Il fait la moue, Mars, à la remarque de Rosario. Il lève un peu les yeux au ciel, parce qu'il comprend. Il comprend qu'il ait eu le cœur volatile, lui en veut un peu moins, lui en veut encore énormément. Car l'amour a beau ne pas se contrôler, pourquoi ainsi séduire une femme trop dépendante à celui-ci? Cela le dépassait (c'est qu'il est encore jeune, il ne comprend pas).

« Peut-être que ce n'est pas plus mal, que je tienne d'elle. »

Il sourit un peu en coin. C'est qu'il ne l'avouerait pas, mais il a eu du mal à s'avouer ses propres sentiments. Pas seulement pour Orion, mais pour Carmen, pour Azalée, pour ces gens qui lui sont proches aujourd'hui, ce qu'il ne voulait vraiment percevoir. Mais il faut parfois se rendre à l'évidence, lorsque l'éloignement creuse dans la poitrine un manque infaillible.

« J'attends de voir ça. »

Même si la perspective d'un Rosario étalé sur la plage lui semble aussi étrange que ses pâtisseries sont surprenantes. Il l'observe s'arrêter, tourne plus franchement la tête vers lui, observe sa posture. Et il sourit aux questions. Il est bien plus détendu, peut-être qu'il accepte cette situation avec plus d'aisance qu'il ne le pensait. Alors il hausse les épaules. Il n'aurait qu'à avouer une demie vérité à Rosario. Il n'avait pas besoin de savoir qu'il faisait partie de ceux qui avaient volé les Mers du Sud à son royaume.

« J'aide des gens. A en retrouver d'autre, à récupérer des biens, à chercher des informations... Parfois à promener leurs animaux. C'est plus rare, dans le désert, cela dit. Je suis un peu homme à tout faire, finalement. »

Et il comprend ce sentiment, celui de n'avoir su être là au bon moment.

« Ca ne se rattrape pas. Autant se concentrer sur le présent, n'est-ce pas? »

Car il lui propose d'oublier les rancœurs, d'essayer, tout du moins. Il veut faire un effort, il veut laisser la vie couler telle qu'elle est.

Ce n’est certes pas plus mal, mais le Rosario tout fier aurait tout de même préféré le contraire. C’est qu’il aime voir son héritage dans mille visages, milles gestes mainte fois répétés. Il se dit que si la vieillesse le rattrape, ah au moins aura-t-il laisser sa trace ; sous les cœurs brisés et les enfants haineux peut-être bien (un détail dans son immense parcours). Et s’il aperçoit ci et là les manières de Sophia, il espère bien un jour voir apparaitre les siennes. La hyène hausse donc les épaules pour simple réponse.
Ecoute patiemment les faits. Aider les gens ? Voilà là quelque chose que le vieillard n’a pas beaucoup fait dans sa vie, lui qui a bien trop souvent arpenter les violents couloirs de la mafia. S’il s’est toujours trouvé chanceux de ne pas avoir perdu une main en chemin, peut-être aurait-il en effet dû écouter ses fils : prendre sa retraite et se contenter de faire des éclairs au caramel. Ah peut-être alors ne l’aurait-on pas balancé dans ce trou !
Mais Rosario n’a pas la rancune tenace, a fini par en rire maintenant. Au moins pouvait-il se concentrer sur ses rêves.
Il hoche la tête, assez satisfait des activités de Mars sans pourtant en connaître tous les secrets.
« Hm un homme à tout faire… c’est pas mal. Pas mal du tout. » Il est sincère, se fichant bien de voir sa famille à la tête des nations ou au sommet des pyramides. Il n’y avait bien que Lazarus pour forcer ainsi les grands destins. « Tant que tu finis pas en prison pour t’être frotté à plus fort que toi… »
C’est qu’il serait vraiment dommage de voir son tout nouveau fils déjà derrière les barreaux.
Et certes son absence en tant que père ne pourra jamais se rattraper mais tout de même, Rosario bombe le torse et affiche sur plus bel air paternel (du moins d’après lui).
« Si tu veux de moi dans ta vie, je ne compte évidemment pas m’éloigner ne serait-ce que quelques minutes ! »
Il a le visage tout sérieux le pâtissier, mais n’a évidemment pas l’intention d’appliquer ses dires. Ah il n’a pas que ça à faire que de surveiller son gosse à longueur de journée. Malheureusement son humour bancal n’est pas d’accord.

