Ah le désert. On ne peut pas dire que tu aimes beaucoup y aller, ça ne te manque jamais. Rien contre les gens qui y vivent, juste contre cette chaleur étouffante des journées sur le sable. Ça ne t’empêche pas de t’y rendre par moment, comme cette fois. Généralement pour des raisons bien précises, parfois pour voir certaines personnes. C’est un peu un mélange de ces deux points qui expliquent que tu as fait la route de Requiem jusqu’à la frontière du Désert des oubliés, là où celui au coeur de ton déplacement t’attend. Tu lui adresses un sourire lorsque ton regard se pose sur lui, un fin sourire, mince, le genre qui se manque en un coup d’oeil. « Vous m’avez manqué aussi. » Un hochement de tête pour ponctuer tes dires. « Bertha plus que toi. » Une petite pique, rien de sérieux. C’est vrai que ça fait un bail que vous ne vous êtes pas vu. Il faut dire que les derniers mois ont été chaotiques pour toi, un peu trop à ton goût malgré les avancées que tu as pu faire.

Ça se comprend bien au soupire qui traverse tes lèvres à la question que te pose Mackenzie. Tu montes sur le chameau qu’il t’a confié avant d’y répondre. « C’est un peu trop le chaos pour moi. Entre ça et la passation de pouvoir de Cassandra à Donovan. » Et ce que t’as appris au sujet de Donovan, aussi, mais c’est quelque chose qu’il te faut amener avec un peu plus de tact. T’as confiance en Mackenzie, c’est bien ce qui explique ta présence, mais tu ne comptes pas lancer un secret potentiellement problématique sans au moins préparer le terrain. « Mais ça va, normalement mon mandat devrait rester cantonné à Requiem donc j’évite le pire. » En théorie, reste à voir si une discussion avec tes supérieurs ne mèneront pas à autre chose, une décision inattendue. Difficile de savoir les plans du nouveau chef de la Vallée sur ce plan, toi t’as d’autres chats à fouetter en attendant. Mais bon, chaque chose en son temps. « Et toi alors ? Les affaires se portent bien ? » Question innocente pour commencer, question qui cache celle qui suivrait nécessairement à un moment ou un autre. À savoir t’enquérir de ses recherches, même si tu peux te douter qu’il n’y aura rien de ce côté. Après tout, s’il avait trouvé Mathilde entre temps, tu l’aurais sans doute su bien avant.  

Parler des changements qui secouent la Vallée est un sujet sensible. Ce n'est pas tellement l'annexion des Sylvestres qui te préoccupe - même si une part de toi ne peut s'empêcher de se demander ce qui s'est passé exactement pour que ça arrive - mais la montée au pouvoir de Donovan est une autre paire de manche complètement. Tu hausses les épaules aux dires de Mackenzie, une façon détachée de lui donner raison. Tu te plais à croire que la Vallée se porte tout de même un peu mieux que le désert, l'autorité centralisée devrait normalement aider en ce sens, mais tu ne parierais pas nécessairement là-dessus. Parce que ta terre d'accueil a perdu un peu de sa lueur à tes yeux, parce que tu as beaucoup à faire pour la ramener dans le droit chemin. « J'ai appris à tirer mon épingle du jeu depuis le temps j'imagine. » C'est pour ça que ça ne te pose pas de soucis. Du moins c'est la version qui te plait, t'es peut-être juste chanceuse en fait.

