T’es crevée, épuisée jusque’à la dernière goutte d’énergie. Tu n’es même pas certaine de comment tu as bien pu te rendre jusqu’à ton domicile, mais tu ne penses pas en sortir de sitôt. Si t’es surprise de rentrer seule - Mackenzie devait normalement venir squatter quelques jours - sur le coup t’es trop fatiguée pour vraiment t’en préoccuper. C’est pour ça que tu prends la direction de la douche histoire de chasser le pire de Perdition ou du moins, l’irritation physique causée par les araignées. Le reste partira avec le temps que ce soit l’oeil au beurre noir qui trône sur ton visage ou la culpabilité qui te serre les tripes. Il te faudra un moment pour t’en remettre, pour oublier le sang qui a maculé une pauvre adolescente ou encore le fait que Raeb n’est pas vraiment revenu à lui-même.

Tout ça ce n’est que pour plus tard, pour un moment où tu aurais l’énergie pour affronter ces pensées. Pour l’heure, tu te contentes de te laisser tomber sur ton canapé, prête à attendre que le sommeil vienne te trouver ou que Mackenzie arrive chez toi - peu importe ce qui arrive en premier. Tu pourrais sans doute t’inquiéter un peu plus que ton ami soit quelque part dans Requiem, sans que tu ne saches exactement où. Sauf que voilà, tu sais qu’il est capable de s’occuper de lui-même, tu te raccroches à l’idée que s’il y avait un problème il serait venu avec toi.

Tu ne sais même pas combien de temps tu as dormis, tu ne saurais pas non plus dire ce qui te réveille. Peut-être la position inconfortable, peut-être la réalisation que malgré un bon nombre d’heures de sommeil ton domicile est toujours vide. Parfois tu te demandes si tu ne devrais pas adopter un animal de compagnie pour éviter d’être complètement seule, puis tu te rappelles de toutes les heures que tu passes dans ton bureau et tu sais que c’est une bien mauvaise idée. Enfin, normalement t’aurais du pouvoir profiter de la compagnie de Mackenzie avant qu’il retourne dans le Désert, mais bon. Peut-être que tu devrais lui envoyer un message…

Après avoir mangé du moins. Ce n’est pas comme si tu as grand chose dans le ventre après l’expédition et il faut que tu reprennes un peu de force après avoir utilisé autant tes dons dans la même journée. Oui, tu te concentres là-dessus plutôt que tout le reste, plutôt que la sensation désagréable qui te tord le ventre. Une sensation qui te quitte rapidement lorsque tu entends quelqu’un à la porte. Tu te dépêches d’ouvrir - armée de ton bol de céréales - pour découvrir ton meilleur amis de l’autre côté. « Oh Mack. Nice of you to come by. » Il y a un peu d’ironie dans tes mots, mais c’est juste une façon de camoufler l’inquiétude que tu as ressentie par moment.

Une part de toi est contente de voir Mackenzie, sain et sauf devant toi. Ça chasse l’inquiétude que tu ressentais précédemment et ça te donne une compagnie agréable, assez pour peut-être oublié la culpabilité qui ne semble pas vouloir te quitter. Mais le reste de ta personne n’est pas totalement d’accord. T’es énervée par le fait qu’il ait disparu sans donner de nouvelle, énervée qu’il n’ait pas pensé un instant à t’envoyer un message pour te dire où il allait.
D’ailleurs où est-il disparu pendant tout ce temps ?
Il n’était certainement pas perdu, le sourcil arqué à ses dires montre à quel point tu ne le crois pas. Sans compter qu’il y avait quelque chose dans le ton de sa voix qui n’allait pas. Tu ne saurais pas mettre le doigt dessus avec certitude. « Yeah sure. » Mais bon, au moins, aussi bizarre soit-il, Mackenzie ne vient pas les mains vides. Ça fait son effet, un petit sourire se frayant un chemin jusqu’à tes lèvres à la mention du thé, un peu plus lorsqu’il ajoute un mot magique. Des croissants. « They're not boring. It’s basically the only thing that French people can do. » Et un haussement d’épaule en prime. Bon, il n’y a pas de Français dans les parages pour s’insurger de tes propos, mais ça te fait plaisir, juste sur le principe.

