hélianthe souffle ;
une volute s’élève
s’écrase

il n’aimait guère célestia ce roi
pourri gâté sur les bords,
a se geler les doigts ((ah il avait beau avoir le
sang froid,
c’était si difficile de réguler une température ambiante)).

incognito pour se référer au bon terme,
la majesté des villas se trouvait donc à polaris ;
tout est ((blanc tout blanc s’en était presque
aveuglant)) ;

lui qui préférait l’ombre
il était difficile d’en apercevoir quelconque saveur

quoiqu’un bon café chaud lui manquait,
il s’était donc réfugié dans le centre commercial ((ressemblant étrangement
où ils avaient tant passé leur jeunesse à siroter
des starbucks comme des ados innocents (et endettés))).

le froid, hélianthe l’endure ;
il a les talons de ses belles chaussures ((peu discret)) qui claquent sur le verre des sols
bien lavés,
car il a une bien plus importante raison de s’être déplacé pour ainsi dire
il voulait retrouver sa « cendrillon » celui qu’il
avait croisé au détour de l’alcool
sur les toits de sa demeure ((l’empire tout entier à leurs pieds)).

c’était flou
brouillé,
qu’il
avait aimé et
le goût inachevé d’une romance oubliée titillait bizarrement
ses crochets.

il n’en était pas sûr ;
avait-il survécu
tant changé
souillé de sa souffrance tristesse
où était-il donc passé tant d’années
après si c’était
pour mieux mourir
il a un sourire naïf perdu sans ses pensées ah –

boum ;
sous les cotonneux nuages,
quelques carottes aux couleurs d’été ((pouvait-on parlé de temps estival ici))

sursaute, de sa stature aux épaules pourtant si droites
se rend compte de son erreur ((indigne d’une noble lignée))
ah hélianthe
attention votre majesté à

en toute galanterie, le voilà qu’il se baisse
((il faudrait lever les yeux))
et tend la main vers les légumes de couleur acidulées
frôle avec inconscience la main de
la victime de son inattention ((c’était un battement de cœur raté
que ces touchers étaient familiers mais
hélianthe l’ignore, encore)).

« nous sommes désolés, vous avons-nous blessé ? attendez, nous allons vous aider… »

((parler en nous en dehors de caer c’était
s’exposer

hélianthe ne lève toujours pas les yeux

C'est qu'il a dans la tête, Icare, cette douce danse sur les toits aux horizons roses, aux horizons de lendemain. Il a les mélodies et les plumes qui accaparent les pensées. Quand avait-il vu Hélianthe, pour la dernière fois, avant cette soirée là? Il est encore persuadé avoir rencontré une énième contrefaçon, et, pourtant, restent dans sa tête les souvenirs des jours plus heureux, sur le bord des plages fraîches, sur les sourires rayonnants envoyés, sur les mains tenus innocemment. Icare avait bien changé. Il avait encore grandi, il avait encore maigri, il avait laissé ces cheveux qu'il tenait courts sur sur le haut de sa tête glisser jusque dans le bas de ses reins (peut-être souvenir de ces rideaux corbeaux qui hypnotisaient). Et, des fois, il se surprend à laisser ses pensées divaguer en tous sens. Comme lorsque la caissière le prie de bien vouloir avancer, c'est à son tour de payer.

Il a un sac de carottes sous le bras, des pommes dans l'autre. Peut-être parce que Lily a commencé à bien apprécier ces fruits juteux, depuis qu'il les a goûté de la main même de Lucian (ce qui l'avait lui-même surprit). Le petit animal craintif commençait à s'habituer à son ami, l'idée le faisait sourire un peu bêtement en plein centre de la rue. Il perd le nord (encore) et les carottes s'éparpillent partout, s'écrasent presque sous les pieds des passants, et il ne pense une seconde à s'excuser, trop pressé et occupé à ramasser ses légumes pour les sauver. Ce n'est que lorsqu'il ouvre ses lèvres pour se faire pardonner qu'il a la main du caerien sur la sienne, déjà, et que sa voix se porte à ses oreilles.

Cette fois, il en est certain, il ne s'agit d'un mirage.

