Un yacht. Iseult observait avec perplexité un foutu yacht. La discrétion n’était apparemment pas leur priorité aujourd’hui, laissant la jeune voleuse immobile à contempler presque avec horreur cette grande chose flottant sur l’eau. Oh les bateaux, elle connaissait. Elle en avait dans son plafond, dans ses murs… carcasses écaillées comme une douce armure pour ses nuits agitées.
Son château à elle ne flottait pas sur l’eau oh non, contrairement à celui-ci, légèrement agité par les vagues venant narquoisement s’échouer sur les quais. Et une fois sur l’eau, Iseut n’appréciait pas spécialement les navires. Et si elle tombait à l’eau, se souviendrait-elle des cours de natation de l’orphelinat ? Les souvenirs sont flous ; agiter les bras et les jambes dans tous les sens, ça ne devait pas être bien compliqué.

Déterminée par ces dernières pensées, elle s’engage sur la passerelle sans jamais lâcher la barre en métal. Courageuse oui, mais pas folle. Maudissant intérieurement Alessio de lui avoir donné rendez-vous ici. Souhaitait-il impressionner le monde en se pavanant sur cet immense navire ? L’effet était raté et Iseult aurait presque préféré un pédalo.  
Pourtant, elle avait bien hâte de découvrir ce que lui réservait encore son « patron » comme elle aimait l’appeler.
Arriver sur le pont, la voleuse se sent un peu perdu. Trop grand, bien trop grand. Et peut-être était-il temps qu’on l’accueille dignement.

« ALESSIO RAMENE TOI. »

Et tant pis pour la discrétion.

Impatiente dans son sweat trop grand pour elle et sa longue chevelure bicolore relevé dans une queue de cheval approximative, elle le vit bientôt arriver. Toujours aussi direct, elle lui en voudrait pourtant presque d’avoir autant de classe avec ses lunettes de soleil perchées sur le nez. A elle, ça ne lui irait certainement pas aussi bien.
Sans attendre, la coréenne traverse le pont non sans un regard nerveux pour l’océan. A l’intérieur au moins n’aurait-elle pas la crainte de se voir jeter par-dessus bord.
L’intérieur la fait siffler de ravissement (et de consternation). Si trop de luxe finissait par la rebuter, elle devait bien avouer que le yacht avait son charme et déjà, l’idée de voler une ou deux décorations faisait son chemin. De quoi donner quelques couleurs à sa propre demeure, la voleuse se maudissait déjà de ne pas avoir prit plus gros sac à dos.

« C’est à toi ce bateau ? Tu feras gaffe à pas te perdre. »

Un ricanement narquois, assez fière de sa blague.
La question suivante la prend au dépourvu. Un spiritueux ? Intense réflexion. Les moines n’étaient-ils pas censés être « spiritueux » ? Oh elle était certaine d’avoir entendu ça quelque part. Froncement de sourcil, la jeune femme ne révèlerait pour rien au monde son incompréhension, encore moins devant Alessio. Mais à bien y réfléchir, un moine rondouillard, ce n’était pas très léger. Ca se tenait. Elle finit par hausser les épaules, peu convaincue mais redoutant bien plus de rester silencieuse.

« Pas trop lourd ouai, j’ai pas tes biceps moi. »

Ah n’avait-il pas parler de quelque chose à boire ? Effectivement, elle avait soif.

Iseult observa les coupes de champagnes se remplir, les sourcils froncés. Elle aurait préféré du coca ou une bière mais garda ses lèvres résolument closes, hors de question qu’elle montre là l’étendue de son incompétence en ce qui concernait les langues du monde. Et elle n’avait jamais gouté, peut-être n’était-ce pas si horrible ? Oubliant comme à son habitude de remercier, la coupe finit bien vite entre les mains de la voleuse qui, imitant Alessio vient s’asseoir en face de lui, les jambes croisées. Ne peut s’empêcher de s’esclaffer un peu.

« J’vois pas pourquoi j’voudrais couler ton bateau. Il est cool. »

Impatiente, Iseult posait ses yeux ici et là sans jamais s’attarder sur un élément précis, analysant tout ce qui se trouvait dans la pièce. Couler le navire certainement pas, en dévaliser l’intérieur, assurément.
Peu intéressée par une conversation sur le maître des rêves la jeune femme se contente de hausser les épaules.

« J’aime bien, pour une fois que j’ai ma propre maison. » Car elle ne pouvait décidemment pas qualifier sa pauvre tente plantée en périphérie du campement des nomades de « maison ». Alors effectivement, vivre ici changeait pour elle énormément de chose. « Au moins le clown qui dirige tout ça nous laisse tranquille. »

Elle aurait bien craché le nom de Valentine mais se retient, ce n’était certainement pas le moment pour laisser libre cours à ses chaotiques pensées. Ne sachant toujours pas si elle appréciait ou non le maître des rêves, Iseult ne pouvait cependant pas critiquer cette superbe île.
Mais follement intéressée par la suite, la coréenne se redresse, se penche un peu pour mieux écouter. Si le nom de Beatriz ne lui dit absolument rien, celui de Rory la fit hausser un sourcil.
Heureusement pour Alessio, elle n’avait aucun scrupule à voler ses propres coéquipiers. Pirates ou non, Iseult ne pouvait décidemment dire non à ce genre de mission.
Les étoiles pleins les yeux, la voleuse se contente de battre des cils.

