre. »
S’il ne savait pas ce que ce lieu pouvait bien être, il était partant.

Ah, c'est que Rosario joue aux durs à cuire. Peut-être l'est-il vraiment, ça, Mars n'en sait encore rien, l'apprendra bien lors de leur escapade du jour, c'est sûr. C'est dans ces moments que l'on voit qui saurait vraiment s'en sortir sans compagnon de voyage, et il n'avait pas vraiment de remord d'avoir demandé à cet homme là de l'accompagner dans le désert, malgré la chaleur, malgré l'absence d'eau. Et même le récit de ses péripéties le fit sourire un peu. Oh, il aurait aimé essayer de gravir l'Himalaya si la vie lui en avait fait le cadeau. A la place, le voilà étouffé sous le roc des capitales à survivre entre quelques grains de sable. Fort heureusement, il avait la possibilité de gravir les montagnes du mont Celestia, comme lot de compensation.

« Ah, vraiment? C'est trop bien, cela dit, il n'y a rien pour se nourrir ici, à part quelques grains de sables pas vraiment comestible. Mais ce sera à toi de voir, pour le coup. Et puis, de toute façon, tu as tes pâtisseries au cas où. »

C'est qu'il a un sourire innocent de garnement. Même quand il se défend d'avoir fait le plus des choux, il se doute de la supercherie : si Dorothea a aidé, c'est peut-être bien elle qui a réussi à les rendre bons, rien qu'un peu (les normaux étaient vraiment bien faits, il ne pouvait le nier). Et forcément, il fallait que la farce ne soit pas trop loin. Au poivre! Quelle idée, il aurait de quoi faire un procès, si seulement il avait des preuves et la possibilité de se déplacer sur le territoire caerien sans croupir (encore plus) en prison. Quelle injustice, vraiment. Et en observant la grimace de Rosario, lui-même ne peut s'empêcher de rire. Parce que, quand même, ne pas aimer sa propre cuisine, il y a bien de quoi s'en tordre le ventre.

« Quel dramatique. Ce n'est pas comme si on prévoyait ce que le cinéma décide de montrer, à vrai dire. Si ça se trouve, ç'aurait été la météo d'il y a sept ans. En russe. »

Toujours plein de surprise, ce désert, hein? Il essuie rapidement ses doigts, Mars, et aide à ranger leur bref goûter, avant de se diriger d'un pas décider vers les ruines. Oh, il les a arpentés, ces corridors de sables engloutis. C'est qu'il s'agit d'un sacré labyrinthe, assez dangereux, soit dit en passant. Mais ils auraient de quoi se défendre contre les bêtes sauvages, évidemment. Le voilà qui lance une lampe torche à son compagnon de fouille, un sourire collé aux lèvres.

« On croisera peut-être quelques hyènes, sur le passage, qui sait. »

Et il dit ça car, après tout, c'est totalement possible, et pas seulement une blague. Direction, l'aventure.

« Mais si tu as peur de te faire croquer, tu peux toujours attendre au soleil, bien sûr. »

Oh, il sait que Rosario ne refusera pas de se plonger dans les ombres des ruines. Il ne dit cela que pour le plaisir de taquiner, car, après sa présentation pour graver l'Himalaya, il se doutait bien qu'il avait aussi l'envie d'explorer dans le sang. Ne se doutait pas que c'était peut-être la génétique, finalement.

