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La fusion food ? Très peu pour Gégé. Enfin si, seulement si elle est initiée par les chefs en vogue sur les réseaux sociaux, de préférence de type caucasien qui s'en vont réadapter les recettes traditionnelles de pays non-occidentaux pour les revendre à un prix frôlant le ridicule à des hipsters détestables tels que le Gégé. En soit, peut-être que sur Terre, le fermier aurait pu se laisser tenter par la merguez sushi s'il avait vu Kim K et sa clique siliconnée poser devant cet empire des merguez, sauf que croix de bras, croix de fer : Gégé a juré, il est végétarien désormais (c'est la mode il parait) ! Et pour sûr, ce n'est pas Kim ni même Kourtney qui prendrait un selfie devant cette bicoque, ce serait plutôt Tim, agent de la santé publique sous couverture qui cherche un prétexte pour discrètement enregistrer le numéro de ce stand aussi vide qu'un amphi de fac au premier cours du vendredi matin. D'ailleurs en passant rapidement devant, Gégé se fait la réflexion silencieuse que son pauvre propriétaire ne doit faire son chiffre d'affaires que sur le dos des étudiants éméchés sortant des bars aux heures les plus avancées de la nuit.

Toutefois, ce n'est pas l'avis de Mac, le labrador de la meute qui s'est figé net devant l'échoppe avec des étoiles dans les yeux, comme s'il était le seul sur la grande place à reconnaitre le génie culinaire que constitue la sushi-merguez.
Ou peut-être juste parce que c'est un chien qui vient de se planter devant un océan de saucisses.  

▬ Mac ! Arrête de trainer la patte. Ordonne mollement Gégé après avoir manqué de se prendre les pieds dans la laisse. Il faut dire qu'entre Hard Rock le spitz nain, Columbus le samoyède et Costa le beagle, notre pauvre Gégé local risque à chaque instant sa vie dans ce labyrinthe de brides.
Et le fait que chacun des toutous avance à un rythme différent ne l'aide pas. Hard Rock traine derrière en jappant, peinant à suivre la marche, Columbus veut partir la première en sprint et courir après tous les pigeons et Mac, lui, a tendance à s'arrêter pour dire bonjour à tous les passants. Il n'y a que Costa le plus vieux de la troupe - et sans doute le vrai alpha de la meute, pour marcher tranquillement aux côtés de Gégé et aboyer de temps en temps, intimant aux autres de bien se tenir.

Voilà pourquoi Gégé ne s'aventure que très rarement à la capitale avec toute sa troupe. Pardi, sortir les quatre loubards en laisse dans les rues pavées relève du défi sportif !

Enfin bref, cette fois malgré les ordres de son maître et Hard Rock qui tente de pousser Mac malgré sa toute petite taille, le clébard blond ne bouge pas et jette un regard absolument déchirant au grand manitou détenteur de toutes ces merguez à l'odeur appétissante. Gégé doit revenir sur ses pas et titiller son cabot du bout de sa semelle pour le sortir de sa transe. Ce n'est qu'en relevant les yeux sur ledit objet de la fascination de son bougre de Mac, que l'américain ne découvre enfin la fameuse sushi merguez.

▬ Mais qu'est-ce que c'est que ça encore... Maugrée-t-il en se demandant combien de sensei cuisiniers japonais se feraient hara-kiri si une telle horreur venait à voir le jour dans leur restaurant.

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M-merdich dîtes-vous ? Est-ce du français ou de l'allemand ? Gégé s'apprête à répliquer avec son plus beau « Sprechen Sie deutsch ? » avant de se rappeler qu'en Althea tout le monde parle la même langue et c'est d'ailleurs bien triste parce que savoir baragouiner trois phrases apprises à la va-vite grace à une application sur son téléphone, c'était ce qui le faisait se sentir intelligent !
Non à la place, Gégé regarde avec un air de stupéfaction le vendeur s'accroupir pour parler à Mac comme si Mac allait lui répondre. Est-ce donc ça le nouveau cristal de communication animale ? Est-ce que Mac allait lui dire des choses intéressantes ? Oh il est jaloux d'un coup, peut-être que Mac détient après tout le secret de la vie ! Non pire encore, Mac pourrait lui dire tous ses petits secrets à lui comme le fait que parfois il part au boulot sans se brosser les dents !

