Pris au piège. Tu souris, espiègle. Tu te redresses, comme une lionne qui a repéré sa proie. Une des raisons pour lesquelles tu adores Pavel, c’est aussi son côté prévisible : tu savais comment le cerner. Oh, il ne savait pas dans quoi il venait de s’embarquer là ! Il avait des comptes à te rendre. « La taille de ses seins n’a rien avoir avec ce que j’imagine ? Évidemment que non puisque je ne la connais pas ! » Oh, ton sourire étais si grand. Si immature. Il trahissait les idées saugrenues qui parcouraient ton esprit pour mettre ton cousin dans l’embarras. Qu’est-ce que tu aimais le taquiner ! « Par contre ça veut dire que toi… Tu as bien pris le temps d’étudier la question à ce que je vois… » Tu lui fais un non de la tête désapprobateur de son comportement. Le jugeant de haut en bas, sans le cacher. « Comme je suis déçue de toi, Pavel… »

Mais ton plan machiavélique ne s’arrêtait pas là. Tu voulais pousser le vice un peu plus loin. Continuer à le torturer un peu plus. « Et tu sais, je sais ce que tu caches dans ton ordinateur… » Tu lui montres du doigt l’objet coupable. En réalité, tu n’en savais strictement rien, tu trouvais juste cela amusant de le tester. Et ce sourire incorrigible qui ne disparaissait pas de ton visage. Ah, Erina…

Et cela vous amenait à un sujet tout aussi passionnant. Les mariages. Tu n’avais jamais eu l’occasion d’en assister à un. Tu ne savais pas à quoi ça ressemblait. Alors oui, tu n’attendais que ça, qu’il se bouge et qu’il se marie. Il pouvait bien faire ça pour toi non ? « Oh bah pourquoi tu te contenterais de la regarder de loin ? C’est pas comme ça qu’on fait des gosses ! Pourquoi tu fais ça ? T’es fou ou quoi ?? » Alors là, ça ne va pas du tout. Et s’il faut que tu lui donnes un petit coup de pouce, tu le feras. « Dis-moi tout ! Comment elle s’appelle, elle a quel âge, elle fait quoi ? » Oh et une idée de génie te traverse l’esprit. « Ah non attends j’ai mieux. Donne moi ton holokit, je vais arranger ça ! » On n’aurait jamais deviné que pourtant, vous parliez d’un sujet si sérieux il y avait encore à peine un instant…

Tada ! Et voilà, il était tombé dans le piège. Si tu devais exprimer le fond de tes pensées là tout de suite, nul doute que ce serait une succession de « hihihi » et de « hohoho » - bref, de la grande poésie pour la délicate artiste que tu n’étais pas. Et le spectacle était absolument exquis. De ses balbutiements traîtres aux pigments rouges de sa gêne, tu l’observais s’emmêler, tanguer, chavirer. Puis couler. Et cela t’amusait beaucoup, tu devais l’avouer.

C’est qu’à 10 ans ou à 29, Pavel était resté le même. Certaines choses ne changeaient pas, et c’était pour le mieux. C’était réconfortant d’avoir des points de repères, et savoir que, malgré les longues années où vous ne vous étiez plus vus suite à la séparation de tes parents, malgré la distance, malgré votre différence d’âge, vous étiez restés complices.

« Mais oui, mais oui, pas de façon volontaire. C’est jamais de façon volontaire. T’as glissé et comme par hasard tes mains sont tombées piles sur sa poitrine par exemple. Oui, oui. On me l’a fait pas à moi, j’en ai assez vu pour savoir que vous êtes tous toujours innocents. » Et c’est peut-être ça qui était malheureux. Effectivement, tous tes ex étaient… plus ou moins douteux. Aussi innocents que tu étais coupable de mauvaise foi. Rien d’étonnant quand on savait les bandes dans lesquelles tu avais traîné lorsque tu étais plus jeune. Tu avais un peu dérivé des océans calmes pour rejoindre des tempêtes tumultueuses, et pas vraiment glorieuses, c’était une vérité.

Et tu es encore plus amusée lorsqu’il rajoute ce « impossible » qui trahit toute sa couverture. Sur ton visage, un sourire narquois plus grand que jamais. Même Pavel n’échappait donc pas à la règle… Et bien et bien. Voilà qui confirmait ce que tu avais toujours pensé : il n’y avait pas d’amour pur, pas d’amour vrai, pas d’amour innocent. Seulement des intérêts personnels.

« Quoi mais attends, il ne m’a pas jetée comme une vieille peau de banane, c’est moi qui l’ai jeté en vrai, ok ! » (Oui, tes paroles n’étaient jamais fiables parce que tu aimais bien changer les histoires comme cela t’arrangeait et quand cela t’arrangeait. Tu aimais avoir raison. Et on n’est pas à quelques détails près après tout…) « Et donc tu comptes attendre et la regarder de loin jusqu’à que les poules aient des dents ? Mais enfin, réveille toi mon vieux cousin ! Allez hop hop hop au travail, je veux une petite nièce et vite ! »

Et toi qui pensait qu’il allait revenir avec une surprise dans les mains… Le voilà qui s’emballe pour un.. cactus ? Et comment, le cactus s’appelait Erina ? Il doit y avoir erreur. « Euh tu sous-entends quoi là ? Que je suis verte ? Que je suis pas rasée et que je pique ? Que je suis moche et déformée ? » Alors celle-là, on ne te l’avait jamais faite encore. Tu ne savais pas si c’était une chose positive ou non. Il te semblait que ça ne l’était pas. Tu plies tes bras et fronces les sourcils, dubitative. « Mon dieu, je comprends maintenant pourquoi tu n’as pas de copine… » Tu étais désespérée pour ce cousin si maladroit, et… irrécupérable. « Bon t’inquiètes pas, je sais quoi t’offrir pour ton anniversaire. Un petit talisman de séduction et tout ira bien, ne t’en fais pas. »

Et sur ces mots, tu te retournais dans le canapé pour ne plus lui faire face. C’était drôle, dans ta chambre d’hôtel, impossible de fermer les yeux. Mais ici, dans la chaleur de cet appartement, tu te sentais en sécurité, chez toi, et maintenant, le sommeil te venait. « Je vais faire une sieste maintenant Pavel, tu me réveilleras pour le déjeuner, d’accord ? »