Hélianthe a changé, lui aussi. Et Icare est sonné, Icare le regarde comme si c'était la première fois qu'il le voyait, habillé si différemment, tout prêt à se faire discret. Il souffle de son nez, reste interdit, quelques secondes, et souffle du bout des lèvres.

« Lily? »

Impression de déjà vu. Mais il n'est minuit, entre deux fenêtres, le jour perce les vitres et la raison tient sa place dans son crâne. Il tendrait la main qu'il sentirait la joue contre sa paume, se rend compte qu'il le fait. Mais il ne retire ses doigts, les larmes aux yeux, le cœur battant la chamade, il presse la paume contre cette joue. Oh, Hélianthe. Il a attendu ces retrouvailles si longtemps, a regretté ton départ, a regretté ta mort, ne rêve que des tes bras (là, tout autour de son corps).

pourquoi disait-on toujours
que le hasard fait bien les choses ;
pourtant les tournants
ont les chemins de croix qui s’entremêlent de leur
((plus grandes nostalgies)).

mais hélianthe
ne lève

ah,
il l’a bien reconnu oui.

mais il reste immobile,
une marionnette sans vie alors que))
les carottes étaient toutes retournées à leur dû propriétaire.

ah
hélianthe a quelques souffles qui
s’évaporent dans l’air frais ;
les quelques secondes de réalités s’enchaîneraient à
ses espoirs ses veines
sa peau il
((ne voulait pas le lâcher car
le regarder dans les yeux serait que de reconnaître))

ses erreurs.

bruissent les passants qui les contournent ;
était-il à la mer
perdu dans ses ressentiments
ses regrets ses émotions
temps combien d’années
finalement)) ;

lily a des goûts de mélancolie
des écorchures sur son cœur pourtant si peu vivant ;
tant révolu que terre n’existait même plus –

((et pourtant il était encore là toujours là il était
toujours auprès de lui était-il jamais
parti finalement)) ;

ses longs cheveux ((ah non il ne s’en était
jamais départis)) ;
qui avaient dit au-revoir au monde de là-haut,
avait pourtant gardé un bout de lui
avant
de je,
de
rires des innocences un petit peu dans le fond
de son âme)).

c’est un frisson de triste joie qui le parcourt
quand sa main touche sa joue ah qu’est-
secondes les plus douces de son existence à althea mais
((il ne le mérite pas, ils
ne le méritent pas)).

hélianthe
ne lève toujours pas

c’était doucement ironique
il l’avait cherché
à la manière d’une cendrillon perdue à jamais ;
que résonnait la mélodie
la flûte qui scindait ses larmes
d’un goût de perdu à retrouver.

hélianthe
lâche une volute encore une autre c’était
((pour se donner du courage
faire face à ses bêtes croyances à ses
espoirs ses souffrances ses mirages)) ;

c’était doucement
et perlait déjà
((quelques gouttes d’argent au bord de ses yeux
etirés d’un serpent qui avait cœur de pierre
de ces années à empoisonner
les parties sur l’échiquier)).


ah ça
avait
passé le bout
de sa langue
qu’il s’était
tant interdit d’y penser
de prononcer ce nom ;

il ne pouvait qu’admirer
les traits fins qui venaient se dessiner
((en contrejour des vitraux de glace

pourquoi ne lui avait-il jamais écrit de lettre ?

si c’était la seule pensée qui lui venait
pour ne jamais lui avoir porté hommage ;

il avait tant changé,
les traits creusés ;
ses cheveux étaient devenus
plus longs que les siens c’était
des rivières de noirceurs qui s’écoulaient le long de sa hanche mais
hélianthe n’en avait-il point tout le cœur ?

alors
courbettes ah !

hélianthe prit son unique soleil dans les bras,
c’étaient ses doigts qui se serraient dans ce dos si maigre
doucereux)).