C'est que malgré tout, Mars sourit. Même s'il n'a encore totalement pardonné Rosario, même s'il essaye de garder une rancune dérisoire, il reste cet enfant qui cherche acceptation, Mars. Et Rosario est son père. Rosario a bien le droit d'avoir un avis sur sa vie, et s'il est positif, tant mieux. Il n'aura pas à se justifier et lui dire que, de toute façon, il se fiche bien de ce qu'il pense. Alors il rit un peu et secoue la tête, amusé cependant, plus détendu, aussi. Les rancœurs sont vites oubliées, c'est qu'il n'est pas difficile à calmer, l'Oublié.

« Oh, je me frotte parfois à plus fort que moi, mais je n'ai encore jamais fini en prison. Cela devrait aller... Tant que je ne vais pas à Caer. »

Petit sourire en coin, amusé. Car maintenant, il en rit. Maintenant, il a pris sa revanche sur ce pays qui l'a définitivement banni de ses terres (comme s'il ne l'était pas déjà), en leur volant une partie de territoire. Et malgré une victoire en demi-teinte, cela apaise déjà les tensions de son cœur. Mais le voilà, Mars, qui hausse les sourcils, un peu perplexes.

« Je te vois mal venir vivre au désert juste pour me tenir compagnie. Tu ferais mieux de rester dans ta pâtisserie. Et puis, il va bien falloir nous quitter à la fin de cette journée. »

Et puis, il n'allait pas ramener son père chez Orion avec pour excuse : "désolé, il veut plus me lâcher". Ca, non. Enfin, il reprit, plus calmement.

« Je ne pensais pas que tu aimerais tant les enfants. Mais si tu en as une tonne, ça explique bien les choses... »

Rosario apprécie les moindres sourires, les petites touches de joie qu’il aperçoit ça et là. Il ne sait s’il est déjà pardonné, se pense pourtant sur la bonne voie. En tant que père oh comme il aimerait faire partie de sa vie, une vie dont il ne connaît quasiment rien ; combien de secret dans les recoins ? Lui qui s’est toujours pensé cool et si peu autoritaire, à amuser quand il le fallait, pleurer quand il le fallait. Le vieillard qui n’a jamais rien imposé à sa ribambelle d’enfants, cherchant pourtant toujours à se rapprocher de ceux qu’il a probablement délaissé.
Et Mars semblait ici le plus délaissé de tous.
Rosario renifle, presque amusé.
« Ba, au pire je viendrai te sortir de là ! Que ces muscles servent encore à quelque chose. » Il lève in biceps, tout fier d’avoir gardé un peu de sa musculation. C’est qu’il n’a plus 20 ans, mais tient à se préserver.
Il réfléchit quelques secondes. Vivre au désert ? Hm pourquoi pas, il se fichait bien de savoir ou il allait atterrir durant ses premiers jours à Althéa. N’a jamais eu l’âme bien patriotique, car pour lui seul la famille comptait. Se frotte la barbe, pensif.
« Hm t’as raison, ça serait bête de priver Caer Hrid de mes petits pains. Et puis j’oserais pas te gâcher tes rendez-vous amoureux ! » Petit clin d’œil laissant entrevoir que si, il oserait sans la moindre hésitation.
Sa gigantesque famille créait bien souvent l’étonnement chez les gens, la vieille hyène s’y était faite depuis longtemps.
« J’aime les enfants mais ces choses-là arrivent un peu sans qu’on s’en rende compte. » Il hausse une épaule et prend son air le plus innocent. « C’est pas vraiment de ma faute. »

Mars lève un peu les yeux au ciel lorsqu'il montre ses muscles. Oui, oui, il viendra le faire sortir de force, bien sûr. Autant qu'il se débrouille seul, ça ferait moins de soucis à régler et tout autant d'efficacité (probablement).

« Les super-héros ne vont pas à l'encontre de la justice, tu sais. »

Qu'il taquine. Car, il le sait, finalement, que Rosario n'a rien du super héros. Il irait probablement faire sortir ses enfants à n'importe quel prix, vu comment il en parlait, juste parce que c'est la famille, sans vraiment se soucier de la raison de l'emprisonnement. Peut-être un jour lui expliquerait-il comment il s'est retrouvé interdit définitivement de séjour à Caer Hrid.

