Malgré la réticence que tu avais à la faire rentrer dans ta vie, tu admirais son audace et son culot. Elle méritait surement la prison, sa vie à certains moments (il ne fallait pas embêter les gens puissants et plaindre après qu'ils abusent de leurs pouvoirs) mais demeurait lucide et sarcastique sur sa propre vie.
Une qualité que tu appréciais grandement.

Mais tu fronces les sourcils lorsqu'elle te rappelle à quel point ta vie devait être douce. Il est vrai qu'elle appuyait sur des arguments factuels que tu en pouvais pas refuser. Tu aurais une indécence morale à t'indigner sur ta situation, ou t'en plaindre. Et d'ailleurs, tu ne le faisais jamais, mais tu ne t'en vantais pas non plus. Car à tes yeux, la solitude n'avait rien d'enviable quand elle était entourée d'un chocolat amer de popularité déguisée.

— « Hm... La vie ne se résume pas à un statut social, à un métier ou à... un culte. » Tu étais mal à l'aise. Savoir que tu étais un modèle pour des filles t'emplissait d'une joie immense, mais également d'une profonde mélancolie. Car tu n'étais pas irréprochable, et cela t'empêchait tout faux pas.

Tu l'écoutes sans rebondir, lorsqu'elle dérive sur sa vie à elle. Tu te croyais dans un remake du pauvre et du prince. Si seulement vous vous ressembliez, tu lui aurais proposé d'échanger vos vies pour une journée.

— « Oh. Tu vas faire pleurer sous les chaumières, Erina. » Désormais, tu comprenais mieux. « Si tu veux quelque chose, prend le. Mais sache qu'on te légitimera toujours d'avoir battu quelqu'un à son propre jeu, qu'en trichant. »

Tu croises les bras sur ta poitrine. « Mon frère est peut-être le roi, mais je me suis battu pour défendre mon rôle de générale. Beaucoup ont longtemps pensé... » Tu tousses. « ...pensent toujours, que je n'ai cette position uniquement grâce à Alexander. »

Tu voulais voir Erina s'élever de la même manière que tu t'étais relevé.

— « Ne veux-tu pas que je te trouve le métier de tes rêves ? Celui ou tu pourras provoquer admiration à ta propre échelle. Voleuse un jour de plus et tu finiras derrière les barreaux. Ce n'est pas moi qui viendrait te délivrer ce jour là. Je peux tenter de le faire maintenant. »

Ta magnanimité te perdra, un jour.

Se battre pour la dignité des faibles.
Quel triste dessein quand le destin des habitants de Caer a été scellé par les plus forts.
Erina était loin d'être frêle dans son coeur, c'était une vaillante alimentée par un désir de survie plus fort que le désespoir. Et ces gens là méritaient de s'en sortir, et d'être légitimé par ceux qui en avaient le pouvoir, comme toi. Tu voulais sincèrement que le monde soit plus juste et que les plus méritants soient récompensés de leurs efforts. A croire que ça faisait echo à ta vie entière sur le continent.

Lorsqu'elle pose la question, innocemment ou non... elle s'insinue dans ton jardin comme un serpent, semant la discorde.

— « Bien sûr que non ce n'est pas juste à Alexander ! »

Sur la défensive, elle avait touché un point sensible... Tous le monde le pensait réellement donc. Ce n'était pas que le fruit de tes craintes et de ta seule insécurité. Tu serres les dents et contractes la mâchoire, agacée. Fort heureusement, Erina s'était rattrapé pour se confondre encore en admiration, que désormais tu avais du mal à trouver légitime.

— « Oh mais arrête, tu as tout autant d'assurance que moi. C'est en toi, il suffit de te battre pour l'imposer aux autres. Et le charisme peut rapidement devenir un déguisement, tu sais. »

A ta proposition sincère, elle éclate de rire. Tu ne sais pas pourquoi mais ça te fait froncer les sourcils, réellement vexée par ce manque de reconnaissance envers tes propos. N'avait-elle pas confiance en elle, en toi ? Après tout, tu pouvais le comprendre, vu que tu avais plusieurs fois tenté d'atteindre à sa vie.