« Plus de patron. Ah ça serait con ça hein ? Comment j’vais faire sans toi dans ma vie ? »

Un sourire narquois, Iseult n’avait besoin d’absolument personne pour vivre sa vie et le montrait bien.

« Donc c’que tu me demandes c’est d’espionner ta ptite copine Beatriz. J’peux lui voler des trucs ? Pour compenser l’ennui, c’est parfois chiant l’espionnage tu vois... on reste des heures à attendre que l’autre se décide à bouger du canap. Et puis j’ai pas que ça à faire non plus. »

C’est qu’elle n’allait pas non plus accepter n’importe quelle mission, elle avait un certain standing à respecter. Elle réfléchissait déjà à tout ça, se recalant confortablement dans le sofa et portant la boisson à ses lèvres pour une grande gorgée.
Avant de tout recracher.

« Beurk c’est dégueu ton truc ! »

Affreuse grimace, elle se contente d’essuyer rageusement ses lèvres et de poser le verre encore plein bien loin d’elle, le fusillant presque du regard. Elle préférait le coca.

Un sourcil relevé avec perplexité tandis qu’Alessio se transforme en parfaite grand-mère. Iseult avait pourtant bien l’habitude des critiques et regards outrés face à son honteux comportement. Mange la bouche fermée lui disait-on,  demande pardon au monsieur et ne met pas tes pieds sur la table. Mais quand à 13 ans le monde s’effondre, les enfants oublient bien vite le peu de politesse déjà inculqué.
L’Iseult de 19 ans ne s’embêta pas de manière non plus, acceptant sans rien dire la canette de soda pour en boire une longue gorgée. Avant de mettre les pieds sur la table.

« Ah ça c’est meilleur ! » Mais l’heure était évidemment à la mission, aussi la voleuse se concentra de nouveau sur son patron, totalement outrée que celui-ci ne lui accorde pas un infime petit larcin chez cette Beatriz. S’apprête à ouvrir la bouche, protester de toute sa fureur et de son art bridé. Mais la suite lui plait. Elle se penche, intriguée malgré elle.
« Sans aucun compte à te rendre ? J’aime bien l’idée. »

Si elle pouvait faire son marché et dérober ce qu’elle désirait après avoir évidemment effectué sa mission principale, tout ça l’intéressait de plus en plus.

« Tu crois que j’suis pas capable de me débarrasser de ce que je vole ? »

Petite grimace, la pensait-il si incompétente ? La plupart des objets volés trouvait certes place dans sa nouvelle demeure, en guise de décoration ou de luxueux trophées, la coréenne avait pourtant bien d’autres cordes à son arc.
Et en cas de problème, elle aurait toujours Rory.
Iseult se lève brusquement, rester assise trop longtemps, ça la fait chier. Arpente la pièce en examinant scrupuleusement la moindre décoration du coin de l’œil jusqu’à s’arrêter devant un petit ornement en forme de bouée de sauvetage accroché au mur.

« J’prends ça alors. »

Une seconde de plus et voilà l’objet dans sa poche alors qu’elle offre à Alessio son plus merveilleux sourire.

Alessio jaloux, elle en doutait fortement et ne cache pas sa moue perplexe, pas vraiment dupe. Des contacts, Iseult en a bien quelques un qui malheureusement, ne l’apprécient pas forcement. Devait-elle inclure sa bande de Pirate dans ces contacts-là ? La voleuse préférait de loin se débrouiller par ses propres moyens, comme elle l’avait toujours fait.

D’humeur joueuse, elle papillonne des cils, légèrement amusée.


« T’inquiète, ils sont pas aussi charmants que toi. »


Et ne payent surtout pas aussi bien.
Ils ne lui faisaient pas non plus goûter du champagne, aussi mauvais soit-il, ni ne l’invitaient sur un yacht démesuré.
Bosser avec Alessio avait ses avantages. Et puis elle l’aimait bien son boss. Parfois un peu flippant, mais amusant.
Son petit larcin ne semble pas inquiéter le caerien, aussi Iseult finit par hausser les épaules en venant se rasseoir, boire une gorgée de son soda.

« Ca me va. Heureusement qu’on a pas les mêmes ambitions hein, j’te laisse volontiers dominer le monde, moi ça me saoulerait. »


Bon, Iseult ne savait pas vraiment à quoi servaient tous les documents qu’elle avait l’habitude de voler pour lui. Mais s’il voulait dominer le monde, faire exploser un pays ou en réduire un autre en esclavage, elle n’allait certainement pas l’en empêcher ; se contentera d’observer en ricanant.
Elle se redresse brusquement, tend une main un peu poussiéreuse au-dessus de la table. Serrer l’accord par une poigné de main, elle avait toujours rêvé de faire ça.

« On a un accord. »

Petit sourire malicieux.
Elle essayera de ne pas faire de vague chez cette Beatriz.
Oh promis elle essayera.