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De l'eau, de l'air, du calme et du gel désinfectant pour les mains, c'est tout ce dont aurait idéalement besoin Gégé qui avale de travers sa salive lorsqu'on lui tapote dans le dos. Le pauvre homme se met alors à tousser pendant que la grenouille pas pudique le relève.

▬ Euh (kof kof) oui ça va, (kof kof) merci. Qu'il bredouille entre deux toussotements qui lui font penser qu'il est peut-être temps d'arrêter la clope. D'un signe de tête, le fermier refuse l'eau et secoue ses mains pleines de boue et du liquide visqueux qui recouvre les anguilles. Ne reste plus qu'à espérer que ce ne soit pas venimeux mais comme son.a secouriste du dimanche n'a pas l'air alarmé.e, il se console en se disant qu'il ne doit pas risquer grand chose sinon des démangeaisons.

▬ Pardon, pardon, mes doigts ont glissé. Pauvres anguilles qui ont cru un bref instant retrouver leur liberté. Et d'ailleurs c'est comme l'une d'entre elles qu'il glisse d'entre les bras du.e la scientifique, pas à l'aise avec le contact. L-la maladresse ah ah ! La maladresse et le fait que l'autre se déshabille sans prévenir en plein milieu de la jungle.

Désireux de se rattraper, il reprend la glacière et prend une grande inspiration. Bon maintenant qu'il s'est bien affiché, il ne peut définitivement pas ne pas lui proposer de le.a ramener en voiture.

▬ Moi c'est Gégé. Et toi ? Baissant la tête vers ses avant-bras tout sales, il hausse les épaules et se recule d'un pas. Désolé, je ne te sers pas la pince. J'habite dans les Sylvestres, si t'as besoin et que ton labo est sur le trajet je peux t'y raccompagner. Ma voiture est à côté.

Il est poli mais à l'intérieur de lui-même, il espère qu'i.elle va dire non.

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Parler ? Parler de ? Des anguilles, des cristaux, de la présence de l'homme ou des labos ? C'est un peu soudain mais c'est gentil. Personne ne lui propose de l'écouter ce pauvre Gégé. D'habitude c'est toujours l'inverse. Bon c'est qu'il n'a pas grand chose à raconter le fermier. À part quand il s'agit de causer chiens ou dernière série Caerflix, Gégé reste tout de même un homme de peu de mots.

▬ Merci. A-t-il répété, touché, avant de reprendre la route et que l'épineux sujet de la Vallée soit évoqué. Soupir. C'est avec subtile pointe d'amertume dans la voix qu'il explique : Non je suis caérien. J'y étais avant qu'Alexander ne cède le territoire. Maintenant il est dans l'entre-deux étrange d'un pays qui n'est pas le sien. On le tolère sur la terre qu'il a bâti avec les autres habitants des Sylvestres à la force de ses mains. L'exploitation ouvrière et ses hectares de bâtiments en acier ne sont pas apparus tout seuls.

L'idée de devenir cobaye de labo lui fait hausser un sourcil.

▬ Euuuh... je suppose qu'on peut essayer ? Il a toujours eu du mal à dire non. En particulier lorsqu'on le dévisage avec des étoiles dans les yeux. Ce serait cruel de briser ses rêves. Ça ne marche que si je maintiens un contact physique par contre. Après le blocage s'estompe au bout de 5 minutes environ. Mince ça veut dire qu'il va devoir aller au labo avec l'autre ? C'est pour quoi tes recherches ? La Transcendance ? Car si c'est pour aider au vaccin, Gégé est prêt à devenir un rat de labo les yeux fermés. Gavrila serait fier de lui.

Les deux arrivent bientôt à la clairière où est garé la ranger rover de Gégé. Une bagnole à la carrosserie un peu abimée qui fait pourtant sa fierté (comme pour tous les mâles moyens américains). Ouvrant le coffre, il y dépose la glacière, son matériel et indique du doigt à son.a passager.e la place avant.

▬ Installe-toi et fais pas attention au bordel.

