Elle ne l'avait pas vu, dans la rue, Raphaëlle. Elle n'avait pas fait attention, n'avait observé son entourage avec tant d'attention que cela, non. Elle avait le regard rivé sur son holokit, cherchant tant bien que mal de gérer son emploi du temps en se faufilant dans les rues de Requiem. Et étant persuadée que c'était elle que l'on appelait, elle se demanda un instant si elle ne ferait pas mieux d'ignorer (elle ne reconnaissait pas la voix, rencontrait assez de fans dans les rues comme ça et n'avait pas vraiment la tête à ça). Mais en relevant finalement la tête vers l'homme, un éclair de reconnaissance traversa ses yeux.

« Ouais... Toi aussi. »

Un peu gênée, elle ne savait trop quoi rajouter. Son regard chercha celui du jeune homme, ses mains attrapant finalement les bords de son sac à dos en réfléchissant à ses prochaines paroles.

« Oh, des yétis, bataille de boule de neige, retrouver un Raeb pas très très sain... Et toi? On t'a pas revu depuis que t'as disparu. »

Et pas de nouvelles, non plus. Mais elle ne s'était pas posée plus de questions, jusque maintenant. Le souvenir qu'il lui ait donné un talisman lui traversa l'esprit, et elle fouilla finalement dans son sac. Elle n'avait pas vraiment envie de parler de ce qu'elle avait vu dans ces miroirs, c'était vrai.

« Tiens. » Le lui tend, sans vraiment savoir quoi dire de plus. « Je ne l'ai pas utilisé, ce jour là... »

Raphaëlle le savait, tout ça. Jill le lui avait dit, elles en avaient déjà discuté (des araignées et de Donovan, aussi). Alors elle n'était pas surprise d'apprendre que ça n'avait pas été une très bonne expérience (et puis, elle aussi avait été blessée). Le regard se fit un peu plus observateur, alors qu'elle essayait de deviner les dégâts sur le corps du jeune homme.

« Tu as quand même l'air de t'en être bien sorti, de ces vacances. »

Léger sourire. Le sarcasme dont il faisait preuve ne la dérangeait pas vraiment, ni même ne la chamboulait. Si c'était son moyen à lui d'évacuer et d'oublier un peu tout ce qu'il s'était passé, elle ne lui en voulait pas.

« Oh, merci alors. »

Car si elle ne l'avait pas utilisé auparavant, elle pourrait peut-être le ressortir d'en d'autres occasions. Elle n'associait pas de souvenir particulier à ce talisman, alors autant en faire usage un jour ou l'autre. Elle ne s'attendait pas à ce que leur conversation s'écourte si brutalement, et une question vint lui trotter dans la tête un instant, ne répondant pas à son départ et posant une nouvelle question, comme pour le retenir. Car elle restait suspicieuse sur les informations que la cheffe de sécurité avait décidé de lui donner.

« Tu t'es retrouvé avec Jill, non? Ca s'est vraiment bien passé, pour elle aussi? »

Ou quelque chose l'avait poussée à poser trop de questions à son retour?

Elle ne s'était pas vraiment attendue à ce que la question lui soit retournée. A dire vrai, elle avait même pensé qu'il répondrait sans trop y songer (elle ne savait après tout pas qu'ils étaient amis). Mais la soudaine méfiance traduisait très certainement une relation un peu plus profonde qu'elle ne l'avait imaginé. Et peut-être n'était-ce pas plus mal, finalement, si elle voulait essayer de comprendre pourquoi on lui avait passé un interrogatoire l'autre jour, principalement sur Donovan et sa façon d'agir lors des derniers événements.

« Oh. Disons que nous étions ensemble, lorsque Raeb a disparu la première fois... Je suppose que nous sommes un peu moins qu'amies. Des connaissances? Mais je vois bien qu'elle est très fière. Tu sembles la connaître? »

Souffle un peu, elle hausse les épaules, ramène ses bras contre elle, qu'elle croise sur sa poitrine. Vraiment, Jill était un mystère qu'elle ne saurait totalement décrire. Peut-être parce qu'elles étaient si différentes, finalement.

« Elle avait l'air déçue. Et posait beaucoup de questions. »

Des questions dérangeantes, selon elle.

« Mais ne nous en soucions pas, je ne veux pas te retenir plus longtemps. »

Car après tout, ils ne se connaissaient pas.

Il faut croire que les deux ne sont pas trop faits pour la conversation. De véritables portes de prison l'un en face de l'autre, et, pourtant, il n'avait pas l'air d'avoir sa langue dans sa poche lorsqu'ils étaient allés à Perdition ensemble. Tout ce qu'elle peut lui retirer c'est une confirmation de ses soupçons : ils se connaissaient.
Parfait.
Ca lui faisait une belle jambe.
Mais soit, s'il refusait de lui en dire plus qu'elle-même n'avait accepté de le faire, elle n'irait pas le forcer. On a tous le droit de refuser de parler.

Sauf que cette fois, c'est lui qui la retient, et la question la surprend un peu. Elle le regarde un instant, un peu sceptique, mais pose son regard sur la main qui lui tient le poignet, silencieusement, comme pour lui dire de la lâcher. Elle répond quand même. Par politesse, oui, mais la voilà bien curieuse.
S'il lui fait une telle demande, ils doivent plus que se connaître. Probablement.

« Pas que je n'en ai pas envie, disons simplement que Jill n'est pas trop du genre à se laisser approcher avec la docilité d'une bête apprivoisée. »

Car Jill, malgré sa tendance à la droiture, son côté perfectionniste et ses questions persistantes restait une femme assez admirable et aimable (elle ne l'avouerait qu'avec surprise, parce qu'elle se souvenait très bien du regard qu'elle lui avait lancé en l'apprenant danseuse et non aventurière lors de leur première rencontre). Mais elles s'étaient revues. Elles avaient parlé. Et elle se doutait bien que derrière ces airs grognons et courtois, elle devait bien être de bonne compagnie (n'avait pas osé trop user de ce numéro de téléphone qu'elle lui avait pourtant laissé).

« Pourquoi une telle demande? »