Des tortues.
Des carapaces de tortues.
Des carapaces de tortues qui glissaient sur une route arc-en-ciel.

Alors qu’elle remonte le parcours, jetant un oeil toutes les trentes secondes sur son Holokit pour bien vérifier qu’elle ne se soit pas trompée de lieu de rendez-vous (et surtout parce qu’elle est abasourdie par les environnements), un gamin sur sa carapace rouge la frôle, et elle manque de tomber.

Georgina pousse un juron à voix basse, soupire, et tape du pied pour évacuer la frustration qu’elle accumule depuis plusieurs minutes.
Elle n’en croit pas ses yeux. C’est sérieusement dans cet endroit pour enfants qu’elle a daigné accepter répondre au défi d’Icare, de sortir un peu de Celestia, « d’élargir ses horizons », de s’ouvrir à de nouvelles voies ? Elle ne pensait pas à cela. Elle pensait à une expérience un peu plus professionnelle, formatrice. Elle pensait pouvoir garder encore une once d’estime pour ce jeune homme excentrique, lui laisser une chance de lui montrer qu’il n’était pas qu’un joueur de flûte perdu, qu’il y avait plus derrière le masque. Mais ça… C’était juste… puéril, niais, et stupide comme lieu.

Non, ce n’est pas aujourd’hui qu’elle fera du toboggan géant dans une carapace de tortue. Absolument pas. Oh et qu’Icare arrive vite ! Qu’elle puisse l’insulter de tous les noms.

Et pourtant, il fallait l’avouer, l’endroit respirait le bonheur. Partout autour d’elle, il y avait des rires, de la joie, de la bonne humeur. Des amis qui faisaient des courses, des enfants qui s’élançaient pour la première fois sur cette piste multicolore (le concepteur des lieux s’était-il inspiré de Mario Kart ?), et quelques accidents de carapaces, qui s’envolaient hors du chemin de glace. Il n’y avait qu’une seule conclusion : Icare avait emmené Georgina ici pour la tuer.

Qu’il se prépare donc : c’est Georgina qui le tuera, ici et aujourd’hui. 

Oh, c'est que Hannah a cette tendance à être toujours coincée. Icare l'a vu, quand il venait vers elle de façon purement amicale pour l'embêter un peu, quand elle lui grognait après parce qu'il ne savait pas être sérieux. Mais elle, elle l'était bien trop. Et il a cette impression qu'elle lui ressemble trop, au lui qui était triste et qui a failli se tuer à la tâche dans un bureau minable. Ah, c'est qu'il faut la dégourdir un peu, lui rappeler que la vie est aussi faite de rires, d'amis, de larmes, pas que de visages impassibles et de refus de voir le dehors de temps en temps. Alors le voilà, tout sourire, qui arrive enfin près de cette piste où ils trouveraient tous deux de quoi s'amuser un peu. Et ça leur ferait tant de bien, oui, il en était persuadé, elle saurait se décoincer ici. Il avait des techniques secrètes pour arranger les moues des mauvais jours, Icare.

Et il faut esquiver un peu les carapaces sauvages qui s'enfuient, il faut sourire sous le rire niais des enfants heureux, et surtout devant ce visage renfrogné qui l'attendait un peu plus loin. Oh, Hannah n'avait pas l'air contente du tout, pensait-elle à une farce? Il ne s'agissait pas du tout de cela, loin de lui l'idée de la faire tomber dans un tel panneau. Ils monteraient à dos de ces carapaces, et il réussirait bien à lui ôter un petit rire, des ces lèvres sans cesse pincées, ah, il s'en faisait la promesse!

« Bonjour, beauté, tu ne t'es pas perdue en chemin? Tu as de la chance, il fait un temps superbe, on va pouvoir bien profiter pour s'amuser, aujourd'hui! J'espère que tu n'as pas peur des pentes. »

Il a un air un peu taquin sur le visage, ignore superbement la moue énervée que sa compagne du jour tire. Oh, qu'il est rayonnant, c'est presque désagréable, vraiment, il faudrait en réalité bien plus qu'un air mécontent pour le faire fondre, Icare. Il est en forme, et heureux en cette belle journée. Que demander de plus, n'est-ce pas?