Fort heureusement, ce monsieur ne semble pas avoir amorcé de dialogue constructif avec son labrador puisqu'il se relève bien vite pour le saluer, l'appelant même « Maître » et désignant le chien comme son enfant. Et là Gégé se demande encore une ultime fois si ce n'est pas une erreur de traduction de la part de la matrice d'Althea parce que c'est quand même une façon de singulière de s'adresser à un passant promenant ses chiens ! Même s'il doit bien avouer que bon quand même, il traite définitivement ses compagnons canins comme ses bébés sans quoi il ne serait pas en train de céder au premier caprice de l'un d'eux en s'arrêtant devant cet empire des merguez. Mince, finalement ce gars l'a bien cerné !

▬ Hum non je... enfin il n'y a pas de mal. Bredouille-t-il confus tandis que les trois autres lascars canins se rassemblent autour d'eux, l'eau à la bouche parce que si Mac vient quémander il n'y a pas de raisons pour qu'eux n'en fassent pas de même. Ce sont donc quatre paires d'yeux suppliants qui fixent le Gégé avec insistance sous la remarque triomphale du propriétaire du stand qui sait que le poisson a mordu à l'hameçon.

Un soupir s'échappe alors des lèvres du fermier. Vraiment des pigeons comme lui on en fait plus tellement. Toutefois, s'il s'assure qu'il a bien encore son porte-monnaie dans sa poche, il ne compte pas se laisser faire aussi facilement. L'américain fait mine de résister, histoire de sauver l'honneur :

▬ Puis-je vous demander ce qu'il y a dans vos merguez ? Pas sûr que les chiens apprécient la viande trop épicée. Et puis tant qu'à faire... Et d'où vient la viande ?

Parce que ce serait quand même le ponpon si ce type venait à se fournir chez un abattoir autre que celui qui l'emploie !

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Alors que ce brave commerçant était sur le point de commencer à lui réciter son speech, deux des chiens de Gégé sont irrémédiablement attirés par le stand voisin : celui d'un vendeur de croquettes pour canins. Une échoppe probablement plus appropriée au régime alimentaire des quatre compères et que pourtant le caerien n'a même pas remarqué en passant. Il faut dire qu'il ne donne presque jamais de la nourriture industrielle à ses rejetons à quatre pattes : il prépare lui-même leurs repas tous les jours avec les restes de l'abattoir et surtout beaucoup d'amour comme la bonne petite maman exemplaire qu'il est ! Pourquoi s'embêter à acheter des croquettes bourrées de cochonneries quand il suffit de récupérer au boulot les morceaux de viande dont personne ne veut ?

Cependant, le discours du vendeur le laisse pour le moins... pantois. En témoigne la façon dont il ferme brusquement son porte-monnaie avec un regard songeur tout en répétant à voix basse :

▬ De chi... de Chine ? La Chine ce n'est pas un peu loin pour se procurer de la viande ? Ils ont encore des exploitations fermières là-bas ? Et comment importe-t-il depuis la surface ? Lui aimerait beaucoup faire venir du canard laqué... D'ailleurs ne mangent-ils pas du chien là-bas ? Attendez, est-ce que c'est raciste d'associer immédiatement viande chinoise à viande de chiens ?

