Si Mars avait accepté de rejoindre Celestia, plusieurs raisons l'y avaient poussé. Bien sûr, l'idée de vivre avec Orion le ravissait (et ce n'était certainement pas à la Vallée qu'on le laisserait squatter trop longtemps sa jolie maison), mais il y avait cette impression que, peut-être, en allant là-bas, il trouverait enfin de quoi être utile.
Le seul souci, c'est qu'il n'avait jamais rien fait d'autre de sa vie survivre dans un désert voyez-vous?
Il se voyait un peu mal postuler avec pour seul CV "j'ai jamais vraiment fini le lycée, j'ai arnaqué des gens dans le sable et j'ai tabassé quelques gens au passage". Ca fait pas très pro.

Quand Aiden lui avait donné rendez-vous dans le bar à sushi, il s'était d'abord demandé pourquoi lui (parce que franchement ils s'étaient pas plus parlés que ça faut l'admettre), et ensuite pourquoi tout court. Mais la curiosité l'avait forcé à accepter, et à être bien surprit par l'accueil du rouquin en le voyant arriver.
Les sourcils haussés mais néanmoins amusé, le voilà qui répond à son exclamation par un même :

« A Celestia! »

Mais la formulation fait tout étrange sur le bout de la langue (lui qui n'avait l'habitude que de jurer pour le Désert (mais qu'y a-t-il à jurer encore, maintenant qu'il est un pays à part entière?)). Mars, lui, n'a pas trop le temps de finir sa boisson, qu'il le suit sans trop discuter.

« Moi qui pensais à une petite célébration, voilà qu'en fait c'est un kidnapping. »

Il est plus détendu qu'à leur dernière rencontre, c'est sûr. Il est aussi un peu plus jovial, moins grognon (et ses sourcils ne sont pas constamment froncés (Orion lui fait encore des réflexions)). Mais la situation lui semble encore un peu improbable et il s'installe sur une chaise après sa petite blague (il l'espère).

« Je suppose qu'on ne m'a pas fait venir après avoir choisi un compagnon de beuverie au hasard, je me trompe? »

L'homme le plus chanceux de Polaris? L'idée lui semblait presque absurde. Faisait-il mention de son nouveau recrutement? Il n'en était pas sûr non plus. Au moins comprenait-il une chose : Aiden avait un humour aussi nul (et discutable) que le sien. C'était toujours ça de gagné. Alors il hausse les épaules.

« Chanceux, j'en sais encore trop rien. Mais je me fie à ton jugement. »

Cependant, la suite le surprend un peu. Vraiment? Orion et lui? Impressionné? Hm, à dire vrai, peut-être qu'Aiden s'était attendu à tomber sur des débutants. Ce qui aurait très certainement pu arriver, il est vrai. Mais plus Aiden parlait, plus quelque chose lui disait que la tournure que prenait la conversation n'était pas réelle. Si? Parce que maintenant qu'on lui proposait un poste comme agent au services secrets de Celestia, il avait l'impression qu'on lui faisait une sorte de farce.

Il venait tout juste d'arriver, et voilà que l'on cherchait à le recruter dans un nouveau job... qui ne le dépayserait peut-être pas tant. Il avait l'habitude de l'adrénaline et des combats, maintenant. Rien ne promettait qu'on le mette sur le terrain, mais sûrement qu'après l'avoir vu en action, Aiden n'espérait pas en faire un secrétaire.
Il l'espérait.
Sans relever le doute sur le mot copain, sans même demander pourquoi moi, et pas Orion :

« On va faire ça. »

Et partir sur un jus de pommes, parce qu'il avait besoin d'avoir les pensées claires, pour ce genre de discussion. S'il abandonnait l'idée des CV pour les trente-six restaurants du coin, il voulait savoir à quoi s'attendre. Alors le voilà qui patiente pour sa boisson, la prend, glisse la paille entre ses lèvres, un air un peu perdu sur le visage.
Une fois que l'information est montée au cerveau, il finit par reposer le regard sur Aiden.

« Un bar à sushi pour me proposer ce genre de chose. Original, j'aime bien l'idée. »

Et même si l'amusement fait tinter la voix, le voilà qui continue sur sa lancée :

« On me propose quoi, exactement? Si c'est pour de la paperasse, j'ai bien peur de ne pas être l'homme de la situation. Pas que l'idée me déplaise, ça me dépayserait certainement moins que d'aller faire serveur dans un bar. »

Aiden avait-il eu un peu de pitié pour l'ancien Oublié un peu paumé dans cette nouvelle vie que l'on lui offrait?

Mars a le sourire amusé, face à Aiden qui, clairement, n'approuvait pas ses choix de boisson. Mais il s'en fichait pas mal. Appelez ça de la méfiance, mais il avait déjà fait l'erreur de boire avec quelques clients (ou étaient-ce en quelque sorte ses boss? bonne question), et ça s'était pas toujours bien terminé. Autant rester sobre, pour l'instant. Histoire de pas oublier la moitié de leur conversation par inadvertance.

« On m'a dit de commander 'n'importe quoi'. » Porte le verre à ses lèvres, sourire en coin. « Mais je pense qu'un verre d'eau gâcherait peut-être l'aspect festif. »

La seconde remarque ne lui fait ni chaud ni froid, dessine un simple sourire sur ses lèvres. Donc pas besoin de faire dans la paperasse. Quelque part, il s'y attendait un peu, et, pourtant, la confirmation lui donnait de l'espoir. Enfin un job dans lequel il était qualifié.