« Crétin. »

Elle l’accueille d’un coup de pied sauvage lorsqu’il arrive. Elle l’avait tout de suite repéré, lui et son visage niais, son sourire mièvre, lorsqu’il a commencé à s’approcher comme une proie innocente. La cible était en vue, elle avait verrouillé son regard sur lui, prête à lui lâcher des décharges électriques (ce qu’elle se retint finalement de faire). Elle tapait du pied, la féline en elle prête à gronder et à se jeter sur lui pour le laminer. Au fur et à mesure qu’il se rapprochait, elle sentait cette mauvaise humeur bouillonner en elle, un chaudron d’exaspération et d’incrédulité.

« Et moi j’espère que tu as un plan B parce que je compte vraiment pas te suivre aujourd’hui. »

Elle croise les bras, notre petite Georgina. Georgina qui n’assume pas la situation, tout autant qu’elle n’assume pas son nom. En fait, il y a tellement de choses qu’elle n’assume pas. Et ce n’est pas aujourd’hui qu’elle est prête à s’ouvrir un peu plus au monde qui l’entoure.

« En plus, j’ai pas d’argent pour payer, je te rappelle que je suis sans emploi. » Toutes les excuses sont bonnes pour échapper à l’activité improvisée du jour. « Et aussi, je suis en robe, c’est dommage, c’est incompatible avec les caparaces. » Des excuses, toujours des excuses. « Et enfin… (elle réfléchit, mais elle n’a pas tant de raisons valables d’esquiver cette invitation en fait) j’ai juste pas envie de faire ça. C’est pour les enfants. »  

Ah, Georgina et ce tempérament de feu. Il faut avouer qu'il faut s'y adapter, mais Icare y est déjà tout préparé. Il a la hargne de ceux qui ressortent toujours vainqueurs, et ce ne sera pas quelques insultes proférées par la jolie bouche de la demoiselle qui y changerait quoi que ce soit. Il garde son sourire affreusement niais, sa jovialité à toute épreuve, même quand elle le frappe du bout de sa chaussures, qu'il grogne un peu avec un faux air blessé, il a le sourire qui tangue sur le bout des lèvres. C'est fatal, presque autant que le regard assassin qu'elle lui lance.

« Un plan B? Alors que je comptais te former à sourire au client? En voilà, une drôle de demande. Non, non, aujourd'hui, on va glisser le long de cette pente au moins trente fois et crois moi, tu ne sauras plus te défaire de ton joli sourire. »

Insupportable, mais presque adorable. Il est habitué à cet air boudeur et cette mauvaise foi, c'est que ça ne l'a jamais découragé jusque là. Oh, elle peut bien feuler, Georgina, il aura (encore) le dernier mot, parce qu'après tout, qui pouvait résister à son air de pauvre chiot esseulé quand il tournait le visage avec un air tout perdu? Pas elle. Ils se battraient sur ces carapaces!

« J'ai pensé à tout! Je te paye, eh oui, je suis galant comme ça. Ils ont des pantalon de rechange, j'ai regardé, suffit d'en réclamer un tu seras toute pimpante. Et enfin, il y a des carapaces adaptées aux adultes! Oh, on va vraiment bien s'amuser, je te le promets. »

Il lui prend la main, ils auront tous deux l'air d'enfants, tant pis. ils allaient s'amuser aujourd'hui, et décoincer cette moue frustrée et coincée qui collait bien trop au visage de sa camarade. Il n'aimait pas ça, il fallait sérieusement qu'elle se détende!

« Et puis, tu sais, tu ne peux pas dire non, c'est moi qui ai proposé le rendez-vous. J'ai déjà tout prévu, tu ne peux pas me faire mal comme ça. »

Et déjà, il a acheté leurs places.

« Sourire au client ? » Georgina ne sourit pas. Non, elle a seulement cette glace dans les yeux, cette neige qui ne fond pas, elle est de givre et de grêle, même au mois d’août. Elle croise les bras, hautaine malgré sa petite taille, condescendante malgré sa situation délicate : une rescapée sans emploi qui se refuse à s’intégrer à cette communauté. « A quoi ça sert de sourire au client ? S’il est pas content, qu’il s’en aille. On ne va pas se plier à toutes ses volontés non plus. » Comme si Georgina allait accepter un jour de servir un client. Pas avec ses études prestigieuses, pas avec son diplôme de renom, pas avec ses expériences exceptionnelles en ingénierie. Sourire au client, mais oui, bien sûr. « Et en plus, explique moi en quoi poser mes fesses sur une carapace et descendre la piste sans aucun but précis m’aidera à ‘sourire aux clients’ ou à trouver un travail ? »

