Les soins apportés par Gavrila avaient fait des miracles. Ce qu’il te restait des blessures infligées par l’ours était plutôt minime et t’as donc repris le travail aussitôt. Ce n’était pas l’idée du siècle considérant que tes membres meurtris ne demandent qu’un peu de calme et de repos. Sauf que ça ne fait pas partie de ton vocabulaire, du tout et c’est finalement un message de Mackenzie qui te force - indirectement - à le faire. L’invitation qu’il te fait est une surprise qui a tôt fait de piquer ta curiosité. C’est donc sans surprise que tu acceptes l’invitation avec un certain enthousiasme - enfin autant que cela puisse transparaître dans un message de ta part. Et t’as posé les congés nécessaires pour partir quelques jours dans le désert. Ce n’est sans doute pas l’idée du siècle pour du repos que de traverser une bonne partie du continent mais bon, t’es quand même curieuse de voir de tes propres yeux ce qui se passe au désert.

T’es surprise par ce que t’y découvres, à croire que l’aide de Celestia a apporté quelque chose. Tu sais pas si c’est vraiment ce que tu aurais fait avec les moyens, mais comme t’es là que pour visiter, tu ne vas pas t’en plaindre. « Très drôle. » Ouais t’as vraiment l’air de trouver ça hilarant avec les sourcils légèrement froncés. Tu le prends pas mal non plus. « Tu devrais voir la tête de l’autre. » Et par autre, tu veux dire un ours. Un putain d’ours, mais ça, tu comptes bien le dire plus tard. Tes aventures à Perdition mérite un peu plus de suspens que de se faire déballer dès ton arrivée sur place. Et vu la tête de Mackenzie, faut croire que t’es pas la seule à avoir des choses à raconter. Pour l’instant tu te contentes plutôt d’hocher la tête. « Je te suis ouais. » Tu lui emboites le pas vers l’étage, puis vers ta chambre.

Une fois le tout déposé, tu peux pas t’empêcher de demander : « Tu rackettes des hôteliers maintenant ? » Tu te doutes que c’est pas ce qui s’est passé, mais ça te fait rire d’imaginer ton ami menacer un hôtelier pour que votre séjour soit tout frais payé. Ça t’arrange bien, on ne peut pas dire qu’être membre de la sécurité de Requiem est le job le plus payant. « Mais bon, autant commencer par un verre. » T’as bien compris qu’il en a besoin et ça te fera pas de mal à toi aussi. Puis bon, discuter autour d’un verre ça changera des soirées passées dans le sable du désert. Tu vas pas t’en plaindre non plus.  

La réaction de Mackenzie te parait étrange. Il doit normalement avoir l’habitude de tes commentaires gratuits, jamais plus méchants qu’une taquinerie quand ça le concerne. Il se reprend, entrant dans le jeu. Tu lèves les bras, comme pour acheter une paix non-nécessaire. « Oh, je n’oserais jamais. » Même si à bien y penser… ouais non y’a forcément une histoire derrière ces accommodations gratuites pour votre séjour. Elle ne tarde pas et tu peux pas t’empêcher de sourire en l’entendant. « Ah oui, c’est lui qui t’a racketté en fait. » Tu plaisantes encore aux dépends de ton ami, mais il faut y voir là une marque d’affection - pour ce que ça vaut. Tu comptes bien lui poser plus de questions, notamment concernant ce qui a pu le pousser à accepter ce genre de job, mais pour l’instant, t’estimes qu’avoir un verre dans les mains c’est bien plus important.

Et contrairement à Mackenzie, t’as aucun scrupule à commander de l’alcool. T’es pas en service, t’es même pas dans la ville que t’es chargée de protéger alors tu ne vas certainement pas te gêner. Tu vas, certes, faire attention à ne pas abuser, mais tu peux te permettre des petits écarts. C’est un whisky que tu commandes, des bons souvenirs d’une époque révolue. À la question qui t’est posée, tu peux pas t’empêcher de soupirer bruyamment. « Pas la guerre, plutôt une chasse extrême. » Une chasse qui s’est terminée par une poursuite avec un t-rex, ouais c’était une drôle d’expédition. Tu hésites un instant, te demandant la meilleure façon de raconter ce qui s’est passé. Tu prends une gorgée de ton whisky pour la forme. « Cassandra a chargé un groupe de civil, un explorateur incompétent et moi de ramener des animaux parce que la faune de Perdition est devenue étrangement agressive. » Ça te semble être un bon résumé de votre mission. Tu t’es même permise une pique contre Raeb malgré sa fin potentiellement tragique. Personne n’est là pour te juger et ce n’est pas le plus important de toute façon. « Dans l’ordre : la jungle a failli nous tuer, on s’est retrouvé en sandwich entre une panthère et un ours et l’ours m’a frappé. » Presque tué serait sans doute une meilleure représentation de la situation. Heureusement que Gavrila avait été là, sinon tu serais peut-être pas ressortie de Perdition toi non plus. « Ah et un t-rex nous a pourchassés. » Tu hausses les épaules, comme si c’était une chose parfaitement normale à dire. Tu prends une nouvelle gorgée. Ouais, ça a été une drôle d’expédition.  