Il t'importe plus de savoir comment lui se porte, en partie parce que le creux de tes problèmes ne peut pas être abordé si facilement. Un hochement de tête lorsqu'il t'indique que ça va, tant mieux. La suite t'intrigue davantage, la mention du business bien sur, mais surtout lorsqu'il évoque la pyramide qui se fait construire. Tu mords nécessairement à l'hameçon. « Oh ? » Histoire de l'encourager à poursuivre sur sa lancée, curieuse de compléter les informations contenues dans le bref article de la gazette. « Des terroristes vraiment ? T'as eu l'occasion de découvrir ce qu'ils voulaient ? » Empêcher la pyramide d'être construite, très certainement, mais ça te parait contreproductif pour les gens du désert qui en profiteraient. À moins qu'ils ne voulaient pas l'aide d'un royaume ? Peut-être, tu peux comprendre l'intérêt de l'indépendance, mais en même temps, autant profiter des ressources données lorsqu'elles sont aussi cruciales. « Enfin je me doute que tu avais d'autres préoccupations sur le coup. » Après tout, tu ne tiendrais pas bien longtemps dans une telle situation. T'as déjà un peu de mal à supporter la chaleur et la lumière du désert.

Mais il le faudrait pour accomplir ce que tu es venue faire. Tu hésites un bref instant à la question qui t'es posée. Difficile d'avoir une certitude considérant que ton devoir pourrait te rappeler à Requiem, mais : « Dans l'idéal, trois jours. » Un peu arbitraire comme nombre, mais tu supposes que ce serait suffisant. « Du moment que tu veux bien me tolérer et que je ne suis pas un obstacle pour l'expansion de ton empire. » Tu rigoles, pas bien sérieuse. T'irais surement faire un tour au marché noir pendant ce temps, mais c'est la compagnie de Mackenzie que t'es venue chercher, c'est donc sur lui que tu te fierais pour ne pas étendre trop longtemps ton séjour.

La mention de terroriste a tôt fait de chasser tes préoccupations quant à ta propre situation. C'est tout de suite plus intriguant, potentiellement dérangeant aussi. Après tout, rien n'empêcherait qu'ils décident d'aller ensuite à l'encontre de la Vallée. Tu redoublerais de prudence, peut-être vaudrait-il mieux organiser la sécurité de Requiem en conséquence... Enfin, ça pourrait sans doute attendre ton retour. En attendant, tu préfères gratter sur ce que connait ton ami sur le sujet. Qu'ils se présentent comme terroristes t'apparait étrange, mais si Mackenzie n'a pas entendu leur revendications, c'est tout ce que tu as comme base. La théorie qu'il te partage aussi, même si comme toute théorie, elle doit être prise avec un grain de sable (ce dont il ne manque pas ici). « Ça me semble plus logique en effet. » Mais en même temps qu'est-ce que le bras droit de Celestia gagnerait à attaquer les convois de cette façon. Arrêter l'aide au désert ? N'y aurait-il pas un meilleur moyen de le faire à l'interne, un moyen qui n'implique pas la perte de ressources ? « Il a davantage à gagner que les habitants ici auraient à refuser l'aide du Mont. » Et là-dessus vous êtes d'accord. Dommage qu'il n'y ait personne à questionner là-dessus. « Qu'est-ce que je ne donnerais pas pour savoir ce qui se passe au Mont avec tout ça. » Non pas que tu sois si friande de ragots en temps normal, mais il est difficile de refuser ce genre de potins.

De toute façon t'aurais l'occasion de revenir sur le sujet, peut-être lorsque tu en saurais plus. Si c'est une histoire entre Celestia et le Désert, tu n'as pas trop intérêt à t'en mêler. Rajouter des problèmes à la Vallée est bien la dernière de tes priorités. Tu fais tout de même une note mentale de chercher à savoir ce qui se dit dans les parages sur le sujet, t'aurais le temps en trois jours. Parce que Mackenzie semble bien accepter ta visite. « Je vais devoir me faire exploiter pour te remercier de ton hospitalité ? » Tu n'es pas sérieuse, ne voyant absolument aucun inconvénient à aider le business de ton ami. Peu importe ce qu'il te demanderait d'ailleurs : publicité ou autre. Tu ne voyais d'ailleurs pas davantage d'inconvénients dans la demande que tu dois remplir à chaque fois. Ça ne t'empêche pas de l'embêter sur la question, mince sourire sur les lèvres. « Oh, j'ai pensé à amener à manger à Bertha, mais semblerait-il que j'ai oublié le thé. » Un petit haussement d'épaule. « C'est dommage. » Mais surtout, tu tapotes le fond de ton sac pour indiquer que t'as bien quelque chose pour lui.

