Iseult hausse les épaules. C’était dommage, bien dommage de refuser ainsi la conquête du monde pour quelques ambitions sociales. A la place d’Alessio, nul doute qu’elle aurait abandonné depuis bien longtemps les inutiles collègues pour marcher seule comme elle le faisait tout le temps.
Un pied sur la table, elle sirote son soda et fait mine d’examiner ses ongles un peu sales.

« Mais tu sais si tu me nommes générale des armées, moi j'reste avec toi hein. »

Voilà c’était dit et la voleuse attendait avec impatience sa future promotion. Car dominer le monde sans armée, ça serait là bien ennuyant.

Les mains sont serrées, l’accord est scellé. Iseult n’a qu’un audacieux sourire à lui offrir, fière de cette nouvelle affaire. Et tout intriguée par la suite, elle ne peut empêcher ses yeux de briller un peu, à l’écoute et hochant de temps en temps en temps.

« J’aime bien Caer Hrid, ya des riches et des épées. »

Elle aime les épées, elle aime les riches et leurs portefeuilles bien remplis, que demander de plus.
Elle se penche pour observer les images défiler sur l’holokit d’Alessio. Voler un petit vieux, oh qu’elle aimait déjà ce job !
Rien à dérober pour son boss ? Iseult relève immédiatement la tête, surprise.

« Sérieux ? Rien pour toi ? Même pas un dossier plein de mots incompréhensibles ? Bon ok. »

Voler des bouts de papiers n’avait rien d’intéressant aussi elle n’insista pas.
Elle se penche brusquement pour lui arracher l’holokit des mains, faisant elle-même défiler les images en ricanant un peu devant la villa.

« J’espère qu’il a une belle collection à voler, l’art c’est très moche parfois. » Elle relève la tête, tout à fait sérieuse. « Faut que ça aille avec ma nouvelle déco tu vois. Viens chez moi un de ces jours, j’ai besoin d’aide pour déplacer des canapés. »

Volés eux aussi, elle n’avait pourtant pas eu le courage de les arranger correctement dans son château tout vide.

S’il continuait d’utiliser des mots comme alchimie et fourvoyé, pas sûr qu’Iseult accepte de le suivre plus loin que le bout du ponton. Petit haussement de sourcil et comme à son habitude, elle ignore lâchement les paroles incompréhensibles et répond dans un simple grognement pouvant passer pour un oui ou pour un non. Alessio désirait une voleuse de qualité, et certainement pas quelqu’un capable de lui expliquer en six paragraphes pourquoi il était aussi extraordinaire. Du moins elle l’espérait, n’étant pas capable d’écrire plus d’une ligne.
La cambrioleuse hésite une seconde. Oui elle désirait des déménageurs et oui, elle accueillerait volontiers son patron dans sa nouvelle demeure. Mais Alessio en déménageur, ça elle demandait à voir. Mais quitte à choisir, c’était vite vu.

« Ouai ba t’as qu’à passer quand tu veux, mais seulement si tu ramènes du gâteau. Et des bières. »

La jeune femme tapote distraitement le cuir du canapé en parlant, laissant son regard errer dans la pièce alors que l’autre lui reprend l’holokit. Car il ne faudrait pas paraitre trop enthousiaste à l’idée d’inviter son patron pour une soirée pyjama bien qu’intérieurement, elle trépigne d’impatience.
Iseult agite la main d’un geste amusé. Mettre le feu, pourquoi pas.

« Nan nan ya pas de problème, il va chialer tu vas voir. »

Qu’avait-il donc fait pour énerver ainsi l’italien ? Elle ne le saura probablement jamais, n’ayant pas particulièrement envie de demander. Ce genre d’histoire ne l’intéressait pas, Alessio pouvait bien se faire tous les ennemis qu’il voulait, elle serait bien la dernière à l’arrêter.
Et comme le sujet ne l’intéresse guère plus - tout a était dit, les affaires sont finies – la jeune Mirage se penche à nouveau vers son patron dans un geste rapide, tout à fait sérieuse.

« T’aime bien les karaokés ?  J’ai un vieux micro qui traine, tu pourras chanter du BTS. »

Et sans attendre une seconde elle fredonne quelques secondes un célèbre refrain du groupe de k-pop en s’asseyant à nouveau confortablement dans le canapé.

« Un truc comme ça. Mais vous les occidentaux vous avez pas trop bon gout en musique… »

Que chantait-il en Italie ? Elle n’en avait aucune idée, tous leurs mots finissant en en o ou en a sans aucune originalité.

A voir la tête d’Alessio, elle sait bien qu’il ne connait pas. Non, les groupes de K-pop ne doivent certainement pas faire partie de son registre ; de quoi la désoler, elle qui ne connait bien que ça.
Son employée préférée. Iseult relève brusquement la tête, absolument enchantée par les paroles. De quoi la gênée un peu, mais la voleuse n’est pas si facilement embarrassée, elle se contente de sourire, paillettes de bonheur dans ses yeux bleus.
Elle porte une main à son cœur en s’affalant encore un peu plus contre le canapé, faussement fataliste.

« Aah Alessio Alessio… j’te mérite pas. »

Et peut-être ne la méritait-il pas non plus, la jeune cambrioleuse ayant une assez grande estime d’elle-même. Mais ça, elle ne le dira certainement pas, se contente de se redresser une fois la seconde de comédie terminée. Tout à coup bien concentrée sur les paroles de son patron. Du piano ? Elle n’en avait observé que dans les riches maisons qu’il lui arrivait de visiter (sans jamais y être invitée). Un produit de luxe donc. Pourtant, Iseult n’était pas habituée à des confidences de la part de l’Italien aussi la voilà qui se penche, toute concentrée. Non franchement, elle ne manquerait ça pour rien au monde. Et peu importe qu’elle se fiche complètement du piano.

« Wouahou j’t’imaginais pas jouer du piano ! » Effectivement elle avait bien du mal à imaginer la scène. « Mais plutôt… » d’une main, elle imite un pistolet qu’elle pointe sur l’italien dans un petit « pfiou » qui ne lui vaudrait pas le moindre Oscar. «…tirer sur des trucs. Avec une coupe de ton horrible champagne dans l’autre main. Mais bon j’imagine que tu peux aussi jouer du piano en faisant tout ça. »

Elle hoche la tête, totalement convaincu que si quelqu’un pouvait à la fois siroter son verre, tirer sur des gens et jouer du piano, c’était bien Alessio et peu importe qu’il n’ait que deux mains comme eux tous pauvres mortels.
Et dans un coin de sa tête, Iseult note que l’invitation est acceptée. Un karaoké et des bières donc.