Le commentaire de Mackenzie fait écho à ta propre pensée. Quelle idée d’amener des civils dans une chasse dangereuse. Oh, tu ne ne caches pas qu’ils ont été plus utiles que Raeb, mais t’es toujours autant d’avis que ce n’était pas à eux de risquer leur peau pour les bons vouloirs de Cassandra. Peu importe que la cause était importante, les choses doivent être faites d’une certaine manière pour une raison. La débâcle des Sylvestres en est un parfait exemple à tes yeux. Tu ne vois pas l’intérêt de t’étendre davantage sur la question cela dit, ce n’est pas comme si c’était ton ami que tu devais convaincre de ce point. Tu préfères terminer de raconter ton histoire, surprenant de ce fait l’oublié. « L’équivalent althéen en tout cas. » T’aurais peut-être du demander la photographie pour illustrer tes dires. Pas que ce soit nécessaire, ta parole semblant suffire. Le commentaire qu’il fait ensuite t’arrache un rire jaune. « Semblerait-il, va savoir pourquoi elle a cru que c’était une bonne idée. » Tu soupires, toujours agacée par cette histoire. « Heureusement qu’ils étaient plutôt compétents. » Un compliment faible en comparaison à l’estime que tu leur portes maintenant, mais tu ne cherches pas à t’étendre sur la question.

Tu laisses la place à Mackenzie, lui qui a vu bien moins d’action que toi. C’est une surprise en soit considérant que la Vallée devrait être le lieu le plus calme une fois comparé au désert. Tu ne peux qu’arquer légèrement un sourcil lorsqu’il raconte le coeur de ce qui l’a occupé : une gamine qui s’amusait à jouer les fantômes. « Je vois que le séjour payé c’était effectivement la moindre des choses. » Parce que bon, comme lui, t’aurais pas non plus toléré qu’on perde ton temps de cette façon. Sauf dans le cadre de ton travail, mais ça c’est une autre histoire. Une grimace vient déranger tes traits à la mention des Révolutionnaires. « Qui l’aurait cru ouais. » Et ça t’embête un peu. Parce que tu ne vois pas comment Caer Hrid a pu se faire rafler une part de son territoire par une bande de perdus du désert. Faut croire que tu les avais sous-estimés, comme tout le monde semblerait-il. « Et au final ça ne profite qu’à la Reine du marché noir. » Est-ce que tu penses qu’elle est la source de leur succès ? Non, mais t’as quand même bien des questions la concernant.

Pas qu’elles importent vu ce qu’ajoute Mackenzie. Tu balaies naturellement la salle du regard, comme si tu t’attendais à ce qu’elle sorte de nulle part. Même si à quelque part, le ton de sa voix et la situation te dit que ce n’est sans doute pas une bonne nouvelle. « Tu l’as trouvé où ? » Tu sais pas si c’est vraiment la question que tu devrais porté. Tu devrais peut-être t’enquérir de son état après sa découverte. « Comment ? » Ouais bon, pour ta défense, t’as jamais été très douée à prendre soin des autres, au niveau émotionnel en tout cas.  

T’aurais pu trouver une façon de mieux réagir face à l’annonce de Mackenzie. Tu connais après tout, l’importance de Mathilde pour lui, tu pouvais deviner que ce n’était pas une bonne découverte. Et pourtant, tu fais preuve d’autant de douceur qu’un mur. C’est plus difficile de forcer de la douceur devant quelqu’un qui te connait bien. Tu réalises pourtant qu’un effort serait de mise lorsque tu entends les réponses à tes questions. Transcendée. Oh. « That’s rough buddy. » Pas ta meilleure réaction, mais pour ta défense, qu’est-ce que tu peux bien répondre à ton amie qui a fait une telle découverte. T’es pas douée pour ça, tu l’as jamais été. « Au moins tu sais ce qui lui arrivée. » Une piètre consolation, direz-vous, mais t’es d’avis que c’est toujours mieux ça que de ne jamais savoir. Enfin, tu prends une gorgée de plus, une grande gorgée pour te vider l’esprit.