Il ne sait pas si son petit mensonge à l’effet escompté, mais Rosario a appris il y a bien longtemps à ne plus vraiment prêter attention aux réactions des autres. Les coups sur la tête de la part de sa famille et grognements dédaigneux pour ignorer totalement ses remarques de vieux père acerbe n’ont pourtant jamais réussi à le vacciner. Faire le clown était tellement plus amusant.
Qu’il n’y ait absolument rien ici mis à part du sable, quelques cailloux et un si grand soleil qu’il semblait vouloir les dévorer, ça lui allait. Il n’est pas matérialiste Rosario, ne cherche pas spécialement le confort.
La poussière ne fait que lui rappeler son enfance à se rouler sur le sol crevassé des oliviers, se faisant hurler dessus par une mère qui commençait probablement déjà à perdre patience. Il y a des centaines d’années, si loin et probablement dans une autre vie.
Oui, peut-être qu’il était vieux après tout.
« J’adore le sable mais honnêtement… je me contenterai de mes pâtisseries pour l’instant. »
Il en agite une devant son nez avant de la ranger dans sa boite. On ne joue pas avec la nourriture.
Ah Mars et son petit sourire, l’innocence incarnée et le démon bien caché. Qu’il le mange donc, son sable si ça l’amuse tant, au lieu de se moquer de ce goût trop poivré que le caerien peine à dévorer. Ah, mais il ne montrera aucune faiblesse !
Il fronce un peu les sourcils, ayant déjà entendu parlé de ce fameux cinéma du désert. Se demande réellement s’il est bien possible de se retrouver avec une météo en russe, à moins que le gamin le fasse marcher (puisqu’il faut bien tenir un peu de lui).
S’il est un peu perplexe, il se contente de hausser simplement les épaules. La météo serait de toute façon plus satisfaisante qu’une comédie romantique. Au moins, il pourrait imiter leur accent.
Le goûter (qu’il soit finalement bon ou non) est bien vite rangé au fond du sac ; une dernière gorgée d’eau et les voilà partis pour les ruines.
Rosario a hâte et ne le cache même pas, sautillant presque comme un enfant s’il ne risquait pas de se casser un truc. Attrape d’un geste rapide la lampe torche qu’on lui lance.
« Des hyènes ? Le plus bel animal du monde ! »
Un sourire prédateur aux lèvres, ça lui donnerait presque des idées. Se demande déjà s’il aura à leur grogner dessus pour les faire partir ou s’il finira par abandonner son compagnon de voyage pour aller ricaner avec elle. Ça, le gamin ne s’y attendrait probablement pas.
« Ne t’inquiètes pas pour moi gamin, elles ne font pas le poids. Alors qu’est-ce qu’on attend ? Je suis sûr que tu as hâte de me perdre au milieu de ce labyrinthe, comme les parents du petit Poucet. »
Il hausse les sourcils de façon suggestive, fataliste.
Être perdu au milieu de ses ruines, ça l’amuserait beaucoup et si les rôles avaient été inversés, il aurait sans nul doute fait de même avec Mars.
Alors sans attendre et déplaçant la torche face à lui, il rentre dans ces si belles ruines de poussière. Où les ombres semblent se déplacer avec eux, les scorpions probablement aussi. Se retourne une seconde vers l’autre, se prenant pour un guide en prenant une direction au hasard, le sourire amusé aux lèvres.
« Si on reste bloqués dedans jusqu’à notre mort, j’espère que t’as de bonnes blagues en réserve. »
Manquerait plus qu’on retrouve son cadavre, un air ennuyé aux lèvres.

C’est que Mars se contentera du doute qui plane dans le fond des prunelles de Rosario. Oh, il apprécie bien les quelques petits mensonges qu’ils dissimulent tous deux dans leurs histoires. C’est que cela agrémente leurs fausses querelles de pacotilles, et ça le fait sourire, ça lui gonfle un peu le cœur de bonheur, car, peut-être, a-t-il l’impression de se rapprocher du vieillard sans trop faire d’effort. Comme si c’était plus ou moins naturel qu’ils se ressemblent ainsi. Le voir sautiller comme un gamin lui rappelle sa propre excitation lors de ses premières excursions dans les tréfonds des ruines. Il rit un peu et hausse les épaules.

« Quand elles ne veulent goûter à notre mollet, je peux concéder qu’elles ne sont pas si hideuses. »

C’est que certaines sont hargneuses, auraient tôt fait de tout dévorer de leurs corps sans demander leur reste. Il n’a plus tant peur que ça de ces bêtes, ne les a croisées que quelque fois, et, finalement, c’était plutôt amusant, quand il y pense aujourd’hui (un peu moins sur le moment). Il a le sourire aussi carnassier que lui, comme la hyène de père, et hausse les sourcils, dans un faux air innocent.

« Oh, mais voyons, je n’oserai jamais t’abandonner là-dedans. Ce serait trop dangereux… »

Il faut bien faire mine de se préoccuper des vieux os de son compagnon, avant d’avancer d’une démarche décidée. Ils se perdraient ensemble dans ces labyrinthes, tout compte fait. Mars le suit, parce que de toute façon ils n’en étaient qu’à l’entrée. Et ils retrouveraient forcément la sortie. Il le faudrait bien, il ne comptait pas croupir là-dedans à en finir écervelé par les vieilles histoires sans queue ni tête de Rosario. Ou en s’empoisonnant sur quelques pâtisseries.