Tu finis par te redresser légèrement sur ta monture histoire de mieux voir l'Oasis qui se dessine. « Si on oublie les terroristes, les choses se passent bien ici ? Pas trop de transcendés à l'Oasis ? » Tu n'es pas vraiment inquiète, surtout considérant que Requiem n'est pas non plus à l'abri de la transcendance. Sauf que t'es curieuse. Savoir l'état des choses au Désert ne peut que t'être bénéfique dans le cadre de ton travail, aussi pour savoir à quel point tu dois être hostile dans ces étendues de sable.

T'aurais mille et une autres questions à poser au sujet de cette histoire de terroriste. Sauf que tu sais que Mackenzie n'aurait pas les réponses et il vaut donc mieux que tu les laisses tomber. T'essaierais bien de voir si quelqu'un du Mont Celestia peut répondre à tes questions, voir quelqu'un de plus haut placé que toi à la Vallée des Constellations. Après tout, peut-être qu'il y a des informations qui auraient filtrée diplomatiquement et t'es normalement en position de les obtenir. Il faut bien que ton travail te soit utile, sinon il ne serait utile qu'à ton ami qui compte (outrageusement) t'exploiter. Tu ne lui en tiens pas rigueur, ça fait bien longtemps que t'aurais mis fin à cette relation si ça te dérangeait. Tu ne peux donc que rire à ses mots. « Ah d'accord, tu veux juste exploiter ma réputation et mes contacts. » Parce que c'est bien ce que tu peux investir dans le business de Mackenzie et ça ne te dérange pas le moins du monde. Ça se voit bien au sourire qui se trouve sur tes lèvres. « Si c'est un honneur écoute. » Tu hausses les épaules, l'air de dire que si c'est comme ça tu ne peux certainement t'opposer en outre mesure. Tu ne comptais pas le faire dès le début. T'as suffisamment confiance en ton ami pour savoir qu'il ne te demanderait jamais de dépasser certaines lignes et que si jamais ça devait arriver, il accepterait un refus.

En attendant, tu peux continuer de favoriser Bertha, ta véritable amie dans cette histoire. Ton sourire s'agrandit un peu alors que tu flattes doucement la bête comme pour la rassurer face aux (fausses) menaces de Mackenzie. « Il faut pas l'écouter, il est juste jaloux. » Oh, bien sur, tu sais encore une fois qu'il n'est pas sérieux, mais ça ne t'empêcherait certainement pas de rebondir sur ses dires. « C'est parce que tu menaces des pauvres créatures sans défense que je ne peux pas t'amener de thé tu sais. » À vrai dire, tu ne ferais pas grand chose avec lui s'il menaçait sérieusement Bertha, mais tu n'as pas grande inquiétude sur ce point.

Ce qui est plus inquiétant, en revanche, c'est la question des transcendés. Bien que Requiem ne soit pas totalement épargné, tu sais que la situation dans le désert est (nécessairement) différente. Sa réponse en ce sens est encourageante et surprenante. Tu n'aurais pas cru que les choses seraient aussi contenues, mais il est vrai que le désert, malgré tous les défauts qu'on peut évoquer de cette région, est peuplé de gens un minimum débrouillard. Semblerait-il que ta prudence ne soit pas si cruciale. Tu resterais sur tes gardes, mais il y a un monde entre gérer un transcendé et un oublié. T'es tirée de ta réflexion par la question de Mackenzie. Sourcils froncés tu réponds « Terrorisée, vraiment. » Plus neutre n'existe pas dans le ton de ta voix. Évidemment ta réaction aurait été toute autre si tu avais cru un instant qu'il était sérieux. « Mais pousse pas ta chance veux-tu. » Bien que pas crédible, la menace est évidente considérant le don qui est le tien.