Mais Icare n’entend rien. Icare vit de ses idées farfelues, de son altruisme incongru, de ses ailes et des sourires que Georgina ne lui donne pas. La nouvelle Célestienne ne sait même pas pourquoi il l’aide, mais sans accepter de l’avouer, elle a envie de se brûler dans cette flamme qui anime la vie d’Icare, elle a envie de comprendre les pourquoi et les comment, les raisons qui poussent le jeune homme à prendre sous son aile une inconnue. Alors elle râle, elle râle, mais elle soupire, et elle suit le mouvement. Mais elle ne cédera pas sans se battre. « Ok ok, tu as déjà tout payé, waw merci quelle générosité mais… je ne peux pas accepter. Désolée. » Parce qu’elle n’avait jamais rien demandé de tout cela. « Ou alors, j’ai une condition. Je te coupe les cheveux, et moi je fais un petit tour de carapace. C’est ça ou rien. » Et à présent, la voilà qui souriait.

Icare a un léger rire, face à cette insubordination. Oh, c'est vrai, elle ne passe pas son temps à chanter au fil des flûtes pour quelques passants, Georgina. Elle n'est spectacle, sur le devant des scènes, sur les mélodies pleines. Elle s'imagine bien sage derrière un bureau, certainement, elle se rêve peut-être secrétaire, quand lui a fui cette vie-là (oh quelle affreuse idée, elle répugne, elle fait bien froid dans le dos). Alors elle ne comprend pas à quoi peut bien servir, oui, un beau sourire. Il aimerait lui dire que c'est l'essence même du marché, mais elle est bien bornée, il le sait.

« Tu as une tête de grognon, au moins, si tu souris et ris aujourd'hui, tu vas te dérider, ça donnera un peu plus envie de t'embaucher. »

Il ne se gênait pas trop des remarques, Icare, s'en fichait bien face à elle. C'est que, elle non plus, elle ne s'empêchait pas de laisser ses pensées délier sa langue. Il en entendait bien, quelques insultes à son encontre et grognements. Il s'en fichait, avait décidé de jouer aussi franc jeu qu'elle. Cependant, lorsqu'elle refusa (à nouveau), il se tourna vers elle avec un léger froncement de sourcil, un peu déçu, allait-elle vraiment lui refuser cela, après tous ses efforts? Oh, il la pousserait sur ces carapaces s'il le fallait. Car sa contrepartie lui fit faire une grimace désapprobatrice, alors qu'il glissait les doigt sur ses longs cheveux qu'il ramena sur son épaule. Ils étaient la preuve qu'il n'avait oublié (Lily) toutes ces années. Il ne pouvait décemment pas une peste rabougrie les lui couper avec tant d'aisance.

« Tu es un diable fini. D'accord, je te laisserai les couper. Heureusement, tu n'as pas précisé la longueur, ce sera deux centimètres, pas plus. On économisera le coiffeur. »

Et c'est à son tour d'afficher un sourire démoniaque sur le bout des lèvres, avant de la tirer après lui vers les pistes.

« Maintenant, finies les crises d'enfant et chantages, on y va! En piste! »

Et il semblait plus motivé que jamais, à ainsi ramener quelques carapaces vers son amie(?).

« Les cheveux sont à Icare, ce que la fierté est à Georgina. » (citation de Georgina, 2025)

Ainsi, souhaite-t-il donc insister, et faire subir cette horreur, cette torture, ce supplice que de se mélanger au petit peuple, d’oublier pendant un instant la demoiselle distinguée qu’elle est (qu’elle croit être) (qu’elle sait qu’elle n’est pas en fait, c’est pour cela qu’Hannah existe, pour effacer l’imperfection qu’est Georgina).

Ainsi souhaite-t-il poursuivre cette invitation à la honte (ou à la vie?), souhaite-t-il lui faire découvrir une vie sans rides (d’ailleurs, Georgina s’offusque lorsqu’il lui parle de rides, car elle se sait dans la fleur de l’âge), une vie où pour être heureux, il faut… se promener sur des carapaces.

C’est toujours non.