« Si tu crois que je ne saurais pas me débarrasser de toi dans ce genre d'occasion... »

Il se demande comment on peut ne pas voir arriver un enfant. Il se demande aussi si cela prouvait un manque quelconque de maturité. Peut-être; il ne le signifia cependant pas. Se contenta d'un commentaire, qui, si l'on cherchait bien, pouvait comprendre ce sous-entendu.

« C'est que laisser les femmes enfanter est si aisé, c'est vrai, une fois que l'on en a profité. Du moment que l'enfant qui naît n'est pas désavantagé dans la vie, je suppose que cela peut aller. »

Rosario un super héros ? La réalité est tout autre, ah il se pense plutôt homme des bas-fonds, seigneurs des magouilles. Si Mars l’avait connu dix ans plus tôt, à donner des ordres à la mafia grecque peut-être n’aurait-il pas prononcé de tels mots. Et pourtant, il ne peut ignorer les apparences d’aujourd’hui : un vieux pâtissier qui vendrait le monde pour sa famille, ah c’est qu’il avait depuis quelques années délaissé sa panoplie de méchant pour endosser le rôle de père, bien trop souvent délaissé à son goût. Alors il en rit Rosario.
« Attend un peu et tu verras que ton père n’a vraiment rien d’un héros ! J’ai toujours préféré les méchants. »
Il ne manquerait plus qu’on lui colle l’étiquette de papa nounours, tout en sourire niais et en guimauve. Rosario avait un minimum de fierté !
Il secoue la tête d’amusement aux paroles suivantes.
« Tu peux fuir gamin, mais jamais assez loin pour te passer de moi. »
C’est qu’il se sait bien collant quand il le désire. Il était simple de taquiner le jeune Oublié, bien plus simple qu’il ne l’aurait pensé.
Et le vieillard n’est pas dupe, les mots cachent milles sous-entendus, milles réprobations. Profiter d’une femme ? Le voilà qui grimace, fronce les sourcils et s’arrête soudainement, très sérieux.
« Que ce soit clair, je n’ai profité de personne et surtout pas de mes compagnes. J’ai beau avoir énormément d’enfants, j’ai fait tout mon possible pour n’en délaisser aucun. » Avait-il réussi ? Après réflexion, peut-être bien moins qu’il l’avait toujours cru. « Je suis désolée que dans ton cas, ça n’est pas été possible. »
S’il avait su pour la grossesse de Sophia, il aurait fait son possible pour participer à la vie de son fils malgré la distance.

Etait-ce ainsi, que Rosario tenait à dire qu'il resterait à ses côtés même s'il le repousse? Il est vrai que, depuis leur dernière rencontre, il ne semble pas porter de quelconque rancœur envers lui. Alors qu'il l'avait tout de même abandonné en plein désert.

« Oh, crois-moi, je suis assez habile pour disparaître. »

Il avait pu en avoir un aperçu, quand il était parti en oiseau l'autre fois. Mais Mars ne pensait pas à cela, se doutait bien que les femmes qu'il a pu épouser (et/ou aimer), il n'avait pris avantage sur elles. Et cela doit bien se voir dans son regard, qui laisse quelques secondes percevoir une légère panique à l'idée qu'il ait pu dire quelque chose d'aussi horrible.

« Ce n'était pas ce que je voulais dire. »

Il se rattrape, regagne de son assurance, essaie de trouver les bons mots après cette légère dégringolade. C'est que Mars veut faire les choses, les faire bien. Et il ne connaît pas assez Rosario pour se permettre ce genre de commentaire.

« Je voulais plutôt dire qu'un accident est vite arrivé, en faisant des enfants. Certains ne doivent pas être désirés, de prime abord. »

Il marque une pause, réfléchit un peu, et puis hausse les épaules. C'est peut-être la première fois, mais il avoue enfin un tord à sa mère, quand il répond calmement :

« Peut-être que Sophia ne voulait simplement pas que ce soit possible. Je pense que si tu t'étais occupé de moi sans pouvoir rendre son amour, elle en aurait été plus malade encore. »