C'est que la soudaineté des gestes d'Hélianthe firent craquer ces petits murs construits tout au préalable pour survivre, oui. En quelques secondes, le voilà collé contre la poitrine de cet homme qu'il avait cru avoir perdu pour toujours, le voilà qui sent les larmes dévaler les joues moites, qui enfonce le nez dans le cou gracile du serpent, certain, pourtant, qu'il ne le dévorerait guère, lui, non. C'est qu'il ne doit pas être bien élégant, à ainsi renifler contre sa peau, à laisser son odeur (tant changée) remonter à ses narines pour ne plus jamais l'oublier. Oh, Hélianthe, Hélianthe, comme il fait bon temps pour des retrouvailles de six ans, ne trouves-tu pas? Et il resserre son étreinte autour de ces épaules plus raides qu'avant, plus larges, aussi. Oubliées les carottes et les pommes, il n'y a que cette sensation étrange de contentement éternel au creux de la poitrine. Et il rit un peu (il a l'euphorie qui lui monte à la tête).

« Si tu crois que je te laisserai t'enfuir encore une fois maintenant, tu te trompes. »

Il souffle faiblement, tremble, aussi, contre ce corps là, et recule, rien qu'un peu. Pour mieux voir ces yeux, pour mieux voir ce visage, pour le graver, encore, dans ses rétines, celui qu'il avait tant peur d'oublier. Il repose cette main vagabonde sur le visage de porcelaine, et c'est tout comme le rêve qu'il pensait ne jamais vivre (les danses sur les tuiles n'étaient-donc imagination bien vilaine?). Il a le sourire rayonnant de ces êtres réjouis, quand il attrape prestement les sachets qu'il a laissé tomber, pour se redresser, tirant Hélianthe avec lui. Il se rend bien compte que, malgré les années, il reste le plus petit, il reste le plus chétif, et son ami a cette assurance qu'il ne lui a jamais connu (a l'air d'un prince, il en est impressionné).

« Tu m'as manqué. »

Oh, plus que cela, vraiment, il avait la poitrine arrachée de n'avoir vu ton visage, ce jour là. Il en avait pleuré des larmes plus enragées que celles qui collent encore le visage aujourd'hui, il avait probablement hurlé dans ces nuits sans fins à survivre contre les monstres aux territoires interminables. Mais il ne trouvait le moyen de le lui dire, combien il avait ressenti ce manque vibrant dans tout son être, tout ce temps. Peut-être ces lèvres tremblantes, ces mains qui se refusaient à lâcher ce corps, ce regard qui analysait chaque parcelle de peau, sauraient-ils parler d'eux-même.

il y avait douceur dans les regrets qui dévalaient les
joues de ces étoiles qui s’étaient tant manquées ;
sans fin avant
((une éternité plus tard))
de se retrouver en une étreinte fortuite car ((ah
oui c’était drôle au destin les ironies du sort)).

pourtant hélianthe a des douces chaleurs qui réchauffent
oubliées les gelés flocons de polaris ;
qu’ils avaient tant manqué car ils ((s’étaient si
cruellement
manqué)) ;

il se souvenait encore
qui n’avait jamais été envoyé)).

mais il ne lui en parle pas car
les secrets ont des murmures de belles illusions.

alors hélianthe

« toi aussi. »

il n’avait les discours du prince
ni la froideur du roi ;
hélianthe l’adolescent qui se voyait déjà faire
sa drama-queen en voyant icare
((à la gare comme tous
les mauvais films romantiques)).

c’était un mois

hélianthe le voit
son regard qui vagabonde sur les parcelles de son corps
sur la peau les cheveux les yeux les lèvres le visage tout entier
((le graver et ne plus jamais
commettre les mêmes erreurs)) ;

car hélianthe en est fait refait composé de tout son être
de ses âmes en peine.

il le garde en mémoire oui mais ;
intensité du silence car les
((mots n’ont de pouvoir)) ;
six ans plus tard ce n’est un retard qui peut ainsi se rattraper.

icare le veut tout à lui en ce moment et pour l’éternité alors
tant retrouvée jamais arrachée)) ;
hélianthe lui accorde sa plus belle offrande ((était-ce la sienne ou celle qu’il
avait tant attendue de recevoir signe du ciel ou des enfers)).

prince des villas roi des noblesses il oublie tout le temps de ce ((beau rêve)) ;
c’était avec tendresse presque une
sensation qu’il avait lui-même oubliée
comment la prodiguer comment la recevoir comment
((la donner)) ;

et ses lèvres vinrent se déposer
en papillonnant sur celles de son prince à lui car

((un instant une seconde une minute deux heures il ne savait pas, simplement que cette
étreinte était ambroise était renaissance à ses espoirs fanés car ils avaient toujours gardé
leurs quelques étoiles au fond du cœur
n’est-ce pas)).