Heureusement, tout le cheminement de pensées d'un Gégé prêt à se fustiger mentalement pour ne pas avoir déconstruit ses préjugés vis-à-vis de la gastronomie chinoise est interrompu par son interlocuteur qui se corrige de la façon la plus vague au possible alors que Columbus et Hard Rock se mettent à baver devant la vitrine d'à côté. Eux ne semblent pas forcément attirés par l'art subtil et délicat de la merguez.
Gégé est peut-être crédule mais il n'est pas encore complètement idiot. Il sent qu'il y a anguille sous roche et qu'on ne lui dit pas tout. Plutôt que de penser qu'on essaye d'initier ses toutous au cannibalisme, il se dit que ce type doit le prendre pour un patriote et que sûrement cette viande ne vient pas de Caer. Et Gégé est fort curieux de savoir ce qui peut pousser un artisan de la grande ville à importer de la viande d'un autre pays. Alors il insiste :

▬ Ah mais plus précisément ? En tant qu'agriculteur des Sylvestres, je me demande si vous ne seriez pas un client... Vous savez, cela me fait toujours plaisir de voir comment les cuisiniers locaux utilisent les produits régionaux. Un petit sourire aimable pour accompagner la suite de ses propos : Mais ne vous en faites pas, si vous vous fournissez ailleurs qu'à Caer Hrid ce n'est pas moins qui vous jetterait la pierre !

Après tout sans doute que les autres contrées ont leurs propres spécialités. Du chameau du désert aux rennes de Célestia, ce n'est pas le choix qui doit manquait et au moins espère-t-il que là-bas les bêtes sont un peu mieux traitées que celles des grandes fermes industrielles des Sylvestres.

▬ Et sont-elles très épicées vos merguez ? Je crois que les chiens ont le palais sensible pour ce genre de choses.

Palais et surtout intestins. Ce serait vraiment tragique de se retrouver avec quatre chiens avec des gaz. Il est venu en voiture après tout.

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Gégé n'a pas le temps de s'émerveiller du magnifique dessin en persil ou même de se demander si le persil est comestible pour les chiens,  le bruit d'un sac qui tombe attire l'attention de toute la troupe canine et pour cause : l'étal d'un côté - un vendeur de friandises pour chiens qu'il n'avait même pas remarqué, vient de renverser une partie de sa marchandise sur le pavé. Comme pour honorer la règle des cinq secondes, trois des quatre cabots se jettent pour ramasser les croquettes malgré les injonctions de leur maitre :

▬ Columbus, Hard Rock, Costa, au pied ! S'exclame-t-il sans grande conviction puisqu'il sait très bien qu'entre ses ordres et la bouffe, le choix des toutous est vite fait.

Le sac entier aurait pu être englouti en moins d'une trentaine de secondes sans l'intervention providentielle de ce qui s'apparente être un agent de l'ordre. Une demoiselle, l'épée en évidence à la ceinture, intervient et pour courageusement retenir la meute et pour ramasser les croquettes. Gégé s'empresse de l'aider, attrapant le plus petit, Hard Rock et poussant les deux compères restants avec le revers de sa paume et quelques petits « Non mais houste bande de chapardeurs. » jusqu'à ce que le stock de ce pauvre commerçant soit sauvé.

▬ Je suis sincèrement désolé Monsieur. Laissez-moi vous dédommager. Et voilà qu'un premier billet s'envole de son porte-monnaie pour passer entre les mains de ce vendeur trop peu scrupuleux pour refuser.

Reste encore la fameuse histoire de la merguez et de son mystérieux fournisseur de viande. Un mystère que visiblement le fermier n'est pas prêt de percer et peu importe, puisque la délicieuse merguez est gracieusement offerte au labrador, le premier à avoir jeté son dévolu sur ce stand de saucisses.

▬ Oh euh, je non j'insiste vraiment pour vous régler. Soupire-t-il en sortant un billet de 20 caerus et en se demandant si vraiment il n'est pas en train de se faire arnaquer parce que c'est quand même l'une des merguez les plus chères de sa vie. Et tout ça pour un chien. Enfin ses chiens. Car cette fois-ci, Gégé fait s'asseoir les quatre compagnons, découpe la sacro sainte saucisse avec un des couverts en plastique proposés sur le stand et donne un morceau à chacun. Pas de jaloux, chez Gégé tout le monde loge à la même enseigne.

▬ Et merci beaucoup mademoiselle pour votre aide. Lance-t-il en direction du garde.

Ne reste plus qu'à espérer que Monsieur Merguez a de la monnaie. Au revoir son petit salaire d'ouvrier.

Pardon pour le délai