Les mots volaient dans les airs tissant un brouhaha incompréhensible aux oreilles de Gerda. Malheureusement habituée, la jeune femme observait les mouvements des corps et des mains afin de déceler, au sein du langage corporel, des indices sur ce qui se tramait sous ses yeux. Elle aurait été sourde-muette que cela n’aurait guère changé grand chose à sa situation.

Le cercle rouge désigné par Sylvie était assez éloquent pour que Gerda comprenne qu’il désignait la zone à explorer. Le plus dur serait de communiquer (un bien grand mot !) avec ses partenaires du jour : une grande blonde en armure, égérie d’un roman de fantasy et meneuse de troupe au vu de son attitude, un jeune homme aux allures d’apprenti chevalier et un homme d’âge mûr dont l’attitude était bien trop détachée pour être rassurante. Une troupe d’éléments disparates : le meilleur mélange qui soit pour une réussite totale !

Ils semblaient tous se connaître : elle était la pièce rapportée étrangère et son mutisme n’allait sûrement pas l’aider à s’intégrer. Déjà l’apprenti semblait vouloir faire connaissance. De quoi obliger Gerda à chercher les mots (ou plutôt images) pour se faire comprendre. Sa télépathie chatouilla l’esprit de Magdalene.



Il fallait espérer que le message serait assez limpide.

Si les propos de Rosario demeuraient aussi obscurs que le reste de l’escouade (il aurait hurlé dans le langage de Cthulu que cela aurait eu le même sens pour Gerda), sa main tendue, tenant un croissant, était explicite dans son intention.

Accepter de la nourriture, en offrir : un geste simple pour se lier aux autres.

Gerda tendit sa propre main, la seconde se posant sur son coeur : remerciement muette alors qu’une image se posait sur le rebord de l’esprit de Rosario.



En attendant la réponse de Rosario, la Russe se tourna vers Sylvie, levant un index pour attirer son regard.



Une exploration digne de ce nom ne se réalisait pas sans un minimum de risque au tournant.

Sur le papier, cela semblait aussi grandiose qu'une aventure.
Mais lorsque tu observais la troupe, tu ne voyais qu'une muette, qu'un papy gâteau et une excentrique. Magda a tes côtés demeurait jeune, et s'il s'amusait, c'était tant mieux. La mission d'exploration se transforma en petit déjeuner et tu restas un peu à l'écart - comme pudique face à la chaleur que dégageait Rosario.
Ton coeur désirait ardemment se mêler à eux, pour partager peut-être quelque chose de moins solennel, mais ta fierté et ta retenue t'empêcha de faire un pas dans leur direction.

— « Ne trainons pas. »

Un dernier regard vers Gerda, intriguée par son moyen de communiquer, tu t'accroupis ensuite, munie d'une fiole, pour prélever un peu de terre. Les sens aux aguets, tu entendis du bruit non loin de Rosario et posa une main sur ton épée en te relevant, mue d'un automatisme de défense presque alarmant.

En voyant le petit animal, tu poussas un soupire de soulagement. On pouvait même te surprendre à étirer un petit sourire.

— « Petit coquin... »

Attendrie l'espace de quelques instants, tu perdis ton sourire en regardant aux alentours.

— « Que fait un ourson seul ici ? Méfions-nous. Je n'ai pas vraiment envie de tomber sur sa mère. »

Isadora, casseuse d'ambiance professionnelle.