« car si tu continues à me regarder ainsi, tu finiras par t’en lasser. »

une excuse encore une ((excuse mais en sourire cette
fois)) ;
le front posé contre le sien,
surplombant son beau corbeau de sa stature ;

hélianthe
était simplement
et icare il était
hélianthe avec icare
aux images des adolescences passées à se boire du regard
((c’était les nous aux dérives de leur belle gloire)).

C'est qu'il y a dans ces sourires oubliés par le temps, le réconfort qu'il ne pensait chercher. Il y a dans ces mains chaudes, qu'il sent au creux de ses reins, un sentiment de satisfaction intense qui s'empare de lui. Oh, Icare ne se pensait encore dépendant aux doux mots d'Hélianthe, à ses regards fiévreux et à ses douceurs (oniriques). Mais c'est qu'il ne s'attend à sentir les doigts frôler les joues, écraser les larmes, pour les effacer (à jamais, il l'espère). Il ne s'attend à sentir le souffle, chaud, là, tout contre son visage, à sentir ses lèvres se caler contre les siennes (papillon fragile aux ailes abîmées). Il sent son sang revenir tout contre ses joues, quand il pose une main surprise sur le dos de son ami (amant) d'enfance, son cœur battre la chamade contre sa poitrine et c'est le rêve tout évadé, c'est celui qu'il s'était interdit toutes ces années alors, il le sait, c'est la réalité. Et quand Hélianthe pose les fronts ensemble, voit-il les joues rosir de surprise, rosir de bonheur, rougir d'incertitudes?

« Me lasser d'un visage que j'avais si peur d'oublier? Je ne pense pas cela possible. »

Et il a ce petit rire, un peu humide des larmes, trop euphorique du moment présent. Oh, il ne tient rigueur de ce baiser volé, celui-ci n'a pour effet que de lui donner l'impression que le nuage sur lequel il flotte est devenu plus léger. Il prend l'une des mains du caerien entre les siennes, sourit et entrelace les doigts. C'est que se donner en spectacle ne fait partie de son quotidien que lorsqu'il a la flûte tout contre les lèvres (non ces chairs au goût d'oubli, au goût d'extase).

« Viens, rentrons. »

Oh, il l'amène dans les rues de Polaris, entre les grands bâtiments et les hautes tours, on a l'impression d'être minuscule, rien que quelques petites fourmis. Mais Icare a de ces grandeurs, quand, enfin, il engouffre Hélianthe dans son modeste appartement, qui n'a rien à voir avec les villas qu'il côtoie tous les jours. Et aussitôt, il y a de nouvelles paires d'yeux collées à eux, il y a cinq petits lapins qui observent curieusement le grand homme qui vient d'entrer, sautillant jusqu'à ses pieds. Icare sourit comme un ange, rayonne comme ceux-ci quand il lance, joyeusement, quand il serre les mains de son ami fort, fort contre les siennes :

« Finalement, malgré nos chutes et le chaos, nous nous retrouvons quand même. »

En âmes sœurs.

c’est qu’hélianthe voudrait tant et tant
garder ces moments graver dans ses mémoires
dans son cœur qui n’avait que les moires
des anciens temps pour racheter ses gloires ;
son ange son prince son âme sœur
((ah qu’il l’avait tant cherché tant fouillé dans les décombres
les décombres de ses regrets)) ;

car il avait la honte de s’être avancé sans se retourner
((il le savait pourtant
là-haut peut-être
toujours vivant)) ;

il entrelace ses doigts aux fines digitales de son étoile tant
attendue tant désirée tant
eperdue dans leurs belles pensées ;

oh était-ce donc là
qu’il vivait ?
bien loin fioritures de ses belles villas ;

avait-il envie de lui proposer du thé ((mais il ne les avait pas pris avec lui
ses plus belles feuilles millésimées)) ;
icare s’en fichait sans doute
hélianthe avait l’étiquette qui lui collait à la peau aux veines au sang ;
peut-être bien difficile de se défaire de six ans d’orgueil.