En effet ladite place du passager avant est recouverte d'un gros plaid plein de poils de toutes les couleurs. Sous le siège, pour peu qu'on prenne la peine de fouiller ou qu'on a le malheur de marcher sur un truc qui couine, Félix y trouvera quelques jouets laissés affectueusement par la meute et s'i.elle ouvre le boitier, c'est une avalanche de friandises qui risque de s'écrouler sur ses genoux. Il y a même un sticker « woufmobile » sur le pare brise avant. Quand je vous dis que Gégé est un homme simple avec des passions simples.
Probablement qu'à ce stade-là, le.a biologiste aura compris que le pêcheur est un inconditionnel amoureux des chiens.

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Suite à la théorie de Félix, Gégé ne peut s'empêcher de regarder ses mains d'un air dubitatif, plissant des yeux comme s'il s'attendait à apercevoir de minuscules glandes à travers les pores pourtant invisibles à l'oeil nu de ses empreintes digitales. Il secrète... quoi ? Dis comme ça, ça sonne pas sexy. Il est pris d'une soudaine envie de se laver les mains mais doit encore une fois se contenter du gel anti-bactéries caché dans sa banane.

▬ Bof. C'est juste fatiguant de devoir me justifier à chaque fois que je sors et que je reviens. C'est vrai que dans le fond ça ne l'affecte pas tant que ça. Mais les gens sont quand même mécontents. Surtout depuis que l'exploitation fermière peine à tourner entre les départs des ouvriers caériens et l'arrivée de managers de la Vallée très contestée par ceux qui sont restés. Pas étonnant que ce soit le foutoir.
En fait si ça l'affecte beaucoup. Il fait juste semblant de ne pas s'en soucier. ​Comme il fait semblant de ne pas s'inquiéter des fioles et surtout de la seringue que l'autre sort tranquille de son sac. C'est pas pour lui la piqure si ? Gégé est pourtant vacciné. Il lui semble...

Notre fermier se frotte vigoureusement les mains pour évaporer ce qu'il y reste de solution hydroalcoolique et sursaute presque en voyant son.a interlocuteur.rice se prélever seul.e un échantillon de sang sans prévenir :  

▬ Euh oui j'ai quatre chiens. La seule compagnie dont il a vraiment besoin. Voilà qui explique sans doute pourquoi il n'est pas très à l'aise quand on lui demande à être touché mais ma foi, si ce n'est que les avant-bras... Bon d'accord. Même s'il est un peu déçu de ne pas servir de cobaye pour lutter contre la Transcendance, il s'exécute quand même, pose ses paluches sur Félix, fronce les sourcils dans une grimace concentrée et reste comme ça quelques longues secondes.

Et là rien ne se passe. Absolument rien. Pas d'éclairs, pas d'étincelles, pas d'ondes de choc, seulement quelques chatouillis dans les bras du.de la biologiste. Les cristaux de Gégé ne sont pas vraiment impressionnants. À l'image de leur propriétaire.

▬ Euh bin voilà normalement je t'ai bloqué.e un cristal. Reste à savoir lequel. Il n'ose pas retirer ses mains. Alors par contre fais attention si tu veux l'utiliser maintenant tu vas avoir la migraine.

Vraiment pas de quoi en faire tout un foin si ?

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Une chance pour eux que Gégé n'ait pas encore démarré sa bagnole puisque c'est le genre de phrase qui - cristal de confusion ou pas, aurait pu lui faire lâcher le volant. Parce qu'il faut vraiment être un barbare pour préférer la merguez de chiens au petit déjeuner plutôt qu'un bon porridge au miel ou des tartines de beurre-confiture. L'américain scrute un instant Félix avec un air stupéfait se demandant d'où vient cette soudaine déclaration, puis son cristal de fermeture mentale l'assène d'une légère migraine lui indiquant qu'on essaye de l'embrouiller. Il éclate alors de rire.