« Ah, ça, ce n’est pas gagné. Moi et les blagues... Je crois que j’en ai quelques-unes, elles sont un peu démodées. »

Il hausse les épaules. Il faudra bien s’en contenter. Mais il prend les devants dans les longs couloirs gorgés de sable. C’est que les murs sont joliment ornés de quelques dessins, quelques gravures, qu’il pointe du bout de sa torche. Oh, ça l’intéresse tout ça. Savoir d’où viennent tous ces souvenirs enfouis…

« Ça t’intéresse, les vieux trucs comme ça ? Moi, je ne compte plus le nombre d’heures passées dans le fond de ces cavernes à essayer de comprendre quelques dessins étranges. »

Rosario n’était pas homme à se laisser mordre par quoi (ou qui) que se soit. Les vilaines hyènes, c’est lui qui les dévorerait si jamais elles pointaient le bout de leur mignon petit nez pour le renifler. Ça l’amuse énormément que Mars se méfie de ces charognards hargneux et sans pitié. Aah les hyènes étaient tellement sous-estimées, elles ne méritaient certainement pas l’humanité sur leur territoire de sable et de soleil.
Se contente de renifler aux paroles.
"pas si hideuse."
Le gosse ne comprenait décidément rien à l’art du vivant. Lui non plus à vrai dire, mais il se sentait étrangement relié à ces grosses bêtes velues à la mâchoire grotesque.
La vieillard hausse les sourcils, si peu naïf face à l’innocence de l’autre. Ah si Mars voulait le perdre, aucun doute qu’il le ferait. Peut-être aurait-il ainsi une superbe histoire à raconter à ses amis Oubliés : Le vieux perdu dans la labyrinthe. Ba, ça n’ennuierait pas Rosario d’être ainsi délaissé, ce casse-tête l’amuserait. Le voilà qui réfléchissait déjà aux diverses méthodes de retrouver l’entrée d’un labyrinthe.
Au pire, il crierait jusqu’à ce qu’on vienne le chercher avec espoir de le bâillonner.
Un regard perplexe à toute cette pierre les entourant.
« Bof c’est pas un caillou qui va me tuer. » Tout ça n’avait pas l’air bien dangereux.
Pas autant que ses pâtisseries.
Ricane un peu. Les blagues démodées, Rosario ne connaissait que ça et ce n’étaient certainement pas les plus fines. Fait néanmoins mine de paniquer un peu, pour la forme en portant la main à son cœur.
« Mon dieu elles doivent probablement être horriblement nulles ! »
Ah aucune blague ne pourrait jamais être pire que les siennes mais ça, son guide n’avait pas besoin de le savoir.
Le laisse prendre les devants sans rouspéter (pour ça il avait le temps) en observant les parois avec un réel intérêt. Si l’Histoire n’était pas une véritable passion pour lui, celle d’Althéa devait certainement regorger de chose bien inattendue aussi s’y intéressait-il effectivement plus que de raison. Alors une seconde, il redevient sérieux.
« Je trouve ça fascinant. Ça nous rappelle que nous ne sommes que de nouveaux arrivanst sur ce continent. »
Ces dessins paraissaient dater, d’un temps révolu qu’ils ne connaîtront jamais vraiment. Des questions sans réponses, il n’y avait que ces parois pour leur rappeler qu’ils n’étaient pas les premiers et certainement pas les derniers.
Mais le naturel revient bien vite, laissant le vieil homme pointer une très ancienne et grotesque forme ressemblant étrangement à une patate hybridée avec un chat.
« Regarde, ça te ressemble parfaitement ! Ces gars sont des génies. »
Et il ricane, ne pouvant s’en empêcher.

Mars sourit un peu. C'est vrai, un caillou ne tuerait personne. A moins que l'on soit enfermé dedans, bien évidemment. Et il était là, le véritable danger : le labyrinthe de murs seulement entourés de sable était un terrain bien peu accueillant, quand on n'avait pas un assez bon sens de l'orientation. Il fallait rester vigilent en toutes circonstances... Pour ne pas se laisser perdre dans tous ces dédales, évidemment. Et pour ne pas tomber sur plus dangereux que quelques chauves-souris un peu trop grosses pour être tout à fait normales, selon Mars.

« Oh, tu sais, la nature est bien surprenante, si tu veux mon avis... Un coup tu marches tranquillement et l'autre, un rocher vient te débouler dessus. »

Ah, il fallait faire attention, plutôt que de partir trop sûr de soi. Cela dit, si on le lui demandait, il risquait certainement, en effet, de dire que les pâtisseries de Rosario étaient bien plus dangereuses que quelques labyrinthes. La poussière, ça n'empoisonnait pas à coup sûr. Mais la mention de ses blagues nulles lui rappelait le rire de sa mère, lorsqu'il avait lui-même tendance à faire quelques facéties dont il avait le secret. Ah, elle avait toujours cet air un peu nostalgique, celui qui laissait sous-entendre quelques espoirs effacés dans son cœur.