un deux trois quatre cinq ;
les petites boules de poil c’est qu’il
aurait presque manqué de les écraser.

il lève un sourcil presque inquisiteur,
était-ce donc là ce qu’icare avait choisi pour sa vie sur althea,

c’est qu’il a la bouche ouverte
ouverte prête
a lui poser question
trop brutalement son mode de vie)) ;

mais il entend ce mot-là qu’il
voulait pourtant éviter,
un tabou qu’il s’était forgé ;

et le voilà qui pince ses lèvres
ah le grand roi est froissé et ((encore une fois
il a tort mais il ne sait pourquoi il
n’a pas l’envie de s’égayer sur ce sujet-là)).

sa main glisse hors de la sienne alors
((qu’il l’avait tant désirée
alors
qu’ils s’étaient tant manqués c’est que
toutes les caresses au gré des envies
ne pouvaient compenser la déception des années passées)).

« tu élèves des lapins maintenant ? »

ni jugement ni mépris il
posait juste une question ;
tout de même car
si icare avait toujours été
un si beau soleil ;

il ne pensait pas qu’il aimerait les lapins,
ni en élèverait au sein de sa propre maison en fait
((il avait cette nostalgie qui revenait
ah c’est
qu’ils étaient si bien ensemble avant)) ;

avant que tout se brise en quelques rêves embrumés.

et le voilà hélianthe
qui reste planté perdu,
encore,
dans ses regrets ;
pourquoi donc
ne descellait-il pas sa langue ses lèvres
son cœur tout entier à son âme sœur.

C'est que la main qui disparaît laisse un certain froid, dans sa paume, dans son coeur, dans l'appartement. Cela le surprend, il observe Hélianthe de ses grands yeux surpris avant de détourner le regard pour attraper un lapin, occuper ses mains qui (meurent d'envie de se saisir encore de celles de son ami) cherchent la chaleur. Là, la boule de poils se hisse contre son épaule et il la garde contre son cœur (sent-elle son palpitant s'emballer de peine et de désespoir?). Il a cette frayeur incroyable de voir Hélianthe s'enfuir, encore, de le voir sombrer sans qu'il ne puisse jamais rien y faire. Mais Icare est toujours rayon de soleil. Vois comme, même si ses yeux reflètent les larmes et les peurs, son sourire resplendit.

« Veux-tu du thé? »

Il n'a rien des grandeurs caeriennes (ne se doute d'ailleurs de rien), il va dans sa petite cuisiner sans voir Lily (le lapin) se pointer sur la chaussure de Lily (l'humain). C'est que celui-ci, de lapin, a l'oreille amochée, a le visage abîmé. Il lui manque quelques poils de fourrure neige, à certains endroits, est tout plein de cicatrices sur le petit museau. Et quand Icare s'empresse de regarder Hélianthe à sa question, il a un petit hoquet de surprise en le voyant faire. C'est qu'il s'enfuit face aux visiteurs, d'habitude, se cache sous les canapés, n'a que la présence d'Icare en réconfort. Mais Hélianthe est l'exception. Et si tu lis encore en lui comme avant Hélianthe, tu devrais bien voir toute l'émotion qui le traverse, en voyant ce spectacle. Mais il n'en dit rien, met l'eau à chauffer, sort deux tasses très peu élégantes (avec des carottes, l'une, l'autre pleine de personnages de dessins animés).

« Je me sens moins seul, quand ils sont là. Ils m'ont... »

Ne termine pas sa phrase. Est-ce ça, qui frustre Hélianthe? La mention de leur séparation? De la mort? Oh, Icare a failli mourir. Plusieurs fois. Mais le voilà, sous un dôme qui réchauffe les âmes et respire la sécurité. Alors il ne tremble plus contre Lily, la nuit. Il vient d'ailleurs le récupérer aux pieds d'Hélianthe, le petit animal pousse un geignement étrange mais se blottit tout contre lui, semble apaisé. Et presque sur un ton de défi, en regardant son ami droit dans les yeux, il répond, la voix pourtant prête à se briser par l'émotion.