Tu finis par te décaler pour laisser Mackenzie entrer sans plus de cérémonie. T’as beau ne pas être d’humeur (comme d’habitude en soit), il est toujours le bienvenu chez toi. « I’ll make tea. » Tu tends la main pour qu’il te donne ce qu’il a acheté. Ce n’est pas comme s’il en manquait chez toi, mais ça fait toujours plaisir d’avoir du choix. « So. » On sent un certain agacement dans ta voix, quelque chose que tu ne peux pas camoufler ou que tu n’essaies pas de cacher plutôt. « Where have you been ? » La vérité est que ce n’est pas tellement le fait qu’il ne soit pas venu chez toi le problème. Non, Mackenzie est un grand garçon qui peut bien faire ce qui lui plait. C’est plutôt le fait qu’il ne t’ait rien dit alors qu’il était convenu qu’il vienne chez toi après l’expédition.
C’est peut-être aussi parce que tu avais besoin de lui en ce moment, plus que tu ne voudrais l’admettre. Besoin qu’il te rassure quant à ton niveau de responsabilité dans la conclusion de votre expédition. Qu’il te dise que ce n’est pas de ta faute si Jessica s’est faite blesser et Raeb n’est jamais revenu indemne.

Mais t’es trop fière pour le demander, alors tu te contentes de soupirer. « Are you hungry ? » Te concentrer sur quelque chose de simple, d’évident pour éviter de te perdre. Voilà quelque chose que tu peux faire.

Les croissants sont une bonne offrande. Ils adoucissent un peu ton courroux (inquiétude) et gagne quelques instants de paix à Mackenzie. Ce n’est pas suffisant, ce ne l’est jamais. Après tout, le sérieux revient toujours trop vite avec toi, comme si tu étais tout bonnement incapable de te laisser aller aux petits plaisirs de la vie (c’est probablement le cas). Ce n’est pas contre lui. Non, malgré les apparences, c’est avant tout l’inquiétude qui parle. Ça aurait suffit à ce que tu t’énerves alors qu’il prend la décision de ne pas répondre à ta question.

Si seulement il n’avait pas touché une corde sensible.

Tu t’arrêtes lorsqu’il revient sur Perdition, lorsqu’il t’assure que tu as fait un bon travail. T’as envie de le contredire, t’as envie de lui crier qu’il a tord. Que tu n’as pas bien fait, que tu n’as pas été à la hauteur. Si tu l’avais été Raeb serait revenu sain et sauf (surtout sain) et Jessica n’aurait jamais été blessée. C’est de ta faute. T’as été incapable de les protéger, de protéger une adolescente. Tu soupires, tâchant de reprendre un minimum de contenance avant de reprendre la parole. « I guess we did. » Ouais, vous avez fait de votre mieux. Peut-être que les choses auraient pu se passer un peu plus proprement si vous aviez été mieux équipés pour les circonstances. D’une voix éreintée qui trahit sans doute « I still failed to protect them. » Et tu prends l’échec sur tes épaules, comme si tu étais la seule responsable dans cette histoire. Tu blâmerais sans doute Donovan avec un peu plus de recul, mais tu supportes difficilement l’échec. Et la vérité, c’est que tu as manqué deux fois à protéger Raeb. Aussi incompétent qu’il était, c’était ton rôle de protéger les gens.

Et si t’arrêtes de parler pour te concentrer sur le thé, tu dois avouer que c’est mieux ainsi. Mackenzie a beau être un très bon ami (ton meilleur ami ?), tu n’as aucune envie de t’effondrer devant lui. Alors tu soupires à nouveau. « I’m also glad you were there with us in the end. » Ça aurait été encore mieux s’il avait été avec vous depuis le début à la place de celui qui abandonné la mission au tout début, mais bon. « I’m not sure what we would have done without you. » Ça aurait été tragique, sans doute. Parce qu’au moins en lui tu trouvais un allier que tu connaissais, quelqu’un en qui tu avais une parfaite confiance. Maintenant que l’eau est mis à bouillir, tu peux te concentrer sur le croissant, un rempart contre la parte de contrôle dirons nous.

T’aurais voulu enfouir tes problèmes au plus profond de ton âme et qu’ils y restent. Ça aurait été plus simple, t’aurais pu te contenter de les ignorer comme tu le fais si bien. Sauf qu’il a fallu que Mackenzie met le doigt dessus en essayant de se défiler face à tes questions. Difficile d’oublier la culpabilité que tu ressens quant à la fin de votre mission lorsque la mission t’est remise sous le nez. Ton ami affirme que t’as bien fait, tu ne peux pas être d’accord. Et le mur que tu as mis tant d’effort à construire craque un peu. Peut-être que t’aurais du rien dire, un hochement de tête n’aurait pas été une telle démonstration de faiblesse. « I did. » Tu ne démordras pas, même s’il vient planter son regard dans le tien, même s’il fait bien du sens en affirmant qu’une blessure est mieux que la mort, la folie de Raeb est mieux que sa mort aussi. « I know that, I’m not stupid. » Que tu marmonnes, en chassant sa main de sur son épaule, une façon comme une autre de laisser ton regard tomber au sol. « But she’s a kid and she got stabbed on my watch. » C’est bien plus le cas de Jessica qui te dérange au fond, comme si c’était toi qui avait enfoncé le couteau « She was injured because I didn’t protect her. » Et ça c’était une vérité difficile à chasser. Après tout, Jessica vous a protégé encore et encore. Si elle n’avait pas été là, qu’est-ce qui se serait produit ?
Qu’est-ce qui se serait produit si Mackenzie n’avait pas été là ? Il affirme que tu te serais débrouillée, mais t’en doute. « Sure, maybe I would’ve been eaten by a giant spider also. » Parce que tu n’es pas dupe, gérer les araignées aurait été bien plus difficile sans Mackenzie, même si l’autre type était resté dans les parages.