« Comment résister à de tels arguments? Les sushis, c'est le plus important. »

Le topo lui semble intéressant. S'il travaillait autrefois pour Valentine, fallait avouer que depuis que les Révolutionnaires n'étaient plus (ou l'étaient-ils?), il ne voyait en la reine qu'une dirigeante comme une autre. S'il était encore attaché au désert, ce n'était certainement pas pour elle. Et s'il n'irait pas jusqu'à montrer une quelconque opposition directe à la femme, il n'allait pas lui cirer les chaussures non plus.

« Je suppose qu'on assiste à plein de changements, dans la vie. »

Tant qu'on ne lui demandait pas de confronter Azalée, tout devrait aller. N'est-ce pas? Moebius n'était pas un véritable problème (si on mettait de côté que l'homme était un surhomme), bien qu'ayant tous deux été révolutionnaires, il n'avaient jamais été particulièrement proches. La réflexion se lit sur le visage de l'ancien Oublié, alors qu'il acquiesce brièvement, d'un simple mouvement de tête. Peut-être que ça allait à l'encontre de toutes ces convictions qu'il avait, lorsqu'il brandissait haut le poing pour leurs droits... Mais à présent que le Désert était un pays à part entière, il voyait pas trop le soucis.

« Je note le café, si j'ai besoin de quelque chose. » Il rit un peu, finit son verre, continue sur sa lancée. « OK, ça me semble faisable. Confronter d'anciens alliés ne signifie pas grand chose, quand la plupart sont devenus des inconnus ou des ennemis, n'est-ce pas? »

Et Carmen n'avait qu'à bien se tenir (le temps qu'il la trouve). Il avait l'impression de se précipiter un peu, mais... Finalement, c'était sûrement la meilleure (et la seule) offre qu'il avait sous le coude. Être homme d'action, finalement, ça lui allait bien.

« Faut que je prouve ma bonne foi avec un verre d'alcool? J'ai presque l'impression que c'est un passage obligatoire, vu comme tu me regardes depuis tout à l'heure. »

Petit rire. S'il était un peu crispé auparavant, il se détendait plus, maintenant qu'il comprenait mieux pourquoi il était là. Il songe un instant à Orion.

« J'ai le droit d'en parler à Orion, ou c'est un truc, genre, secret défense, comme vous appelez ça? »

Parce que commencer une vie de couple dans un bel appartement sur les secrets, c'était clairement pas le rêve. Et il préférait peut-être une vie avec lui qu'avec un job qui l'empêcherait totalement de discuter.

Du moment qu'on ne lui demandait pas d'enfoncer la lame dans le cœur d'Azalée, tout devrait bien se passer (non?). Alors il ne se faisait pas trop de soucis à ce sujet, Mars. Et la surprise d'Aiden, bien que compréhensible, le fit sourire un peu. Parce qu'il aurait pu être de ceux soudés jusqu'au coude à ses camarades d'infortune; mais ces derniers temps, il s'était presque senti étranger au cœur de ces gens (regrettait peut-être un peu les soirées au coin du feu étalé contre son amie pourtant).

« Hm, disons simplement que le Désert change beaucoup ces derniers temps. Et on en ressort pas qu'avec des amis. »

A la mention de backstab d'Aiden, il hausse les sourcils. S'il le soupçonnait de pouvoir le trahir si tôt, n'aurait-il été mieux de chercher quelqu'un d'autre pour ce job? Enfin, en acceptant le verre, il répond sur un ton tout aussi léger malgré la situation :

« Autant le faire de front, non? Sinon je serais encore plus une chochotte. »

Fait mine de trinquer et prend finalement la boisson offerte si aimablement par son (maintenant) supérieur (?).

« Je comptais pas faire le tour de la ville en m'exclamant, mais j'avais pas trop envie de le lui cacher non plus. Et je croyais qu'on était là pour ça, poser des questions? »

Mais il commande, parce qu'il a faim quand même (et que c'est payé on lui a dit).

« Merci pour l'offre. »

Parce que n'est-ce pas finalement qu'il lui est un peu redevable? Il allait bien commencer sa vie dans ce nouveau pays, finalement (il l'espérait).

Et si Mars préférait laisser de côté cette affirmation (ne lui viendrait encore à l'idée de trahir déjà un nouvel allié), l'idée restait encore dans on esprit. Ne lui en voudrait-il vraiment pas? Il n'en était pas certain, préférait pourtant ne pas directement poser la question. Il n'était pas encore l'occasion de le faire. C'est le sourire aux lèvres qu'il répond sur le même ton.

« Tu fais en effet bon guide, en effet. » Et il rit un peu, hausse les sourcils, puis les épaules. « J'avais pas l'habitude de m'encombrer de paperasse, au désert. »

Peut-être qu'il disait vrai, Aiden. Peut-être qu'il ne devrait le remercier si tôt, qu'il regretterait, un jour. Mais ce jour là n'était pas encore venu, et puis il ne pourrait lui retirer qu'il lui ôtait une belle épine du pied.

« Peut-être. Plus qu'à espérer qu'il en soit satisfait. »

Même s'il n'en doutait pas trop. Orion n'était pas trop du genre à remettre ses choix en question (il savait gérer sa propre vie, après tout). Alors s'il décidait d'accepter ce job, il en serait certainement satisfait, autant que lui-même.

« Trinquons donc. »

Qu'il lui dit en levant son verre, prêt à discuter avec son nouveau supérieur, le cœur un peu plus léger, maintenant.