Et pourtant, lorsqu’il exprime une déception à peine perceptible, mais que la jeune fille parvient à lire malgré tout, elle ne peut s’empêcher de se sentir coupable. Elle baisse les yeux, se mord les lèvres : a-t-elle été trop difficile, se montre-t-elle trop pessimiste, défaitiste ? Georgina est frustrée, car elle sait qu’à cet instant même, elle est en train de perdre du terrain, que la corde lui échappe des mains, qu’elle ne contrôle déjà plus la situation ; c’est Icare qui mène la valse, et bien qu’elle ne soit qu’une danseuse médiocre, elle se laisse volontiers guider.

« Plutôt vingt centimètres, et j’accepte. »

Mais les carapaces sont déjà devant elles, et elle sait qu’à cette bataille là, elle a perdu. Mais ce n’est pas très grave, car la guerre, elle, peut encore être gagnée. Alors pour le moment, elle se résigne, et avec dégoût, s’installe. « Eum, comment ça marche, je dois faire quoi ? Ça avance tout seul, ça glisse ? Le frein ? Les distances de sécurité ? Attends, ne me dis pas qu’il n’y a pas de ceinture ?! »
Terre-à-terre la demoiselle, les choses importantes et ennuyeuses d’abord : la sécurité, les consignes, les règles du jeu. « Je te préviens, si je tombe ou qu’il arrive quoi que ce soit à mon joli visage, tu finis chauve DÈS CE SOIR. »

Si elle comptait lui couper les cheveux, il faudrait certainement qu'ils se battent. Et il ne se laissait battre aisément, Icare, non. Il avait la hargne d'un grand combattant (seulement la hargne, pas la force) et ne se laisserait pas faire. Après tout, ses cheveux étaient quelque chose que l'on ne touchait pas, il se les coupait si rarement qu'il fallait bien avouer qu'il semblait changé à chaque fois qu'il sortait de chez le coiffeur (après tout, tout le monde ne se coupait pas environ huit centimètres de cheveux à chaque rendez-vous). Il laisse la jeune femme paniquer un instant, avant de s'installer sur une carapace à ses côtés, avant de lui lancer un faux air innocent.

« Tu vois? Tu réfléchis trop! Il ne faut pas ainsi paniquer, enfin! Le but, c'est simplement que tu t'amuses, pas que tu perdes les pédales pour ce genre de détail. Regarde, il n'y a pas besoin de tout ça, déjà parce que tu vas pas tomber, ensuite parce que si jamais ça arrive, la poudreuse est si épaisse que tu vas rien sentir. »

Petit acquiescement pour approuver ses propres paroles, et il ignore totalement la menace de Georgina (qu'elle essaye de toucher à sa tête et il lui coupe les mains) pour simplement la pousser sur la piste, glissant aussitôt à sa suite en riant. Oh, cela commençait si bien! Il s'élançait avec tant d'aisance qu'il était totalement possible de se demander s'il n'avait pas déjà passé plusieurs heures sur les pistes (ce qui n'était pas le cas). Et si sa camarade semblait crispée, lui ne l'était pas du tout. Aussi essaya-t-il de se rapprocher pendant la glissade juste histoire de la rassurer, mais les deux carapaces entrèrent en collision et il éclata de nouveau de rire en sortant un : « AH désolé! » qui fut absorbé par la vitesse.