Habile pour disparaître, Rosario n’en doute pas. S’il était d’humeur plus rancunière, peut-être aurait-il rappeler à son fils l’abandon en plein désert. Mais cet épisode est déjà oublié, il n’est pas homme à s’entêter des erreurs du passé.
« Oh je n’en doute pas… »
Espère simplement ne pas avoir à chercher son fils dans les moindres recoins d’Althéa.
La panique dans le regard de l’autre le fait hausser un sourcil. Aurait-il mal compris les propos ? C’est que le sous-entendu était pour lui flagrant, habitué à jouer avec les mots. Il soupire pourtant un peu, retrouvant son sourire amusé de vieille hyène futée.
« Oui je vois. » Mars aurait-il peur de trop le brusquer ? Ah c’est qu’ils ne se connaissaient pas encore bien. Il hausse donc une épaule, fataliste.
« Ba une fois la surprise passée, je trouve ça invraisemblable de ne pas désirer son enfant. Mais j’comprend ton point de vu, le monde est parfois bien pourri. »
Oh qu’il aurait bien voulu adopter tous les petits enfants mal aimés, malheureusement sa famille était déjà assez conséquente comme ça, c’est qu’il n’avait que deux bras et un cœur !
Rosario est bien surpris d’entendre les tords prononcés sur Sophia. Il n’y avait à vrai dire pas pensé jusque-là. Lui aurait-elle sciemment caché sa grosses pour ne pas avoir à supporter son amour changeant ? Tout était possible, le voilà qui réfléchit, un peu soucieux.
« Peut-être, je n’y avait pas pensé… » Il relève la tête dans un grand sourire effronté. « Ou bien elle voulait te garder pour elle seule, ah les femmes ! »

Impossible de ne pas désirer un enfant? Mars en doute. S'il se retrouvait avec l'un d'entre eux entre les bras, non, il ne l'abandonnerait pas. Mais serait-il heureux de l'avoir là, pour autant? Il n'en est pas certain. A dire vrai, il ne saurait même pas s'en occuper. Peut-être que l'envie d'en avoir venait avec l'expérience de s'en occuper (un peu comme avec les animaux?). Enfin, de toute évidence, il éviterait de se fourrer dans ces mauvais draps, car, après tout, être un Oublié ne donnait pas envie d'offrir une vie de ce type à un chérubin.

« Mhm, c'est bien connu, elles veulent tout garder pour elle. »

Il lève les yeux au ciel à cette remarque un peu beauf (il faut se l'avouer), et sent sa légère tension s'effacer. C'est qu'il est si facile de discuter avec Rosario, étonnement, qu'il s'agisse de son père ou non.

« Et t'en as eu combien? Des femmes, je veux dire. C'est que t'avais l'air d'insinuer que tu en avais eu plusieurs. »

Alors que son cœur à lui ne s'était jamais vraiment accroché à qui que ce soit (jusqu'à Althea et ses surprises).

Il est bien content Rosario, de voir l’ambiance s’alléger, son fils rire à ses côtés. Il aurait voulu faire ça avant, bien des années avant. Il a tant à rattraper, tout à demander ; se faire pardonner. Il pense être sur la bonne voie, Mars ne l’aurait-il pas déjà délaissé sinon ?
Il ricane un peu, assez fier d’entendre le gamin continuer dans sa lancé et ne pas s’offusquer des pitreries du père. Car oh il sait bien que d’autres n’ont pas la patience !
Et finalement, la question fatidique. Le vieil homme hausse les épaules, ah c’est qu’il faut bien en passer par là !
« J’ai été marié trois fois. Trois divorces et crois-moi ça ce n’est pas de tout repos ! Mais je ne vais pas me plaindre j’apprécie cette immense famille. »
Il ne ment pas, certaines de ces ex-femmes avaient beau lui en vouloir un peu, Rosario ne faisait plus attention à ces tensions depuis bien longtemps. Ah il lui suffisait simplement de tout faire pour ne pas les croiser.
Il observe la lune, soudain soucieux de l’heure qu’il pouvait bien être. La nuit éternelle de Requiem le laissait tout aussi perplexe qu’émerveillé. Mais à vrai dire, le soleil lui manquait déjà.
« Il se fait tard non ? T’as pas un rendez-vous galant ou quelque chose comme ça ? » Une énième petite tape sur l’épaule de son fils en hochant la tête. « J’vais te laisser mais j’espère te revoir très vite. Promis la prochaine fois je n’oublierai pas mes délicieux croissants. »
Il finit sur un clin d’œil, bien conscient que Mars ne pouvait maintenant plus passer par Caer Hrid et sa petite pâtisserie.