« Malheureusement, certains dessins sont à moitié effacés, ou ne semblent vouloir rien dire du tout. »

Mais ça devait avoir un sens, qu'ils ne connaissaient pas. Pas encore, du moins. Oh, il serait véritablement plaisant d'enfin comprendre toutes ces vies dont ils n'avaient aucune autre notion que ces ruines étalées entre deux dunes et d'autres bâtiments perdus dans tout Althéa. Ou ces bateaux naufragés, qu'il avait visité avec Orion il y avait de cela quelques mois déjà. Les trésors dissimulés avaient beau avoir apporté un certain réconfort pour un butin mérité, mais il n'en restait pas moins qu'ils n'avaient aucune réponse sur quelques histoires anciennes. Même le bibelot qu'ils avaient récupéré restait comme présence constante dans le fond de son sac, sans vraiment dévoiler sa nature ou son utilité.

« Ah, tu dis ça à cause de la cicatrice, je suis sûr. J'aurai dû me douter que tu jugerais sur les apparences. »

Il a le sourire en coin, avant de pointer sa lampe torche sur une autre gravure, une sorte d'animal à quatre pattes avec une énorme tête velue.

« Mais tu n'es pas trop mal là-dessus, toi non plus, finalement. Il n'y a pas de quoi être jaloux, promis. »

Oh, quel enfant, car, bientôt, il atteint le fond d'un cul-de-sac et fait une moue excessivement dramatique.

« Ah, nous voilà perdus... J'ai dû me tromper de chemin... »

Mais il a l’œil malin, c'est qu'il ment bien (mal). Il se joue juste un peu de Rosario, histoire de lui mettre le doute. Pour s'amuser.

« Je suppose qu'il va falloir fouiller ces ruines de fond en comble pour retrouver la sortie... »

Rosario hausse un sourcil, un peu perplexe. Il doute sérieusement qu’un énorme rocher vienne leur tomber dessus en plein milieu de ces ruines. Ah le mieux (le pire ?) qu’il puisse leur arriver serait certainement de voir les parois se refermer autour d’eux comme dans la moitié des films d’horreur du monde entier. Oh avec d’immenses pics acérés au bout. Rosario n’est certainement pas amateur de film d’horreur (préférant de loin les scénarios mafieux pour pouvoir se moquer) mais ceux là, il les appréciait tout particulièrement.
« Hum si tu le dis gamin. Ton désert est quand même vachement dangereux... »
Les hyènes, le labyrinthe sans fin et les éboulements. Ah ils n’allaient pas s’ennuyer !
Effectivement, le pâtissier avait beau inspecter minutieusement les parois, aucun dessin ne retient assez son attention pour qu’il puisse deviner ce qui avait bien pu être gribouiller là. Ah tout ça ne ressemblait décidément à rien de connu.
Peut-être des extra-terrestres.
Il se pense un peu, s’amuse à appuyer sur la joue du gosse en ricanant.
« Cette cicatrice n’est pas si mal, ça te donne un air de mauvais garçon. Ne me dis pas que tu l’as récolté en voulant tabasser une grand-mère ? » Ces créatures étaient hargneuses au possible avec leur sac à main et leur déambulateur pouvant assommer un homme.
Le voilà bien malin le gosse, à suivre les blagues et sourires narquois pour lui montrer une horrible bête censée représenter Rosario. Celui-ci fini par éclater de rire après avoir examiné le mur, se disant que tout cela ressemblait étrangement à une hyène.
« Oh oui ça me ressemble parfaitement, bien joué ! »
Il ne ferait jamais la gueule face à pareil trait d’humour. Mars lui ressemblait bien plus qu’il ne l’avait d’abord imaginé.
Un cul-de-sac lui fait néanmoins perdre tout envie de s’amuser.
« Sérieusement ? T’es le pire guide qui puisse exister, je demande à être remboursé ! »
Une petite grimace comique, il n’avait de toute façon rien déboursé pour cette expédition.
Peut-être sont-ils réellement perdus. Ou peut-être pas, Rosario n’arrive pas à savoir.
« Eh bien demi-tour ! » Ah c’est qu’il ne tient pas à ce qu’un mur se referme devant eux. Encore une fois, comme dans les films.
« Tu préfères qu’on se sépare ? Je pourrais crier à l’aide pendant que tu feras tes trucs d’aventurier solitaire, comme Indiana Jones. » Petit air innocent, ils auraient du emmener un lasso.