Elle doit l’avouer : Icare semble tellement sûr de ses dires qu’elle finit par se laisser convaincre. A présent installée, Georgina se sent ridiculement petite, les jambes repliées, les mains posées sur cette coquille (ce n’est pas une vraie carapace, n’est-ce pas ?) (espérons que non). Elle prend un peu d’élan, sans oublier de faire une moue, puis l’absurde transport du jour se met à se mouvoir. Les premiers mètres ne sont pas si terribles qu’elle le pensait : à la très modeste vitesse de 5km par heure, la jeune fille au courage d’un centenaire au coeur fragile, se laisse conduire. Mais la conviction n’est pas encore là. D’accord, ce n’est pas aussi désagréable qu’elle le pensait, mais ce n'est pas non plus confortable, et une princesse mérite un meilleur carrosse. Et puis, il faut vraiment payer pour avoir le derrière congelé, et refaire tout le chemin en sens inverse à cette vitesse ?! Voilà un concept qu’elle ne comprend pas bien. Quelle est la rentabilité exacte de ce business ? Quel est même leur business model tout court ? Toujours trop terre à terre, Georgina. C’est toujours une histoire de profit, une histoire d’utiliser son temps à bon escient, d’exploiter les gens correctement. Pour le moment, rien n’y est. Malgré tout, pour au moins combler le vide laissé par le vent qui siffle dans ses oreilles, le paysage trop blanc et son humeur trop terne, elle tente, par politesse ou par curiosité, au moins de faire vivre la conversation. « Explique moi Icare, pourquoi tu ne te coupes pas les cheveux ? Non pas que ça ne t’aille pas. Mais si je peux me permettre, je pense que tu serais plus beau, les cheveux courts. » En fait, Georgina se rend compte qu’elle ne sait pas grand chose de lui. Il s’est imposé à elle du jour au lendemain un peu comme un messie sorti de nulle part, et elle qui fuit les inconnus d’habitude, s’est laissée embarquer. Oh, ce n’était pas innocent, c’était aussi par opportunisme : elle avait besoin de liens et de contacts, elle qui était nouvellement arrivée à Althea.

Et puis ensuite, c’est le drame. La piste qui devient plus abrupte, la vitesse qui commence réellement à se faire sentir, l’adrénaline, le souffle coupé, la vue embuée par les larmes qui se forment. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà que la carapace d’Icare entre en collision avec la sienne.

Si lui semble s’en sortir (elle croit même entendre un éclat de rire alors qu’elle le voit aussitôt disparaître de sa vue), ce n’est pas son cas. Déséquilibrée, la carapace se penche sur la droite et c’est alors la chute. Pire, emportée par la vitesse, Georgina finit le parcours en glissant à plat ventre jusqu’à la ligne d’arrivée.

Désorientée, abasourdie, nausée et maux de tête, elle ne se relève pas tout de suite, feignant la mort alors que du monde s’accumule autour d’elle.

Elle ne va pas tomber, qu’il avait dit.
La poudreuse est tellement épaisse qu’elle ne va rien sentir, qu’il avait dit.

La sinistrée se met à rire, un rire nerveux, couvert de honte et de rancune, et ses premiers mots, lorsque ses esprits lui reviennent sont les suivantes : « Icare.. tu es un homme mort. »

Icare sourit au presque compliment de Georgina. Hm, elle avait peut-être raison. C'est que cela faisait bien longtemps qu'il refusait de laisser qui que ce soit couper sa chevelure de trop. Peut-être faisait-il plus féminin, ainsi, il s'en fichait pas mal, à vrai dire. Car si certains hommes possédaient aussi de longues chevelures sans ambiguïté, Icare avait un visage fin, avait quelques traits délicats qui laissaient parfois à songer quel était son genre, le savait. Mais lorsqu'on le lui demandait, il répondait toujours avec un sourire aux lèvres, ne s'en formalisait pas tant.

« J'avais les cheveux courts, avant. C'est vrai que ça m'allait plutôt bien. Mais les avoir longs me rappelle un ami. »

Alors il se refuse à les couper, s'accroche aux souvenirs comme à une bouée de sauvetage, oui (quel dommage). Il répond avant le drame. Car Georgina finit sur la neige, la descente sans carapace, qui s'en va valser plus loin quand ils arrivent au bout (et Icare ne sait pas s'il est impressionné car elle a été toute aussi rapide avec que sans). Il descend de la sienne, vient aussitôt auprès de son amie pour voir comment elle va, s'assurer qu'elle n'est pas blessée, même s'il en doute. Mais elle redresse le visage, et le regard qu'elle lui lance lui fait froid dans le dos, autant que ses prochaines paroles. Oh. Mais il ne voulait pas mourir, lui! Alors il rit tout aussi nerveusement qu'elle.

« Mais non, enfin! Je suis désolé, vraiment, est-ce que tu vas bien? Ah, ton visage n'est même pas abîmé, promis... »

C'est qu'il essaye de sauver sa peau en faisant signe à ceux qui s'étaient approchés avec curiosité de s'éclipser. Il reste à distance respectable de la jeune femme, comme véritablement effrayé qu'elle ne réclame sa mort.

« Tu as dû prendre une bosse assez violente, peut-être? »

Pitié. Sauvez-le.