Il n'avait pas fallu de beaucoup de temps et d'énergie pour convaincre le Conseil de te laisser y aller. Fenrir allait surement s'engager le connaissant (surtout quand il s'agissait de sa patrie de coeur) et il était hors de question pour toi de le laisser aller au combat tout seul. Et quand bien même ! Tu n'avais pas passé plus de six ans à t'entrainer et à te perfectionner pour rester cachée pendant la guerre. Tu n'es pas une lâche Isadora, et ce moment tu l'attends depuis trop longtemps. La sueur, l'effort, le sang. Dans cette petite vie tranquille tu te fanes, tu dépéris.
C'est au combat que se tissent les toiles de l'envie (de vivre).

***

Fenrir à tes côtés, Erina aussi. Tu aurais pu être déstabilisée dans un autre contexte ; ton premier amour et l'actuel, réunis. L'autre citoyenne t'est inconnu et tu espères qu'elle ne sera pas une gêne. A vouloir la défendre à tout prix cela pourrait se retourner contre toi. Mourir ici ne te déplairait pas Isadora, tant que c'est pour la victoire et l'honneur. Tant qu'on se souviendra de toi.
Pensée pour Erina alors que tu l'effleures. Tu ne sais pas combien de temps il lui reste et tu la défies d'oser crever à tes yeux abimés par la vue de son corps fatigué.

— « Je passe devant, évidemment. »

L'immense épée dans une main, le bouclier dans l'autre. Tu avais prévenu les autres de rester en retrait le temps de dégager la voie de la première salle. Il fut facile de la traverser, mais la suite s'annonce compliquée.
La voix de votre interlocuteur grésille dans le micro.

— « Entendu. On s'en charge. »

Un transcendé chacun.
Si tu peux t'assurer pouvoir le gérer et Fenrir aussi, tu t'inquiètes pour les deux autres femmes.
Mais soit, d'abord ... !

Tu uses de ton cristal de feu pour enflammer ton épée et la soulèves vers le haut, l'abat froidement sur le corps décharné, sur ce qui n'a plus rien d'un humain.

Est-ce qu’un jour quelqu’un aurait parié que Dorothea participerait activement à une guerre ? Sûrement pas. Elle devait cette improbable expérience à son professeur qu’était Fenrir qui, non content de lui avoir inculqué quelques rudiments, avait décidé de l’embarquer avec elle dans un conflit. Après Dorothea elle-même n’avait nullement refusé, souhaitant, plus que jamais, faire partie de ceux prenant leur vie en main que laisser le temps s’écouler autour d’eux.

La jeune femme avait salué brièvement les autres membres de leur groupe. Fenrir lui avait précisé qui était sa femme. Cette dernière, concentrée sur sa tâche, apparaissait aux yeux de la Canadienne comme une de ces guerrières de fantasy. Elle maniait une épée presque trop grande pour elle avec une force prodigieuse. Pour sûr, elle allait de pair avec Fenrir.

En habitués du champ de bataille, tous deux avaient déjà pris les devants, choisissant chacun leurs cibles.

Concernant Dorothea, ce fut elle qui devint la cible.

Le Transcendé se rua sur lui, interpellé par les cris et l’agitation de ses compères.

Dans un flash lui revint l’image de ce Transcendé qui, au bal, avait bien failli l’épingler au sol. Aujourd’hui elle n’avait pas d’arme blanche pour se défendre. Néanmoins ses cristaux, eux, étaient bel et bien là.

Dorothea plaqua ses deux mains sur le faciès de la créature. Les griffes de cette dernière s’agitèrent autour de son visage. La Canadienne plissa les yeux, espérant qu’aucun de ces attributs n’allait les atteindre. Reculant une de ses mains, Dorothea asséna une claque au Transcendé. Le cristal de force transforma la gifle en celle assénée par un bûcheron.

La créature trébucha avec ce qui semblait être un cri d’étonnement, ou n’était-ce qu’un gargouillis ? Loin de se laisser attendrir, Dorothea demeura campée sur sa position, paumes en avant pour riposter si nécessaire.

— On devrait peut-être tenter d’ouvrir la porte gelée, non ? avisa-t-elle au sein du tohu-bohu qui s’était formé.

Les transcendés sont rapidement vaincus. Tu n'es même pas essoufflée Isadora. Tu remercies du regard et d'un sourire débordant d'honneur tes coéquipiers de mission. Personne n'est tombé au premier combat, c'est encourageant. Tu passes une main sur ton front pour essuyer la sueur et hoches la tête à l'intention d'Erina.

— « Très bien. Je m'en occupe. Pendant ce temps, ... inspectez peut-être ce chapeau. Cela ne me dit rien qui vaille. »

Tu ne toucheras pas à cette chose toi-même. L'idée d'un piège effleure évidemment ton esprit calculateur et méthodique. Les flammes embrasant tes paumes, tu te tournes vers eux. Sincèrement inquiète. Depuis quand montres-tu tes émotions Isa ? Fenrir aura eu raison de toi et de ton sempiternel sang-froid.

— « Faites attention ! S'il vous plait... »

Et tu t'attelles à faire foudre la glace de toute ta puissance, pour libérer la porte de sa prison.

Dorothea sourit, pimpante, face au compliment de son professeur. Cela fait toujours plaisir de voir son petit ego tout rabougri être flatté. Même alors qu’on a les phalanges cabossées d’avoir castagné un Transcendé jusqu’à ce que mort s’ensuive.

Le chapeau abandonné a de quoi intriguer. Est-ce un piège ? Une bombe se cacherait-elle dessous ? Dans le doute, Dorothea déploie son dôme de vent. Il y avait peu de chance qu’il puisse les protéger si une explosion éclatait : à peine repousserait-il quelques éclats, mais la chaleur, elle, pourrait se déverser tout son soûl.

— On devrait rester groupés. C’est trop facile comme début.

Non qu’elle remit en question les talents de ses pairs. Mais abaisser les défenses au premier tour pour mieux sortir l’artillerie plus tard, c’était une potentielle stratégie. Histoire de les mettre en confiance pour mieux les surprendre.

— J’espère juste qu’il ne joue pas au Petit Poucet. Pas envie de finir tout ce périple pour trouver le Maître dans son bain.