good riddance

Même âge ou pas, était-ce réellement important en ce moment ? Est-ce que ça changeait vraiment quelque chose ? Tu le regardes, le dévisages, la colère visible dans ton regard, la peine aussi. Le désespoir qui a suivi cette lueur d’espoir, de croire pouvoir revoir ta sœur alors que finalement, non, ce n’était pas possible. Plus possible, parce qu’elle était morte. Comme ça. Comme bien d’autres. Et le pire dans tout ça ? Tu avais fait ton deuil.

D’elle.
De ta famille.
Tes amis.

De tout le monde.

Jusqu’à le revoir lui.

- Non. En sifflant entre tes dents. - Parce que toi t’as fait le choix d’être avec elle. T’as fait le choix d’être là pour elle. Une différence, donc, te concernant. Parce toi, t’étais sa sœur. Sa petite sœur. Celle qui avait si longtemps négligé sa relation avec son aînée. Tu ne lui avais pas fait de promesse, ne t’était pas engagée à être là pour elle. Contrairement à lui. Mais ce n’est pas ce sur quoi tu insistes, retenant toujours aussi difficilement que tu refuses de verser devant lui. - Tu penses que je ne sais pas tout ça ? Que tu n’as pas été la sœur idéale, que tu n’as pas été assez là pour elle. - On avait toute la vie pour se rapprocher. Après tout, à vingt ans, ce n’est pas ce que tu te dis, que le ciel allait vous tomber sur la tête et le sol se dérober sous vos pieds.

Tu serres les dents, ravales tes larmes. - Donc t’as pas le droit de m’accuser. Presque craché. - Je pouvais rien faire. De là-haut, tu n’aurais pas pu rien faire. C’est ce que tu te dis pour ne pas t’effondrer sous le poids de la culpabilité. - Puis c’est de ta faute. Sans toi, j’aurais pas eu l’espoir de la revoir. Plus tristement, moins en colère que ce que tu aurais voulu. Sans cette rencontre, des vieilles douleurs n’auraient pas été ravivées, celles que tu avais mises de côté pour ne pas sombrer.

good riddance

Te condamner à quoi ? Ton absence ? Avant ou après ta chute ? Était-ce vraiment juste de t’en vouloir, de t’accuser de ne pas avoir été là ? T’as pas envie de le voir comme ça, pas envie de l’entendre. C’est pas de ta faute si t’as été coincée à la surface. Encore moins de ta faute d’avoir été jeune. Jeune et conne. Jeune et invincible, à croire que tu avais encore toute ta vie devant toi. - T’étais ici. Que tu ajoutes, plus faiblement. Avec elle, que tu sous-entends. Il aurait pu la protéger, parce qu’il était avec elle. Aurait dû la protéger, même, ce que tu manques d’ajouter, d’insister sur ces détails.

Un conflit d’émotions fait rage en toi. La tristesse. La douleur. La peine.
La détresse.

Et il y a ses mots que tu entends et qui t’échappent. Que tu ne veux pas comprendre, finalement. - J’ai pas cherché à te revoir. Et lui non plus. Mais vous étiez ici. L’un devant l’autre. - Je suis pas venue ici dans l’espoir de retrouver les autres. Lui. Ta sœur. Ta famille. Tes amis. T’as compris de travers ce qu’il voulait te dire. Là où il te reproche de l’avoir retenu, toi tu y vois là une accusation qui n’a pas lieu d’être.

- T'as vu la surface ? Ce que c’est, depuis six ans ? Non, je pense pas. Amère, tu l’es. Cruellement amère, même. De ta situation. De tout ce que t’as vécu. Tout ce que tu as perdu. - À aucun moment on a cru qu’il y avait mieux, ici. Mieux que là-haut. Sifflé entre tes dents. - À aucun moment on s’est dit qu’alors nous, on essayait de survivre tant mieux que mal, qu’on voyait tout le monde se faire broyer sous nos yeux, que certains avaient survécu. Que certains vivaient bien. Dans le confort et la sécurité. Et malgré tout ça ? Un rire amer. Encore. - T’as réussi à la laisser crever.  

Tu la mériterais bien, la deuxième giffle. Ou qu’il t’abandonne à ton sort. Mais t’es comme ça. Il t’attaque et t’as pas le choix de riposter. De montrer les crocs.

De ne pas sembler faible.
Pour survivre.