▬ Aha bien joué ! Bon je crois que j'ai du te bloquer un autre de tes dons parce que c'est mon cristal de fermeture de l'esprit qui a flairé l'entourloupe ! De sa poche, il sort son holokit et pianote le nom de Félix après avoir sélectionné l'option « créer un nouveau contact », sans prêter attention au.à la biologiste qui range son échantillon. C'est comme si i.elle avait l'habitude de faire ce genre de prélèvements à la va-vite et en fait, il ne préfère pas en savoir plus que ça. Super, tu n'as qu'à entrer ton numéro et t'appeler comme ça tu auras le mien. Déclare-t-il en lui tendant l'appareil avant d'attacher sa ceinture et d'enfin enfourner ses clefs dans le contact de la voiture.

C'est en se retournant pour faire sa marche arrière qu'il répond aux interrogations sur ses toutous :

▬ Je suis quasiment sûr que oui. Je dirais qu'ils ont pour particularité d'être vraiment trop mignons et d'avoir toujours faim mais je crois que ça c'est tous les chiens terriens. J'avais aussi un chat de la Vallée aussi mais je pense qu'il a attrapé la Transcendance. Ça le rend triste d'y penser mais il faut bien qu'il se fasse à l'idée.
La range rover s'engage sans problème sur le sentier de la jungle même si les passagers sont un peu secoués à cause du chemin pas forcément aménagé. Tu me diras quelle sortie il faut prendre. Ajoute-t-il en se demandant s'il est trop tard pour appeler le vétérinaire qui était supposé traiter son chat.

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Quand bien même il essaye de rester concentré sur le sentier comme l'automobiliste prudent qu'il est supposé être, Gégé ne peut s'empêcher de loucher du côté du passager là où son holokit s'est retrouvé en des mains (presque) étrangères. Pourquoi est-il embarrassé ? Ce n'est pas comme s'il était accroché à son holokit et d'ailleurs même en y réfléchissant il n'a pas vraiment de fichiers compromettants dessus. Simplement une collection impressionnante comprenant des centaines de photos de ses chiens en train de dormir dans des positions et des endroits différents. Et peut-être quelques blagues un peu douteuses envoyées à Gavrila.

▬ J'ai la migraine quand quelqu'un essaye de s'introduire dans ma tête. C'est un peu comme une alarme mentale tu vois.  C'est peut-être désagréable mais c'est plutôt très pratique. Il faut bien que le corps ait trouvé une réaction naturelle et à choisir c'est mieux que la nausée ou des saignements du nez.

▬ Oui sautes d'humeur, soudaine agressivité très prononcée, perte de l'appétit. Léthargie par instant aussi. Rebondit-il sur le sujet de son ex-chat. Sans être vétérinaire, il sait que ça aurait pu être un millier d'autres choses mais... Et puis surtout le véto le garde en observation depuis des mois. Observation oui. C'est toujours plus apaisant de penser à cela plutôt que l'euthanasie même si vivre si longtemps enfermé dans une cage c'est triste aussi.

Sur cette pensée quelque peu sinistre, la conversation se tarit. Gégé se focalise sur la route, Félix commence à s'assoupir (ce que le fermier trouve très mignon au passage même si ça lui donne lui-même envie de rejoindre ses draps). Au moment venu, on lui indique tout de même la sortie et il s'engage dedans sans soucis, allumant même la radio pour un air de lo-fi à la mode qui les bercera presque jusqu'à la fin du trajet afin d'être grossièrement interrompue par une rediffusion d'un talk intitulé "Bào de nuit".

▬ Oh non pas lui encore ! Maugrée le conducteur en s'apprêtant plutôt à lancer sa playlist Dolly Parton quand il se rend compte qu'ils sont arrivés devant les grilles d'un grand bâtiment. Oh c'est ici ? Il a déjà arrêté l'engin et étire ses bras par-dessus le volant avant de descendre ouvrir le coffre pour en sortir les affaires du.e la scientifique sans oublier la glacière d'anguilles qu'il lui tend. J'espère qu'on est arrivé.es à temps et que tu ne vas pas devoir passer la nuit en garde à vue. Lui dit-il sans savoir comment le.a saluer proprement. Euh... on se dit à bientôt du coup ? Enfin au téléphone je veux dire !

On voit que Gégé non plus n'a plus l'habitude de donner son numéro. Même si c'est purement pour la science !