— « Je vois. » Tu croises les bras sur ta poitrine, fait claquer ta langue sur ton palais et la toise de haut. Tes intérêts étaient désormais motivés par ton orgueil, et non plus l'émotion qu'elle t'avait fait ressentir. « J'accepte le défi, alors. Je ferai de toi la fille la plus épanouie de Caer, et tout tes échecs seront pris comme de la mauvaise volonté. Je sais que je peux faire quelque chose de toi Erina. Mais toi t'en as envie ? »

Tu t'empourpres à sa proposition et lui assènes d'un coup de poing sur la tête.

— « Et arrête avec ce cristal ou je t'encastre dans la mur ! »

Tu te calmes un peu et souffles de nouveau, jonchant entre la colère et l'amusement.

— « Quelles sont tes points forts ? Dans quoi aurais-tu aimé réussir une carrière ? »

Tu jubilerais presque de l'avoir dérouté. Erina était sauvage, un animal en proie à la méfiance et à l'instinct. Mais comme tout, elle pouvait s'apprivoiser. Et pour son cas, il fallait jongler entre l'autorité et la compassion. L'obliger serait inutile, et la pitié l'insulterait.

Elle semble surprise que tu acceptes de relever le défi, même si elle s'efforce de contenir les expressions de son visage pour ne pas perdre la face. Tu aurais fait pareil, à sa place. Elle t'avoue finalement que tu n'es pas son type, et d'une mine faussement outrée, tu croises les bras comme si elle venait de te porter atteinte avec outrage.

— « JE ne suis pas ton type ? » Tu te saisis de son visage, glissant sur le tien un rictus moqueur. « Dommage, parce que toi, tu l'es totalement. »

Pas un mot de plus sur le sujet, ça sera à son bon vouloir de prendre cette déclaration au sérieux. Tu recules et te forces à reprendre une mine presque trop solennel pour mûrir la réflexion avec elle. Tu n'étais pas d'accord sur tout, et encore moins sur cette capacité grandissante à se cacher derrière son manque de volonté, par un manque de capacité. Tu étais partisane, peut-être à l'extrême du "si on veut on peut" et c'était surement aussi pour cette raison que tu prenais très au sérieux Tatsuya, ou même les oubliés.

— « Il est des mensonges plus faciles à croire que la vérité elle-même. Toi, Erina, tu peux croire ce que tu désires croire. Et j'irais même plus loin, croire qu'on est libre est plus important qu'être libre. »

Tu t'élèves, car rester assise trop longtemps ne t'est pas agréable. Tu as besoin de bouger dans l'espace, de voler l'espace pour enfin te l'approprier. Tu lui étires un sourire doux, et fermes les yeux quand elle te dévoile finalement son atout.

— « Jolie ? Bien sûr que tu es jolie. Mais à quoi ça sert vraiment ? Tu peux choisir de mettre à profit ta beauté ou bien l'utiliser pour manipuler les autres. Tout est question de justesse. Peux-tu aider avec ta beauté ? Peux-tu accomplir quelque chose sans pour autant dominer les autres ? Tu es plus que belle. Belle est une caractéristique physique dont tu peux te détacher. C'est un atout, mais ce n'est pas une force. »

Tu passes une main dans tes cheveux. Est-ce que tu te trouvais belle, toi ? Certainement, au vu des regards que tu avais déjà relevé. Mais cela ne t'intéressait pas, de l'être. Ce n'était qu'un outil obtenu par chance.

— « Hmm.. Tu aimes donc défier l'autorité, et tu es du genre à ne pas abandonner. La rigueur n'est point ton fort mais tu es courageuse. »

Tu lui tends la main.

— « Erina... Accepterais-tu de travailler pour moi ? Je ne parle pas de l'armée, ni d'être à mon service au château. Serais-tu capable de prendre des risques pour moi, d'être mes yeux et mes oreilles, et de ne pas reculer face à l'adversité ? Il te faudra être brave, aussi discrète que tu l'es déjà, tu n'auras pas à m'obéir mais je te dirigerai. Jolie peut même être une bonne carte à jouer. Erina, je t'offre une chance de gagner ta vie, pas de la manière la plus honnête pour toi, mais la plus juste pour tous. »