« Lily m'a sauvé la vie. »

Et serre le lapin fort contre son cœur. Il ne t'a jamais oublié, non.

c’est que les secondes de regret restent pendues à ses lèvres
((muettes)) ;
hélianthe a l’ombre dans le cœur
les fuites dans l’âme en
cavale.

et il reste là,
roi solitaire au milieu de la place ;
remplit d’une froideur un peu acide
un peu aigre
de sa doucereuse présence ;

n’avaient-ils finalement
que ces mots futiles à se dire ?

et le voilà
reparti dans son royaume des ombres ;
au bord de ses lèvres ((ses yeux))
scellé(e)s ;

c’était fermer son âme aux intrusions avait-il
appris à s’en tenir ainsi ;
partager son monde de débauche avec ce beau corbeau ?
((non pas le lui cacher
mais lui dissimuler les folies qui s’y tapissent car là-bas
les ombres n’ont d’innocence que leurs rires cyniques)).

et ce sont les pensées qui vagabondent
vagabondent tant et tant qu’il
un petit lapin ;

soudain goût de la réalité
tangibilité de cette boule de poils à ses pieds ;
plus de peur que de mal ((quoique ces animaux-là
ont bien vite fait des crises cardiaques)).

mais il est différent ;
celui à ses pieds,
c’est que les
car celui-ci a des balafres qui courent le long du pelage
signe de son arrivée brutale
((dans les entrailles de la terre
bienvenue en enfer ;
nouveau paradis des damnés)) sur une terre inconnue ah ;

« tu es tombé, toi aussi. »

hélianthe a des murmures qui s’échappent ;
une émotion étrange
lui noue en tricotin la gorge,
un lapin

((proies aux rétines du serpent pourtant)) ;
c’était le surplomber sans le manger lui-même soumis à des émotions contre-nature.

et le voilà qui repart aux bras de son propriétaire ((son ami en fait)) ;
hélianthe n’a toujours pas répondu
((ne semble répondre de rien sinon le déni du
début à la fin
c’était introduire la cadence en demi-temps
suspension dans l’air des questions
des incompréhensions ils avaient tant
de points d’interrogations)) ;

mais éclipse les efface étrangement.

ah ;
mais c’est qu’icare le confronte ((sa présence
le confronte)) ;
leur destin les confronte
aux fils de couleur vermeil qui les ont menottés dès
ce rêve passé là-haut
la surface.

ses yeux viennent se planter ((dans son cœur en chamade)) ;
dans les opales d’or qui viennent s’y couler,
et oui soudain c’est
qu’il ne peut plus nier

((comme alice sauta dans la tanière
laissant le temps s’écouler loin de ses cauchemars ;
les subtilités d’althea
effaça les regrets de planète terre
laissant des deux côtés de leur miroir
les amours les douleurs les peines les
incompréhensions les
non-dits qui s’effacèrent au fur et à mesure
des années qui avaient des courses plus rapides
que la vitesse du son ou de la lumière)).


a des goûts de formule magique ;

car hélianthe l’a gardé dans son cœur en lui en nous ;
mais lui a-t-il un jour fait hommage dans ces terres de frasques qui sont maintenant
l’entièreté de son royaume ?

et le voilà
sur les lèvres
la stature droite qui s’affaisse légèrement ;

semble soudainement
plus vieux ;
plus cassé que la majesté qui trône dans les hautes sphères de caer hrid,
au fond de la voix
au fond de son geste ;

car il vient proposer à son alter-ego
de venir dans ses bras,
le remercier

d’avoir pu lui offrir une seconde chance de briller à ses côtés
en double éclipse dans le ciel des astres en lucioles d’espoir.

« merci, lily. »

lui souffle-t-il doucement.

et il se relève car au fond
il reste prince des dignités ;

« nous… je prendrais bien du thé oui, s’il te plaît. »

et hélianthe
a les épaules bien droites
l’assurance dans les opales
qui s’y reflètent en invitation ;
était-il de temps de se parler à coeur ouvert,
autour de la table sans retour ?


mais la fuite a toujours quelques sauts en avant
((demande au joli lapin au lieu de le regarder vraiment dans le fond de ses beaux yeux)) ;
mais roi-soleil a les mots en double-tour dans ses manies de grand prince.