T’aurais voulu demander comment il le vivait. S’il n’y avait pas quelque chose que tu pouvais faire pour alléger la découverte. Mais tu t’interrompt en entendant ce qu’il ajoute. Tu l’invites d’un geste à poursuivre, ta curiosité maintenant piquée. Trop piquée pour que t’acceptes la vague explication à laquelle tu as droit. « Il a fait quoi ? » Pas forcément le plus important, t’aurais peut-être du te contenter de l’information de base, surtout vu ce que t’apprend ensuite. Mort dans un accident, sans s’excuser. Tu vois bien que ça servie Mackenzie, il faudrait être stupide pour accepter la fausse désinvolture qu’il essaie de prendre. « Visiblement ça a de l’importance pour toi. » Pour toi aussi si ça l’affecte autant. Tu soupires, cherchant les bons mots qui ne te viennent pas. « T’as toujours l’option d’aller cracher sur sa tombe si tu veux passer un peu de frustration. » Est-ce que tu penses vraiment que c’est la chose à faire ? Non, mais en même temps, il n’y a pas de solution miracle à une situation comme celle-là. Le type était mort, il ne pourrait jamais s’excuser.

Tu fais signe au barman de vous ramener deux verres. Peut-être que Mackenzie ne voudrait pas boire, mais tu lui offrirait au moins l’option. « T’aurais voulu qu’il le fasse avant de mourir ? Même si tu ne lui aurais jamais pardonné ? » Sans jugement, juste une pointe de curiosité toujours présente. Il peut bien faire ce qu’il veut, tu veux juste trouver une façon concrète de l’aider.  

Peut-être qu’il est plus simple pour toi de réagir face au problème de ton ami plutôt qu’à l’annonce qu’il t’a fait. Tu supposes que ça ne l’étonnerait pas plus que ça depuis le temps. Au moins, pour ce qui est de son problème, tu peux offrir des solutions - peu importe à quel point elles sont un peu stupide. Et pourtant, vu ce qui le tracasse, tu devrais savoir que ta marge de manoeuvre est sans doute aussi mince que lorsque ça concerne Mathilde. Le type est mort, tu ne peux rien changer à ça. « Si c’est pour toi, je peux bien faire le détour. » Est-ce que tu penses que c’est une demande sérieuse ? Non, mais ce que tu dis est tout de même valable. Tu pilerais un peu sur ta morale pour lui venir en aide. Pas de là à franchir certaines limites, certainement pas au point de franchir la loi, mais amener du crachat sur une tombe c’est un truc que tu pourrais faire. Hypothétiquement. S’il était moindrement sérieux en tout cas.

Mais voilà, ce n’est pas la réelle question qui se dessine devant vous. Tu reprends un minimum de bon sens pour lui demander ce qu’il aurait voulu. La réponse ne t’étonne pas, mais il n’y a rien que tu peux dire sur la question. T’hausses les épaules, incertaine de s’il préfère entendre une réponse en particulier ou s’il veut ta sincère opinion. Ta préférence personnelle va sur le second point, nécessairement. « T’aurais voulu être celui qui met fin à l’histoire ? » Tu peux comprendre en soit, mais ce n’est pas une option qui s’offre à lui. « Parce qu’en soit, le résultat est sensiblement le même, c’est fini entre vous. » Ouais, t’as toujours aussi peu d’empathie, mais pour ta défense, c’est que tu trouves que ce n’est pas une assez grande différence pour en faire un cas. T’es certes pas celle qui vit cette situation, mais t’es pas certaine que ton opinion changerait beaucoup si c’était le cas.

Tu soupires avant de prendre une gorgée de plus. « On peut toujours s’arranger pour savoir ce qu’il comptait faire. » Après tout, même quelqu’un qui prend de mauvaises décisions - quoi que tu ne sais toujours pas ce qu’il a fait - doit avoir des amis, des gens vers qui il aurait pu se confier. « Ça ne te laissera pas de décision à prendre, mais au moins t’auras le coeur net. » Et tu supposes que ça vaut quelque chose. T’es pas convaincue, mais c’est la meilleure solution que tu vois dans l’immédiat. « Tu devrais peut-être mieux choisir tes amis aussi. » Cette fois c’est bien une plaisanterie, en partie parce que tu t’inclus un peu dans le lot.