Mais bon, là où des arguments logiques ne peuvent pas chasser l’impression d’échec, la mention de Donovan a le mérite de l’éloigner temporairement. T’as jamais de problème à te montrer critique à l’égard de celui qui est (techniquement) ton patron. « Yeah, he is. » Incompétent, mais surtout, un meurtrier. T’aurais tellement de choses à ajouter, mais tu te fais interrompre par sa critique de ta façon de manger des croissants. « If they’re good you don’t need anything. » Et t’es pas d’humeur à faire l’effort de sortir quoi que ce soit pour les accompagner. « And why aren’t you eating anything ? » Ouais maintenant que t’y penses, pourquoi tu l’as laissé changer le sujet de la conversation. Il t’a toujours pas dit où il était avant de se ramener comme une fleur (triste).

Les paroles de Mackenzie trouvent un écho dans ton côté plus logique, celui qui est normalement en selle quand tout va mieux. Tu sais qu’il a raison, que tu devrais l’écouter et pourtant, ça ne t’empêche pas de froncer les sourcils. Parce que ça ne passe pas, parce que ça ne va pas bien. T’as la fâcheuse habitude de tout réprimer, de ne jamais vraiment t’attarder sur tes démons jusqu’à ce qu’ils deviennent trop fort pour être ignorés. En général, t’évites d’être en compagnie de qui que ce soit lorsque ça arrive. Mais cette fois il y a Mackenzie et tu t’efforces de ne pas t’effondrer complètement. Fierté, entêtement, qui pourrait dire ce qui en est la cause, mais tu persistes dans tous les cas. Parce que tu ne peux pas blâmer une gamine qui voulait retrouver son père à tout prix, tu peux te blâmer toi en revanche. Toi qui était chargée de diriger ton groupe d’expédition et de les protéger. « Maybe not. » Peut-être que ce n’était pas ta faute, mais la culpabilité ne te quitte pas pour autant. Sans doute ne disparaitrait-elle pas de sitôt, surtout alors que tu essaies de l’ignorer. « It doesn’t change the fact that a child did more to protect us than I did. And she got hurt. » Peut-être te faudrait-il un don plus approprié pour ce genre de situation. Tu y penserais, au moins ça te donnerait une façon de rendre ce sentiment d’échec vaguement utile.

Mais bon, ça ne sert à rien de ressasser ce genre de chose pendant un millénaire. Tu risquais simplement de craquer, ce que tu préfères éviter. Parler contre Donovan ou te concentrer sur les croissants te parait bien plus simple, plus sécuritaire aussi. T’arques un sourcil à la réponse de Mackenzie, ton esprit sautant sur l’occasion de se concentrer sur autre chose. « Sure. » Puisqu’il demande du thé, autant en faire suffisamment pour vous deux. Tu préfères donc une théière avant d’y mettre l’eau bouillante pour que le thé puisse infuser. Ça te laisse aussi le temps de faire le point sur Donovan, sur ce que tu as pu lire sur la feuille que Jessica t’a donné. Celle que tu vas récupérer pour tendre à Mackenzie. « I plan to confront him yes. They came to Perdition after we were there with Raeb. It seems like they didn’t even try to find him. » C’est un rapide résumé de ce qu’il pourrait lire sur la feuille que t’as trimballé avec toi. « So why was he in such a hurry to find Raeb now ? It would’ve been simpler if I was with him the whole time but… » Bon ça aurait été dommageable pour tes nerfs, mais au moins tu peux pallier au manque d’information, Raphaëlle était dans son groupe. « Well I managed somehow. So I'll go talk to him when I have the chance. » Un plan bateau au mieux, mais au final, t’as pas assez avancé dans ton investigation de base, sur le fait qu’il soit un meurtrier, alors autant le confronter sur ce que tu peux lui reprocher.

Tu pourrais sans doute peaufiner le plan avec l’aide de Mackenzie, mais ton esprit ne veut pas lâcher l’échappatoire, le fait de te concentrer sur lui plutôt que sur toi. « You still haven’t told me where you were last night. » Pas un reproche, plus une remarque. T’as compris qu’il ne voulait pas s’étendre sur la question, mais ça ne t’empêche pas de trouver ça bizarre. Et bon, rien de mieux pour éviter de t’effondrer que te concentrer sur un proche, quitte à prendre le risque que ça te déstabilise encore plus.