Il sent, Icare, les regrets. Ou sinon les regrets, les réalisations, celles qui font mal, qui heurtent les conscience. Car Lily a côtoyé les morts, les monstres, aux côtés d'Icare dans ce monde fou parasité de ces grandes présences desquelles on ne s'échappe (jamais) pas. Et les tensions se calment, les épaules s'affaissent un peu. Les doigts cherchent le poil d'opale et soudain, il s'échappe dans les bras d'un homme qu'il n'a pourtant jamais rencontré. Il sourit pourtant un peu, doux ange aux ailes fanées (c'est qu'il a lui aussi sombré). Il prépare les tasses, cœur apaisé, glisse l'eau chaude et les sachets, n'a le luxe dans la peau pour servir; mais ces ces gestes là ont le goût des après-midi relaxants, de ceux passés à raconter quelques potins entre deux cahiers de révision (et Hélianthe qui force Icare à lire son cours plutôt que de papoter). Il tend la tasse, baisse un peu les yeux (est-il tout timide?).

Il lui faut le temps de s'asseoir, à Icare, pour répondre. Il lui faut le temps de siroter sa boisson qui lui brûle le bout de la langue, qui laisse un goût acide sur son palet. Et puis, il inspire, il y a les mauvais souvenirs en tourments dans ses pensées mais Hélianthe a le droit de les entendre (non, il veut qu'il les entende, ces maux qu'il ne partage jamais à personne). Parce qu'il sourit à tout le monde, Icare. Il est fort, il va bien, il est heureux (il se relève, comme il peut).

« Des monstres sont apparus, après la chute des capitales. »

Il répond à la place de son lapin. Il se doute de la demande silencieuse de son ami (amant), il observe sa grande figure. Cette grande figure en plein dans son appartement, qu'il ne pensait jamais revoir, qu'il avait peur d'oublier, qui a l'âge en plus sur ses jolis traits. Souffle, reprend, serre les doigts aux jointures blanches contre la tasse.

« Ils n'ont pas atteint l'île aisément, mais cela a bien fini par arriver. Une île infestée est difficile à échapper, c'était une anarchie totale, tu sais. On s'est enfuis sur un radeau, Irene et moi. »

Le souvenir de sa petite sœur, recroquevillée contre le bois fend le cœur. Il a mal, là, dans le fond de la poitrine. Il sourit, pourtant. Elle lui manque, parfois, aussi. Il a sur la langue le sang qui coule, le sang de cet innocent, de ses parents, d'Irene, des autres qu'il a abandonné derrière lui.

« Il était trop tard pour les autres, mais pas pour elle. Et je voulais la protéger, je voulais l'amener loin de cet enfer mais, même ça, je n'ai pas su faire. Elle a sombré dans l'océan, avec cet homme que... »

Qu'il a tué? Peut-être était-il déjà mort. C'était écrit dans ses prunelles folles, c'était dessiné dans ses mains tremblantes. Mais Icare avait mis fin aux souffrances. Il a un moment d'absence, à regarder le fond de sa tasse quand il se ressaisit, fronce les sourcils. Ca assombrit son beau visage, ça donne envie de le supplier de sourire, encore.

« Et je suis tombé aussi, j'ai dérivé, réveillé sur une plage. Et il était là, juste posé sur moi, petit lapin mourant. Il cherchait de la chaleur, du réconfort, je crois qu'il était comme moi. Je crois qu'il était celui que je voulais voir après cet enfer. Mais finalement, tu étais bien plus bas, encore. »

Comment formuler cette chute? C'est celle qui fait semblant, celle qui donne l'illusion que l'on se rapprochera du soleil, sans que jamais ce ne soit le cas. Il sourit pourtant un peu, il a la tendresse sur ses traits, les larmes sur les joues, quand la voix craque, quand il pose son visage contre une main, quand il regarde Hélianthe, Lily, ses lapins.

« J'ai sauté parce que je n'en pouvais plus d'être seul. Je pensais... Je pensais que je retrouverais le soleil. Et quand je me suis réveillé, Lily respirait toujours (moi aussi). C'était mon seul espoir, à ce moment là. »

Enfouit le visage dans les mains, sanglote, là. Oh, il s'était oublié si triste, il s'était oublié si désespéré. Et aujourd'hui, aujourd'hui Hélianthe était de retour.

Il était si heureux.