Il ricane Rosario, s’imagine un palais rosé aux senteurs boisées, le sucre en guise de façade et le chocolat glissant sous les fenêtres, victime de la chaleur étouffante des terres ensablées. Comme il serait dommage de voir ainsi si belle construction s’effondrer sur la tête de Lucrèce.
« Quelle belle histoire à raconter pourtant ! "La reine sur son trône éphémère".  »
Il secoue la tête d’amusement, piochant à son tour dans le bol pour dévorer une petite pâtisserie. Heureux de voir la jeune femme heureuse. Heureux de la voir sourire malgré tout ce par quoi elle avait surement dû passer.
Car elle restait l’enfant de son fidèle ami, la princesse au visage poupin d’un souvenir retrouvé. Devenue femme sans même qu’il ne le sache, les années écoulées comme un sablier trompeur.
Et tout ça, ça ne le rajeuni pas.
En noyer un ou deux ? Ah Lucrèce aurait décidemment pu aisément passer pour sa fille cachée ! Se pouvait-il que l’humour du vieillard ait débordé sur la gamine de l’époque ? Il en rit Rosario, tape affectueusement l’épaule de l’autre, ravi d’apprendre que les blagues sur les enfants noyés ne faisaient pas rire que lui.
« Mon dieu Lucrèce tu deviens pire que moi. »
Les yeux plissés à force d’en rire, c’est une bien belle journée qu’on lui offre là, à raviver les souvenirs et observer la jeunesse s’épanouir.
Il redevient pourtant un instant sérieux, car Céleste n’était pas sujet à sourire. Céleste, gouffre dans son cœur où il aurait voulu s’y précipiter. La hyène se contente de hocher la tête, retrouvant un infime sourire à l’évocation de ses satanés gosses. Quels ingrats oui !
« Mangeables ? Elles sont tout simplement délicieuses tu veux dire ! »
Tout de même.
« N’hésites pas à repasser le plus souvent possible, ces retrouvailles m’ont fait plaisir. »
Petit air presque paternel, il était près à l’attirer à force de bons gâteaux pour ne pas à devoir attendre encore 10 ans pour la revoir.

Il n'était peut-être pas du même sang mais Lucrèce vouait un respect sans pareille pour cet homme tout d'un coup devenu vieux. C'est qu'ils l'avaient toujours si bien accueilli dans leur grande maison d'Italie quand lui la couvrait d'attention, seule fille parmi sa ribambelle de frères. Oh qu'elle était gâtée dans ce monde-ci, alors que maintenant elle devait arracher à la sueur et au travail de ces mains la grandeur qu'elle méritait.

"Peut-être as-tu un peu déteint sur moi" et pourtant cela se montrait plus impossible que possible, voilà longtemps qu'ils ne s'étaient pas croisés. Mais ah il faut croire que les enfants n'avaient jamais été dans les plans de la belle.

Elle lui sourit une dernière. Voilà que l'invitation n'était pas tombée dans l'oreille d'une sourde. Comme l'enfant qu'elle est redevenue, elle vient lui poser un bisous sur la joue avant de s'en aller en riant, sur ses talons et dans son costume 3 pièces. Oh, qu'il ne s'inquiète pas, Rosario, Lucrèce allait bien vite revenir lui piquer de savoureuses pâtisseries.