Tu descends à ton tour de ta monture, flatte un peu plus Bertha. « Il y a des choses à se procurer ? » C'est lui l'hôte, mais tu n'as rien compte récupérer quelques ressources avant de repartir. La discussion que tu voulais avoir avec lui attendrait que vous ne soyez plus entourés d'oreilles indiscrètes et potentiellement problématiques.  

Un sourire s’étire sur tes lèvres à la réaction de Mackenzie. Ça te ferait presque rire, du moins s’il y avait une pointe de sérieux dans l’interaction. Toi tu t’en amuses bien, chassant d’un geste de main la distinction qu’il veut amener. « Oui, jaloux donc. » Y a-t-il vraiment une différence entre l’envie et la jalousie ? Peut-être, surement. Tu t’en fiches un peu à vrai dire, ça n’importera pas dans la conversation. Toi tu reportes plutôt ton attention vers Bertha pour caresser son pelage d’une douceur que tu ne réserves qu’aux animaux. Un haussement d’épaule plus tard : « Ça t’apprendra à faire des menaces à l’encontre d’une brave bête comme elle. » Comme si tu avais deviné qu’il le ferait. Bien sur, il n’en est rien. T’as amené le thé comme promis, déjà parce que c’est la moindre des choses considérant que tu t’invites dans son univers, mais aussi parce que t’es anglaise, tu comprends l’importance de cette boisson. Tu te vois donc difficilement l’en priver.

Puis, il y a aussi plus important que les plaisanteries sur le sujet, la question des transcendés notamment. Tu t’attendais à un chaos qui cadre plus avec le manque d’autorité dans le désert, mais peut-être est-ce sous-estimer les gens qui le peuplent. Tu sais que c’est un mauvais jugement, après tout, s’il fallait qu’il y ait une tranche des oubliés qui soient de la même trempe que Mackenzie, tu préférerais les compter dans les rangs de la sécurité de Requiem plutôt que les quelques incompétents dont tu dois te contenter par moment. « Parce que j’ai besoin de protection ? » Tu trouves qu’il pousse un peu trop, mais il trace encore la ligne avant la limite. Pas besoin de le pousser dans la source d’eau donc.

Surtout pas quand il y a plus important, notamment l’explication derrière votre arrêt à l’Oasis. Tu hoches la tête alors que tu laisses Bertha s’abreuver. « Oh génial, c’est moi qui doit aller affronter les Oubliés ? » Tu n’es pas sérieuse, toujours pas. Tu sais que le désert n’est pas non plus qu’un monde de chaos et que les chances que tu doives vraiment affronter qui que ce soit sont assez minces. « Moi qui croyait que t’étais un hôte digne de ce nom. » Tu hausses les épaules avant de te diriger vers les différentes options de choses à cueillir. Tu n’es pas une très bonne cuisinière, mais t’as toujours cet esprit pratique. Tu prends donc des ingrédients qui te semblent facilement utilisables.

Tu reviens ensuite plusieurs minutes plus tard armée de ta récolte. « J’ai failli perdre un bras par ta faute, mais j’ai notre butin. » Ça pourrait presque être crédible si ce n’était du ton de ta voix, mais le but n’est pas non plus d’être moindrement inquiétante. Tu fais juste plaisanter - à ta façon dirons-nous - pour rajouter sur le fait qu’il t’a laissé le sale travail. « C’est plus calme que je ne l’aurais cru. » À force de ne voir que Requiem t’en oublies parfois ce qui se passe en dehors de ta juridiction. Le désert est, plus souvent qu’autrement, une agréable surprise. Peut-être parce que c’est l’endroit à la pire réputation, peut-être parce que c’est le plus intrigant pour toi.