Il y a dans ces yeux malicieux, ce rire cristallin, la sensation qu'il s'est bien fait rouler dans la farine. Et étrangement, ça le fait rire aussi. Étrangement, il y a l'ivresse du moment qui lui rappelle que, ce n'est pas si grave de s'être ainsi fait berner, finalement. Ce n'est qu'Orion. "Je t'inviterai à te perdre dans le désert, tu verras, ce sera amusant." Douce ironie. Les soirs passés sous la lune ronde, les pieds engouffrés entre les grains si fins ne sont pas toujours les plus agréables. Mais cette sensation de vide, celle extérieure, celle intérieure, a cette capacité à détendre, pourtant. Mais ce vide serait-il présent, si ce rire résonnait dans les plaines de sable? Cette idée le fait sourire. Orion serait bien incapable de ne pas attirer toutes les hyènes alentours, ça non. A moins qu'il ne lui fiche une petite frousse à ce sujet.

Cela ne le surprend qu'à peine, en découvrant la vérité. Il pourrait au moins faire semblant d'en trembler un peu (de peur), pendant la nuit. Car après tout, il ne perdrait rien à ainsi faire croire à sa propre naïveté (y trouverait le sourire d'Orion, au fond). "Ah oui, la clef de l'espace qui nous fera découvrir une autre dimension. Je l'avais presque oubliée, elle. Mais tu as raison, ce ne serait pas bien inventif, je crois." Il tourne le regard vers sa sacoche, comme si cela allait leur donner une quelconque réponse (bien sûr que non). Et le regarde ainsi s'étaler, a envie de lui jeter un vêtement car il le voit trembler, mais sait bien qu'ils ne sont pas assez secs pour empêcher la maladie. Alors au lieu de cela, le voilà qui s'allonge aussi.

Ils ne sont véritablement proches. Il y a juste assez d'espace pour glisser un bras entre eux et puis, il y a le feu qui illumine le profil de Mars, qui cache cet unique œil qu'il pourrait percevoir d'Orion. Et ça le fait sourire un peu, parce que ça rajoute à ses airs mystérieux de tout à l'heure. "Je t'ai offert toute l'horreur qu'il me restait. Mais je crois bien que je suis piètre conteur." Et puis, la réflexion. Il faudrait évidemment qu'ils ne se gèlent pas plus la peau, qu'ils ne soient pas trop malades le lendemain. Mais réveiller Orion plusieurs fois? Auraient-ils assez de bois? Il n'ose se prononcer, avant d'acquiescer. "Je te laisse t'installer."

Et la nuit fut longue, les corps rapprochés, la chaleur partagée. Mais c'était déjà oublié aux première lueurs du matin, alors que la marrée disparaissaient. Il fallait se redresser, repartir, laisser les souvenirs dans cette grotte oubliée par le temps. Mais Mars les gardait bien dans son crâne.